Septembre. Où tout commence en beauté.
Mardi 7 septembre, deux heures du mat', dans ma chambre.
J'ai été réveillée par le retour ô combien discret de ma colocataire, Juliet, qui s'en revenait de la première fête étudiante de l'année. Elle avait eu beau me supplier de l'accompagner, j'avais tenu bon (mes mots exacts avaient été : « Je préfère courir nue dans le bâtiment de Théologie que d'aller à une fête des Kappa Alpha Thêta ! » Ce à quoi elle rétorqua sereinement « Ça tombe bien, ce sont les Alpha Pi Omega qui organisent. » Ha ! Comme si ça changeait quoi que ce soit ! Les membres des fraternités sont tous des fils/filles à papa bourrés de fric qui ne pensent qu'à deux choses : remplir leur verre dès qu'il est vide et coucher avec le plus grand nombre de filles/mecs.).
« Lizzy, réveille-toi ! dit-elle en me secouant sans aucun remords. »
« Juuuuuuuuuuuuules, il est deux heures du mat, laisse-moi dormiiiiiiiiiir. »
« Lizzy, je suis amoureuse ! dit-elle alors que je daigne ouvrir les yeux. »
Mouais. Ça fera jamais que la huitième fois cette semaine. Je bâille os-ten-si-ble-ment.
« Je te jure, il est … parfait ! »
La joie exsude de toutes les pores de sa (jolie) peau. Selon Olivia Joules, il y a deux sortes de filles dans la vie : les Salopes Double-Face et les membres de l'Equipe des Filles. Juliet était l'incarnation parfaite de l'Equipe des Filles. Non seulement elle était magnifique, mais elle était aussi terriblement gentille. Un peu naïve certes, genre Veronica Mars pré-meurtre de Lilly. OH MON DIEU . Ça voulait dire qu'elle avait rencontré le Donut ? Pitié, faites que non !
« Il s'appelle Charles, il étudie le droit, il est végétarien, il fait partie de Greenpeace et, en fait, il ressemble à Ryan O'Neal jeune. »
La garce. Elle sait que j'idolâtre Ryan O'Neal. J'aurais tué pour être à la place de Farrah Fawcett. Finalement j'ai pas eu besoin, elle est morte toute seule. RIP Farrah.
« Période Barry Lyndon ou période Oliver Barrett ? je finis par demander. »
« Oliver Barrett, dit-elle avec des étoiles dans les yeux. »
« Tu sais que Jenny meurt à 25 ans d'une leucémie ? »
« Je suis blonde, me rappelle-t-elle calmement. »
« Encore pire, tu es Marcie. »
Elle fronça les sourcils. Personne n'aimait Marcie. A vrai dire, personne n'aimait Oliver's Story.
« Enfin, on déjeune ensemble demain, et ta présence est requise. »
« Non. »
« Si. »
« Non. »
« Si. »
« Non. »
« Si tu ne viens pas, je dis à Clark que tu es folle de lui depuis toujours. »
« Je te déteste, je grommelle avant de me rendormir – pour de bon cette fois-ci. »
7 heures du matin.
Réveil a sonné. Mreugneuf. Pas motivée pour aller en Italien. Jules, encore elle, ouvre la porte de ma chambre avec un grand BANG ! et saute sur mon lit.
« Debout ! hurle-t-elle. Allez, vite ! »
Elle a dormi 5 heures. 5 putain d'heures et elle pète la forme. Mmmmmmmh. Me demande si la coke a quelque chose à voir là-dedans. Quoique. Jules est bien trop honnête pour donner dans l'illégal. C'est le genre de fille qui, quand elle égratigne une voiture, laisse son numéro de portable, son adresse à la fac, celle de ses parents et leur numéro de fixe pour être sûre qu'on va la contacter. Le pire ? C'est qu'elle a beau conduire comme un pied et avoir des tonnes d'accident, elle n'a jamais rien payé. Le mec de l'assurance est fou d'elle et s'arrange pour ne pas déclarer les accidents.
