Auteur : Crazyitachi-la-malade-de-Shaka

Note importante : Cette histoire comporte du SPOIL ! Ceux qui en sont aux tomes écrits, vous êtes prévenus!

Date de publication : 2011


CHAPITRE 1

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle…

Plus de pouvoirs.

Ichigo se leva sans grand entrain. Aujourd'hui, encore une réunion pour l'orientation, ce qu'ils voulaient faire après leur dernière année, quelle université intégrer. Quelque chose de barbant quoi. Et en plus de la réunion, cours de japonais, cours de science. Pas histoire aujourd'hui, tant mieux, il n'aimait plus vraiment. Ou si ! Il avisa son agenda. En fait, il y n'y avait pas maths mais histoire justement. Japonais et histoire. Deux matières qu'il n'aimait plus vraiment.

Il s'habilla rapidement et descendit prendre son petit-déjeuner. Ses sœurs étaient déjà prêtes, impatientes d'aller à l'école. Oh, il pouvait les comprendre. Il pouvait. Il mangea rapidement et quitta la maison, marchant tranquillement. Quelques minutes plus tard, il franchissait la porte de sa classe en même temps que la sonnerie retentissait.

Le professeur de japonais, une jeune femme, entra dans la salle. Tout le monde se leva et le brouhaha mit un instant avant de diminuer jusqu'à se réduire à un murmure de fond. Ichigo se rassit, silencieux. De sa place à côté de la fenêtre, il pouvait regarder le ciel. Ses yeux se perdirent dans l'immensité bleue. Elle lui rappelait les cheveux de… Il soupira et détourna les yeux.

La prof parlait des formules archaïques de la langue. Un des élèves s'était cru malin à vouloir utiliser des vieilles formules soutenues. Ichigo sourit tristement. Qu'aurait dit l'autre noble ? Il parlait exactement comme ça. Ichigo détourna le regard et tomba sur un graffiti sur sa table. Un truc ressemblant à un chappy. Il serra discrètement le poing et regarda à sa droite son voisin. Il se moquait de son meilleur ami aux formules vieillottes. Ichigo tiqua sur sa main. Il s'était dessiné des signes tribaux à l'encre noire dessus.

Comment faire pour se concentrer dans ces conditions ?

« Kurosaki ! Vous m'écoutez ?

-Pardon, Madame.

-Lisez donc le texte, s'il vous plaît. »

Le jeune homme acquiesça et, une fois la lecture terminée, il replongea dans ses pensées. Il se mordit la lèvre, douloureusement. Deux ans. Depuis deux ans que ça durait. Regretter. Tout regretter. Ne faire que regretter. Tout ce qu'il avait perdu.

Ses pouvoirs

Zangetsu et Shiro

CCC

La journée s'écoula comme n'importe quelle autre journée depuis deux ans. Calme, sans histoires, sans actions, juste les regrets, encore et toujours. Quand il pleuvait, Ichigo était triste, mais maintenant, quand il regardait le ciel d'un bleu éclatant, presque irréaliste, il se surprenait à regretter le Hueco Mondo.

Un jour, il en viendrait presque à se dire que c'était marrant de se battre contre Aizen. Que ça aurait pu être marrant s'il n'avait pas dû y perdre ses pouvoirs.

Il quitta le lycée avec ses amis. Ils allèrent même faire un tour dans les salles d'arcade, histoire de s'amuser un peu. Et Ichigo s'amusait. Oui, tant qu'il s'occupait l'esprit, il n'y pensait pas. Il ne pensait pas à tout ça. Parfois, quand il voyait Ishida les quitter en coup de vent, il comprenait qu'un hollow attaquait. Et il le regardait partir en se disant que ça lui manquait.

Ils restèrent à jouer dans la salle d'arcade un long moment. Et après, ils allèrent même au fast-food du coin manger un petit truc. Le lendemain, il y avait un contrôle, mais ils s'en fichaient tous un peu.

