Titre : Un simple malentendu
Auteur : Moonie Cherry
Pairing : Shikamaru x Neji
Genre : shônen ai, humour, action
Disclaimer : L'univers et les personnages de Naruto appartiennent à Masashi Kishimoto.

Résumé : À la suite d'un quiproquo, Shikamaru et Neji se retrouvent liés par le plus improbable des engagements.

Petite entorse au manga : Shikamaru devient jônin quelques mois avant le retour de Naruto.


UN SIMPLE MALENTENDU

1. Jônin malgré lui ! La complainte de Shikamaru

Une délicieuse odeur de viande grillée montait des fourneaux du petit restaurant. Portée par la brise printanière, elle traversait la salle à manger et s'échappait par les fenêtres pour aller chatouiller les narines des passants. Celles de Chôji frétillaient littéralement. Ses doigts tambourinaient sur la table, et leur rythme de plus en plus saccadé trahissait son impatience grandissante.

Ceux de Shikamaru, au contraire, étaient entrelacés derrière sa nuque et soutenaient sa tête à demi renversée en arrière. Avachi sur la banquette, l'adolescent tentait de chasser de son esprit tous les problèmes liés à sa nouvelle situation et qui, selon ses calculs, ne manqueraient pas de lui tomber dessus. Un profond soupir gonfla sa poitrine.

- J'aurais vraiment dû refuser cette promotion, marmonna-t-il de son ton traînant.

Le regard de Chôji quitta brièvement la silhouette du cuisinier qui s'affairait derrière son comptoir et se posa sur son ami.

- Je ne pense pas que Godaime t'aurait laissé le choix. Ta promotion semblait lui tenir particulièrement à cœur... À ce propos, je ne t'ai pas encore félicité, monsieur le jônin !

- Est-ce de l'ironie que je décèle dans ta voix ? s'enquit Shikamaru en haussant un sourcil.

- Avoue que tu fais une montagne de pas grand-chose, Shika.

- Pas grand-chose ? Ma mère vient de me mettre à la rue avec armes et bagages. Qu'est-ce qui pourrait m'arriver de pire ?

- Hum... qu'elle t'ait jeté dehors sans casse-croûte ? proposa Chôji.

- Que tu as entièrement dévoré sans m'en laisser une miette, merci bien.

- Ha ha... c'est vrai, désolé. Mais tu n'avais pas l'air d'avoir très faim, et ç'aurait été dommage de gâcher un bento aussi appétissant. Oh, notre commande arrive !

Chôji se frotta les mains, ravi de pouvoir détourner la conversation vers un sujet moins glissant, et plus encore de déguster les brochettes nappées de sauce barbecue. Shikamaru grimaça. Son meilleur ami était toujours égal à lui-même : on ne pouvait rien en tirer tant que son estomac n'était pas satisfait.

Il le laissa manger ses premières brochettes avant de poursuivre ses récriminations. Chôji leva le nez de son assiette et prit un air désolé.

- Ta maman ne veut que ton bien, Shika. Comme tu as réussi à devenir jônin, elle estime que tu es capable de te débrouiller tout seul. Elle pense sûrement que c'est mieux pour toi d'être indépendant.

- C'est gentil de ta part, mais je doute que ses intentions soient aussi nobles, ricana-t-il. M'est avis qu'elle en a assez d'avoir deux flemmards sur les bras, et qu'elle a vu dans ma promotion l'occasion de se débarrasser de l'un deux.

- Shika...

- Ah, voilà ce qu'il en coûte de laisser faire les femmes, soupira Shikamaru. Un jour elles sont tout sourire, et le lendemain elles vous chassent à coups de pied dans le derrière.

- Mais ta mère ne t'a pas...

- C'est une constante dans ma misérable existence, Chôji. Les femmes. J'ai beau rester dans mon coin et ne pas me mêler de leurs affaires, il faut toujours qu'elles en aient après moi...

