Chapitre 4 : Bannissement.

Le temps passa lentement après l'entrevue entre l'empereur et son porte-parole, et lors d'une nouvelle réunion du Sénat Solarius fit voter l'envoi de nouvelles troupes vers le nord et dont l'objectif serait le royaume nain des Montages Dorées. Plusieurs sénateurs rechignèrent a approuver cette idée, tous savaient en effet que si les Nains étaient riches, ils étaient aussi très bien préparés en cas de guerre et dotés d'armes redoutables comme de guerriers entraînés. Néanmoins, l'empereur, ou plutôt son porte-parole, parvint a écarter ses peurs : d'après les rapports de leurs espions infiltrés dans le royaumes voisins, ainsi que des marchands qui avaient acceptés de collaborer dans la nouvelle province de Diolius, la situation des Nains n'était pas très bonne.

Apparemment, ils souffraient, aussi étrange que cela puisse paraître, du « Fléau Magique » : une grande partie de leur population, environ un tiers, avait succombé à l'épidémie dans les années qui avaient suivit le Grand Cataclysme. De plus, ils avaient encore un grand nombre d'esclaves Elfes dans les forteresses et cités souterraines plus au nord de « Goldo », leur capitale, et ces derniers s'étaient échappés en profitant de l'affaiblissement de leurs exploiteurs, alors que d'autres bêtes des montagnes, notamment les Limaces géantes ainsi que les Géants des roches. Ces créatures avaient muter sous l'effet corrupteur du Fléau Magique, les Limaces devenant plus agressives et perdant leur couleur verte pour arborer un corps bleu électrique alors que les Géants, eux, n'avaient pas vraiment mutés mais étaient devenus plus agressifs et s'étaient multipliés plus rapidement.

Ainsi, le grand royaume des nains, composés de près de trente-deux forteresses divisés entre un clan pour chacune d'elle, les clans étant eux même divisés pour être soumis a l'autorité des quatre plus grand d'entre eux, était donc très affaibli. Quelques une de leurs forteresses avaient d'ailleurs dût être évacuées car elles n'avaient plus assez de défenseurs.

Cette affaiblissement du peuple nain, ainsi que plusieurs arguments pour rappeler a quel point ce peuple était riche tout comme le fait qu'il y avait encore des gisements gigantesques qui n'attendaient qu'a révéler leurs richesses, convainquit assez de Sénateurs récalcitrants pour que le vote soit remporté majoritairement par un « oui ».

On envoya immédiatement des messagers ainsi que des pigeons voyageurs, les messagers se dirigeant vers Diolius afin de prévenir les deux Grands Légats qui s'y trouvait encore pour les avertir : la permission qu'ils avaient demandés était refusée et ils devaient préparer leurs troupes et attendre l'arrivée de renforts pour marcher sur le sud des Montagnes Dorées. Les pigeons, eux, se dirigeaient plutôt vers les forts et campements des province de Meridionali et Orientali, afin qu'on y lève de nouvelles légions.

De son côté, l'empereur souriait sous son masque alors que le Sénat passait a un autre sujet de son ordre du jour : désormais, il aurait ce qu'il lui fallait pour créer sa Cuve de confinement. D'ailleurs, des architectes, qui ne savaient pas sur quoi ils travaillaient, cherchaient déjà un emplacement où construire cette nouvelle cuve, et l'emplacement retenu par l'Empereur se situait juste entre le palais et l'Arène impériale, ce qui était idéal : l'empereur pourrait accéder a sa loge spéciale de l'arène, et on pourrait directement amener la magie extraite des créatures magiques qu'on enfermait sous l'arène dans la « Cuve ». L'empereur songeait d'ailleurs a créer des « aqueducs » pour envoyer l'énergie magique raffinée sous forme d'élixir dans des temples qu'il comptait construire un peu partout dans la cité, ces derniers distribuerait l'élixir aux citoyens tout en alimentant par leurs émanations un autre projet de Solarius : un écran qui affaiblirait toutes les créatures magiques à l'intérieur de la ville, permettant notamment d'empêcher l'usage de la magie de téléportation.

Une fois que ces nouveaux projets seraient achevés, la Cité Impériale serait encore plus sûre... et Florian pourrait se préparer pour son plan final : son ascension divine.


