Posté le : 3 Mars 2015. Ce bonus n'a aucun but particulier. Il se situe quelques semaines après le chapitre 10 "Vous avez reçu un nouveau message"


Draco Malfoy

22, Catherine Street, Soho

London, SW97DE

Au-dessus d'un sex-shop

rockritic at hotline . com

le 14 putain de février

To My Bloody Valentine.

Je ne me suis jamais senti aussi perdu qu'en ce moment. Les choses que je pensais acquises et certaines sont remises en question. J'ignore d'où cela provient, mais, j'ai peur. Si tout se casse la gueule à cause de putains de doutes, sur quoi pourrai-je encore m'appuyer ? Je suis si chamboulé que j'en arrive à passer nuit blanche sur nuit blanche à me poser des questions sur le lendemain. Et quand il finit par fondre sur moi, irradiant de lumière, j'ai cette foutue envie de chialer. C'est profondément injuste de ne pas voir le temps passer, de le sentir juste nous torturer, de faire défiler les évènements plaisants vitesse grand V, et ceux douloureux au ralentis.

Là, en ce moment, j'ignore si je vis un moment agréable ou non. Je me sens simplement pris au piège. Piégé par le temps, par ma vie, par mon putain de cerveau qui refuse d'aligner plus d'un raisonnement cohérent par jour... Parce que s'il avait été doué de véritable intelligence – d'intelligence pure, j'entends par là ; eh bien, je ne serai pas en train d'écrire cette maudite lettre. Et toi... toi tu ne serais pas en train de la lire. C'est drôle, à chaque fois que j'écris, je m'aperçois à quel point c'est salvateur pour moi. Un peu comme ces thérapies d'électrochocs complètement désuètes et interdites pour changer ta cuti. L'écriture a le même effet sur moi : elle me ramène vers le droit chemin, comme la mer à marée haute. Elle traîne les déchets vers la plage, en rampant. Tous ces déchets dont on n'a jamais voulu et qui pointent leur nez, comme ça, pour faire chier le monde. Je suis ce genre de truc qu'on jette à la mer en espérant ne plus en avoir à faire.

Mais, irrémédiablement, je me raccroche à cette chose insignifiante qu'est la vie. Je reviens. Abîmé, certes. Mais je suis là, intact. Quel coup du sort, non ? Le soir dernier, on m'a fait chier pour descendre les poubelles. Donc j'y suis allé ; jusqu'à ce que je me rende compte que je n'avais pas emporté le sac avec moi... Peut-être que c'est moi la poubelle, après tout. Ça ne serait pas complètement absurde. En fait, ça serait même parfaitement logique vu les chemins escarpés qu'emprunte ma vie au quotidien. Je ne sais pas ce qui va de travers avec moi. Je suis le genre de mec à qui tu dis : « Prends cette route. Va tout droit, puis tu es arrivé. » Non, moi, je suis tellement con, imbu de ma personne et... – ai-je déjà dit con ? – encore con, que je prends TOUT sauf la direction indiquée. Souvent, je me dis que la vie ne peut définitivement pas être si simple, qu'il y a forcément un piège quelque part. Un peu comme ce logiciel stupide qui tournait sur la plupart des ordinateurs, à l'ancienne.

Comment s'appelait cette merde, déjà ? Ah oui, Le Démineur. Je pouvais passer des heures, tout gamin, à essayer de deviner où se trouvaient les bombes. Le plus cocasse dans tout ça, c'est qu'on te présentait des ratios de risques, des balises pour bien délimiter les zones dangereuses. Pourtant, je sautais tout de même dedans à pieds joints. Je me disais : « Ferme ta gueule, machine de merde. Je suis plus intelligent que toi. Je sais ce que je fais ». Ceci est le plus gros mensonge de l'humanité. J'ai X années et j'ignore toujours ce que je fais. Je ne sais pas si c'est bien ou mal. Je ne sais pas si cela aura des conséquences ou non. Pourtant, je continue de le faire parce que je me dis qu'un beau jour, tout cela portera ses fruits.