Je me lève en râlant. Jules file dans la salle commune que nous partageons avec, ô joie, deux sportives qui sont visiblement entrées à Harvard grâce à leurs exploits en athlétisme et non grâce à leurs notes. Leur seul sujet de conversation tourne autour de la meilleure façon de placer la perche avant de sauter. Je sais. Pa-ssio-nnant.
Jules brandit une tasse de café sous mon nez. Ah, si elle me prend par les sentiments… Je bois mon café à petites gorgées, en observant Jules s'agiter en cherchant son mascara, son sac, le tout en sous-vêtements. Heureusement qu'on est au deuxième étage. Alors qu'elle se calme, elle se tourne vers moi.
« Lizzy ? demande-t-elle, dangereusement calme. »
« Moui ? »
« Qu'est-ce que tu fais encore en pyjama à 7h32 du matin ? »
Vous aussi, vous sentez la menace latente ? Comme je suis d'humeur généreuse (et beaucoup trop fatiguée pour résister), je laisse Jules choisir ma tenue, me coiffer et me maquiller.
« On a rendez-vous au Harvard Faculty Club à midi, sois à l'heure s'il te plaît, me sermonne-t-elle alors que nous quittons notre chambre. »
« Oui Maman, fis-je en levant les yeux au ciel. »
Harvard Faculty Club ? Hum. On ne pouvait pas aller à la cantine plutôt ?
« Sérieusement, Liz. »
Elle s'arrête au beau milieu des escaliers et me regarde avec un air suppliant. Oh non. Les yeux de chien battu. Quel coup bas.
« D'accord ! Mais il a vraiment intérêt à être le parfait sosie de Ryan O'Neal ! Je déteste tenir la chandelle. »
« Ne t'inquiète pas pour ça, il y aura sa sœur, qui a notre âge, et son meilleur ami. Je les ai rencontrés hier, ils sont sympas. »
Je hausse les épaules avant d'enfourcher mon vélo et de pédaler comme une forcenée vers mon cours d'Italien. Daisy Adair lève la tête de son livre en m'entendant freiner juste devant elle. Elle consulte sa montre.
« Tu t'améliores de jour en jour ma petite Lizzy, déclare-t-elle en refermant son livre d'un coup. »
« Oh, ça va, je fais en levant les yeux au ciel en mettant pied à terre. »
Je pose mon vélo contre le muret. On se dirige vers l'entrée du bâtiment.
« Alors, tu as avancé dans ton devoir sur Dante ? me demande Daisy. »
Je hausse les épaules.
« Toujours pas. Et toi ? »
« Je vais le rendre aujourd'hui. J'y ai passé la moitié de la nuit, mais comme j'ai un exposé en Physique la semaine prochaine, il fallait que je m'avance. »
Je hoche la tête. Daisy et moi avons choisi les mêmes matières : Biochimie, Chimie organique, Biologie moléculaire, et Physique. Il faut souffrir pour devenir médecin, les profs nous le rappellent tous les jours.
On s'assoit côte à côte en attendant Mr DeLuca, qui ne tarde pas à arriver.
« Mesdemoiselles, messieurs, bonjour, annonce-t-il en posant sa sacoche sur son bureau. Après avoir fait l'appel, je vous demanderai de sortir une feuille et un stylo, nous allons nous livrer à une petite activité interactive. »
Une vague d'excitation se fit sentir dans la classe. Mr Allen fit l'appel, puis se tourna vers nous avec un grand sourire.
« Controllo a sorpresa. »
Daisy soupire.
« Miss Adair, puisque vous semblez être la seule à avoir compris, auriez-vous l'amabilité de traduire ? »
« Interrogation surprise, elle murmure. »
« Exactement ! Vous venez d'ors et déjà de gagner un point. Bien, le sujet maintenant, fait-il en distribuant les feuilles. Vous avez une heure. »
Je manque m'étrangler en découvrant un extrait de la Racolta aragonese. Au temps pour mon A de moyenne je pense avant de me mettre à gratter.
Midi 12, en retard.