Son ami leva les yeux au ciel et se prépara à subir l'une des tirades habituelles du jônin fraîchement promu.

- D'abord ma mère, qui m'asticote sur tout et n'importe quoi, énuméra-t-il. Ensuite Ino, qui n'arrête pas de me chercher des poux et qui me traite comme le dernier des bouseux. Et puis il y a Temari-san, persuadée que j'ai une dette envers elle parce qu'elle m'aurait soi-disant sauvé la vie. Sans parler de Godaime, sur laquelle je m'abstiendrai de tout commentaire parce que ça pourrait devenir vilain.

- Tu exagères, commenta Chôji, la bouche pleine.

- Chô... tu ne vois donc pas ? Je suis la victime innocente d'un vaste complot féminin !

- Je crois surtout que tu te montes le bourrichon. Tu devrais être content. Tu vas enfin vivre sous ton propre toit, comme un véritable adulte.

- Encore faudrait-il que je le trouve, ce fichu toit.

- Ça ne devrait pas être très compliqué.

- Bien sûr que non. Mais en attendant, où est-ce que je vais pouvoir dormir ?

- Tu sais que ma porte est toujours ouverte.

- Merci, mon vieux, dit Shikamaru, soulagé.

Chôji se trémoussa sur son siège.

- Évidemment, il faudra peut-être que tu partages une chambre avec mes cousins... On fête la réunion annuelle du clan Akimichi, et la maison est un peu sans dessus-dessous.

Shikamaru poussa un gémissement et s'effondra un peu plus sur le banc. Le clan de Chôji était réputé pour ses banquets gargantuesques et l'ambiance débridée qui les accompagnait. La perspective de jouer les souffre-douleur d'une marmaille hurlante et affamée, ou pire, de subir les assauts amoureux d'une quelconque cousine, lui donna la chair de poule. Son regard tomba sur son assiette encore intacte, et il se dit qu'il n'avait plus très faim.

- Je crois que je vais décliner ton offre. Mais merci quand même.

- Tu es sûr ?

- Absolument.

- Et si tu demandais à Ino de t'héberger ? demanda Chôji, pris d'une inspiration soudaine. Après tout, ne sommes-nous pas sensés aider nos coéquipiers lorsqu'ils sont dans le besoin ?

Shikamaru grinça des dents. Habiter chez Ino, même pour un court laps de temps, lui paraissait aussi réjouissant que de passer un mois entre les mains de Morino Ibiki. Malheureusement pour lui, sa situation actuelle ne lui permettait pas de faire la fine bouche.

- Je suppose que ça ne coûte rien d'essayer.

oOoOo

En réalité, cela leur coûta du temps perdu, car il était évident qu'Ino leur refuserait son aide, et une bonne part d'amour-propre lorsque la jeune fille amena sur le tapis son sujet préféré.

- J'aurais pu avoir comme coéquipiers de beaux garçons, mais nooon, il a fallu que je me coltine deux imbéciles dans votre genre ! s'écria-t-elle, debout sur le seuil de la boutique familiale. Ah, si seulement Sasuke-kun et Neji-kun étaient à votre place... Quelle équipe de rêve nous aurions formée !

- C'est sûr, marmonna Shikamaru. Le premier est le nukenin le plus recherché après Uchiha Itachi, et le second ignore jusqu'à ton existence.

- Tes sarcasmes de jaloux ne m'atteignent pas, Shikamaru. Et je te le dis tout de suite, tu peux aller voir ailleurs si j'y suis !

- J'en ai bien l'intention, rétorqua-t-il. Allez viens, Chôji. Laissons-la rêver à ses amoureux virtuels.

- Ah oui ? Tu vas voir si mes coups de pied sont eux aussi virtuels !

Les mains dans les poches, Shikamaru lui tourna le dos et s'éloigna d'un pas traînant. Après avoir hurlé un "Crétin !" plein d'animosité, Ino tourna elle aussi les talons et claqua la porte. Les femmes...