De l'extérieur, l'ambiance était bonne, il n'y avait aucun doute. Les amis riaient bruyamment, plaisantait, se lançaient parfois des piques pleines d'humour… Même Ichigo semblait heureux. Leur vie était comme ils l'avaient toujours souhaité. Calme. Il n'y avait presque pas de hollow pour leur faire de mal, pas de dangers autres que les racailles de Karakura. Ichigo aimait ce côté-ci de cette nouvelle vie. Il pouvait s'occuper de sa famille à plein temps, s'amuser sans trop de soucis.

C'était ce pourquoi il s'était battu. Il ne s'était pas tellement battu pour se faire plaisir. Il s'avouait qu'il prenait parfois beaucoup de plaisir à affronter un ennemi jusqu'à la mort, mais il n'avait jamais combattu juste pour ça. Il s'était battu pour ses amis, pour sa ville.

Pour la paix.

Et il l'avait.

Ichigo se demandait parfois si ce qu'il vivait n'était pas un rêve. Si toutes ces histoires de hollows n'avaient pas été le fruit de son imagination. Mais il se rendait compte bien vite que cette hypothèse pourtant si douce et apaisante n'était que fiction. La douleur était réelle. Le passé était réel.

« Qu'est-ce que c'est bien de plus s'inquiéter à cause de ces hollows ! » s'exclama Inoue.

Les différents convives la regardèrent. Ils étaient à une table de fast-food, une boisson ou un casse-croûte à la main.

« J'ai vraiment eu la trouille de ma vie… murmura Tatsuki. Il était effrayant ce type, hein ?

-C'est Aizen, hein Ichigo ?

-Oui, c'est son nom.

-Il est mort ?

-Non, mais emprisonné. Coupa Chad.

-Oh… En tous cas, heureusement, comme ça on a la paix !

-Toutes ces histoires de shinigamis c'est trop fou ! » renchérit Keigo.

Ichigo se redressa d'un bond, sentant la colère l'irradier. Il avait tout sacrifié pour eux, pour ces gens qui se baladaient tranquillement. Il avait perdu une partie de lui pour les sauver et eux ! Eux ! Ils parlaient de ça comme s'il était normal que les choses soient ainsi ! Mais non ! Non !

Le jeune homme ne fit pas attention au froid qu'il avait répandu et s'éclipsa sans un mot. Il voulait hurler, crier. Un peu plus, il aurait souhaité revenir en arrière et trouver un autre moyen de tuer Aizen. Un moyen où il aurait encore ses pouvoirs. Mais pour le moment, il avait besoin de passer sa colère.

Ichigo traversa les rues bondées sans se soucier de bousculer les passants. Il marcha à un rythme soutenu pendant un long moment et finit par ralentir l'allure, son endurance s'amenuisant. Il releva la tête et remarqua qu'il était arrivé à la rivière de son enfance.

Il se sentit submergé par une vague de douceur. De la nostalgie ? Il n'en savait rien. Il s'assit au bord de l'eau et ne dit rien. Depuis le temps qu'il rêvait de laisser exploser sa colère… Il les avait tous sauvés, tous. Et sans même réfléchir aux conséquences de son acte altruiste. Pour eux, il les avait tués. Eux deux, les sources de son pouvoir.

Il les avait tués pour eux. Et eux ne le remerciaient même pas.

Plutôt que de se mettre à nouveau en colère, Ichigo ferma les yeux. Il sentait, au fond de lui, quelque chose d'apaisant. Il se laissa bercer par ce sentiment et le bruit de l'eau.

Il ne voulait pas qu'on lui érige des statues pour son acte, c'était normal pour lui de protéger ceux qu'il aimait. Il n'aurait, à la rigueur, désiré qu'un merci. Mais ce qui lui faisait le plus mal, ce qui le blessait, c'était de se dire que personne, oui, personne ne l'aidait à retrouver ses pouvoirs. Personne ne comprenait qu'il avait dû tuer ceux auxquels il tenait le plus au monde. Il l'avait tué. Il avait tué Shiro pour eux. Et eux, ils ne l'aidaient même pas à le retrouver. Même pas.

