Deux années étaient passées durant lesquelles les choses commençaient à perceptiblement changer dans le monde des sorciers, mais également celui des moldus. Deux années durant lesquelles des disparitions et autres phénomènes magiques inhabituels avaient laissé entrevoir que dans un avenir proche, Poudlard ferait plus que symboliser le lieu de résistance du bien face aux forces du mal.
Deux années durant lesquelles, dans le plus grand secret, des hommes et des femmes s'étaient regroupés afin d'organiser tantôt leurs défenses, tantôt leurs attaques.

Pourtant, parmi la population de sorciers et sorcières de plus en plus nombreuse à s'interroger sur l'inquiétante atmosphère qui s'étendait peu à peu sur le monde, il se trouvait une personne qui restait singulièrement étrangère à tout ce qui l'entourait. Une personne qui ne faisait en réalité plus cas de rien – que cela lui ait été propice et pas. Car pour Emy, les deux années qui venaient de s'écouler n'avaient été rien d'autre qu'un voile fantomatique posé sur une vie qui n'avait plus de but… la sienne. Depuis cette journée où tour à tour, elle avait cru l'être aimé mort pour le voir brusquement revivre au moment où ils avaient été dramatiquement séparés sans espoir d'être à nouveau réunis un jour, l'image d'Ewan s'était imposée à elle pour ne plus jamais cesser de la hanter. Dès lors, plus aucune nouvelle ne l'avait touchée, rien ni personne n'était parvenu à lui faire reprendre goût aux choses, à lui rendre le sourire. Chaque fois qu'une situation comique ou cocasse s'était présentée, ou plus modestement, dès que le quotidien aussi rassurant que répétitif tentait de reprendre ses droits, la peine et le remord resurgissaient dans son cœur et la brisaient impitoyablement. Une part d'elle était morte ce jour-là et rien ne semblait en mesure de pouvoir la ressusciter.
… Et le fait d'avoir découvert de la bouche de son attentionné directeur quelles étaient les véritables identités d'Ewan et ses compagnons n'arrangea pas la situation. Non-pas qu'Emy s'était surprise à regretter un quelconque avenir de reine maintenant disparu. Mais… la splendeur de la chose et l'amour qu'un être tel que lui lui avait manifesté ne l'attristèrent que plus.


Peu de temps après le départ des trois magiciens, elle avait songé à arrêter ses études. Quitter ce château qui lui rappelait de trop tristes souvenirs tirer un trait sur ce passé faire comme si tout cela n'avait jamais existé… Ne devenir en fin de compte qu'une moldue anonyme qui n'aurait jamais dû être mêlée à tout cela…
Mais comment avait-elle pu sérieusement envisager que le simple fait de ne plus revoir Poudlard lui permettrait d'oublier ? Que rejeter son avenir empreint de sorcellerie l'éloignerait de la magie ? Dans quel état de faiblesse et de désespoir s'était-elle trouvée pour imaginer un instant que tout cela était la solution à son malheur…
Heureusement, l'amour, la patience et la compréhension des siens vinrent à bout de ses idées folles, dénuées de sens. Ainsi, la douceur et le soutien de ses amis (mis dans la confidence dans la plus totale incrédulité), les mots bienveillants de ses parents (que la visite de Dumbledore dans leur modeste maison par un bel après-midi ensoleillé avait marqués à tout jamais) et l'encouragement de ses professeurs (même ceux qui n'espéraient plus grand chose de ses résultats toujours aussi calamiteux) à continuer à avancer sur le chemin qui se dessinait devant elle l'avaient convaincue de rester jusqu'à cette septième année. La dernière…

La vie à Poudlard perdura donc. Grâce à ses efforts, Dumbledore avait su apporter suffisamment de pouvoirs propres au château afin que celui-ci demeure une école digne de ce nom où l'éducation des futurs sorciers serait toujours dispensée. Quant à la vie des élèves en ces lieux, avec le temps – et l'ignorance nécessaire de nombreuses choses, substituées par des explications moins traumatisantes – elle avait retrouvé son cours : rires, amitiés, mais aussi rivalités et coups tordus. Les habitudes rythmaient à nouveau la vie des classes des quatre Maisons, de la première à la septième année.

