Note de l'auteur :

J'ai un peu visité tout le monde. Tenten, Sakura et Karin, toutes les trois sont à l'honneur ! Contrairement à ce qu'on pourrait penser, Sakura n'a pas renoncé à Sasuke mais elle s'est remise en question. Pour l'instant, elle est encore blessée par les paroles de Sasuke mais si elle tenu aussi longtemps, ce serait un peu étrange qu'elle décroche aussi rapidement et elle s'en rendra vite compte par elle-même. Comptez sur moi pour la faire souf… euh… pour la tester un peu . Ah oui ! Tant que j'y pense ! Je ne sais absolument pas si je vais la mettre en couple avec quelqu'un. Pour l'instant, je m'occupe de sa relation avec Sasuke mais croyez-moi, il ne sera pas le seul au centre de toute son attention !

Bon, je me tais, je sais !

En espérant que vous passerez une agréable lecture et qu'aucune faute digne d'un maternelle ne m'ait échappée…

Tian Lan

Disclaimer : Tout est à Kishimoto, sauf l'école et l'intrigue x)


Chapitre 10

Confidences pour confidences

Le menton au creux de sa main, Tenten laissait errer son regard à travers le vitrage de la fenêtre sur les feuillages dansant des arbres que le vent malmenait, perdue dans les labyrinthes sinueux de ses pensées moroses. Son stylo roulait entre ses doigts nerveux et tapotait parfois la surface blanche de sa feuille de classeur soigneusement disposée devant elle, prête à être recouverte de son écriture enfantine mais, préoccupée par les soucis qui lui tombaient dessus, la jeune fille en oubliait de prendre des notes.

La veille, le dernier jour du week end, la danseuse ne s'était pas résolue à effacer le sourire confiant de sa mère en lui apprenant son renvoi de la librairie et depuis, elle ne cessait de chercher une solution à son problème d'argent. Recommencer mainte fois les calculs ne changerait rien au résultat final. Avec ses économies et la restriction qu'elle ne manquerait pas de s'imposer financièrement, elle aurait tout juste de quoi payer ses frais de scolarité le mois prochain. Ensuite…

Ensuite, elle ne savait pas. Si elle ne trouvait pas rapidement un nouveau travail afin de subvenir à ses besoins, les portes de la prestigieuse Ecole de Ballet de Konoha se fermeraient derrière elle non sans l'avoir éjectée au passage et cette éventualité lui arrachait des frissons d'effrois. Si ses chances lui glissaient entre les doigts pour des raisons budgétaires, sa vie même se briserait. Imaginer tous ses efforts ainsi réduits à néant par la faute d'un stupide coup du sort la révoltait. Quelle que soit la solution, elle la trouverait et se sortirait de cette mauvaise passe !

Un énième long soupir s'échappa de sa bouche et, agacé par le manque d'attention de son élève, Iruka perdit patience.

« Mademoiselle Tanaka, ma leçon vous ennuierait-elle ? »

Sans le coup de coude que lui envoya Sakura dans les côtes, Tenten aurait probablement superbement ignorer la question de son professeur d'Histoire de la Danse. Toutefois, la douleur qui accueillit ce geste purement amical de son amie lui permit d'immerger de son monde intérieur et ses deux noisettes brillèrent d'une incompréhension totale lorsqu'elle surprit les éclairs foudroyants que lui lançait son maître. Par mesure de sécurité, elle préféra battre en retraite et s'excuser :

« Je suis désolée…

– Prenez des notes plutôt que de rêvasser ! lui conseilla-t-il. Le sujet de ce cours reviendra au devoir de la semaine prochaine ! »

Cette annonce arracha au reste de la classe un concert de grognements et de cris désespérés, tous peu enclins à réviser leurs leçons en vue d'une interrogation écrite. Au milieu de ce brouhaha, la brune haussa les épaules et baissa doucement la tête vers sa copie vierge, de nouveau happée par ses soucis, des soucis autrement plus inquiétants, à son sens, qu'un simple contrôle de connaissance, des soucis qui ne se régleraient malheureusement pas aussi simplement qu'en ouvrant un bouquin de cours…

A ses côtés, Sakura lui jeta un rapide coup d'œil, inquiète de voir la pétillante Tenten réduite à cet état larvaire. Elle ne la connaissait que depuis quelques jours et elle ignorait si les instants insouciants qu'elles avaient passés ensemble suffisaient à les rapprocher au point de faire d'elles des amies proches toutefois, Haruno ne supportait pas l'accablement de son entourage. Un accablement qui déteignait immanquablement sur elle et qui lui insufflait des idées noires dont elle se passerait volontiers, ne serait-ce que pour parvenir à garder son masque d'adolescente frivole que rien ne perturbait, même s'il s'agissait d'un mensonge…

Son regard coula alors vers son voisin de devant dont elle ne voyait que les mèches noires dressées en pic derrière son crâne et les souvenirs du samedi précédents ressurgirent en elle avec une telle violence que son cœur se serra dans sa poitrine. Sa dispute avec Sasuke la secouait encore et le dimanche en famille qu'elle avait été obligée de supporter entre Kareha et son presque beau-père n'arrangeait rien à son humeur quand elle y songeait. Soit, elle admettait que le drame qu'avait vécu le danseur durant son enfance surpassait ses propres malheurs. Contrairement à lui, son père tout comme sa mère vivaient encore en pleine santé mais…

Mais à quoi bon ? A leurs yeux, elle ne serait jamais plus qu'un vestige d'un passé autrefois heureux qu'ils cherchaient à présent à oublier et si sa mère se consolait dans les bras du premier venu, son père se contentait simplement de se débarrasser d'elle. Vivants ou morts, elle ne voyait pas de différence.