Le jeune homme s'allongea dans l'herbe. Elle n'était pas humide et le temps était chaud. La soirée d'été commençait. Il ferma les yeux et se laissa aller à somnoler. Après tout, il sentait au fond de lui que ça lui ferait du bien.

Sans même qu'il ne s'en rende compte, il s'endormit. Et durant ce sommeil, Ichigo fit un rêve. Un rêve étrange. Quand il y repensait, il avait l'image d'un lieu plein de brume, de mystère et de fantômes. Quelque chose de mystérieux, oui. Il avait vite reconnu l'endroit.

Le bord de l'eau, la rivière, la pluie et… la petite fille tout au bord.

Ichigo crispa les poings. C'était l'appât dont s'était servi Grand Fisher pour l'attirer et conduire sa mère à sa perte. Le jeune homme sentit une vague de colère et de douleur l'envahir, mais, avant même qu'il ne réagisse, il distingua une autre forme.

La petite fille changeait d'apparence. Dans les volutes de brouillard, il distingua une silhouette blanche, courbée. Ichigo fit un pas, incertain, il leva la tête en sentant une goutte échouer sur sa tête. Bientôt, il pleuvait. Ichigo voulut s'approcher. Il était presque sûr que la silhouette était celle de Shiro. Il ne connaissait pas tellement de personne avec les mêmes cheveux courts, blancs et vêtu d'un uniforme de shinigami de la même couleur.

Le lycéen fit un pas, mais il ne se rapprocha pas. Il ne comprit pas, mais il recommença. Il marchait vers Shiro, courait presque. Il mourait d'envie de lui parler, de toucher son épaule. La dernière fois qu'il l'avait vu, il avait un sourire si triste au bord des lèvres. Comme si lui donner son pouvoir…

« Shiro ! »

Ichigo appelait son double, mais il ne répondait pas. Il ne cillait même pas. Pourtant, il faisait du bruit à courir ainsi. La pluie couvrait-elle donc trop ses pas ?

« Shiro ! »

Le jeune homme trébucha et heurta le sol. A genoux, il allait se relever de suite quand une voix le figea. Elle était emplie de mélancolie. Si douloureuse et si triste que le jeune homme en eut les larmes aux yeux. Il ouvrit la bouche mais demeura silencieux en entendant la voix de Shiro.

« Mon roi… Tu me manques tellement… »

Ichigo restait immobile. La pluie le glaçait, le trempait jusqu'à l'os. Ses mèches de cheveux tombaient sur son visage, plaquées. Et sans même vraiment le réaliser, il se mit à pleurer. De tristesse parce que Shiro avait l'air de souffrir, mais aussi de rage parce qu'il était impuissant.

« Shiro ! Je suis là, Shiro ! Retourne-toi, je suis là ! Shiro ! »

Le jeune homme ne pouvait toujours voir que le dos blanc. Shiro ne l'entendait pas.

« Majesté… Pourquoi tu m'as fait ça ?... Je t'aimais, moi… »

Ichigo se prit la tête dans les mains et se mit à crier. Lui aussi il aimait son hollow ! Après tant de temps à se haïr, à s'effrayer, il avait compris ! Si Shiro était ainsi, c'était pour le stimuler. Parce qu'Ichigo ne donnait le meilleur de lui que quand il était acculé. Il avait compris à quel point Shiro était important, à quel point ils étaient liés.

« Shiro ! Ecoute-moi, je t'en prie ! Shiro ! Je ne t'abandonnerai pas ! Shiro ! »

Le jeune homme se réveilla tout à coup. Il ouvrit simplement les yeux, une goutte d'eau sur son front l'avait réveillé. Il darda son regard sur le ciel. Il était noir, prêt à exploser en larmes. Ichigo le regarda d'un œil absent.