Shikamaru songea qu'il n'avait pas de chance. Malgré la finesse de son intelligence, il ne parvenait pas à comprendre pourquoi toute interaction avec la gent féminine se soldait systématiquement par des disputes et des cris.

- Tu l'as vexée, fit remarquer Chôji une fois qu'il l'eut rejoint.

- Quoi, tu penses que je l'ai fait exprès ?

- Non, mais tu aurais pu éviter de lui lancer des piques. Tu sais, ce n'est pas le meilleur moyen d'obtenir une faveur.

- Tu crois que j'ai envie de faire des efforts avec une telle furie ? De toute façon, tout ce que je lui dis finit par se retourner contre moi.

- Ah la la... soupira Chôji.

Son air entendu fit tiquer le jônin, mais il n'ajouta rien. Il jugea inutile de se prendre la tête avec une nouvelle dispute. Depuis quelque temps, il avait noté que son camarade avait une tendance de plus en plus prononcée à prendre le parti d'Ino. Pas besoin d'être un génie pour comprendre de quoi il retournait.

- Bon, peut-être que la meilleure chose à faire est d'éplucher les petites annonces et de te trouver un chouette appartement pas trop cher, dit Chôji.

Avec le dynamisme et l'entrain d'un condamné à mort, Shikamaru le suivit jusqu'à la librairie. Munis chacun d'une feuille de la Gazette de Konoha, ils entreprirent de dénicher la perle rare.

Au bout de cinq minutes de lecture infructueuse, il devint évident que le village souffrait d'une crise du logement aussi aiguë qu'inattendue. Non seulement le choix était d'une maigreur extrême, mais les quelques loyers proposés atteignaient des sommes prohibitives. Devant tant d'obstacles, Shikamaru baissa les bras.

- C'est bientôt l'été... Je n'aurai qu'à dormir à la belle étoile. Un retour à la simplicité n'a jamais tué personne.

- Et la mousson ?

- Ah ouais, la mousson... maugréa-t-il, dégoûté.

- Pourquoi ne pas faire appel à la générosité de nos amis ? Kiba, par exemple ?

Shikamaru plissa le nez.

- J'aime bien les animaux, mais partager un lit avec quatre ou cinq chiens pesant deux fois mon poids et empestant le fauve, très peu pour moi.

- Moui... je suppose que Shino est hors de question ? Et vu la réaction d'Ino, ce n'est pas la peine de demander aux filles. Si tu allais chez Lee ? Je parie qu'il serait très heureux de te rendre service.

- Un peu trop heureux, grimaça Shikamaru. Oublie Lee.

- Et si on allait voir les professeurs ?

- Tu plaisantes ? Asuma-sensei vit dans un brouillard permanent avec ses fichues cigarettes. Kakashi-sensei va me bassiner toute la nuit avec ses livres cochons. Quant à Iruka-sensei, il n'est pas loin d'être aussi tatillon que ma mère.

Chôji lança un regard torve en direction de son ami.

- On peut pas dire que tu y mettes du tien, Shika. Je veux bien t'aider, mais là ça devient presque une mission impossible.

Shikamaru ne répondit pas, préférant shooter dans un caillou qui alla buter contre un imposant portail. Chôji le suivit du regard, puis leva la tête et lut le nom des propriétaires du domaine. Son visage s'éclaira.

- Mon vieux, je crois que je viens de trouver la solution à ton problème !

Il se précipita vers le portail et frappa avec enthousiasme. Un serviteur lui ouvrit presque aussitôt. Reconnaissant un membre éminent du clan Akimichi, il s'effaça pour le laisser entrer. Shikamaru s'engouffra à sa suite à contrecœur.

- C'est une très mauvaise idée, murmura-t-il pour lui-même.