Plus loin au nord-ouest, bien plus loin, de l'autre côté de Diolius, la puissante chaîne des Montagnes Dorées s'étendait, calme et éternelle. Entre les hautes montagnes a proprement parler, des vallées séparées par des collines ou des cours d'eau les unes des autres représentaient les territoires des clans nains et de leurs forteresse. Dans ces vallées, au cœur boisé alors que les pentes étaient utilisés pour les cultures et l'élevage, de nombreux petits villages se nichaient, élevant le bétail, des moutons, bœufs, chèvres et cochons, tout en cultivant l'orge, le blé, les pommes de terre et les autres cultures qui poussaient bien dans leur terre autrement peu fertile.

Les villages d'une vallée étaient tous soumis a une forteresse proche, qui assurait la protection du village ainsi que son approvisionnement en produits manufacturés, des outils notamment, alors que les villages approvisionnaient les forteresses en nourriture ainsi qu'en bois de construction et de chauffe. Mais la vie des Nains avait changé : la ville de Goldo, la capitale, avait été détruite par l'Overlord lors de son attaque contre le Haut-roi Goldo Golderson. Un an plus tard, les seigneurs des autres forteresses avait rebâtit la capitale et élu un nouveau Haut-roi, un dénommé Egil Bårdson, membre du clan de l'ancien haut-roi, mais le Cataclysme avait durement touché Goldo ainsi que les autres forteresses du sud : une épidémie avait décimé la population, et les bêtes sauvages, Bêtes des rochers, Géants des roches et Limaces géantes s'étaient enhardis, les limaces mutants même pour devenir des créatures bleues au lieu des monstres verts qu'elles étaient autrefois. Plusieurs des villages des vallées avaient subis les attaques des monstres, et certaines des forteresses du sud étaient quasiment désertes, ne conservant en tout et pour tout que quelques guerriers afin de maintenir des garnisons dans les forteresses les plus au sud afin de garder les frontières.

C'était notamment le cas de Shathizdin, la forteresse du roi Eirik Sigurdson, le dirigeant de toute la partie méridionale du royaume. Le territoire du clan des Shatizin, dont Eirik était le souverain, avait grandement souffert des conséquences du Fléau Magique : l'épidémie avait emporté près de la moitié de toute la population du territoire, notamment des femmes et des enfants, ainsi qu'une bonne partie du bétail et des récoltes. Si les forteresses avaient été durement touchés, les villages l'avaient été encore plus : les guérisseurs et autres soigneurs venaient des forteresses et ils avaient fort a faire pour tenter de sauver leurs concitoyens, délaissant de ce fait les habitants des villages. Une bonne partie des chasseurs des forêts du sud autour de Shathizdin étaient morts, et leurs apprentis et enfants ne les avaient pas encore remplacés, certains ayant également succombé. C'est pourquoi les patrouilles dans les passes du sud et du sud-ouest, à la frontière avec les humains de Daleah, étaient devenus très espacés.

En ce moment, il n'y avait que deux chasseurs qui faisaient le guet au Défilé de Shatiz, le passage étroit qui servait aux Nains et aux Humains de Daleah pour commercer entre eux. Les deux Nains étaient vieux, chacun des deux ayant plus de 300 ans, un âge où les Nains commençaient a envisager leur retraite... mais ils n'avaient pas le choix : les « jeunes barbes » qui auraient dû les remplacer étaient mortes, ou encore trop jeunes, et il fallait bien surveillé le passage.

Les deux Nains se nommaient respectivement Gudmund et Bendik. Gudmund, le plus âgé avec ses 315 ans, avait une longue barbe blonde... enfin, elle était blonde autrefois, mais comme il était âgé, plusieurs fils d'argent venaient se mêler a la couleur blonde de sa barbe. Comme son camarade, il portait une chemise de maille par dessus d'épais vêtements en cuir, un casque de cuir et des bottes épaisses, avec une cape verte servant à la dissimuler dans les feuillages, une arbalète dotée d'une longue baïonnette accompagnée d'un carquois contenant des carreaux, et une hache lui servant à couper du bois ou a se défendre ainsi qu'un couteau de chasseur et deux sacs, l'un contenant son équipement pour camper à la belle étoile et l'autre servant à contenir ses prises. Bendik portait le même équipement que son camarade, mais il était plus jeune : il n'avait que 302 ans et n'avait pas autant de fils d'argent dans sa barbe brune. Les nains étaient tous les deux dans un abri de pierre taillé et creusé à l'orée de la forêt qui couvrait le sud-ouest du territoire des Shatizin, ils avaient une vue directe sur la sortie du défilé, mais personne ne pouvait les voir depuis ce dernier... ni depuis les bois, d'ailleurs : l'abri, parfaitement creusé et taillé avec tout le savoir faire des Nains ne disposait que de petites fentes pour observer l'extérieur, mais elles étaient suffisantes et on ne pouvait les voir de l'extérieur, tout comme la porte de l'abri. Le seul désagrément était qu'il n'y avait pas de moyen d'y faire du feu : les Nains n'avaient jamais réussit a fabriquer une cheminée assez discrète pour que rien ne soit perceptible de la fumée qu'elle dégageait, c'est pourquoi les chasseurs n'avaient pas le droit de cuisiner dans l'abri. Ils devaient le faire à l'extérieur, mais ont les encourageait a emporter des rations de viande séchée... et d'épaisses fourrures lorsqu'ils accomplissaient leur devoir en hiver.