Elle demeurait seule…

La mine de son crayon se rompit sur sa feuille noircie tant la pression qu'elle exerçait sur lui s'accroissait dangereusement. Heureusement que le cours se terminait bientôt car elle craignait de perdre son sang froid devant toute la classe et si elle brisait son image de jeune fille parfaite, il lui semblait que les autres s'apercevraient aussitôt du mensonge qu'elle entretenait avec soin, qu'ils découvriraient sa véritable nature et que leur comportement vis-à-vis d'elle changerait inévitablement. Or, plus jamais elle ne voulait se montrer aussi transparente devant quelqu'un comme elle l'avait été devant lui.

Un sourire amer déforma ses lèvres fines et son expression s'assombrit un peu plus. Elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même et à son idiotie naturelle. Avoir oser se déshabiller à ce point, avoir osé lui dévoiler les sombres profondeurs de son âme dans le mince espoir que ses malheurs suffisent à les rapprocher un peu, quelle pauvre fille naïve ! Elle en aurait pleuré ! Son amour imaginaire de gamine l'avait poussé à divulguer la secrète souffrance qui s'épanouissait en elle depuis le divorce de ses parents et tout cela pour quel résultat ? Du dégoût et de la haine !

« Je me fais pitié », pensa-t-elle sur une note de tristesse mêlée de hargne.

« Bien, ce sera tout pour aujourd'hui, l'interrompit Iruka dans ses pensées. N'oubliez pas que la semaine prochaine, je vous réserve une interro écrite qui portera sur ce sujet et le précédent. Révisez bien. »

Ses élèves, à quelques exceptions près qui préféraient garder le silence, lui répondirent plutôt mollement, à l'image de leur entrain à réviser les dizaines de pages manuscrites qui les attendaient sagement dans leur classeur. Sakura se leva et tira Tenten par la manche afin de la sortir de son miasme d'ennui. Celle-ci la rejoignit sur le pas de la porte où les attendaient Ino et Karin. La blonde fronça les sourcils quand elle s'aperçut de la mine de déterrée qu'arboraient les deux danseuses, chacune minée par ses propres problèmes et son premier réflexe fut d'attraper la main de la fleurs de cerisier.

« Karin, Tenten, vous nous excusez mais nous devons parler toutes les deux, lança-t-elle à celles qu'elles abandonnaient.

– Ok, répliqua la rousse. On vous attendra au self. »

Ino acquiesça silencieusement et entraîna à sa suite une Sakura surprise par cette soudaine agitation sous le regard mi-amusé, mi-intrigué de Karin.

« Bon, allons-y… souffla la brune sans entrain. »

Son manque d'énergie rappela la rousse à la réalité et les bras croisés sous sa poitrine, elle se décida à prendre les choses en main. Il était évident que quelque chose tracassait la danseuse et si Ino s'occupait de sa meilleure amie, il ne restait plus qu'elle pour s'occuper du cas de Tenten.

« Il s'est passé un truc en particulier ce week-end ? l'interrogea-t-elle de but en blanc.

– Pourquoi ? répliqua son amie, dont le rythme cardiaque s'accéléra aussitôt. »

Plutôt mourir que de révéler aux trois autres ce qui s'acharnait à la vieillir d'une dizaine d'année. Comment pourraient-elles seulement la comprendre, elles à qui rien ne manquait ? Si elles apprenaient qu'elle travaillait pour s'offrir ses cours, si elles savaient qu'elle trimait sang et eau dans le seul but de danser, elles ne verraient elle qu'une pauvre fille qui réclamait la charité de leur part. Or, elle ne supportait pas la pitié, encore moins quand elle en était l'objet. Cette lueur peinée qui coulait au fond de leurs prunelles lorsque les gens apprenaient sa situation la révulsait, la blessait plus douloureusement qu'une plaie physique.

Elle se débrouillait seule depuis toujours. Elle continuerait ainsi…

Il lui fallait une excuse.

N'importe quoi !

« Tu sembles ailleurs, expliqua Karin. Tu peux me le dire, tu sais ? C'est à cause de maître Anko ?

– Pas du tout, répondit Tenten avec un sourire forcé. Mon pied va beaucoup mieux et elle ne s'est pas montrée aussi terrible que je le craignais la dernière fois.

– Alors quoi ? Tu t'es disputée avec tes parents ? l'interrogea-t-elle, ignorant tout du décès du père de la concernée. »

Une dispute… Le visage de Neji Hyûga lui traversa l'esprit, balayant sur son passage les paroles de son ancien patron qui tournaient en boucle dans sa tête depuis son réveil et une drôle de sensation serpenta au creux de son estomac. Quelque chose qu'elle peinait à distinguer, quelque chose entre la culpabilité et la rancune. Ses reproches envers elle continuaient de la frapper en pleine poitrine, réguliers, puissants, incessants. Douloureux aussi. Elle regrettait les paroles agressives qu'elle lui avait envoyé en pleine figure en récompense de ses bons soins et en même temps, elle s'enflammait littéralement quand elle se rappelait le ton dont il avait usé avec elle.