En outre, concernant Emy et la manière dont les autres élèves la considéraient, même si son nom serait désormais irrémédiablement associé à celui d' un autre élève dont on n'entendrait plus jamais parlé – bien qu'il eut laissé un souvenir indélébile dans la mémoire de beaucoup – du fait de ne pas connaitre la vérité sur les terribles évènements survenus, toujours avec le temps, ce qui avait d'abord agité les élèves et mis une certaine distance entre eux et la jeune fille, avait fini par s'atténuer au point d'en devenir anecdotique, faisant que sa relation avec ses camarades était quasiment revenue à la normale – si ce n'est qu'en dehors d'Hermione, Harry et Ron, Emy ne faisait plus vraiment cas des autres.


Tout cela fit que dans cet environnement pourtant favorable, jamais l'avenir d'Emy ne lui avait paru aussi incertain. Bientôt, son année scolaire se solderait par le très connu et redouté examen des ASPIC. Bientôt, elle quitterait Poudlard en ne sachant ce qu'elle ferait de sa vie une fois « relâchée ». Et pire que tout, telle une tradition immuable, d'ici quelques jours aurait lieu le bal de Noël - le dernier auquel elle aurait l'occasion de prendre part… Le dernier durant lequel ses souvenirs les plus puissants et douloureux resurgiraient, mais en même temps, le dernier durant lequel elle gardait un secret espoir que quelque chose, enfin, se produise.
Elle savait que c'était stupide, mais… Il avait beau lui avoir dit qu'une fois le Joyau détruit, l'ultime passage qui permettrait de rejoindre son royaume serait celui par lequel il partirait, elle n'avait cessé de songer que si quelque chose de merveilleux devait malgré tout une dernière fois arriver, ce serait durant cette soirée-là qu'il aurait le plus de chance d'avoir lieu.
Ah… Que ne l'avait-elle revécu dans son esprit ce moment où ils avaient été si proches, où il s'était un peu plus révélé à elle, séduisant et si tendre, lui laissant entrapercevoir la beauté de son monde. Que n'avait-elle depuis désiré qu'un tel moment se reproduise… même si juste une ultime fois.
C'est pourquoi, le cœur meurtri et nostalgique, depuis bientôt deux ans, tous les soirs à la tombée de la nuit, tel un spectre, elle restait un long moment, seule et silencieuse à sa fenêtre en se posant les mêmes interrogations, en espérant voir apparaître quelque chose dans le parc, là où son bonheur lui avait échappé. Mais non. Rien ne s'était jamais produit. Personne n'était jamais apparu.

Qu'était-il devenu ? Avait-il survécu à ses blessures ?... assurément « oui », si elle en croyait Dumbledore. Pensait-il encore à elle ? Autant que ce qu'elle pensait à lui. Était-il aussi malheureux ? N'était-il pas au contraire passé à autre chose, trop occupé par ses devoirs et son peuple, ou ayant continué pragmatiquement sa vie, sachant qu'ils ne pourraient plus jamais se revoir ?
Comme il était dur pour elle de ne pas savoir, de rester sur ses doutes, ses questionnements.


Les jours suivants passèrent monotonement, puis arriva enfin le bal. Et tandis qu'une agitation bien naturelle gagnait le château, tout comme l'année précédente et celle d'avant, Hermione fit de son mieux pour convaincre son amie d'y participer. Sans imaginer l'y voir subitement extravertie, au moins espérait-elle qu'Emy y retrouverait quelques plaisantes émotions que tous jeunes gens de leur âge étaient en droit d'éprouver. Mais comme elle l'avait redouté, une nouvelle fois Emy ne tint pas à aller s'amuser avec les autres, à écouter une musique enjouée sous laquelle nombre de ceux qu'elle croisait au quotidien se déhancheraient sous de grands éclats de rire. Elle, tout ce qu'elle aurait aimé, c'était de pouvoir une dernière fois danser une douce valse sous le joli kiosque blanc, entourée de petites fées bleutées. Ces fées... Ses petites fées à elle qu'elle avait de plus en plus de mal à faire apparaître. Pouvoir qui s'étiolait ? Tristesse qui l'affaiblissait ? Etres magiques repartant dans leur monde ? Quoi qu'il en fût, il n'en restait plus que quelques-unes qui venaient volontiers la voir, mais aucune d'elles n'avait la beauté de celles d'autrefois. Celles-ci aussi n'étaient plus là.