Mais le devoir en question n'était pas trop déplaisant : il fallait juste guetter les groupes de marchands qui s'aventuraient dans le défilé afin de les arrêter pour ensuite avertir Shathizdin de leur présence pour que les marchands nains puissent commercer avec leurs voisins humains. C'était un travail assez facile, personne n'ayant tenté d'envahir les Montagnes Dorées depuis des siècles. La seule attaque récente, six ans plus tôt, n'avait visé que la capitale, bien au nord, et l'Ennemi n'était pas réapparût depuis. Les seules menaces, plus au nord toujours, étaient les bandes d'Elfes qui s'étaient échappés des mines de la capitale, menant une guérilla pour libérer d'autres esclaves aux oreilles pointues des autres forteresses du royaume des Nains, ainsi que quelques géants et bêtes des roches qui s'aventuraient parfois sur le territoire du clan, même si c'était rare, leurs terrains de chasse se trouvant plus au nord.

Les deux guetteurs surveillait donc la sortie du défilé, Bendik observant à travers les trous dans la roche de l'abri alors que alors que Gudmund somnolait en fumant.

- Tu vois quelque chose, Bendik ? demanda le vieux chasseur alors qu'il expirait une bouffée de fumée odorante.

- Non, rien du tout Gudmund. C'est le calme plat.

- Comme toujours, donc... ça fais des années qu'on n'a pas vu un seul marchands, à croire qu'ils sont tous morts...

- Ben, j'ai entendu dire qu'ils avaient des problèmes de guerre de l'autre côté. C'est pour ça qu'on ne voit personne. Apparemment, des types du sud auraient décidé d'envahir les royaumes de l'est, ou quelque chose comme ça...

- Ah ? Des types du sud ? Je me demande bien ce qu'ils viendraient chercher. Les péquenauds qui nous servent de voisins n'ont rien qu'on pourrait convoiter.

- Sauf notre Cuve...

- Ah, ouais...

Le silence s'installa avant que Bendik ne reprenne :

- Au fait, tu savais qu'Egil avait prévu une guerre, avant ?

- Une guerre ? Non, je ne savais pas, répondit Gudmund. D'où tu sais ça ?

- J'ai un cousin qui travaillait dans le clan des Gold. Il m'en a parlé une fois, il y a un an, quand je lui ai rendu visite à Goldo. Mais à cause de l'épidémie, les autres rois n'ont pas voulu suivre Egil pour sa « guerre sainte ».

- Une guerre « sainte » ? C'est quoi cette histoire ?

- Ben, d'après ce que m'en a dit mon cousin, Egil voulait rassembler des guerriers de tous les clans pour marcher vers l'Est afin d'assiéger la forteresse de l'Ennemi. Il voulait venger son oncle, le Haut-roi Goldo, et reprendre la cuve de la Brasserie sacrée pour les ramener au pays.

- Ah... dommage que le Fléau se soit déclenché, alors. S'il n'y avait pas eut cette saleté de maladie, ont aurait très bien pût aller s'occuper de ces sales voleurs. Je tuerais pour avoir une seule pinte de la Sainte Cuve...

- Tu l'as dit... les brasseurs du clan Gold arrivent a produire quelque chose de buvable, mais c'est pas la même chose...

- Ouais... la perte de la Sainte Cuve, la mort de cette vieille barbe de Goldo, la fuite des oreilles pointues, la perte du trésor royal et le Fléau... la Déesse-mère nous a pas épargné.

- La Déesse-mère ? Pourquoi tu parle d'elle, Gudmund ? Tu sais bien qu'on n'a plus le droit de parler de cette déesse. C'est un ordre royal, si tu te faisais attraper par un agent de Shathizdin, tu risques de prendre cher.