« Pas avec mes parents, lâcha la brune. Avec Hyûga.

– Quand ? s'enquit la rousse, interloquée par cette découverte.

– Jeudi soir. Je…

– Tu ? l'empressa Karin, avide de connaître les détails de cette confrontation avec le génie de la danse.

– Je me suis un peu emportée contre lui et maintenant, je le regrette, avoua Tenten. Mais pour ma défense, il a aussi ses torts !

– Peut-être mais visiblement, ils semblent bien moindres par apport aux tiens, la taquina son amie. Si c'est le cas alors il n'y a pas trente six solution, tu sais ? Présente lui tes excuses et s'il est aussi intelligent qu'on le dit, il te pardonnera. »

Lui présenter ses excuses ? Sa rabaisser devant lui qu'elle considérait comme son rival ? La brune voulut déglutir, sans succès. Pourquoi devrait-elle automatiquement être celle qui ravale sa fierté bafouée alors qu'il n'avait cessé de lui prouver son infériorité comparé à lui ? Au souvenir de la gentillesse dont il avait fait preuve envers elle au début quand il lui avait bandé le pied avec des gestes si doux qu'elle les avait à peine sentis, au souvenir de l'expression blessée qu'il avait affichée une microseconde quand elle lui avait balancé toutes ses vérités empoisonnées à la figure, Tenten esquissa une grimace évocatrice.

« Tsss, j'espère que je n'aurais pas à le regretter plus tard… »


Karin lui donna une tape dans le dos et l'entraîna à sa suite vers le self, ravie que sa solution convienne à la brune malgré les réticences palpables qu'elle émettait en silence. Et pourtant, elle comprit, en essayant d'entamer une conversation banale à laquelle la jeune fille ne participa quasiment pas, que son accrochage avec Hyûga ne représentait que la partie immergée de l'iceberg et non le fond du problème. Malheureusement, si Tenten ne souhaitait pas s'ouvrir à elle, la rousse s'imaginait mal l'y contraindre par la force et elle ignorait qui, de leur petite groupe, parviendrait à lui arracher les vers du nez…

Ino s'assit sur l'un des bancs que comptait le parc de l'Ecole et invita son amie d'un geste gracieux à l'imiter. Ainsi isolée du reste des étudiants qui, à cette heure, se pressaient au réfectoire pour se restaurer, la jeune fille espérait enfin réussir à parler à cœur ouvert avec Sakura, chose qu'elle souhaitait depuis longtemps sans avoir trouvé l'occasion adéquate. Or, face à la mine déconfite de la danseuse, Ino comprenait qu'elle ne pouvait décemment plus ignorer la distance qui se creusait entre elle et reporter à plus tard cette confrontation amicale car, malgré les sourires, malgré les plaisanteries, malgré cette apparente complicité qui les liait, la blonde sentait au plus profond d'elle-même que la fissure créée durant leur enfance ne s'était toujours pas résorbée.

La brise légère de cette journée printanière vint s'engouffrer dans sa queue de cheval haute et ses mèches d'or pâle s'éparpillèrent autour de son visage fin que le sérieux rendait beaucoup plus grave que d'ordinaire. L'odeur des fleurs des cerisiers dont les pétales pleuvaient autour d'elles taquina leur odorat sans parvenir à leur arracher un sourire et les doigts entremêlés, Sakura baissa la tête, ses iris fixés sur ses ongles rongés au vernis écaillé.

« Que veux-tu Ino ? consentit-elle enfin à demander après de longues minutes de silence commun.

– Que tu te confies à moi comme tu le faisais avant, lâcha la belle danseuse sans autre préambule. Après tout, ne suis-je pas ta meilleure amie ? »

Sakura retint le sifflement désabusé qui se pressait à ses lèvres et fronça légèrement les sourcils d'amertume autant envers son propre comportement passé qu'envers celui de la danseuse. Ce titre sortaient beaucoup trop facilement de leur bouche et excusait toujours tout, même les actes les plus impardonnables mais à présent, la rose ne se sentait plus capable de faire semblant tout comme elle comprenait qu'Ino ne supportait plus cette situation non plus. Avant, tout aurait été plus simple.

Avant…

« Ma meilleure amie ? répéta-t-elle doucement. Je ne sais plus, Ino. Avant, quand on était toute petite et qu'on partageait tout ensemble, quand tu prenais ma défense face aux autres qui se moquaient de mon grand fond, quand tu m'as appris à m'aimer à m'affirmer, oui, c'était vrai, je te considérais comme ma meilleure amie mais il y a eu l'histoire avec Sasuke et maintenant, je ne sais vraiment plus…

– Sasuke a été l'objet de bien des discordes entre nous, c'est vrai, souffla Ino prenant nonchalamment appuis sur ses genoux. »

Il avait été l'outil de l'effondrement de leur amitié. Un amour à sens unique pour toutes les deux. Un amour qui les avait séparées, confrontées, réduites en ennemies habitées par la rage et la jalousie. Lorsqu'elle se rappelait de cette époque, Ino sentait poindre en elle une certaine déception qui noyait les bons souvenirs sous un raz-de-marée de regrets.

« Notre amitié ne devait pas être aussi forte que nous le pensions pour qu'un simple garçon, aussi beau soit-il, arrive ainsi à la briser, remarqua-t-elle en plongeant ses deux lacs azurées dans le regard attristé de Sakura.