La soirée s'annonçait, les cris et les gloussements se multipliaient, et malgré l'envie qui démangeait Hermione, Harry et Ron d'aller chercher Emy pour la sortir coûte que coûte de sa mélancolie - quitte à la forcer un peu en lui faisant boire en douce quelques gouttes d'Elixir de joie - ils n'en firent rien… parce qu'ils savaient que ça n'aurait servi à rien. Que passé l'effet euphorique de la potion, Emy serait retombée dans sa tristesse et leur en aurait peut-être voulu d'avoir agi ainsi.
De ce fait, alors que la soirée avait débuté depuis un moment déjà et que tous s'étaient retrouvés dans la Grande Salle pour festoyer, le quatuor privé de l'un de ses membres passa davantage de temps sobrement calé dans un coin de la Grande Salle plutôt que sur la piste de danse, attendant que la fête se termine, songeant gravement que pendant ce temps, perdue dans le parc, une amie attendait désespérément que le passé revive pour pouvoir le changer.


En deux ans, Dumbledore avait eu le temps d'expliquer à Emy toute l'histoire du royaume d'Idhren et les responsabilités qui pesaient sur les épaules de celui qu'elle connaissait sous le nom d'Ewan Lynch. Ainsi en deux années, elle avait eu le temps de réaliser tout ce qu'elle avait gâché...

Mais ce qu'elle ignorait en revanche, ce que tous ignoraient, c'est que depuis tout ce temps, inlassablement, loin de là, un roi qui avait recouvré l'étendue de ses pouvoirs et faisait l'orgueil de ses sujets, harcelait sans état d'âme son Curunir (son mage) pour qu'il parvienne, malgré la destruction du Joyau, malgré l'impossibilité théorique de la chose, à recréer ne serait-ce que quelques minutes un passage entre son monde et celui des sorciers.
Tâche ardue – qualifiée même d'irréalisable par de nombreux conseillers. Mais depuis son réveil, fidèlement soutenu par Amath, cela avait été la seule et unique chose qui avait permis à Idhren de ne pas sombrer dans une tristesse funeste.
… Même si, en plus de tout cela, le souverain savait pertinemment qu'il ne lui restait que peu de temps pour retrouver sa bien-aimée.
En effet, l'unique lieu où son pouvoir pourrait éventuellement réapparaitre était Poudlard - parce que c'était là que les traces de sa magie étaient les plus importantes. Mais l'étaient-elles suffisamment pour permettre un tel prodige ? Et que se passerait-il si par bonheur le Curunir parvenait à recréer un pont espace/temps mais que celui-ci soit prêt trop tard, lorsqu'Emy aurait quitté Poudlard ?
Simple question qui aurait semblé saugrenue il y a encore peu. Mais depuis la destruction du Joyau, c'est tout le pouvoir féérique qui disparaissait de la surface de la Terre et y avait déjà considérablement perdu de sa force. Ainsi, ne pas retrouver Emy là où il l'avait laissée équivaudrait à ne plus jamais pouvoir le faire.
… Et ça, c'était tout simplement inconcevable pour l'homme qu'Idhren était.