- Ouais, ouais, je sais : depuis qu'Egil est Haut-roi, il a interdit qu'on parle de la Déesse-mère parce que la folie de Goldo serait le résultat du vol de la statue de la Déesse-mère du temple de Verteselve.

- Exactement. On n'a plus le droit de la vénérer, ni de parler d'elle... Mais rassure moi, tu ne fais pas partie de ceux qui pensent encore que c'est une Naine et que c'est notre protectrice ?

- Hein ? Non, bien sûr que non... comment pourrait-on la considérer comme ça ? Tous nos malheurs ont commencés quand Goldo s'est acoquiné avec Obéron, puis quand il a pillé Verteselve. On a eut des milliers d'esclaves pour travailler dans les mines et les forges, mais après l'Ennemi est arrivé et il nous a quasiment tout pris... dont la statue de la Déesse-mère qui a disparût de son temple le même jour ou la capitale a été ravagée. Ça prouve clairement qu'elle a maudit notre peuple... sans compter toutes les catastrophes qui sont arrivées ensuite.

- Ouais, même que...

Le nain brun se tût, alors qu'il jetait un coup d'œil vers l'extérieur. Son compagnon, qui vidait les cendres de sa pipe, se demanda la raison de ce silence soudain :

- « Même que » quoi, Bendik ? Pourquoi tu t'interromps comme ça, mon gars ?

- Parce qu'on a de la visite, répondit Bendik en refermant les ouvertures du poste d'observation et en saisissant ses armes.

- Hein ?

Gudmund lâcha aussitôt sa pipe pour se précipiter vers un autre point d'observation et vit ces « visiteurs » que Bendik n'avait pas décrits, et ce spectacle ne le rassura pas : ce n'étaient pas des marchands, ni des humains de l'est car ils n'avaient pas le même teint et étaient légèrement plus petits. Non, c'était une troupe militaire, comptant au moins une centaine d'hommes de ce que voyait le nain. Ils portaient des tuniques vertes, des épaulettes d'acier brillamment polies comme leurs casques, chacun portait un bouclier ovale coloré en vert et doté d'un renflement de métal, ainsi qu'une épée courte, un « glaive » comme ont les appelait dans le sud. Ils se déplaçaient lentement, jetant des regards furtifs tout autour d'eux. Apparemment, c'étaient des éclaireurs, et ce n'était pas un bon signe : les humains envoyaient des éclaireurs lorsqu'ils s'apprêtaient a débarquer en force, et si une centaine d'hommes représentait ce qu'ils avaient l'habitude d'envoyer pour repérer les lieux, le nombre final de soldats envoyés serait sans doute conséquent.

Les deux Nains quittèrent leur abri, alors que les humains étaient encore assez loin de la forêt, ils scellèrent la porte avant de s'enfoncer profondément dans les étendues boisées. Malgré leurs jambes plus courtes que celles des humains, leur connaissance du terrain permettait aux nains de se déplacer bien plus rapidement que les humains.

Une fois le village des nains avertit, d'autres messagers furent envoyés alors que les civils évacuaient, quittant leurs habitations avec tout ce qu'ils pouvaient rapidement emporter et se dirigeant vers Shathizdin. La forteresse du clan des Shatizin envoya également des messagers aux forteresses soumises aux Shatizin, notamment les forteresses de Barakinb du clan Barakin, Nargabun du clan Nargab et Kharbizir du clan Kharbiz. Le roi Eirik Sigurdson ordonna que chacune des huit forteresses dont il était le suzerain envoya un contingent de ses guerriers pour défendre Shatizdin, mais la requête fût peu concluante : il y eut bien des guerriers qui rejoignirent la forteresse, mais il ne représentait qu'un quart de ce que les autres clans auraient pût envoyer. Les différents chefs de clans préféraient économiser leurs forces pour lutter contre les rebelles Elfes qui parcouraient encore leur territoire, ou pour défendre leur propre forteresse.

Néanmoins, il ne fallait pas se tromper : le « Glorieux Empire », la nation méridionale qui avait commencé a s'étendre vers le nord, était bel et bien aux portes des terres naines. Et les Nains n'étaient pas prêts.