– Nous le savions toutes les deux alors pourquoi avons-nous continué de faire semblant après que Sasuke ait cessé d'être un sujet de dispute entre nous ? demanda Haruno. Nous avons effacé des années de rivalité et de coups bas en une ridicule seconde mais ce n'est plus comme avant…

– Ouais, sourit pauvrement la blonde. On a quand même été incroyablement stupide, tu ne trouves pas ? »

Face au sourire mi moqueur mi amer de la jeune fille, Sakura l'imita timidement, incapable de savoir si son amie essayait sérieusement de régler leur problème ou bien si elle tentait de noyer le poisson encore une fois. Cependant, Ino la détrompa rapidement lorsque ses prunelles assombries par le remord rencontrèrent les siennes tandis qu'elle lui murmurait :

« Reprenons tout depuis le début, s'il te plait. Apprenons une nouvelle fois à nous connaître et à nous apprécier et quand nous nous sentirons prêtes, alors nous pourrons à nouveau nous considérer comme les meilleures amies du monde, tu ne crois pas ?

– Si, tu as raison, acquiesça vivement la rose. Arrêtons de nous voiler la face et de nous mentir à nous même. Nous avons tout le temps pour combler le fossé que nous avons nous même creusé entre nous.

– Assurément ! claqua son amie avec énergie. En attendant, je ne chercherais pas à savoir ce qui ne va pas mais si tu as envie d'en parler, je suis là, d'accord ? »

La danseuse considéra la blonde une seconde, partagée entre le désir de se confier à une oreille attentive et féminine, et la promesse qu'elle s'était faite de ne plus jamais se livrer à quiconque. Les yeux de la blonde pétillaient d'insouciance et de confiance, et au fond de son cœur, Sakura l'enviait sincèrement de ne pas connaître de souci capable de lui arracher cette étincelle de joie écœurante. Néanmoins, son expression sereine, ses paroles pleines de compassions la poussaient à baisser les armes et à se rendre afin de profiter de sa gentillesse et de ses conseils pleins de sagesse.

Sasuke les avait déjà séparé une fois, pourquoi ne deviendrait-il pas le moteur de leur réconciliation ? Cette idée lui arracha un sourire sincère qui intrigua Ino sans qu'elle n'osa lui poser de question sur ce soudain changement d'humeur. Oui, ce retournement de situation ne lui déplaisait pas mais elle ne se sentait pas le courage de se décharger de tout cela à cet instant précis. Elle souhaitait simplement profiter de la caresser du soleil sur sa joue, de l'effluve envoûtant des fleurs, du chant entêtant des oiseaux et de la présence rassurante d'Ino, de cette amie longtemps oubliée et boudée qu'elle venait à peine de retrouver. Réellement cette fois.

Peut-être un autre jour, quand elle se sentirait prête…

« Merci, Ino et pardon, souffla-t-elle alors, sans attendre de réponse de la part de la concernée. »

Ino ferma les paupières et garda le silence, compréhensive.

Elle se sentait incroyablement bien, à présent.


Trois jours plus tard, dans la chambre que Karin partageait avec Ino, en attendant l'heure du repas du soir, la rousse, allongée sur sa couette bleue, le coussin serré contre sa poitrine, regardait son téléphone portable avec nervosité. Pourquoi ne lui téléphonait-il pas ? Même seulement un texto ! Elle s'en moquait, du moment qu'il lui donnait de ses nouvelles. Elle ne l'avait quitté que depuis une grosse semaine et pourtant, elle s'inquiétait déjà et cette angoisse qui habitait son cœur la torturait chaque fois qu'il gardait le silence radio.

L'une de ses mèches rougeoyantes glissa sur son épaule et caressa doucement sa joue droite alors qu'elle tournait son mobile entre ses doigts. Devait-elle prendre les devants et lui passer un coup de fil la première ? Non, si elle osait, il se moquerait d'elle et percevrait la sensibilité qu'elle s'efforçait durement de lui dissimuler. Plutôt mourir que lui dévoiler sa faiblesse et imaginer la réaction de Suigetsu !

Peut-être qu'un message passerait mieux ?

Cette pensée saugrenue lui donna la chair de poule et Karin se rendit compte qu'elle se comportait comme une véritable mère poule ou pire, une petite amie à la jalousie maladive. Pourquoi s'intéressait-t-elle tant à cet idiot de break-dancer qui lui pourrissait la vie à la moindre occasion ? Pourquoi devait-elle attendre après lui alors qu'il se moquait éperdument de ce qui pouvait lui arriver à elle ? Il ne méritait pas toute son attention ! Il ne méritait même pas qu'elle gaspille une seule seconde de son précieux temps à s'encombrer l'esprit avec lui !

D'un mouvement rageur, elle s'apprêta à jeter le portable sur le lit d'Ino et à invoquer mille et une torture à l'encontre de celui qui occupait ses pensées quand l'appareil vibra brutalement entre ses doigts. Surprise, elle manqua de l'échapper sur le sol au risque de l'abimer et, d'un regard empressé, vérifia le numéro qui s'affichait sur le cadran illuminé.

Un inconnu.

Combien de chance avait-elle d'entendre sa voix si elle répondait ?

