Disclaimer : bah…. Etant donné qu'à la base ce sont des personnages historiques… Bah au pire, les personnages appartiennent aux écrivains du livret de MOR, j'ai nommé Dove Attia et François Chouquet ^^
Je Ne Vous Hais Pas
Epilogue
Le ciel, l'air, la terre...
Tout ce qui constituait ce monde si injuste semblaient s'être accordés sur la même note de tristesse et de deuil qui voilait la ville de Vienne. Des nuages gris emprisonnant toute lueur du soleil... Un vent faible, mais glacial... Une pluie perpétuelle qui labourait le sol...
Vienne était en deuil. Non, pas seulement la capitale autrichienne... Le monde entier l'était... Le monde pleurait en ce jour glacial du 5 décembre 1791 la disparition prématurée de son plus grand musicien.
Le cortège funèbre piétinait lentement dans la terre rendue boueuse par l'eau du ciel du cimetière de St. Marx avant de s'arrêter là... Devant ce trou béant. Ce gouffre de désespoir où l'on déposait déjà la dépouille emballée dans un linge souillé par l'eau de pluie.
Au sein de la maigre procession assistant à ces funérailles trop anonymes, beaucoup de visages feignant le chagrin, trop peu de véritables amis et soutiens. Et parmi eux, immobile et impassible, telle une ombre à peine discernable de l'environnement funèbre, se tenait une personne différente de toutes les autres.
Gardant le visage inexpressif, ses yeux restaient fixés sur ce corps désormais sans vie, que l'on abandonnait à la boue si peu accueillante de cette fosse infernale qui arrachait au monde un de ses plus grands trésors. Ce corps qui n'était qu'un cadavre pour la population majoritairement hypocrite qui l'avait accompagné jusqu'ici, mais qui pour lui était tellement plus.
Le voir ainsi allongé grossièrement dans cette fosse communautaire, voir ce linceul épais et étouffant se salir dans la terre glaise lui enfonçait des pieux dans le cœur même s'il n'en laissait rien paraitre.
Bien sûr, ce genre d'enterrement était d'usage commun pour bien des hommes et des femmes. Mais aujourd'hui et pour la première fois de sa vie, il n'avait que faire des usages. À croire que Sa personnalité avait finalement déteint sur la sienne.
Il aurait tant voulu se précipiter dans cette crevasse, soulever ce corps froid pour le préserver de la morsure du sol si avare de sa chair, découvrir son visage encore si apaisé de ce voile si opaque qui semblait vouloir étouffer cet être désormais sans défense, et le serrer contre lui dans l'espoir que sa propre chaleur le ramène à la vie.
Mais Antonio Salieri ne pût que rester immobile, sentant à peine les gouttes de pluie ruisseler sur son manteau.
Deux mois... C'était tout ce qu'ils avaient eu... Et encore... Si l'on y retranchait les longues semaines d'agonie du génie...
Finalement, il ne s'était jamais remis de son mal. Durant ces deux mois où ils avaient pu embraser leur passion, Salieri avait peu à peu vu son amant sombrer, se faire terrasser par l'épuisement pour finalement s'éteindre alors qu'il composait un Requiem. Son propre Requiem...
La chaux fut bientôt jetée sans ménagement sur ce qui restait désormais du plus grand virtuose de tous les temps pour le recouvrir presque intégralement. Les personnes présentes finirent par s'éloigner, une à une.
Bientôt, il ne resta plus que lui. Seul devant cette fosse à demi-pleine de corps que la nature reprenait cruellement.
Son visage ne montrait toujours aucune expression, ses muscles trop tendus pour le lui permettre. Il se contenta de fixer sans ciller le corps gisant de son aimé des dieux.
" Je suis Amadeus, l'aimé des dieux ! Il ne peut rien m'arriver ! "
Ses mots résonnaient à l'infini dans son esprit, faisant ainsi remonter les doux souvenirs de cette première et incroyable nuit qu'ils avaient partagée. Il y avait eu d'autres. Mais ce souvenir là était sans aucun doute le plus précieux.
Un feu de révolte se répandit soudain dans les veines du brun désormais solitaire. Aimé des dieux ? Mais quels pouvaient être ces dieux qui laissaient ainsi souffrir leur protégé pour ensuite le laisser mourir dans le plus grand des dénuements ? Quels dieux pouvaient être cruels et injustes à ce point ? Pourquoi n'était-il pas mort, lui, à sa place ?
" Il ne peut rien m'arriver ! Surtout si tu es près de moi, Antonio... "
Et au final, qu'avait-il pu faire ? Rien si ce n'était le voir mourir à petit feu. Il n'avait rien pu faire pour le sauver.
Salieri serra les poings si fort que ses bras en tremblèrent.
Les souvenirs resurgissaient par vagues incontrôlables et il se sentit bientôt vidé de ses forces.
" Je t'aime, Antonio Salieri. "
Il s'effondra. Ses jambes ne pouvant plus supporter son poids, il s'écroula à genoux dans la boue. Levant la tête vers le ciel mais fermant les yeux avec force, il aurait voulu hurler sa détresse et sa douleur. Mais la dite souffrance était trop forte pour lui permettre de se libérer de cette manière.
Serrant les dents de désespoir et de rage contre la fortune qui avait brimé la vie de son amant si irremplaçable, il abattit violemment ses poings sur le sol boueux, y enfonçant ses ongles le plus possible. S'il avait pu, il aurait creusé la terre de ses propres mains nues pour venir Le rejoindre et reposer avec Lui pour l'éternité. Mais il ne pût.
" Je t'aime, Antonio Salieri... "
La douleur qui lui transperçait le cœur se ravivait à chaque fois qu'il se remémorait les mots de Wolfgang. Deux mois. Et il ne lui avait jamais répété ces mots. Ses sentiments avaient pourtant été clairs depuis le début. Mais il ne lui avait jamais dit comme Lui l'avait fait.
Relevant le buste, Salieri fixa la tranchée où reposerait désormais la dépouille de son amour perdu.
Il ne se rendit pas compte immédiatement que les larmes coulaient à présent sur ses joues. À cause de la pluie sans doute, qui se mêlaient à elles pour dégouliner sur ses joues avant de se perdre dans l'atmosphère. Oui, Antonio Salieri pleurait silencieusement la perte de cet être irremplaçable qui, malgré toutes ses prières, toutes ses supplications et toute sa colère, ne reviendrait jamais.
Tout ce qui lui restait, c'était ces souvenirs secrets, où ils avaient pu s'aimer pour l'éternité. Les souvenirs de leurs baisers. Les souvenirs de son beau visage si souriant.
" Je t'aime... "
Il ne lui avait jamais dit. Il était trop tard, mais les mots devaient tout de même être prononcés. Pour lui, pour eux.
Car il l'avait aimé. Il l'aimait et l'aimerait toujours.
Les larmes coulant toujours, il leva finalement les yeux au ciel, comme s'il espérait y voir flotter son visage, puis délivra enfin les mots qu'il aurait tant aimé lui souffler au creux de l'oreille.
- Je t'aime, Wolfgang Amadeus Mozart.
***
FIN