Il souffrait trop de son absence. Dans sa vie de tous les jours, malgré sa force, l'attention qu'il portait aux autres et sa bonne volonté, tout le monde le ressentait et en était peiné. Là où il vivait, même les fleurs n'avaient plus resplendi comme aux temps glorieux de jadis. Tout dans son royaume attendait qu'il revive pleinement pour pouvoir en faire de même.
Mais peu savaient que cette souffrance liée à la crainte de ne pouvoir retrouver celle qu'il aimait n'était pas seule. Car même s'il avait toujours su qu'elle pensait toujours à lui - ayant ce pouvoir, de par l'essence féérique d'Emy, de savoir ce qu'il en était dans son cœur - il n'avait également que trop conscience du désespoir dans lequel elle sombrait un peu plus le temps passant.
C'est pourquoi même si cela devait lui coûter son pouvoir et son statut, tout ce qui lui importait était de pouvoir repartir là-bas et de la sauver… comme il regrettait de n'avoir pu le faire plus tôt. Pour cela, il mit tout en œuvre et resta le temps qu'il fallut tantôt dans les anciennes archives de son palais à consulter moult manuscrits, tantôt à assister le Curunir, lui offrant alors la pleine puissance de son pouvoir elfique.
Et quand les choses traînaient trop ou que le mage doutait de l'utilité de tout ce travail déjà accompli mais qui n'avait encore donné aucun fruit, plutôt que de voir le moral d'Idhren défaillir, Amath intervenait. Amath qui, en tant que demi-elfe pourvu du caractère bien trempé que tous lui connaissaient dans le royaume, ne mettait guère de temps à « encourager » le Curunir à se remettre pleinement à la tâche, ravivant ainsi l'espoir dans le cœur de son roi.


De ce fait ignorante de tous ces efforts réalisés, le jour du bal, Emy était apparue encore plus secrète qu'à l'accoutumé. Au milieu de l'agitation ambiante qui ne l'avait guère atteinte, elle n'avait qu'une hâte rongeante : être au soir pour voir si en ce jour symbolique, son vœu le plus cher se réaliserait enfin. Bien sûr que s'il ne se passait rien, elle savait qu'il resterait encore des semaines entières avant la fin de l'année. Mais pour elle, si ce soir-là avait été comme les autres, c'est que tout espoir aurait été perdu.

Pour avoir réussi à s'être parfois confiée à Hermione, qui, si elle n'avait pu trouver de mots pour la consoler, au moins la soutenait-elle, lorsque cette dernière vit son amie attendre que ses autres camarades de chambre n'aient filé au bal pour pouvoir prendre la direction du parc par des accès secondaires, elle ne dit rien et ne fit rien pour essayer de la faire changer d'avis. Elle lui adressa simplement un sourire qu'elle voulait encourageant mais qu'elle savait plaintif. Amicalement, Emy le lui rendit, lui souhaita une bonne soirée et referma la porte derrière elle. Hermione soupira et s'assit un instant sur son lit, se désolant de la situation mais estimant toutefois que ces choix appartenaient à son amie, avant de prendre la direction des passages secrets qui lui permettrait de rejoindre Harry et Ron dans le Grand Hall.


Plusieurs heures après, alors que la fête battait toujours son plein, Hermione regagna sa chambre, épuisée malgré le fait de ne pas avoir fait grand-chose de ses jambes durant la soirée, s'imaginant l'état dans lequel elle ramasserait Emy le lendemain matin. Navrée, en ouvrant la porte du dortoir, elle avait trouvé tous les lits vides et en avait aussitôt déduit qu'une fois encore, son amie passerait toute la nuit à attendre, seule, dans l'obscurité du parc. Son analyse faite, elle referma la porte d'un machinal geste de la main, s'avança dans la pièce et entreprit de retirer sa robe de soirée – trop rouge et volumineuse à son goût. Soudain, elle sursauta. Un claquement sec venait de retentir tout près d'elle. Elle découvrit alors, posé au milieu de son édredon, un petit parchemin enroulé, noué par un joli ruban. Intriguée, Hermione s'en saisit et commença à le lire. Mais au fil de sa lecture, ses yeux se mirent à bondir d'une ligne à l'autre. Et à peine en eut-elle fini, qu'elle jeta le parchemin par-dessus son épaule, enfila ses pantoufles – ainsi qu'une robe décente - et se précipita à toute allure vers sa salle commune qui, ce soir-là et à cette heure-là, aurait dû être normalement vide. Sauf que précisément, à cet instant, se trouvait devant la cheminée une personne que les élèves avaient peu l'habitude de voir : le directeur de l'école. Arrivée aux bas des marches, en l'apercevant, Hermione fit instinctivement un lien avec l'état d'Emy et eut peur que Dumbledore ne soit venu en personne pour lui annoncer une mauvaise nouvelle. Mais dès qu'elle vit l'esquisse de sourire se dessiner sur le visage du vieux sorcier, sans encore connaître l'objet de sa visite, elle fut profondément soulagée.