« Shiro… Je suis là… Je suis là… Mais toi… ?»

Ichigo se redressa, se moquant des petites gouttes qui se mettaient à tomber. Il posa sa main sur son cœur. Il eut soudain un immense espoir. Son regard s'alluma d'un feu presque éteint. Est-ce que ce rêve était une sorte de vision de son monde intérieur ? Est-ce que Shiro était là, caché, à l'attendre ? Est-ce qu'il l'appelait désespérément comme au tout début ? Quand Ichigo n'arrivait pas encore à entendre la voix de son zanpakuto… Est-ce que c'était la même chose ?

Shiro était bien là, mais c'était lui qui ne l'écoutait pas ! Ichigo se concentra, essayant de se souvenir comment il avait entendu le nom de son arme pour la première fois. C'était en plein combat. Il lui serait dur dans son état de pouvoir pousser ses forces assez loin. Le seul qui avait encore de la force, c'était bien Shiro.

Malgré le détail négatif, Ichigo ne se laissa pas démonter. Il fit abstraction de la légère pluie qui tombait et ferma les yeux, silencieux. Il essayait d'entrer dans son monde intérieur mais l'essai ne s'avéra pas du tout concluant.

« Shiro, écoute-moi… Si tu m'appelles, je ne t'entends pas, crie. Crie plus fort, je veux t'entendre… Crie après moi, je t'écoute… »

Ichigo n'eut aucune réponse. Evidemment, cela ne pouvait se faire en une seconde. Il chercha à rassembler toute sa concentration, tentant vainement d'entendre la voix ricanante du hollow au fond de lui.

En vain.

Les épaules du jeune s'affaissèrent. Il secoua la tête, triste et déçu. Comment pouvait-il faire ? Il lui fallait trouver un moyen de se faire entendre. Parler et écouter ne suffisaient pas. Mais si Shiro était au fond de lui, il voyait à travers ses yeux, non ? Ichigo voulut se raccrocher à cet espoir, de toutes ses forces. Il prit son téléphone et écrivit un sms : « Je viendrai te chercher, Shiro. ». Il regarda le sms longuement, fixant les mots dans ses yeux, le répétant inlassablement.

« Je te le jure. »

Après encore un moment, Ichigo rangea son téléphone et se redressa pour rentrer, très peu enclin à l'idée d'attraper une pneumonie.

En rentrant chez lui, il fila à la salle de bain chercher de quoi se sécher et il s'enferma dans sa chambre. Il prit un papier, un crayon et il s'assit à son bureau. Il commença à écrire.

Tu es là, je le sais, je le sens. Crie, appelle-moi. Je veux t'entendre, mais je n'y arrive pas. Crie, crie toujours plus fort, je veux t'entendre, je veux te revoir.

Je veux pouvoir te répondre !

Je te le jure, je viendrai te chercher ! Même si je n'ai plus aucuns pouvoirs, je ne veux pas t'abandonner.

Tu me manq…

Ichigo se prit la tête dans les mains et écarta la feuille d'un coup sec avant d'enfouir sa tête dans ses bras. Qu'est-ce qui lui avait pris de sacrifier autant ? Il étouffa ses pleurs dans ses bras. Le corps secoué de sanglots, il ne cessait de se le répéter. Il n'aurait jamais pensé que son sacrifice lui ferait si mal.

CCC

Les jours suivants s'écoulèrent, terriblement similaires. Chaque journée était une torture pendant laquelle Ichigo ne cessait de laisser des signes, des détails pour que, au fond de lui, l'être silencieux sache qu'il n'était pas abandonné. Il ne voulait pas lâche

Sur ses cahiers et ses feuilles, il laissait des phrases, des bribes. Toutes voulaient toujours dire la même chose. Quand il ne savait pas quoi écrire pendant ses contrôles, il parlait à Shiro sur ses feuilles de brouillons. Il lui disait qu'il était très certainement un bien piètre roi, mais qu'il essayait de retrouver le seul sujet qui lui était important de toutes ses forces. Dans sa chambre, quand il ne savait pas quoi faire, il écrivait sur les feuilles volantes les mêmes mots.