Le serviteur les conduisit le long de la galerie extérieure avant de les faire pénétrer dans le bâtiment principal. Après s'être assuré que ses maîtres étaient mis au courant de la présence de visiteurs, il les fit s'installer dans une pièce sobrement décorée. Il les pria de pardonner l'attente et se retira sans un bruit. Shikamaru songea à traiter son ami de fou pour l'avoir entraîné dans ce guêpier, mais l'arrivée de leur hôte lui coupa tout élan.

- Chôji, Shikamaru, salua le jônin avant de s'agenouiller en face d'eux.

- Salut, Neji.

- Yo, Neji.

Le manque de formalité de la part de ses deux invités arracha au jeune homme un froncement de sourcils réprobateur.

- Que me vaut l'honneur de votre visite ? s'enquit Neji, sans pouvoir masquer le soupçon d'ennui qui teintait sa voix.

Shikamaru, qui s'attendait à une réaction plus franche, ne fut pas dupe. Chôji, certain que le jônin ne laisserait pas un camarade dans le besoin, exposa le problème avec toute la sincérité et l'optimisme qui le caractérisaient. Neji l'écouta avec un semblant de patience, et laissa s'écouler quelques secondes avant de répondre. Sans doute choisissait-il avec soin les mots les plus ironiques de son répertoire, songea Shikamaru.

Ce n'était pas que Neji et lui fussent rivaux ou ennemis. Cependant, le jeune Hyûga avait une agaçante manie qui consistait à prendre de haut tout un chacun. Même leur Hokage ne parvenait pas à se soustraire à son regard légèrement cynique.

- Et vous avez pensé à me demander l'hospitalité ? Je ne sais pas si je dois me sentir flatté ou insulté.

- Là, c'est plutôt moi qui devrais me sentir insulté, rétorqua Shikamaru.

- En plus d'être un sans-abri ? Cela ferait beaucoup pour un seul homme, dit Neji avec un petit sourire.

Shikamaru ferma les yeux et se pinça l'arête du nez.

- Écoute Neji, je n'ai aucune envie de me disputer avec toi. Nous ne sommes pas amis et je comprendrai que tu refuses. Mais si tu acceptais de me laisser rester ici un ou deux jours, tu me rendrais un grand service.

L'adolescent fit la moue. Sentant que la balance penchait en sa faveur, le jeune Nara crut bon d'ajouter :

- Tu ne remarqueras même pas ma présence.

- Hmm... pourquoi pas ?

Chôji laissa éclater sa joie, tandis que les deux jônin demeuraient impassibles.

oOoOo

Shikamaru suivit Neji à travers une enfilade de couloirs. Chôji les avait quittés pour aider ses parents à organiser le banquet familial. Shikamaru lui en voulait un peu : à cause de lui, le voilà qui se retrouvait dans les griffes du clan Hyûga et de son pire représentant. Ce dernier marchait d'un pas léger sur le plancher ; ses pieds ne produisaient aucun bruit sur les lattes de bois. L'atmosphère qui régnait dans la maison était à son image : silencieuse, feutrée, revêche.

Neji fit coulisser un panneau de papier ; le ciel bleu au-dessus des toits et un jardin verdoyant se dévoilèrent à leur regard.

- À partir de là, nous quittons la demeure de la Sôke, expliqua son hôte. Nous allons passer par le jardin et traverser le petit pont que tu vois là-bas. Le bâtiment qui se trouve plus loin est celui de la Bunke. Je vais demander à ce qu'on te prépare une chambre près de la mienne. Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu n'auras qu'à m'appeler.

- Quelle délicate attention, railla son cadet.

Neji s'arrêta et le regarda par-dessus son épaule.

- Tu préfères peut-être dormir dans la niche du chien ?

- Très amusant, Hyûga. Depuis quand développes-tu un sens de l'humour ?

- Depuis que je suis forcé de fréquenter des individus dans ton genre, répliqua-t-il, pince-sans-rire.