« Tu es en retard, fait remarquer Jules lorsque j'arrive – enfin ! – au Harvard Faculty Club. »
Elle croise les bras et bat du pied. Jules fera une super mère plus tard.
« Moi aussi je suis contente de te voir Jules, je dis avec un grand sourire. Comment était la socio ? »
Elle lève les yeux au ciel.
« Vraiment, Lizzy ! »
« Quoi ? je proteste alors qu'elle me prend par le bras pour m'entraîner à l'intérieur du bâtiment. C'était une vraie question ! Et je suis encore dans les temps. Ça s'appelle pas le quart d'heure de politesse pour rien ! »
Elle claque sa langue en signe de réprobation.
« Souris, m'ordonne-t-elle avant de pousser la porte d'entrée. »
Un blondinet s'avance aussitôt vers nous.
« Juliet, c'est un plaisir de te revoir. »
Je le scanne instantanément. Ce gars pourrait avoir une pancarte proclamant « WASP ! » au-dessus de la tête, ça serait pareil. Grand, beau, blond, athlétique, avec des traits aristocratiques et un costume bleu marine… Hello Windsor Horne Lockwood III ! En moins psychopathe et ayant résolu son complexe d'Œdipe j'espère.
« Charles, je te présente Elizabeth. Lizzy, Charles. »
Il me fait un sourire éblouissant – le soleil se serait reflété sur ses dents, j'aurais perdu la vue – et me tend la main.
« Enchanté. »
« Moi de même, et, par pitié, appelle-moi Lizzy, je dis en jetant un regard noir à Jules »
« Venez, Zach nous a réservé une super table ! continue Charles avec un enthousiasme débordant. »
Note : à l'avenir, se méfier des gens qui ont l'air aussi proches des présidents des « eating clubs » et des membres des fraternités.
Juliet le suit – ô pauvre créature naïve et innocente – et je me vois contrainte de lui emboîter le pas. Cela dit, je la remercie de m'avoir habillée ce matin, ce qui fait que je ne dépareille pas trop alors que tout le monde autour de moi semble né avec un costume Armani ou une robe Gucci.
Un homme grand et brun et une femme blonde discutent, un verre de vin à la main, en nous regardant nous approcher. Là encore, purs produits des prep schools de la côte Est – non mais regardez son sac ! A lui tout seul, il doit coûter plus cher que toute ma garde-robe ! Louis Vuitton, rien que ça ! Dis donc ma grande, t'es au courant qu'il y a des enfants qui meurent de faim dans le monde et que le montant de ce que tu portes en ce moment avoisine le Pib annuel du Burkina Faso ?
La blonde me regarde de haut en bas avant de hausser un sourcil parfaitement épilé. Je la scanne pareillement. Son blond doré n'est pas naturel, son nez et ses seins non plus. Son maquillage est trop appuyé pour juste une journée de cours, et son sac est hideux, même si c'est un Vuitton.
« Juliet, Lizzy, voici ma demi-sœur, Candice, et mon meilleur ami, Conor d'Arcy. Darce, Candice, voici Juliet Bennet et son amie Lizzy. »
Conor d'Arcy hoche vaguement la tête avant de me serrer la main. Ses yeux bleus glacier rencontrent brièvement les miens avant de vite se poser sur autre chose.
« Lizzy ? Pas de nom de famille ? s'enquiert Candice en me serrant la main. »
« Non, ils ont refusé Génialissime à l'Immigration, je réponds en souriant. Je ne comprends vraiment pas pourquoi, j'ajoute en fronçant les sourcils. »
Candice me regarde avec un air de pitié et se tourne aussitôt vers Conor d'Arcy. Je sens que ce déjeuner va être trèèèèèèèèèès long.
Plus tard, au cours de ce déjeuner qui n'en finit pas
« Alors Lizzy, qu'est-ce que tu as pris comme majeure ? me demande gentiment Charles. »
« Je suis en pré-méd, je réponds. »
« Vraiment ? s'étonne-t-il. T'as déjà choisi ta spécialité ? »
« Non, pas encore. J'ai le temps tu sais. »
« Je ne comprendrais jamais ce qui peut motiver une femme à devenir médecin intervint Candice. Tout ce sang, quelle horreur ! fait-elle en frissonnant de dégoût. »
Je hausse les sourcils, envisage de balancer une remarque sarcastique mais comme ce sont des inconnus, je m'abstiens.