Tu m'excuseras le manque d'organisation dans mes propos. Il est je-ne-sais-pas quelle heure. Je n'ai pas eu de nuit décente depuis trois jours. Ça me fait toujours ça en Février. Ce mois me fait bader à mort. Tu réalises tout doucement que la plupart de tes résolutions étaient, en réalité, que des putains d'illusions. Et, d'un autre côté, tu es si loin de la prochaine année que t'as juste envie de tomber dans un coma dur comme la pierre ou de te foutre en l'air. Le misérable petit insecte que je suis a trop la trouille pour m'enfiler toute la boîte de xanax. En même temps, une toute petite voix me dit que rien ne pourra être pire que ce que j'ai déjà traversé. Ouais, je sais, c'est con et utopique. Mais merde, quoi ! J'ai envie de croire en l'avenir. Ensuite, quand j'ai enfin surmonter Février et que Mars arrive pour achever de me geler les couilles, je réalise avec bêtise que l'avenir ne peut être qu'infiniment mauvais. Parce que c'est mon avenir. Le mien, celui de personne d'autre. Donc forcément, ça sera dur à gérer. Ma vie n'est pas sucrée. Pourquoi tout semble plus compliqué quand il s'agit de notre pauvre gueule ? Je vais te le dire pourquoi : parce que les autres sont infiniment doués lorsqu'il s'agit de dissimuler leurs peurs, leurs attentes, leurs déceptions. Tout ce qu'on voit, tout ce que l'on sent, ce n'est qu'un putain de mirage. Et finalement, on est tellement pris dans notre vie, à se dire que tout va bien, et ce mirage devient une sorte de réalité. On ne parvient plus à en sortir. On se convainc même que... d'une certaine façon, il vaut mieux vivre une existence pavée d'illusions, que de la vivre pour de vraie.

Soyons clairs là-dessus : j'adore mes propres illusions. J'aime me dire qu'un jour, je serai tranquille, que je deviendrai célèbre pour autre chose que ma langue de pute, que je laisserai quelque chose de significatif sur cette planète à deux balles. Plus je nourris ces illusions, plus je m'éloigne de la vérité. La vérité, en fait, c'est que je suis en train de perdre tout ça. Je suis en train de me perdre. Je t'avais déjà dit qu'on ne faisait pas sa vie assis. Les dernières épreuves m'y ont pourtant contraint. Je me suis incliné, c'est vrai. Je n'ai plus honte de le dire. J'ai repris mon souffle. Je me suis reposé comme la vieille personne que je suis. Mais je compte redémarrer, encore plus haut et plus fort. J'espère simplement qu'au moment d'atteindre le sommet, je ne serai pas seul. Que tu seras là, avec moi. Qu'est-ce que le bonheur, après tout, si nous sommes seuls pour le savourer ?

Dernièrement, ma vie a pris un tournant inattendu. Je suis à la croisée des chemins. Je sais que tout dépend de moi, pourtant, je suis incapable de prendre une décision. Car faire un choix signifie qu'on laisse de côté tout un pan de l'histoire, qu'on loupe près de cinquante pour cent du possible. Je n'aime pas particulièrement l'idée de rayer une partie de ces possibilités, tout simplement pour m'en consacrer à une, et une seule. Je dois être un bébé pour être incapable de choisir. Rien ne tourne rond dans ma tête. Les gens choisissent tous les jours entre un ou deux ; entre rouge et bleu ; entre le bien et le mal. Alors quoi ? Suis-je donc une sorte d'alien ? M'a-t-on dépossédé de tout sens commun ? Je préfère croire que non (Les illusions, encore ces pétasses d'illusions...). J'imagine que, passé un certain délai, on devra me forcer la main.

Pour une fois dans ma vie, je vais devoir prendre les devants et ne plus laisser l'univers guider sa main à tout hasard. C'est tellement, tellement, tellement facile de faire ce qu'on attend de nous bêtement. On a beau se moquer des animaux dans les zoos, faire le singe ; en réalité, nous sommes le zoo, nous sommes les singes. Tous issus d'une pitoyable expérience en laboratoire. Je te jure que la plupart d'entre nous, nous ne réfléchissons pas à ce que nous désirons réellement. Les animaux, si. Sans barreaux à leur cage, sans dressage, ils courraient droit vers leur liberté, vers ce qu'ils chérissent le plus. Nous autres, sans cage ni dressage, nous serions incapables de savoir ce dont nous avons réellement envie. Nous serions juste perdus.