Après un soupir désespéré, Karin décrocha son mobile et lança d'une voix morne, certaine de l'identité de son interlocuteur :

« Allô.

– Wouh ! s'exclama une voix familière.

– Si tu crois me faire peur, Suigetsu, c'est raté, marmonna Karin, agacée.

– Tu attendais mon coup de fil ou quoi ? Je suis certain que c'est ça ! Tu n'as laissé passé qu'une sonnerie seulement !

– Crétin ! l'insulta-t-elle, de mauvaise humeur. J'avais seulement mon portable dans la main. C'est une coïncidence ! Et puis ça veut dire quoi cet appel en inconnu, hein ?

– Je voulais te faire une petite blague mais tu as reconnu ma voix, marmonna-t-il. C'est pas drôle…

– En effet, ce n'est pas drôle, espère de dégénéré ! continua-t-elle sur un ton exagérément irrité. Qu'est-ce que tu veux ? T'as pas fait de connerie au moins ?

– Désolé de te décevoir, mais je me suis tenu sage, se vexa-t-il. Je voulais simplement savoir comment c'était passé ta rentrée étant donné qu'on ne s'est pas vu ce week-end mais oublis. T'es vraiment une chieuse, Karin !

– Ah, Sui… »

Trop tard. Son ami venait de lui raccrocher brusquement au nez et elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même. Chaque fois qu'elle l'entendait lui parler ou qu'ils se voyaient en personne, la rousse ne pouvait s'empêcher de lui jeter des reproches à la figure. Jamais elle ne parvenait à s'adresser à lui calmement, avec discernement et gentillesse. Chaque fois, cela se terminait de la même manière. Elle sortait un mot de trop et il se refermait comme une huitre jusqu'à ce qu'elle entame des pourparlers de réconciliation, ce à quoi son caractère rancunier ne se résolvait qu'en tout dernier recours, lorsqu'après une semaine de bouderie, elle se rendait compte à quel point il lui manquait.

« Je suis vraiment trop stupide ! se lamenta-t-elle en se frappant le front avec la paume de sa main. »

Son regard se posa alors sur le mobile et l'idée de lui envoyer un message d'excuse lui traversa l'esprit. Pourquoi attendre jusqu'au week-end, soit dans deux longs jours, alors qu'il lui suffisait simplement de faire profil bas et de lui demander humblement pardon ? Mécaniquement, elle commença à taper son texto, ses doigts habitués à ce genre d'exercice :

Suigetsu, désolée de m'être énervée. Rappelle-moi, j'attendrai. Karin.

Au moment d'appuyer sur le bouton « envoi » son pouce se figea. Non ! Elle ne pouvait décemment pas lui envoyer ce genre de message. S'il le lisait, il la rappellerait, elle en était certaine mais il s'empresserait de la singer et de la taquiner sur le contenu du SMS. Bien entendu, elle ne lui pardonnerait pas ces boutades et cela finirait comme chacune de leur conversation. Inutile de retourner le couteau dans la plaie. S'il se vexait pour si peu, il n'avait qu'à bouder dans son coin, cela ne la concernait pas. Point !

D'une pression presque brutale, elle effaça le texto et rangea son portable dans le tiroir de sa table de nuit. Ne plus penser à Suigetsu et profiter de sa soirée, elle n'exigeait rien de plus. Et avant toute chose, se délasser sous une bonne douche lui paraissait être un bon départ sauf qu'Ino ne semblait pas pressée de lui abandonner la place.

« Hé ! Ino ! Tu comptes sortir quand ? Tu t'es pas noyée au moins ? Non parce que là… je m'inquiète ! cria la rousse à l'adresse de sa colocataire. »

Il ne manquerait plus qu'un suicide !

Comme la blonde ne répondait toujours pas, Karin sentit son cœur manquer un battement.

« Pas de blague, Ino, c'est pas le soir !

– Raaaaah ! Mais quoi, à la fin ? Attends une minute, je termine de me coiffer. Tu t'es encore disputée avec Suigetsu ou quoi ? lui envoya Yamanaka de l'autre côté de la porte.

– Pa… pas du tout ! bafouilla la rousse. »

Ino la connaissait beaucoup trop bien. Décidément, Suigetsu devait lui pourrir sa soirée même après avoir raccroché depuis un moment…

« Voilà, tu peux y aller ! lança Ino qui entrait. »

Vêtue d'une petite robe bleu ciel, la taille soulignée par un ruban transparent et les jambes protégées par des collants blancs, la blonde ressemblait à une véritable poupée. Ses longs cheveux lâchés sur ses épaules, un gloss léger appliqué sur ses lèvres pulpeuses et les yeux charbonneux, elle s'apprêtait à sortir en ville rejoindre Kiba à qui elle avait promis un rendez-vous. Depuis quatre jours qu'ils s'étaient séparés et l'adolescent l'inondait déjà de texto où il lui décrivait combien elle lui manquait. Ce genre de déclaration ne la laissait jamais de marbre, surtout quand elles s'accompagnaient d'une invitation au restaurant.

« Tu sors ? l'interrogea Karin.

– Oui, pourquoi ? »

Si son amie rejoignait Kiba, peut-être rencontrerait-elle Suigetsu et serait donc en mesure de lui passer un message de sa part…

« Non, rien ! Bonne soirée ! répondit la rousse avec un sourire forcé. »

Ne plus penser à cet idiot !