« Tu n'as qu'à poser la question à Lizzy, rétorque son frère avec un sourire. Hein, qu'est-ce qui te motive ? »
« Le salaire, je réponds avec un sourire en coin. »
Le problème avec les inconnus, c'est que je ne peux pas me permettre d'être aussi sardonique qu'en temps normal, parce qu'ils risqueraient de mal le prendre. Tout le monde n'est pas fan de l'humour à froid.
Charles éclate de rire, Candice me regarde comme si j'étais une merde sur ses Manolo Blahnik, et d'Arcy – que je ne parviens pas à appeler par son prénom. Désolée, il n'a vraiment pas une tête de Conor. Les Conor, c'est jovial et gentil et ça a un méga accent irlandais – esquisse un petit sourire.
La conversation dévie sur Jules, sa vie, ses ambitions etc etc. Je retiens un bâillement. Ce n'est pas que le sujet ne m'intéresse pas – Jules est ma meilleure amie, je l'échangerais volontiers contre n'importe laquelle de mes propres sœurs. C'est juste que je connais Jules depuis qu'on est nées, ou presque, et que je la connais par cœur. Je n'ai donc pas besoin de m'intéresser à la conversation.
« Donc tu es fille unique ? demande Candice. Veinarde ! dit-elle en jetant un regard torve à son frère, qui a l'air de plutôt bien le prendre. »
Jules la gratifie d'un doux sourire.
« J'ai toujours rêvé d'avoir des frères et sœurs. Mais ensuite j'allais chez Lizzy et ça me vaccinait. »
« T'as combien de frères et sœurs ? me demande Charles. »
« Trop. »
« Mais encore ? demande d'Arcy intervenant dans la conversation pour la première fois depuis une bonne demi-heure. »
« 4. Un frère, trois sœurs, dont des jumelles maléfiques en plein dans l'âge ingrat. »
« Ça fait beaucoup, commente Candice d'un ton hautain. Moi je n'en aurais jamais autant. »
Prions pour qu'elle s'abstienne même carrément. Les pauvres gosses. Ils ne méritent pas ça.
« C'est bien pourtant les grandes familles, commente d'Arcy. »
« Ça, c'est tes gènes irlandais qui parlent, le taquine Charles. Mais avant d'avoir des enfants Darce, il faudrait peut-être que tu trouves la fille. »
Candice lui lance un sourire éclatant. Et ben en voilà au moins une qui ne cache pas ses ambitions. Mais comme il ne t'accorde pas la moindre attention, tu vas bien galérer ta race ma grande.
D'Arcy hausse les épaules et relance la conversation sur un projet de loi au Sénat truc bidule machin chouette, droits des homosexuels loi de finance, que sais-je encore ?
Encore plus tard, déjeuner n'en finissant toujours pas
Le déjeuner s'éternise, et je maudis le fait de ne pas avoir de cours avant 15 heures, donc pas d'excuses pour me tirer.
Je crois qu'à un moment, comme Candice a mentionné qu'elle étudiait la littérature britannique, je me suis disputée avec elle sur les mérites respectifs des Brontë et de Jane Austen, elle soutenant les Brontë et moi Austen, mais ça reste très flou dans ma mémoire. Il est aussi possible que je l'ai traitée de connasse – enfin, c'est même certain, mais il reste à déterminer si je l'ai fait à voix haute ou non, parce que tout se mélange dans ma tête et que je suis incapable de remettre les évènements dans l'ordre (en gros, j'ai l'impression d'être bourrée sans avoir bu.).
Mais, comme toute chose a une fin (sauf le boudin qui en a deux. MERCI James pour cette remarque ô combien spirituelle qui restera gravée dans ma mémoire jusqu'à la fin de ma vie. Les grands frères sont la onzième plaie d'Egypte), ce repas se termine enfin, après d'innommables souffrances de ma part. Jules, elle, est monopolisée par Charles – que j'ai automatiquement rebaptisé Chuck.