En quelques mois, les Shatizin avaient perdus la plus grande partie de leur territoire, et les impériaux, bien ravitaillés et bien équipés, poursuivait leur conquête. Il semblait que le peuple Nain allait enfin s'éteindre, et que leurs immenses richesses tomberaient dans les griffes des impériaux. Goldo, la capitale du clan royal, tomba deux ans après le début de la conquête, Egil Bårdson périt en détruisant les piliers de la forteresse qui supportaient le poids du plafond des immenses salles où le grand trésor des Hauts-rois nains, légèrement appauvri depuis la ponction opérée lors de la courte occupation de la capitale par l'Ennemi, était abrité.

Peu à peu, les forteresses tombaient, vaincues par les ruses des impériaux : malgré leurs balistes, catapultes et tours de siège, ils ne pouvaient guère défaire les imposantes fortifications naines... mais ils étaient rusés : alors qu'ils assiégeaient les forteresses, leurs troupes brûlaient les villages, détruisant tout ce qui pouvait être détruit, ils utilisaient également des produits étranges pour polluer les sources de montagnes que les forteresses utilisaient pour se ravitailler en eau. En utilisant leurs poisons, et en profitant également du fait que parce que leur population était réduite ou trop âgée les forteresses n'étaient pas aussi bien sécurisés qu'elles auraient pût l'être, les légions du Glorieux Empire conquirent la majorité des places naines... jusqu'à la Bataille de Gundumunz, une petite forteresse de la région septentrionale des Montagnes Dorées.

Là, les légions du Glorieux Empire affrontèrent ce qu'il restait des forces naines. Qui obtinrent la victoire, pour plusieurs raisons : avec leur avancée, les humains s'étaient dispersés, ils devaient fragmentés leurs légions pour occuper les forteresses dont ils prenaient le contrôle, tout comme ils devaient protéger les sites miniers. Les esclaves Elfes rencontrés furent, pour la plupart, envoyés dans l'Empire et vers Diolius, où les Sentinelles et les Éradicateurs, bien installés, les viderait de leur magie pour l'envoyer à la capitale. Il y avait aussi les problèmes causés par l'environnement : les étranges limaces géantes et bleues, ainsi que les imposants géants de pierre, attaquaient désormais les convois impériaux et ralentissaient encore plus leur allure. Les légions avaient subits plusieurs pertes lors des batailles menés contre les Nains qui, bien que largement dépassés par le nombre de leurs assaillants, s'étaient révélés être de redoutables adversaires.

À Gundumunz, la pire situation possible arriva : le Grand Légat Septimus Nigidius Auxilius de Meridionali dirigeait lui même les troupes, mais il se trouvait sur un terrain en pente alors que les Nains occupaient les sommets de quelques collines rocailleuses. Il disposait de près de cinq légions presque complètes, soit près de trente mille hommes, pour affronter les forces naines largement inférieures en nombre car elles rassemblaient a peine dix milles guerriers, un tiers des combattants nains ayant survécut alors que les deux autres, blessés pour la plupart, étaient restés en retrait dans la forteresse de Gundumunz. Les Impériaux firent pleuvoir un déluge de rochers et d'autres pierre taillées sur les retranchements des Nains, mais ces derniers s'étaient bien fortifiés et les tirs de l'artillerie humaine ne faisait quasiment pas de blessés. En revanche, la pluie de carreaux et de bombes des Nains, ainsi que le champ de mine astucieusement dissimulé, firent des ravages dans les rangs humains. Sans compter les pertes subies lorsque l'infanterie impériale lança sa charge sur la zone où les nains avaient placés leurs bannières pour signifier la présence de leurs nobles : les lances-flammes, que les humains avaient rarement vus en action car ils n'avaient jamais tenté de pénétrer les places fortes des nains par leurs tunnels, brûlèrent des centaines d'hommes alors que les carreaux explosifs des arbalètes naines estropiaient où tuaient à chaque tir au but, surtout chez les auxiliaires faiblement protégés. Et les Nains avaient dressés un véritable mur de métal : tous engoncés dans des armures de mailles et de plates, les guerriers nains utilisaient des boucliers carrés pour former une véritable phalange inamovible, les charges des humains se brisant contre elle.

Finalement, le Grand Légat Auxilius décida de se replier vers le sud, mais son armée décimée fût harcelée par des troupes d'esclaves Elfes en fuite, ce qui le ralentit considérablement... assez pour qu'une troupe naine, menée par un certain Sveinthor Engiljonsson, seigneur de la forteresse de Nula, rattrape les humains et massacrent l'arrière-garde, allant même jusqu'à la tente où Auxilius se reposait. Le petit militaire aux traits porcins tenta bien de se suicider pendant que ses gardes essayaient de retenir les Nains, mais il n'y arriva pas et ne parvint qu'a entamer la couche de gras de son ventre alors qu'il tentait de se l'ouvrir avec son glaive. C'est à ce moment que Sveinthor Engiljonsson arriva et, d'un coup de hache, décapita le Grand Légat avant de se replier, emmenant la tête de son ennemi avec lui.