Crie, Shiro. Crie plus fort, je ne t'entends pas.

Un soir, en sortant de la douche, il s'était arrêté devant le grand miroir plein de buée. Il distinguait mal son reflet. Il s'approcha lentement et, sans réfléchir, il posa son doigt sur la surface humide et traça une lettre, puis deux. Quand il s'écarta, quelques minutes plus tard, il avait écrit une phrase.

Tu me manques.

A dater de ce jour, ce fut comme si Ichigo perdait lentement espoir. Il en était venu à croire qu'il devenait réellement fou et qu'il se raccrochait à un espoir insensé. Il arrêta progressivement d'espérer, mais il continuait d'écrire les messages, les essémant un peu partout. Il avait réellement perdu espoir. S'il continuait, c'était parce qu'il était soutenu par une autre force, autrement plus vaine, celle du désespoir.

Parce que Shiro…

Shiro était mort.

CCC

Allongé sur le sol, il regardait les nuages gris passer au-dessus de sa tête. Il était silencieux, immobile. Sa tête était calée sous ses bras repliés et son visage reflétait de l'amertume. Beaucoup d'amertume et une pointe de douleur.

Tous les jours, il l'entendait l'appeler désespérément. Tous les jours, il répondait. Chaque jour il criait plus fort. Il criait à en mourir, mais il s'en était rendu compte bien vite : crier ne servirait à rien. Ichigo ne pouvait rien faire. Il ne pouvait le rejoindre, même en usant de toute sa volonté. Le seul qui pouvait réagir, c'était lui.

Shiro.

« Majesté… Enlève ces nuages gris, je suis là, tu sais… »

Le hollow ferma les yeux douloureusement. Il ne cessait d'entendre les cris de détresse de son roi. Ichigo avait peur. Peur qu'il ne l'ait abandonné pour se venger du Mugetsu. Peur que Shiro ne le déteste de l'avoir tué.

« Mais y'a pas à avoir peur, mon roi… J't'aime trop pour t'en vouloir. »

Shiro reprit sa contemplation du ciel gris. Il devenait noir et il n'allait pas tarder à pleuvoir. Depuis des mois, il pleuvait presque tout le temps. De temps en temps, il y avait des accalmies, mais jamais d'embellie.

Après la bataille contre Aizen, Shiro et Zangetsu avaient eu peur. Le hollow l'avouait sans honte. Il avait eu peur de mourir, mais au-delà, il ressentait plus de la douleur en imaginant ce que vivrait Ichigo après…

Après la bataille, le monde intérieur s'était effondré. Les immeubles étaient tombés en morceaux, rasés par des vagues monumentales. Puis la terre s'était mise à trembler, jusqu'à ce que les ruines ne soient plus que poussières. Et une fois le sol balayé par les vents, il s'était remis à pleuvoir. Pendant des mois. Shiro ne comprit jamais pourquoi et comment il avait 'survécu'. Quand il avait pris conscience de ce qui se passait, il était seul sur une étendue vide, sans Zangetsu. Le ciel était rouge sang, le sol noir.

Après la bataille, il était seul, au milieu de rien.

Pendant un moment, il avait paniqué. Il se demandait furieusement ce qui lui arrivait mais, bien vite, il s'était calmé. Ichigo avait perdu ses pouvoirs, il était normal que lui et Zangetsu disparaissent. Mais s'il avait survécu lui, était-ce parce qu'il était plus proche, techniquement, de son roi ?