Nous sortons du Club, et je me rends compte que j'ai oublié mon manteau à l'intérieur. Je retourne donc dans la salle à manger le récupérer avant de regagner le perron.
« … aurais pu faire un effort ! reproche Chuck à son meilleur ami. Tu ne leur as quasiment pas parlé de tout le repas. »
« Il n'y a que toi pour t'embêter avec les seniors, répond d'Arcy en glissant ses mains dans ses poches. Je n'ai absolument rien à leur dire. Mais je te concède que Juliet est très jolie. »
« Lizzy aussi Darce. »
« Elle est passable, mais certainement pas assez jolie pour m'intéresser. »
NON MAIS JE REVE ! Pour qui il se prend celui-là. Môssieur ne sort qu'avec des mannequins ? Grand bien lui fasse ! Moi au moins j'ai quelque chose dans la tête.
Chuck soupire.
« Tu es incorrigible, commente-t-il. Tu finiras marié à quelqu'un comme Candice, et c'est tout ce que tu mérites pour être aussi intraitable. »
Chuck vient de monter de vingt points dans mon estime. La tête haute, je passe devant eux, accordant un signe de tête à Chuck et ignorant complètement d'Arcy.
« Je crois qu'elle t'a entendu Darce, commente Chuck alors que je tourne dans Prospect Avenue. »
Mercredi 8 septembre, dix heures, dans une salle de classe vide
Vous saviez qu'il y avait un groupe Facebook appelé « Je déteste Conor d'Arcy ! » ? Et ce n'est même pas moi qui l'ai créé ! Et comme il comporte plus de cent membres, je me sens tout à coup soutenue dans ma croisade anti-d'Arcy.
J'hésite. Je rejoins ce groupe ou pas ? Pour : c'est un connard arrogant incapable de tenir sa langue. Contre : à part dire que j'étais « passable », ce que je savais déjà même si ce n'est jamais agréable de l'entendre, il n'a rien fait.
Daisy se penche sur mon ordi.
« Et moi qui croyais que tu bossais sur ta biologie ! s'exclame-t-elle en riant. C'est Conor d'Arcy ? LE Conor d'Arcy ? »
Je hausse les épaules.
« J'imagine. »
« Il est hypra sexy, commente-t-elle. J'ose même pas imaginer à quoi il doit ressembler torse nu. Qu'est-ce qu'il t'a fait pour que tu songes à rejoindre un groupe contre lui ? »
« Il a dit que j'étais « passable ». Et c'est un futur avocat. Et c'est aussi un connard arrogant, dédaigneux, et condescendant. »
Daisy haussa un sourcil.
« Chérie, s'il y a bien une règle universelle dans ce bas monde, c'est qu'on pardonne tout aux beaux mecs. Pourquoi est-ce que tu crois que Hugh Grant ne s'est pas fait blacklisté après son aventure avec une prostituée sur Sunset Boulevard ? »
« J'avoue que je n'y ai jamais pensé, je réplique, sarcastique. »
« Non, mais sérieusement, ne rejoins pas ce groupe. Si ça se trouve, il va attaquer Facebook en justice pour diffamation et faire condamner les adhérents au groupe. Et là, tu seras dans la merde, conclut-elle avant de se replonger dans son manuel de chimie organique. »
Pas faux. Avec un soupir, je quitte Facebook avant d'ouvrir mon livre de cours et de commencer mes exercices de physique.
Mercredi 15 septembre. Beaucoup trop tôt dans la journée.
Je me réveille tôt. N'ayant pas cours avant 10 heures, je décide de me rendormir. Sauf que Brittany, l'une de nos colocataires de salle commune, a décidé que 7 heures du matin était l'heure idéale pour faire de l'aérobic. Cindy Lauper est donc en train de l'encourager à lancer sa jambe plus haut, le son de la télé à fond. Jules grogne du fond de son lit. Après 5 minutes, exaspérée, je me lève, mets un CD dans la chaîne hi-fi et monte progressivement le son jusqu'à ce que « L'Italiano » résonne dans tout le bâtiment. Jules enfouit la tête dans sa couette. Je me mets à danser partout dans la chambre.