Bon sang !


Ses baguettes à quelques millimètres seulement de son bol de riz, une expression hagarde sur le visage, Tenten continuait de broyer du noir, même après quatre jours d'intenses réflexions sur le sujet. Une réflexion malheureusement peu productive en terme de solution.

En face d'elle, Sakura avalait le contenu de son plateau repas en silence, déterminée à laisser de côté les ondes négatives qui ne cessaient de la submerger chaque fois qu'elle pensait à Sasuke et, à sa gauche, Karin consultait son portable entre chaque bouchée. Avec l'absence d'Ino, ce repas promettait d'être une franche rigolade...

« Tu attends un appel ? finit par demander Sakura à la rousse dont elle ne supportait plus le manège. »

Karin sursauta, gênée par cette question qui touchait un point sensible chez elle et, incapable de s'expliquer convenablement par peur que ses amies ne s'imaginent des choses complètement erronées, elle préféra mentir :

« Pas du tout ! C'est juste que… euh… je l'ai fait tombé tout à l'heure et maintenant, il a un peu de mal à se remettre en route.

– Fais voir ! ordonna gentiment Tenten en tendant sa main en direction de l'objet. J'ai eu le même genre de souci avec le mien alors je pense pouvoir arranger ça.

– Ce n'est pas nécessaire ! s'empressa de décliner Karin. »

La brune remarquerait automatiquement que son portable fonctionnait magnifiquement bien et en déduirait qu'elle leur cachait quelque chose. S'ensuivrait automatiquement un interrogatoire de police qui viserait à lui arracher des confidences et, incapable de garder ce secret plus longtemps, elle leur avouerait ce qui la tracassait. Ces secrets ne tarderaient pas à tomber dans les oreilles d'Ino et la blonde ne manquerait pas d'en tirer des conclusions hâtives qui ne refléteraient en rien la réalité. En bref, sa vie deviendrait un enfer constitué de ragots égocentriques !

Plutôt mourir sous les sarcasmes de Suigetsu !

« Aller ! l'encouragea Tenten. Je t'assure que je ne lui ferai pas de mal.

– Non, merci ! rétorqua Karin. D'ailleurs, tu as autre chose à faire, si je ne m'abuse…

– Quoi donc ? intervint Sakura pour la première fois depuis un moment.

– Des excuses à présenter, il me semble, continua la rousse, déterminée à détourner le sujet.

– A qui ? continua de s'informer Haruno sous le regard choqué de Tenten.

– A Hy…. »

Le reste de la phrase resta en suspend, la main de la brune plaquée contre la bouche de Karin qui tentait tant bien que mal de respirer, privée d'oxygène.

« A maître Anko… s'empressa de reprendre Tenten. Pour vendredi après-midi. »

Une petit rire nerveux lui échappa tandis qu'elle envoyait un coup de pied furieux dans la cheville de la rousse. Le rempart de chair qui l'empêchait de s'exprimer étouffa le gémissement de douleur qui s'écrasa contre ses lèvres closes tandis que Sakura les considérait, un sourcil haussé. Il était évident que ces deux là lui dissimulaient quelque chose et leur comportement inquiétant accentuait ce pressentiment. Toutefois, elle se voyait mal essayer de leur extirper la vérité alors qu'elle-même ne leur avouait pas tout ce qui occupait son cœur.

« Tu aurais pu le faire bien avant, soupira-t-elle seulement.

– Je n'ai pas encore trouvé le courage nécessaire pour l'affronter, se contenta d'avouer la brune en libérant Karin. »

Et ce n'était pas tout à fait un mensonge, cette fois-ci. La simple idée de rencontrer Hyûga et de lui solliciter une audience suffisait à la figer de nervosité. Alors, parvenir à lui demander pardon pour ses mots déplacés, elle ignorait si elle s'en sentait capable…Quant à mettre tout le monde au courant de cette déboire, elle préférait de pas y songer. Les questions et les sous-entendus de Karin suffisaient à eux seuls à susciter un malaise chez elle.

D'une bouchée, elle referma le sujet et son regard s'évada en direction de la table où se restaurait le groupe de danseur de première année, là où il se trouvait, entouré de ses amis. Il écoutait d'une oreille distraite les propos que lui tenait son ami Lee mais son expression ennuyée exprimait à elle seule toute l'importance qu'il leur accordait. Ce peu d'intérêt ne semblait pas perturber son meilleur ami qui continuait à parler, inlassablement, ses paroles ponctuées de grands gestes explicatifs et finalement, Tenten le vit se lever, son plateau vide entre les mains. Il le déposa sur le meuble prévu à cet effet, imité par Lee que rien ne parvenait à taire, et toujours sous son regard rêveur, passa la grande porte.

C'était le moment où jamais !

Lorsqu'il se trouvait entouré de ses camarades de classe, ses genoux tremblaient à la simple idée de les rejoindre et de s'adresser à lui devant eux. Elle craignait leur curiosité malsaine, leurs chuchotements moqueurs, les pensées qui courraient dans leur tête. Néanmoins, s'il n'y avait que Lee avec lui, la nervosité qui l'étranglait habituellement diminuerait probablement… ou pas.

« Qui ne tente rien n'a rien », songea-t-elle, habitée par une détermination nouvelle.

« Les filles… euh… j'ai un truc à faire alors… on se verra demain ! bafouilla-t-elle à l'adresse des deux danseuses.