Parce qu'au final... Je me dis qu'on nous a enlevé ça en grandissant. On nous a appris à ne pas espérer plus de la vie que ce que cette pute veut bien nous donner. Nos proches ont beau nous répéter de faire ce qu'on a vraiment de faire ; que la vie est trop courte pour perdre du temps ; et que les rêves sont faits pour être réalisés... Tout ça, c'est du bullshit en barre. Aucune personne sensée n'encourage une autre à suivre ses rêves. Parce qu'on sait tous que dans le meilleur des cas, elle finira morte, et dans le pire, les joues complètement siphonnées et à mendier sur Hollywood Boulevard. L'instinct est destructeur chez l'homme. On nous l'annihile par crainte de ce qui pourrait se produire.

Alors, ouais, je me dis qu'il est temps de faire un choix. Un choix super important parce que je n'ai pas envie de finir comme ces millions de zombies qui hochent docilement leur tête face à leur patron. Un choix qui me déterminera en tant qu'individu. Je ne sais toujours pas ce que je veux. Je réfléchis en t'écrivant. Pourtant, je sais ce que je ne veux absolument pas. C'est préférable de procéder par élimination, non ? Je ne veux pas : Mourir en ayant travaillé plus des deux tiers de ma vie (Parce que rien n'est plus remplaçable qu'un être humain derrière son bureau, à se crever le dos pour un système qu'il ne captera jamais) ; Procréer pour procréer (Comment peut-on être injuste au point de vouloir des enfants dans son existence, alors que celle-ci est déjà fucked up à la racine ? Comment peut-on être blindé naïf et imbécile au point de s'imaginer que... que d'avoir un humain de poche améliorera les choses ? Monde de tarés) ; Tomber raide dingue amoureux (Rien n'est plus nocif que cette merde. J'ai essayé plein de trucs au cours de ma vie. Et je peux te garantir sur la tête de mon grand-père que l'amour est la chose la plus psychédélique que je n'ai jamais consommée).

Alors voilà. Je ne veux rien me refuser, car rien n'est refusable. Pas à la vie, pas à moi. Quel est le sens de tout ça ? Pourquoi sommes-nous contraints de nous balader sur ce fil, cet espèce de continuum espace-temps et d'espérer, comme un funambule, de ne pas tomber ? Il faut être sacrément perché pour avoir créer la vie. Je parle de Dieu, là. Ouais, c'est mon pote. On entretient une relation love/hate assez tumultueuse depuis quelque temps. Il ne répond à aucun de mes messages, mais je ne lui en veux pas. Moi aussi, à sa place, je ferais ma diva. Attends, tu as des millions d'agenouillés qui te prient tous les jours, et tu daignes ne pas répondre ? Le mec a tout compris, tu sais. C'est la Mariah Carey des temps modernes. Où est-ce Santa Mariah qui est arrivé après ? Tout ça me fout un gros doute.

Dans tous les cas, Dieu est taré. Au cas où tu ne t'en serais pas encore aperçu, Dieu est la seule personne (oh, blasphème) à foutre la merde partout où il passe. Il décide de dire des choses complètement contraires à des groupes de personnes pour qu'ils se foutent délibérément sur la gueule. Il ne pouvait pas juste s'arrêter à « Vivez en paix. Croissez. Mulpliez-vous. » ? Non, il ne pouvait pas résister à l'idée de faire sa Regina George. Il fallait absolument – et j'insiste – semer des ragots au quatre coins du globe à la vitesse de Twitter. Sans blague, Dieu, comment peux-tu manquer d'autant de sensibilité pour l'espèce en voie de disparition que nous sommes ? Tu sais, penser à la place de Dieu est une sorte d'échappatoire. Quand je suis en plein échec, je me dis : « Que ferait Dieu à ma place ? ». Puis tout à coup, les choses repartent dans le bon sens. Car je sais que Dieu ne ferait pas mieux.

Le soir dernier, j'écoutais de la musique, et je me suis demandé si mon mal-être provenait de mon trop plein d'ambitions. Je m'explique : peut-être qu'à force de voir les choses en grand, je m'enfermais dans une vision des choses où rien n'était assez bien pour moi. Et, qu'en définitive, je me retrouvais à faire des jobs de merde. Comme écrire dans un magazine des gossips sur des célébrités dont je me contrefous royalement (sauf toi, bien sûr). Peut-être que je pense être le roi du monde, que rien ne peut m'atteindre, et c'est là que je me trompe. Je suis aussi faillible que mon voisin de palier, et sans doute tout aussi prévisible. Derrière ma volonté de marquer ma différence se trouve un profond désir de me confondre avec le restant du monde. N'est-ce pas paradoxal ?