Shiro n'en avait pas la moindre idée, mais il ne se laissa pas sombrer dans le néant. Bientôt, le ciel rouge sang s'était éclairci, laissant place à un ciel gris. Il était lourd de pluie, menaçant. Shiro crut, un moment, que le même déluge viendrait le noyer. Il s'était donc enfui, plus loin, à la recherche d'un abri surélevé. Après un long moment, il avait fini par trouver un morceau de gratte-ciel, gisant sur le sol noir comme une épave.

Le hollow ne s'était pas posé plus de questions. Il s'y était assis et avait attendu que l'averse passe. Il avait attendu un long moment, très long. Il avait regardé le ciel qui se mouvait. Quand quelques nuages blancs étaient apparus sur la grosse masse noire, il avait souri.

Son roi se remettait progressivement.

Bientôt, quelques immeubles réapparurent. Mais ils étaient fragiles. Ils ne tenaient pas tellement la route et s'effondraient à la moindre pluie trop forte. Shiro essayait de reconstruire le monde intérieur de son roi. Il tentait de consolider les bases des immeubles. Ses efforts étaient limités. Il ne pouvait pas faire grand-chose.

A un moment, il s'était mis en tête de chercher Zangetsu, en vain. Il avait erré très longtemps à travers les gratte-ciel fragiles, mais il n'avait pas trouvé la moindre trace du vieillard en noir. Zangetsu était mort ? Peut-être était-il trop, par essence, source du pouvoir d'Ichigo ? Lui était juste le double d'Ichigo ?

Ce n'était pas logique. Shiro n'y comprenait rien. Un jour, alors qu'il était occupé à regarder le ciel gris, il s'était demandé s'il avait la possibilité de voir ce que son roi faisait. A travers le ciel, il connaissait son état d'esprit : triste. Mais il voulait savoir si son roi se bougeait un peu ou s'il restait à se morfondre, comme il lui arrivait parfois.

Ichigo était ainsi. Il était impétueux, mais, après un coup dur, il avait besoin qu'on le pousse pour qu'il reprenne de plus belle. Comme un feu qui devrait brûler sous la pluie… Comme la flamme qui devient flammèche et qui n'attend qu'un peu de bois pour revivre. Shiro sourit doucement. Il l'aimait tellement son roi. Et, depuis qu'il ne pouvait plus le voir, il se sentait seul.

Alors il avait essayé de voir à travers les yeux de son roi. Il avait dû se forcer un peu, parce que ce n'était pas très naturel. Il pouvait plus ou moins entendre des bribes de conversation extérieures résonner dans le monde intérieur, mais il avait beaucoup plus de difficulté à voir à travers les yeux. Au début, c'était un fiasco. Il n'arrivait à rien et écopait juste d'un mal de crâne prononcé et d'un reiatsu affaibli. Mais il ne se laissa pas démonter.

Il sentait de plus en plus qu'Ichigo avait besoin de lui. Dans les conversations qu'il entendait, il saisissait parfois des mots intrigants. Ichigo s'énervait facilement. Il lui arrivait même de crier sur certains. Et ça, ce n'était pas normal. Son roi était bon. Il était juste et toujours prêt à se sacrifier pour ceux qu'il aimait. Jamais il ne hausserait la voix. Quand Shiro avait entendu son roi crier à l'aide à travers cette colère, il avait eu mal. Si mal. Alors il s'était concentré pour faire brûler son reiatsu doucement, avec chaleur. Comme s'il cherchait à réconforter. Et cela marcha. Ichigo s'était calmé, il s'était enfui et, une fois seul… s'était laissé bercer.

Comme la pluie qui tombait du ciel.

Shiro ne pouvait pas intervenir sur le monde matériel. Il essayait quand même. Il pouvait entendre, il arrivait à calmer son roi et, bientôt, il parvint à voir à travers ses yeux. Shiro avait cru qu'il ne supporterait pas la douleur de cette nouvelle compétence : son roi se démenait corps et âme pour le rappeler.