– Mais tu n'as presque rien avalé, s'inquiéta Sakura en jetant un rapide coup d'œil à la part de Tenten.

– Pas faim ! se contenta-t-elle de lancer en se levant. »

Sans leur laisser le temps de répliquer quoique que ce fut, la brune s'empara de son plateau et traversa le réfectoire d'une démarche rapide, trop pour ne pas susciter la curiosité de Karin qui la suivait de son regard. Quelle mouche avait bien pu la piquer ? Alors, elle s'aperçut de l'absence de Hyûga et ses lèvres esquissèrent un sourire entendu.

« Je peux savoir ce qui t'amuse ? s'enquit Sakura. »

Elle commençait sérieusement à se sentir écartée du secret qui planait autour de Tenten, un secret qui n'en était visiblement pas un pour Karin.

« Rien, juste un pressentiment… souffla la rousse, mystérieuse. »

Elle respecterait le silence de la brune et ne s'étendrait pas inutilement sur ses déboires avec Hyûga malgré la tentation qui dansait, séductrice, au cœur de son esprit. Tout révéler à Sakura lui procurerait, certes, la satisfaction de lui apprendre une chose que même Ino ignorait mais, plus elle y pensait, plus elle préférait garder jalousement son savoir pour elle. La sensation enivrante d'en connaître davantage que ses amies lui octroyait une certaine supériorité à laquelle rien ne la pousserait à renoncer.

Loin de toutes ces considérations, Tenten cherchait la silhouette élégante de Neji et repéra celle, nerveuse, de Lee dont la voix résonnait jusqu'à ses oreilles. Une boule se forma au creux de sa gorge tandis qu'elle s'autorisait une dernière longue inspiration, prête à se jeter à l'eau et à affronter les vagues glaciales du caractère du danseur. Si elle s'y prenait correctement, elle réussirait peut-être à éviter les écueils qui ne manqueraient pas de se dresser sur son chemin et à nager jusqu'à la terre ferme. Mais avant cela, elle devait trouver le courage, au plus profond d'elle-même, de plonger.

« Hyûga ! l'appela-t-elle, à seulement une dizaine de pas de lui. »

L'adolescent se figea, interpellé par cette voix volontaire teinté d'une subtil appréhension, et d'un mouvement gracieux, se tourna vers la jeune fille. Ses deux lunes la considérèrent un instant, habitée par la surprise de se poser sur cette danseuse capricieuse et, poliment, il lui demanda :

« Que me veux-tu ? »

Tenten se mordit la lèvre inférieure, brusquement dénuée de toute sérénité, la tête vide, incapable de se saisir de ces mots qui la fuyaient.

« Euh… et bien… euh…

– Je n'ai pas toute la soirée, lâcha-t-il, peu conciliant. »

« Ok, il m'en veut encore pour la dernière fois. » comprit-elle au ton employé. Accepterait-il seulement ses excuses, aussi sincères soient-elles ? Leur confrontation démarrait beaucoup trop mal pour qu'elle en soit persuadée et subitement, tout son courage l'abandonna, évanoui au même titre que la cohérence de ses pensées. Elle aurait vraiment dû se préparer à l'affronter, répéter cette scène une centaine de fois dans sa tête, imaginer différents scénarios avant de se jeter imprudemment dans la fosse aux lions.

Ses tendances suicidaires la perdraient…

« C'est-à-dire que… »

Elle se tourna vers Lee, dont le silence témoignait de sa grande attention, et Neji comprit que la présence d'un témoin la gênait.

« Lee, je te rejoins au dortoir. »

L'élève préféré de Gai lui lança un regard suppliant, dévoré par la curiosité, quasiment certain qu'il s'agissait d'une déclaration d'amour de la part de cette fille à son meilleur ami. Toutefois, celui-ci se montra inflexible et il dut se résoudre à s'éloigner, à contre cœur. S'il comptait sur Neji pour tout lui raconter une fois installés dans leur chambre commune, la mort l'emporterait bien avant que la moindre confidence ne passe sa bouche hermétique à tout ragot.

Tenten surprit le regard peiné que lui jeta l'indésirable et la boule doubla de volume au fond de sa gorge.

« Alors ? la pressa Neji quand Lee eut disparu.

– Je… je voulais… ! débita-t-elle d'une traite, paupières closes.

– Je n'ai strictement rien compris, soupira-t-il. »

Apparemment, elle ne se sentait pas à l'aise en sa compagnie.

La brune sentit un frisson la parcourir alors qu'elle tentait laborieusement de retrouver un semblant de dignité et de calme. Comment ça, il n'avait strictement rien compris ? Il était sourd ou quoi ? Personne, dans son état poche de la surtension, ne pouvait se montrer plus clair et plus distinct qu'elle. Alors pourquoi s'acharnait-il à vouloir la voir réitérer cette torture ? Comme elle relevait les yeux vers lui dans un dernier sursaut de fierté – elle périrait debout, face à son ennemi – elle s'aperçut que le masque guindé qu'il arborait au début ne figeait plus ses traits et cette simple constatation suffit à la rassurer.

Un peu.