- Professeur…, dit-elle incertaine, en s'avançant vers lui. Qu'est-ce que...?

Mais Hermione n'eut pas le temps de terminer sa phrase qu'Harry et Ron arrivèrent eux aussi en trombe de leur chambre, manquant de peu de rater les dernières marches.

- Hermione ?, lança Ron étonné, en voyant son amie en robe de chambre.
- Professeur Dumbledore ?, dit du même ton Harry en remarquant plutôt en premier le directeur de Poudlard. Que se passe-t-il ?

Hermione haussa les épaules avec ignorance tandis que Dumbledore fit un pas vers eux et élargit son sourire.

- Pardonnez-moi de vous avoir dérangés à une heure pareille, mais si je ne l'avais pas fait maintenant, il aurait été inutile que je fasse plus tard.

Ron haussa les sourcils, ne parvenant jamais à comprendre au premier coup ce que son incroyable directeur pouvait raconter.

- Pourquoi ?, demanda Harry. Qu'est-il en train de se passer ?
- Eh bien, dit avec plaisir Dumbledore, son regard pétillant toujours en alerte dans de tels moments, si vous regardiez par la fenêtre, je pense que vous obtiendriez une réponse bien plus éloquente que la mienne…

Les trois se tournèrent alors d'un même mouvement vers la fenêtre qui donnait sur le parc, que Dumbledore présenta d'un geste de la même.

- ... mais j'ai bien peur que la scène vous fige tant qu'elle vous fasse perdre un temps précieux. Je vous conseillerais donc plutôt de rejoindre immédiatement miss McLane avant que celle-ci ne parte loin d'ici - et pour une période que je devine très longue.

Les trois ne mirent pas cinq secondes à comprendre. Hermione en tête – après avoir habilement écarté les deux garçons de son chemin par un efficace coup de coude – ils descendirent les marches du château plus vite encore que le jour où ils s'étaient rendus compte avec effroi qu'ils étaient en retard à une épreuve de BUSE !

Dès qu'ils atteignirent le perron, après avoir traversé au pas de course le Grand Hall où une musique assourdissante résonnait toujours, ils stoppèrent net tout mouvement, complètement cois.
C'était arrivé.
Aussi incroyable que cela pouvait paraître, c'était vraiment et enfin arrivé. Elle n'avait donc pas espéré dans la tristesse tout ce temps pour rien. Il ne l'avait pas non-plus oubliée…


Assise dans l'herbe, là où avait été déposé l'espace d'une soirée un banc de pierre blanc ouvragé, Emy avait replié ses genoux contre sa poitrine. Au bout d'un moment, son regard se perdit loin devant elle. Elle revécut une fois de plus ce qu'il s'était passé à cet endroit deux ans plus tôt. Ce fut le plus beau moment de sa vie. Mais le sourire que ces instants magiques à jamais perdus dessinèrent sur son visage aminci se figea tout à coup, lorsque son regard toujours voilé se porta un peu plus loin, près du lac. Là, dans la plus extrême opposition, elle ressentit brusquement ce qui l'avait blessée à jamais. Son absence. Son refus d'être revenue quand Roger l'avait suppliée de le faire. C'était sa faute. Tout était sa faute…
Et voilà que maintenant, elle était là, à espérer avec cette même foi qui ne l'avait jamais quittée. Pourtant, les minutes et ses souvenirs passant dans le froid et la solitude, elle commença à réaliser l'absurdité de son espoir. Lucide, elle se dit que son attente ne changerait rien… et que son avenir ne serait plus que ténèbres.

C'est là que tout à coup, telle une réponse à son renoncement, une petite lumière bleue jaillit de nulle part. Une lumière bleutée étrangement familière qui donna un premier coup dans la poitrine d'Emy. Devant elle, voletant avec grâce, une petite fée – autrefois appelée avec une naïve ignorance « papillon » - se fit l'annonciatrice d'une visite particulière.