« Shiro ! Crie ! Appelle-moi ! »

Le hollow leva la tête vers le ciel. La voix de son roi résonnait fort en même temps que, à travers une vitre, il voyait le jeune homme écrire des lettres, écrire son nom. Crier. Quelle idée son roi avait ! Bien sûr qu'il criait ! Fort, même. Le plus fort qu'il pouvait. Mais on ne l'entendait jamais.

« Majesté… Arrête de m'appeler comme ça… »

Shiro se prit la tête dans les mains. Jamais son roi ne l'entendrait ou quoi ? Il avait beau s'époumoner, rien du tout. Il leva la tête vers le ciel, désespéré. A un moment, il avait cru qu'il allait mourir de douleur. C'était quand Ichigo avait écrit sur la buée du miroir… Mais Shiro ne se laissait pas abattre. Son roi avait besoin d'aide, il saurait l'aider. Il y arriverait.

Un jour, il y arriverait. Et il y aurait enfin l'embellie.

Shiro serra les poings, un sourire vainqueur sur les lèvres. Enfin, il n'était pas un hollow qui se laissait facilement abattre. Et son roi non plus, il le lui ferait comprendre !

CCC

Les jours s'écoulèrent, sans changement. Ichigo s'était plus ou moins fait une raison. Après avoir espéré un moment que Shiro l'entende, il avait fini par se dire que tout était perdu. Il ne montrait aucun signe de son abattement, au contraire. Il semblait plus heureux que jamais. Mais, au fond de lui, la douce pluie continue ne trompait pas Shiro.

Le hollow s'était entraîné dur. Il arrivait maintenant à voir et entendre à travers les yeux et les oreilles de son roi sans le moindre problème. Il s'en félicitait, cela lui permettait de mieux comprendre ce qui attristait son roi. Le fait que personne ne semble comprendre à quel point son sacrifice lui faisait mal, par exemple.

Shiro visait maintenant autre chose. Si sa voix ne pouvait atteindre son roi, il pensa qu'il devait carrément se montrer à lui. Depuis quelques jours, il essayait de se matérialiser hors du corps du jeune homme. L'opération s'avérait douloureuse pour son roi, c'était pourquoi il arrivait rarement jusqu'au bout. Il ne voulait pas lui faire mal. De plus, il ne pouvait tenter que pendant la nuit, quand le roi dormait complètement, sinon, il risquait de se faire repérer par les autres ayant du reiatsu.

Les choses étaient compliquées pour Shiro, mais il persévérait. Les premières fois où il avait réussi à matérialiser sa main dans le monde humain, il était resté écroulé de fatigue pendant un jour. Il se demandait bien comment le vieux Zangetsu faisait pour parfois se montrer à Ichigo. C'était vrai qu'il le faisait à Soul Society, lieu spirituel par excellence mais bon, ça devait sûrement être possible aussi dans le monde des humains ! Et si cela était impossible, hé bien il serait le premier à réussir.

Un matin, alors qu'Ichigo s'habillait pour le sport, il se sentit un peu bizarre. Comme s'il avait mal au ventre ou, au cœur. Mais pas parce qu'il avait envie de vomir. Plutôt comme si un couteau était remué dans sa poitrine. Il mit cela sur le compte de la fatigue car il dormait excessivement mal ces derniers temps. Il prit son petit-déjeuner sommairement et rejoignit le lycée sans grand entrain. Sur le chemin, il croisa Inoue et Chad qui marchaient main dans la main.

« Kurosaki-kun ! »

Ichigo hocha la tête et salua ses amis avec un regard légèrement étonné.

« Vous…

-Oui ! Nous comptions te l'annoncer aujourd'hui ! »

Chad acquiesça. Ichigo esquissa un sourire, content pour ses amis.

« C'est bien, et vous vivez déjà ensemble ?

-ça dépend. Répondit Chad.