« Ce que j'ai essayé de dire, reprit-elle doucement, c'est que je voulais te présenter… mes excuses pour la dernière fois. »

Cette fois-ci, aucun problème d'articulation. S'il osait lui ordonner de répéter, elle lui arrachait les yeux ! Cependant, le danseur ne lui donna pas l'opportunité de mettre ses menaces à exécution et, après une minute d'un silence écrasant, lui répondit :

« Oublions cela. Je ne me suis pas montré très compréhensif non plus. »

« C'est qu'maintenant qu'tu l'admets ? Ne t'excuses surtout pas à ton tour, je n'en demande pas tant ! » s'étrangla-t-elle ironiquement en son for intérieur.

« Ok, d'accord, bafouilla-t-elle. Je voulais juste… que ce soit clair.

– Ca l'est.

– C'est génial, hum…s'efforça-t-elle de répondre devant l'économie de mot du danseur. Bon et bah… euh… à une prochaine fois alors !

– Hn, bonne soirée, lui souhaita-t-il avant de tourner les talons. »

Tenten le regarda s'éloigner, soulagée de ce poids qui, auparavant, lui écrasait la poitrine au point de lui couper la respiration. Et pourtant, une certaine gêne encore non identifiée ne paraissait pas s'accommoder de ces excuses et de cette maigre explication qu'ils avaient échangée tous les deux. Une part d'elle, plus profonde, continuait de s'insurger, de piétiner sa tranquillité d'esprit et s'il lui suffisait de l'ignorer jusqu'à ce que sa voix finisse par se briser et par disparaître d'elle-même, la brune ne se sentait pas capable de vivre les jours suivants avec ce murmure indéfinissable au fond de son esprit.

« Attends ! lança-t-elle soudainement, choquée par sa propre audace. »

Neji se retourna machinalement vers elle, surpris de la voir essayer de le retenir alors qu'il avait senti toute la difficulté que cette pseudo conversation avait représenté pour elle.

« Qu'y a-t-il ? s'enquit-il, curieux malgré lui. »

Face à la conséquence de son éclat de voix, Tenten se traita mentalement d'idiote avant de balayer d'un coup de vent tout ce qui ne concernait pas le problème actuel. Bafouiller, regretter et s'enfuir comme elle s'apprêtait à le faire, toute conscience emportée par la panique, ne lui servirait à rien. Il était temps pour elle de revenir la fille volontaire et combattive qu'elle avait toujours été ! La personne capable de lui retirer sa dernière parcelle de fierté ne respirait pas encore sur cette terre !

Neji suivait le cheminement de ses pensées et la détermination soudaine qui durcit les traits de la brune, aussi ne fut-il pas étonné de l'assurance qui transparaissait dans ces propos, une assurance que ses mots précédents ne possédaient pas.

« Je suis d'accord avec toi, nous sommes tous les deux fautifs et si je me suis excusée auprès de toi, je n'ai pas eu l'honneur d'entendre tes excuses, lança-t-elle, une lueur résolue au fond de ses prunelles.

– Il est vrai que je ne me suis pas montré très conciliant avec toi mais je n'ai dit que la vérité, répliqua-t-il, peu enclin à s'abaisser ainsi. »

Un Hyûga ne s'excusait pas.

« Ce soir là, tu m'as reprochée de parler sans te connaître, n'est-ce pas ? lui demanda-t-elle.

– En effet, admit-il. »

Où voulait-elle en venir, à la fin ? Il commençait à regretter cet entretien et plus encore la présence envahissante de Lee. Une première !

« Alors laisse-moi te poser une question ! Que connais-tu de moi ? »

Neji se retrouva muet de stupéfaction. Elle venait de retourner ses paroles contre lui et elle le toisait à présent avec une supériorité qui l'agaça au plus haut point. Néanmoins, son honnêteté l'obligeait à reconnaître ses torts…

« Rien, c'est vrai, lâcha-t-il de mauvaise grâce.

– Alors pourquoi n'aurais-je pas le droit à des excuses ?

– Mes paroles ne visaient qu'à t'aider et non à te blesser, rétorqua-t-il avec un rictus. Les tiennes ne reposaient sur aucun fondement, voilà la différence entre toi et moi. Tu m'as attaqué sans aucune raison. »

Tenten serra les poings de frustration, incapable de trouver une quelconque issue de secours devant la réplique du danseur. Sa fierté le dévorait à un tel point que jamais, même si toutes les preuves le désignaient coupable, il n'esquisserait le moindre semblant d'excuse et cette constatation lui arracha un soupir consterné. Contre lui, elle ne pesait pas plus qu'un brin de paille dans un océan de foin.

« Très bien, maugréa-t-elle, tu as gagné. Je ne peux rien contre ta mauvaise foi. Mais comme j'ai la gentillesse de t'exempter de ton obligation à me demander pardon, tu me devras un service ! acheva-t-elle avec un sourire d'intense satisfaction. »

Puis, afin de ne pas lui laisser le temps de s'insurger, elle fit volte face et s'éloigna du hall à grand pas, l'abandonnant derrière elle. Neji resta un moment, figé par la stupeur, frappé par le cran de la jeune fille. Comment avait-il pu se retrouver avec une dette sur le dos alors qu'au départ, s'il se fiait à sa mémoire, Tanaka était seule coupable de leur dispute ? Comment était-elle parvenue à retourner la situation à son avantage face à lui ? Ce mystère lui coupait toute faculté d'analyse et il se retrouva à regagner son dortoir avec l'affreuse impression d'avoir été la victime d'une énorme arnaque…