Brittany, en rage, entre dans la chambre et hurle quelque chose, que je n'entends pas.
« Lasciatemi cantare, con la chitarra in mano, je chante en remuant du popotin, debout sur mon lit. »
Brittany débranche la chaîne. Je continue à chanter et à danser.
« Il y en a qui essayent de bosser ici ! lance-t-elle. »
« Et moi j'essaye de dormir ! je réplique. T'as pas besoin du son pour faire des étirements. »
Elle me lance un regard noir avant de sortir.
Jules me balance un oreiller. Ha ! Trop loin d'un bon mètre ! J'entame une petite danse de la victoire… et me casse lamentablement la gueule en me prenant les pieds dans un drap qui traînait là.
Pas mon jour.
Jeudi 23 septembre, encore trop tôt dans le journée
Les deux casse-bonbons étant ENFIN parties, après m'avoir fait chier pendant 20 minutes en se disputant pour savoir laquelle des deux avait perdu le plus de poids, je sors de la chambre pour aller prendre mon premier café de la journée. Mais attention, pas la lavasse que boivent la plupart de mes compatriotes, un vrai ristretto italien, qui vous réveille en trois minutes et vous donne la pêche pour allez, quatre heures de Bioch' au moins.
Jules émerge quelques minutes plus tard, et s'affale sur le canapé.
« Je suis fatigué-é-é-ée bâille-t-elle. »
« Epargne-moi les détails de ta vie sexuelle tu veux ? je grimace. »
Elle rougit furieusement.
« Lizzy ! proteste-t-elle. Ce n'est pas ça ! Charles m'a emmenée à New York hier et forcément, on est revenus tard. Mais il ne s'est rien passé ajoute-t-elle précipitamment. Ça ne fait que quatre fois que l'on sort vraiment ensemble, et puis je ne me sens pas encore prête à franchir ce pas-là. »
Parfois, j'ai l'impression que Jules sort tout droit de Sept à la maison.
« Que quatre fois ? je relève. »
Sérieusement, je ne me souviens même pas à quand remonte la dernière fois que je suis sortie quatre fois avec le même mec. Jules me regarde, gênée.
« Oui, mais, il ne tente rien non plus, tu vois ? »
Oh Seigneur. Je vais devoir jouer les conseillères matrimoniales. Je soupire.
« Vous vous êtes embrassés ? »
Hochement de tête.
« Avec la langue ? »
Nouveau hochement de tête.
« Tu es déjà allée chez lui ? »
Hochement de tête.
« Vous avez fini la soirée sur le canapé à vous peloter ? »
Hochement de tête assorti d'un joli rougissement.
« Alors où est le problème ? Visiblement tu lui plais. Il a peut-être décidé d'être un gentleman et ne pas insister. »
Elle haussa les épaules, pensive.
« Et puis, tu sais, ce n'est jamais que du sexe,j'ajoute avec un sourire narquois. »
« Lizzy ! hurle-t-elle en rougissant de plus belle. »
Sept à la maison, définitivement. Désormais, Jules est officiellement rebaptisée Lucy Camden.
Lundi 27 septembre, après une journée de merde (Garfield a raison. Mort aux lundis)
Je rentre dans la salle commune. Jules et Charles sont assis sur le canapé, en train de regarder la télé serrés l'un contre l'autre.
« Chuck, Lucy, je les salue de la tête. »
Charles fronça les sourcils.
« Autant je comprends Chuck, autant le Lucy, je ne vois pas du tout. »
Je souris. Ah, quelles âmes innocentes… ils se sont bien trouvés tiens.
« C'est pas grave. Elle, elle comprend. »
Jules me lance un regard noir et marmonne que jamais au grand jamais elle ne deviendra pasteur.