-Oui, parce que nos appartements nous sont chers. »

Ichigo comprit l'allusion. Ses deux amis étaient attachés aux souvenirs…

« Sinon, c'est quoi déjà le sport suivant au programme ?

-Je crois que c'est la course, Ichigo.

-Okay… Dis, Inoue, tu voudrais pas me soigner, j'ai mal à la poitrine depuis ce matin.

-Tout de suite ! »

La jeune fille envoya ses deux acolytes entourer Ichigo qui se détendit imperceptiblement en sentant le reiatsu le couvrir. Il ferma les yeux. C'était presque comme la sensation qu'il ressentait parfois et qui le calmait tellement.

« Mais tu n'as rien, Kurosaki-kun. Je ne comprends pas pourquoi tu as mal…

-Ah ? »

Ichigo fronça les sourcils.

« Bah, c'est sûrement rien alors. »

Il regarda sa montre.

« Bordel ! On est en retard ! »

Les trois amis esquissèrent un sourire et partirent au pas de course. Quelques minutes plus tard, ils débarquaient aux vestiaires. Ichigo, déjà en tenue, pouvait très bien aller sur le terrain de suite mais il ne se sentait pas très bien. Il laissa ses deux amis et alla se cacher dans un coin. Il avait décidément trop mal et ça s'intensifiait rapidement.

Il s'appuya contre un mur, la main sur la poitrine et crispa les muscles de son corps. La respiration lui devenait difficile et cela empirait. Un moment, il crut à une crise d'asthme. Mais il sentit ses jambes flageoller et il s'écroula sur le sol sourdement. Il ouvrit la bouche en un cri muet et se roula en boule sur lui-même. La douleur le traversait de toutes parts. C'était difficilement supportable.

Au bout de quelques minutes, il sentit comme un poids le quitter. Il s'appuya contre le mur, haletant et fixant le plafond avec un regard vide. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. C'était un peu comme l'horrible douleur qui l'avait terrassé quand il avait commencé à perdre ses pouvoirs.

« Shiro… Zangetsu… »

Le jeune homme sentit sa tête s'alourdir et puis tout son corps. Il ferma les yeux et se laissa tomber sur le sol avant de s'évanouir.

Shiro n'aurait pas cru qu'il réussirait cette fois. Haletant, à quatre pattes sur le sol, il se retint de crier de joie en avisant qu'il était dans un gymnase. Il se redressa d'un bond et se retourna pour se précipiter vers son roi.

« Majesté ! Majesté je suis là ! »

Shiro voulut prendre Ichigo dans ses bras mais ses mains passèrent au travers. Il se tut, toute expression de joie sur son visage disparaissant. Pourquoi ne pouvait-il le toucher ?

« Majesté ! Je suis là ! Majesté ! »

Le hollow serra les dents, agacé comme pas deux. Pourquoi ! Pourquoi ne pouvait-il pas toucher son roi ? Shiro ne céda pas à la colère. Il avait prise sur le sol et aussi sur les murs. Ce qui voulait dire que le monde matériel le reconnaissait, non ? Pourquoi pas un corps humain alors ? Devait-il avoir de l'énergie spirituelle pour que cela soit ?

Certainement…

« Putain ! ragea Shiro. Bordel ! Majesté, réveille-toi! »

Ichigo remua les paupières. Shiro crut qu'il avait réussi. Son roi cligna des yeux et se tourna sur le ventre avant de prendre appui sur ses bras pour se redresser. Une fois à genoux, il prit une bouffée d'air et tourna la tête droit vers Shiro…

Mais il ne le regarda pas.

« Majesté ! »

Ichigo se passa une main sur le visage et se releva en soupirant. Shiro demeura à genoux, au même endroit, immobile. Il ne pouvait y croire. Son roi était face à lui, il était passé devant lui, il l'avait enfin près de lui et…

Il ne l'avait pas vu.


Merci d'avoir lu !