Lorsque la mort d'Auxilius fût connue, ses troupes paniquèrent et se disloquèrent, regagnant les positions impériales, mais de façon anarchique. Une bonne partie de leur matériel fût récupéré par les Nains qui souhaitaient notamment étudier les grandes catapultes, ils ne disposaient pas d'équivalent car ils affrontaient rarement des sièges. Les corps des humains furent utilisés pour marquer la nouvelle frontière du territoire nain, ils disposèrent les cadavres écorchés tout le long de cette nouvelle limite, avant de retourner à Nula, la dernière des grandes forteresses. Là, le prestige du seigneur de la forteresse, Sveinthor, ainsi que le fait qu'il était le dernier chef d'un des clans majeurs encore vivant, assurèrent son élection en tant que nouveau Haut-roi des Nains. Désormais, le peuple Nain avait les trois quarts de leur royaume, mais c'était un mal pour un bien : les survivants pouvaient ainsi assuré pleinement la sécurité des forteresses restantes, qui étaient toutes assez peuplées pour cela. Bien sûr, elles n'étaient pas au maximum de leur capacité d'hébergement, mais le Haut-roi Sveinthor jura sur sa barbe que les Nains récupéreraient un jour leur royaume. Il suffisait d'être patient : ils avaient une très longue espérance de vie, contrairement aux humains, ils pouvaient attendre. Le seul problème qui se posa fût le fait qu'il n'y avait pratiquement plus aucun esclave Elfe dans le nouveau royaume des Nains, mais d'après le Haut-roi ce n'était pas un mal : tous les malheurs du peuple nain venaient des Elfes, et ne plus en héberger serait sans doute un acte qui plairait aux dieux.

Quant aux impériaux, après la défait de Gundumunz, ils entreprirent l'exploitation des mines qu'ils venaient de récupérer. Ils y envoyèrent de nouveaux esclaves, notamment des ruboriens à la peau sombre qui n'étaient « plus à la mode » tant les esclaves nordiques devenaient nombreux. Bientôt, les mines naines tournaient a plein régime et leurs précieux minerais étaient envoyés vers le sud, où l'on entamait les travaux de la « Cuve de Confinement Magique » placée dans une nouvelle salle, cette dernière étant reliée à l'Arène et à ses prisons qui accueillaient toutes les créatures magiques envoyées depuis les nouvelles provinces. La Cuve fût construite par des équipes d'esclaves spécialisés, dirigés par des contremaîtres eux même surveillés par des officiers de l'ordre des Sentinelles, et lorsque la Cuve et la pièce où elle était gardée furent achevées, les contremaîtres et leurs esclaves furent envoyés pour construire des forts de garnisons dans les provinces nouvellement conquises. En réalité, ils furent déclarés « malades » car atteint par le Fléau Magique, et ils furent déportés à la limite de la ligne de forts qui protégeait la route des légions montant vers le nord et le Pic du Paradis. Personne ne sût exactement ce qu'il arriva a ces hommes et femmes, mais des rumeurs des légionnaires revenant du front laissèrent entendre que les esclaves et les contremaîtres avaient survécus aux créatures hostiles des Terres Incultes et s'étaient enfoncés plus loin dans le territoire. Les impériaux ne voyaient pas de menace en cette communauté qui n'avaient aucun moyen de présenter un véritable danger, et les quelques malades incurables ou cas de rechutes du Fléau Magique furent désormais envoyés dans les Terres Incultes.

La guerre était donc finie entre les Nains et le Glorieux Empire, chacun des deux camps préférant un statu quo et fortifiant ses positions en attendant le temps où les hostilités reprendraient. En attendant, l'empire disposait d'une nouvelle réserve de minerai, et surtout d'or, ainsi que d'une voie plus sûre pour envoyer du ravitaillement et des troupes sur le front nord : les Montagnes Dorées disposaient de quelques cols reliés aux territoires humains du Pic du Paradis, c'est pourquoi la conquête de la province assurait un passage plus aisé que celui consistant a longer les deux dangers que représentaient la forêt de Verteselve et les Terres Incultes.