Emy se dressa d'un bon, son cœur cognant, cognant si fort, si douloureusement. Mais comme elle était agréable cette douleur. Comme elle lui avait manqué. Comme elle la fit revivre. Se pouvait-il vraiment que...?
Et dans la pénombre du soir, près du lac, une douce lumière apparut. Un rai se dessina d'abord, s'allongea ensuite et enfin s'écarta. Il avait réussi. Il savait qu'il la trouverait là. Il apparut enfin. Elle le reconnut de suite. Sa stature, son visage, son regard et à cet instant, un sourire si heureux et soulagé sur le visage. Elle était là. Elle était bien là. Et elle l'attendait.

Emy n'en croyait pas ses yeux. Une main posée sur sa bouche, elle le dévisagea en suppliant pour que tout ça ne soit pas un fruit de son imagination – parce qu'assurément, elle n'y survivrait pas. Il s'avança lentement vers elle. Elle, n'en eut pas la force. A peine fut-elle debout qu'elle sentit ses jambes vaciller, menaçant de ne pas supporter le moindre mouvement.
Au fur et à mesure qu'il se rapprochait, elle le regarda, l'admirant, émerveillée. Sa robe de sorcier avait disparu et été remplacée par une tunique claire richement brodée qui recouvrait un pantalon blanc. Mais plus magnifique que tout cela, il y avait l'aura qu'il dégageait et qui se faisait plus fort au fur et à mesure qu'il avançait vers elle et l'enveloppait.

Ne supportant plus la maigre distance existant encore entre eux, Emy passa outre les tremblements de ses jambes et fit un pas en avant… pour se sentit aussitôt chanceler. Elle était en train de tomber lorsque les bras qu'elle n'espérait plus la rattrapèrent promptement et la serrèrent ensuite dans une étreinte incroyable.
Passées quelques secondes, Emy leva une main fébrile qu'elle posa timidement sur la joue du garçon.

- C'est bien toi ?, demanda-t-elle à bout de force.

Il lui sourit et elle se mit à pleurer, laissant s'échapper toute la tristesse qu'elle avait gardée en elle depuis leur séparation. Ewan la serra encore plus fort contre lui.

- Tu ne peux imaginer le bonheur qui est mien aujourd'hui. Enfin je te retrouve. Enfin…

Emy s'écarta alors très légèrement et le regarda, le regard mouillé mais heureux.

- Ewan... euh… Idhren, se corrigea-t-elle en rougissant. J'espérais tellement. Mais après ce que tu m'avais dit, je pensais ne plus jamais pouvoir te revoir.
- Oui, avoua-t-il en souriant. Mais il se trouve que j'ai un mage assez exceptionnel que j'ai un peu… secoué au cours de ces deux dernières années - et surtout empêché de dormir tant qu'il ne serait pas parvenu à créer un passage comme celui-ci.

S'imaginer un pauvre bougre avec une barbe aussi longue et blanche et un chapeau encore plus pointu que son directeur s'endormir de fatigue sur un vieux grimoire pour être aussitôt ramené à l'éveil par un coup de pied au derrière fit pouffer Emy. Ewan put ainsi enfin revoir le joli sourire qu'il aimait tant et qu'il savait avoir disparu durant trop longtemps.
Tous deux restèrent ensuite plusieurs minutes sans rien dire, appréciant simplement et pleinement le bonheur d'être à nouveau dans les bras l'un de l'autre. Peu après, Emy porta son attention vers le passage inespéré qu'elle avait complètement occulté durant ses retrouvailles et put ainsi apercevoir avec grande joie Adel, qui lui adressa un amical signe de tête tout en restant pour le moment vigilent et immobile près de la porte magique.

- Emy, l'appela Ewan, en soulevant de sa main son menton. Je sais que cela est beaucoup te demander dans la mesure où ceux que tu aimes et ce que tu as toujours connu sont ici, mais... si tu l'as un jour souhaité et le souhaites toujours, accepterais-tu de m'accompagner dans ce royaume inconnu qui est le mien, et deviendrait le tien, afin d'y vivre à mes côtés à jamais ?

Elle en eut le tournis. Ces mots... Ces mots qu'elle rêvait d'entendre...