« Haha ! je fais en pointant un doigt accusateur vers elle. Je savais que tu regardais Sept à la maison! Daisy me doit 10 dollars ! »
Je fais une petite danse de la victoire improvisée. Charles se met à rire. Jules secoue la tête.
« Ton frère a appelé, dit-elle. Il avait l'air en colère. »
« On parie qu'il a passé le week-end à la maison ? je dis à personne en particulier. »
J'appuie sur le 1 du téléphone. Jules éteint la télé et se tourne avidement vers moi.
« Ils sont géniaux, dit-elle à Charles alors que le téléphone compose le numéro de mon frère. C'est un peu comme mon soap opéra personnel. Mets sur haut-parleur Lizzy ! »
J'obéis. James décroche aussitôt.
« Je vais la tuer, annonce-t-il sans préambule. »
« Salut Jim. Moi aussi je vais bien, merci de demander. Et tu ne vas pas la tuer. Tu l'aimes. »
« Je ne vois pas pourquoi, sous prétexte qu'on fait partie de la même famille, je devrais l'aimer. »
« La réponse est dans la question Jimbo. D'ailleurs, je te conseille de faire attention, tu as trois témoins potentiels qui pourront t'accabler lors du procès pour meurtre. »
« Salut Jules, fait-il. Ça va ? »
« Salut Jim, répond-elle joyeusement. »
« Il y a qui avec Jules ? »
« Chuck. Son PA. »
« PA ? demande-t-il. »
Je soupire.
« Petit ami. Suis un peu Jimmy ! Alors, qu'est-ce qu'elle a fait cette fois ? »
« Elle m'a forcée à venir ce week-end. »
Je souris. Bingo !
« Je te jure, j'ai cru que j'allais la tuer avant dimanche soir. Tu aurais dû voir la façon dont elle s'est comportée avec moi ! Et avec les filles ! »
« Allez Jim, c'est pas nouveau. Tu as vécu 18 ans dans cette maison, tu n'as pas pu déjà oublier comment c'était, si ? »
« Elle n'était pas aussi chiante quand on y vivait Lizzy. Même Papa dit que c'est de pire en pire. Tout ce qu'elle a trouvé à me demander, alors que ça faisait trois mois que je ne l'avais pas vue, que j'avais pendant ce temps-là visité l'Europe, trouvé un job bien payé et intéressant, un appartement dans le centre-ville et pas trop cher, c'est si j'avais enfin une copine. »
Je hausse les sourcils.
« Jimmy Jazz, ça me paraît bizarrement beaucoup, beaucoup trop sobre pour être du Maman. »
« Et bien, si tu veux vraiment savoir, quand elle a ouvert la porte, elle m'a demandé quand est-ce que j'allais enfin me marier et pourquoi, pourquoi, pourquoi, au nom du Ciel, de Jésus, Marie, Joseph et de tous les apôtres est-ce que je n'avais pas amené mon amie avec moi. »
« Quelle amie ? je demande. »
« Exactement ! J'ai vaguement songé à faire demi-tour et à fuir dans un endroit où elle ne pourrait jamais me retrouver … »
« Tu veux dire, dans une bibliothèque ? je demande, sarcastique. »
« Tais-toi, je parle, m'ordonne-t-il. Bref, je reprends, … mais elle m'a attrapé par le bras et m'a attiré à l'intérieur, et Papa avait l'air tellement content de me voir que j'ai supporté le babillage de notre mère pendant tout un putain de week-end pour lui faire plaisir ! Je vais la tuer, conclut-il. »
« Quoi, tu t'attendais à ce que Maman ait changé en trois mois ? Sois réaliste Jimmy Jazz. Elle ne changera jamais. T'as qu'à lui dire que tu es gay, avec un peu de chances elle te reniera. »
Il se met à rire.
« Comme si ça pouvait arriver, tu te rappelles, je suis le fils aîné, celui qui doit transmettre le nom des Taylor et contaminer toute l'humanité avec ses gènes. »
« Taylor ? s'exclame Charles en me regardant. Tu… tu t'appelles Elizabeth TAYLOR ? »
Et il explose de rire.
Yep. L'histoire de ma vie les gens.