Pendant qu'à l'Ouest et au Sud, l'Empire progressait, à l'extrême nord du continent les choses ne changeaient pas. La petite ville de Nordberg était paisible et tranquille. De temps en temps, les nordbergiens, de la ville comme des autres petites localités qui formaient le territoire de Nordberg, entendaient parler des événements qui agitaient le sud : le « Glorieux Empire », comme on l'appelait, était en train d'asseoir sa domination sur le reste du continent.

Les pays des « Douces Collines » étaient déjà tombés, tout comme une partie du mystérieux royaume des Nains, et les royaumes plus nordiques, comme la Balderie, la Brythanie et l'Aerelmie, étaient les nouvelles proies de l'empire. Apparemment, la guerre était plus difficile pour les impériaux à cause d'un détail important : ces trois états disposaient, en plus d'armées régulières assez bien équipées et d'une noblesse guerrière, de plusieurs magiciens. On disait d'ailleurs qu'une académie secrète, la « Loge Arcanique » comme ont l'appelait, se dissimulait quelque part dans un de ses royaumes, formant les enfants qui étaient détectés comme ayant le « Don » de la magie.

Les magiciens, sorciers et sorcières, mages et magiciennes, formés par la Loge étaient relativement bien acceptés dans les trois états du nord : les moins doués ou studieux devenaient des illusionnistes, amusant les foules et couplant parfois leurs pouvoirs avec un métier de conteur. Certains devenaient des guérisseurs itinérants, qui allaient de village en village, ou des apothicaires et autres soigneurs et alchimistes. Et ceux qui étaient relativement doués pouvaient aisément se faire accepter chez les seigneurs de la noblesse locale : devin, oracle, médecin, soigneur, voir même conseiller et mage de guerre n'étaient pas rare.

Mais les soigneurs, par contre, s'aventuraient rarement à Nordberg. Comme les illusionnistes ou les autres petits magiciens itinérants, car Nordberg ne représentait rien pour eux : les habitants, bien que civilisés, étaient frustes, le climat était exécrable et les dangers nombreux avec tous les prédateurs présent dans la contrée... pourtant, la ville de Nordberg aurait bien eut besoin d'un soigneur.

Une épidémie s'était déclaré dans la ville... ce n'était pas une épidémie contagieuse, ni vraiment une maladie mortelle : seul les enfants et les vieillards allaient succomber a la maladie. Mais parfois, le destin aimait jouer des tours aux humains, et cette fois le destin avait choisi Thori Braggison comme victime.

Atteint par la maladie, tout comme sa femme et sa fille de cinq ans et demi, le chasseur s'était vu considérablement affaiblit alors qu'on entrait dans la période de chasse. Et en traquant un troupeau de rennes avec d'autres chasseurs de la ville, ils étaient tombés sur une meute de loups affamés. Plusieurs des chasseurs avaient troués la mort, dont Thori, alors qu'il tentait d'aider un des retardataires lors du repli du groupe. Comme les autres chasseurs ne les avaient pas attendu, ils s'étaient retrouvés isolés, et les Loups n'avaient pas hésités...

La femme de Thori, Astvig, fût très touchée par la mort de son époux... si touchée qu'elle finit par attraper la maladie qui avait déjà emporté quelques nordbergiens, trop vieux ou trop jeunes, et elle mourut également. De ce fait, la jeune Kelda et son frère, le « Petit-sorcier » comme on l'appelait depuis qu'on l'avait vu utiliser la magie, étaient orphelins.

La communauté se réunit, tout comme cinq ans auparavant, pour décider de ce qu'il fallait faire. Astvig avait un frère, un dénommé Hedin qui était un tanneur réputé dans la ville. Ce dernier voulait adopter sa nièce, en mémoire de sa sœur et parce qu'une paire de bras gratuite l'aiderait dans son travail. Par contre, il ne voulait pas du garçon. Et personne d'autre ne voulait de cet étrange enfant.

Vandri Alrarson, qui avait déjà voulu qu'on se débarrasse de l'enfant à son arrivée dans la ville, fit valoir de nouveau ses arguments. L'étrange menace qui avait accompagné le bambin était loin dans les mémoires des citoyens de la ville... pourtant, ceux qui s'en souvenaient se firent partisans de la modération : l'enfant devait être chassé, mais pas trop loin de la ville pour qu'on puisse au moins veiller a ce qu'il ne meurt pas. Dans une certaine mesure, évidemment...