- Quand ? Quand m'emmènes-tu ?

Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'Ewan ne s'était pas attendu à une réponse aussi spontanée et explosive – mais il fut loin de s'en plaindre.

- Tu y as bien réfléchi ?, lui demanda-t-il quand même, l'air soucieux.
- J'ai eu deux ans pour cela, répondit Emy avant de se détourner, la voix subitement brisée. Deux années durant lesquelles j'ai prié pour que l'on se retrouve un jour, tout en sachant pourtant que...

Une larme roula sur sa joue. Le regret qu'éprouvait Ewan explosa dans son cœur. Il reprit Emy dans ses bras et la serra contre lui dans un mélange de chagrin et de protection.

- Tu n'auras plus jamais à revivre cela. Je te le promets.

Elle étouffa un reniflement et souleva vers lui un visage qui laissa poindre un léger sourire.
Soudain, venant d'un peu plus loin.

- Altesse ! Le passage va bientôt se refermer. Si tu pouvais un peu te dépêcher...

Emy faillit éclater de rire en voyant la mine désespérée que fit Ewan en entendant Adel le prévenir de la sorte. Un avait beau être roi, l'autre pouvait bien être sous ses ordres, ils étaient avant tout amis et cela se constatait facilement.

- Toute une éducation à refaire..., soupira Ewan.

Puis, plus sérieusement, après avoir jeté un fugace coup d'œil par-dessus l'épaule d'Emy.

- Tes amis sont là. Ne désires-tu pas leur dire au revoir ?, dit-il doucement.

Emy se retourna aussitôt vers le château et eut la surprise de découvrir ses trois amis, ses trois indéfectibles amis, qui patientaient sur le perron, leurs regards tournés vers elle... vers eux.

- J'en aurais le temps ?, s'inquiéta-t-elle – car il était hors de question qu'elle s'éloigne trop du passage cette fois-ci.
- S'ils viennent aussi à ta rencontre, probablement...

Emy leur fit aussitôt un geste de la main et commença à s'avancer vers eux d'un pas rapide. Et dès qu'ils comprirent qu'ils pouvaient approcher sans risque, les trois dévalèrent les marches et vinrent à sa rencontre pour l'enlacer affectueusement.
Resté sur le perron, dominant la scène, Dumbledore observa Ewan qui capta vite son regard, avant de s'incliner légèrement, saluant ainsi la personne qu'il était et reconnaissait. Ewan sourit et aussitôt apparut près du vieux sorcier une sylphide, porteuse d'un message :

« Merci d'avoir pris soin d'elle.
Pardon de n'avoir pu mieux vous connaître. »

Dumbledore lut la missive qu'il conserverait soigneusement, puis murmura :
« Je vous en prie, Altesse... Et sachez que le regret est partagé. », que la brise légère porta jusqu'au jeune homme.

- Emy. Il est temps.

Ewan mit doucement fin aux accolades. L'heure était venue, la porte se refermait déjà. Emy regarda alors ses amis une dernière fois, sentant les larmes monter.

- Merci... Merci pour tout à tous les trois, leur dit-elle en serrant ses mains autour de celles d'Hermione. Je ne vous oublierai jamais.
- Nous non-plus !, s'exclama Harry.
- Maintenant, tu n'as plus qu'à être heureuse. C'est tout ce qu'on te demande, ajouta Ron.

Hermione ne parvint pas à parler, trop émue. Emy leur sourit, se dégagea et alla rejoindre Ewan qui prit sa main dans la sienne avant de se tourner vers les trois Gryffondor qu'il salua.

- Euh… Altesse…, répondirent-ils impressionnés, tout en se courbant maladroitement.

Puis,

- Es-tu prête ?, demanda Ewan en plongeant ses yeux clairs dans ceux d'Emy.

Elle acquiesça simplement puis main dans la main, escortés d'Adel, ils franchirent la porte qui se referma derrière eux.


Pour ce qui est de leur vie « ailleurs », c'est une autre histoire...
Et quelle qu'elle puisse être, un grand Merci à vous tous d'avoir suivi celle-ci jusqu'au bout.

A bientôt peut-être,
ewanna.