Ce qui semble encore plus paradoxal, dans le fond, c'est de se dire que les personnes ayant le plus de pouvoirs, sont en réalité les plus vulnérables de toutes. Il n'y a rien de plus affligeant qu'une personne pensant avoir le contrôle sur tout. L'être humain adore posséder le contrôle (putain d'illusion, encore une fois). L'avenir semble bien moins oppressant de cette façon. En fait, le contrôle, c'est un peu comme ces ceintures de sécurité dans les avions. On ne sait pas trop bien pourquoi elles sont là, car en cas de crash ou d'explosion, ceinture ou pas, les chances de survie sont proches de zéro. Pourtant, elles sont là ces foutues ceintures ; et aucun appareil ne démarrera si une personne n'est pas attachée. Donc, ouais, il n'y a rien de plus bête que s'imaginer pouvoir contrôler des choses aussi abstraites et foutrement capricieuses comme l'attraction terrestre, le temps ou le karma.

Laissons tout cela aux autres. Qu'ils continuent à se mentir. Ils sont insignifiants, si petits que je ne les vois pas. En cet instant précis – et aussi dingue que cela puisse paraître –, rien n'a plus d'importance que toi. Surtout en ce jour, my bloody valentine. J'ai bien conscience que cela ne sera jamais évident à mes côtés. Mais, au moins, te voilà désormais prévenu. Tu ne pourras ni me discipliner, ni t'assurer que je resterai toujours près de toi. Cependant, tu peux être certain d'une chose : mes émotions sont vraies. Je suis quelqu'un authentique.

Le temps des conclusions arrive : il n'y a pas de conclusion à tout ça. Comme la vie, les choses continuent bien après nous, et elles étaient aussi là bien avant. La vie elle-même est un accident ; et dans aucun cas décente. À partir du moment où l'on en vient à l'accepter, les évènements que nous vivons au quotidien semblent bien moins douloureux à supporter. Il ne s'agit pas de subir ou de planifier, car l'un comme l'autre laisse un goût âcre dans la bouche. Tout ceci n'est qu'un écran de fumée ; nous supportons malgré les élans de bons sens. Nous endurons ce que nous connaissons, car il n'y a rien de plus effrayant que l'inconnu. L'inconnu est plein de risque et de vice dont rares sont ceux voulant s'y essayer.

Je veux essayer. Car si je disparais demain, au moins, j'aurais vu.

Post-scriptum : Il y a quelque temps, j'ai envoyé ceci à Dieu dans une lettre : « Aimer sans condition, c'est beau. Je n'ai vu que ça dans les livres et dans les films. Ipso facto, je voulais devenir acteur et je suis devenu écrivain. Je cherche l'amour. Pas le truc tombé du ciel dans un nuage crémeux. Moi, je veux l'amour qui te heurte de plein fouet sur l'autoroute. Je veux le carambolage, que la personne me rentre dedans à 124km/h et me dise : ''Je t'aime. Baise-moi.'' C'est ça l'amour. » Alors, dis-moi, penses-tu encore être la bonne personne pour moi, et moi pour toi ? Réponds-moi vite. J'ai besoin, plus que jamais, de certitudes.

Tendrement tien,

À jamais et pour toujours,

Rockritic

Post-scriptum : Ne fais pas attention au CD que j'ai glissé dans ma lettre. Je me sens l'humeur d'être femme.

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Ceci était un cadeau pour l'anniversaire de SamaireLaBiche, aka Sam. Elle est née le jour de la Saint-Valentin et vu que c'était une date incontournable pour ROCKRITIC, et que ROCKRITIC était son héros, eh bien, je lui ai créé ce petit bonus. J'ai partagé la version pdf du document sur mon groupe facebook. Puis je me suis dit que pas mal de mes lecteurs n'y étaient pas, alors je poste ici avec beaucoup de retard. Je ne sais pas du tout si ce bonus vous a plu ou quoi. Je sais juste que j'ai adoré l'écrire, et c'est là l'essentiel.