C'est pourquoi, le lendemain de l'enterrement d'Astvig, que le Petit-sorcier fût conduit à la porte nord de la ville. Cette dernière donnait sur un espace où il y avait quelques demeures hors des remparts, et des arbres. Les lapins blancs pullulaient dans la zone, et l'enfant n'aurait pas de mal a se trouver un abri. Bien sûr, pour la forme, les autres enfants le bombardèrent de boules de neige pour l'inciter a s'éloigner de la grille d'acier qui servait de porte à la ville.

L'enfant ne recula pas.

Après les simples boules de neiges, les enfants lui lancèrent des boules de neiges où étaient dissimulés des cailloux.

Le petit-sorcier ne reculait pas.

Finalement, lassé de ce jeu, Vandri Alrarson, qui surveillait la scène depuis l'ombre de la porte, passa le groupe d'enfant qui bombardait le garçon à la peau bleue, et lui infligea une sévère correction avant de le faire s'éloigner d'un coup de pied.

Là, après s'être relevé, l'enfant s'éloigna enfin, et Vandri retourna chez lui, satisfait : il n'avait jamais apprécié cet orphelin. Dès qu'il l'avait vu, alors même que ce n'était qu'un bébé, il s'était dit que cette « chose » n'apporterait rien de bon à la ville.

De son côté, le Petit-sorcier s'était trouvé un abri, dans un vieil entrepôt abandonné. Il y avait des trous qui laissaient passer le vent froid, et il avait du déloger une colonie de rats, mais il était plus ou moins à l'abri. Il devrait faire quelques ajustements pour que ce soit vivable, et il rassembla du bois sec pour faire un feu afin de se réchauffer.

Tout en travaillant, il pensa à ce qui s'était passé ces derniers jours : les morts de Thori et d'Astvig, le fait qu'on l'ait mis au ban de la société. En réalité, tout cela l'indifférait. Il s'était fait insulté et battre par les nordbergiens, mais qu'importe ? Ils avaient fait ça parce qu'ils ne l'aimait pas. Lui non plus ne les avait jamais aimé, mais il commençait sérieusement a les détester.

« Ces minables... des rats des neiges, baignant dans leur peur et leur graisse, ils sont bien courageux lorsqu'il faut frapper des gens plus faibles, mais si j'étais plus grand, ils auraient moins fais les fiers... »

Il repensa également aux morts de ses « parents ». Il n'éprouvait qu'un léger regret, mais sans plus : pour être franc, même s'il appréciait Thori et sa femme, il ne les avait jamais vraiment aimé. Et surtout pas comme des parents, car il savait bien qu'ils n'avaient aucun lien avec lui, et il n'en ressentait pas non plus envers. Pour tout dire, la seule personne qu'il regrettait, c'était Kelda. Elle avait toujours été gentille avec lui, et il l'aimait bien pour cela... c'était peut-être parce qu'ils avaient été élevés ensemble, mais en tout cas c'était bien la seule personne qu'il appréciait réellement à Nordberg.

Alors qu'il contemplait les flammes de son petit feu, il se mit a se demander quelle sensation il éprouverait s'il pouvait se venger des Nordbergiens et de leur marmaille. Son intuition lui disait simplement qu'il apprécierait sûrement cette revanche, car alors nul doute qu'il serait fort. Plus fort que n'importe lequel de ces mollassons, plus forts même que les quelques chasseurs et hommes de valeurs de la communauté. Certains étaient des personnages généreux, aussi bien avec leurs voisins qu'avec les rares membres d'autres villes du pays qui venaient parfois à la ville de Nordberg. Et cette bonté écœurait le petit-sorcier. Pour lui, avoir la force, c'était se faire servir par les autres. Pas la peine d'être généraux, il fallait se montrer fort et s'ils résistaient...

Alors qu'il pensait à tout cela, il entendit un gargouillement. Son ventre lui faisait savoir qu'il était vide. Tout en observant les flammes, il avait utilisé un petit couteau pour tailler un gros morceau de bois afin de se doter d'un gourdin, et après avoir remis son couteau dans son fourreau, il sortit de son abri pour découvrir un lapin blanc qui rongeait des racines près d'un arbre juste à côté de sa nouvelle demeure. Le rongeur se tourna vers lui, ses grands yeux noirs et humides auraient attendrit un enfant normal... ils ne firent guère d'effet au petit-sorcier, si ce n'est qu'il eut encore plus envie de se débarrassé de cette vision qui l'horripilait, ce qu'il fit d'un grand coup de son nouveau gourdin.