Les deux garçons continuèrent leur visite, et Shikamaru sentit poindre un mal de tête. Il savait que la propriété des Hyûga figurait parmi les plus grandes du village, mais il ignorait à quel point elle était labyrinthique. Les couloirs succédaient aux escaliers, les galeries semblaient ne jamais avoir de fin, les étages se ressemblaient tous... Sans compter que Neji semblait prendre un malin plaisir à rallonger leur excursion en multipliant les détours. Shikamaru commençait à douter de sa capacité à retrouver son chemin dans ce dédale.

oOoOo

- Un dîner ?

La servante s'inclina et renouvela ses excuses devant l'air ennuyé de Shikamaru. Profiter du gîte et du couvert des Hyûga sans contrepartie était trop beau pour être vrai. La chambre qui lui avait été attribuée n'était pas très spacieuse et ne comportait que le strict minimum : quelques placards dissimulés dans les murs, et une table basse ornée de fleurs arrangées par Hinata. L'adolescent s'en accommodait parfaitement ; à ses yeux, le superflu n'était qu'une perte de temps et d'énergie. En revanche, l'invitation dont il faisait l'objet ne l'enchantait guère. L'oncle de Neji était très à cheval sur les civilités et s'était mis en tête de convier son jeune invité à un dîner dans la maison de la Sôke. Shikamaru se dit néanmoins qu'il serait grossier de refuser.

Ma mère ne me le pardonnerait jamais...

- Très bien, je vous suis, soupira-t-il, et la servante entreprit de le guider jusqu'à la salle de réception.

Neji, Hinata et Hanabi s'y trouvaient déjà, tous vêtus du yukata traditionnel. Shikamaru sentit leurs regards se poser sur sa tenue. Sans doute faisait-il tache avec sa veste mal repassée et son pantalon usagé. Hiashi fit son apparition quelques instants plus tard. Le jeune jônin se pencha vers Neji.

- J'espère que ton oncle ne s'attend pas à ce que je lui fasse la conversation, murmura-t-il. Les dîners mondains, je trouve ça...

- Barbant ? Ne m'en parle pas.

Shikamaru eut presque envie de sourire. Pour la première fois, il semblait qu'une sorte de connivence s'était installée entre l'arrogant shinobi et son humble personne.

- Nara-kun, c'est un plaisir de t'avoir à notre table, dit le chef de famille tout en les enjoignant à prendre place. J'ignorais que tu étais un ami proche de mon neveu.

Je l'ignorais aussi, ricana-t-il intérieurement. Il offrit ses remerciements avec une certaine élégance, et se délecta du regard surpris de Neji. Ce n'est pas parce que je suis paresseux que je suis aussi un rustre, tout de même !

Le dîner compta parmi les expériences les plus étranges que le jeune homme eut à vivre. Hiashi se voulait un hôte aimable et prévenant, mais ses efforts pour animer la conversation ne rencontraient pas le succès espéré. Shikamaru se sentait désolé pour lui, mais pas au point de voler à son secours. De son côté, Neji opposait un silence buté à toute forme de sociabilité. Hinata, plus affectée que quiconque par l'ambiance oppressante, gardait le nez plongé dans son bol de soupe. Du haut de ses dix ans, Hanabi piochait joyeusement dans les mets disposés devant elle. Les tensions entre les deux branches du clan étaient loin d'être résolues.

- Nara-kun, j'ai entendu dire que tu étais un excellent joueur de shôgi, dit Hiashi alors que l'on apportait le thé.

- Je ne me débrouille pas trop mal, concéda-t-il en se grattant le crâne.

- Dans ce cas, pourquoi ne pas clore cette soirée par une partie ? Hinata et Hanabi jugent que ce passe-temps ne sied qu'aux vieilles personnes, mais mon neveu a coutume de m'affronter lorsqu'il n'est pas en mission. Neji ?

- Peut-être une autre fois, mon oncle, déclina celui-ci en se levant. Je souhaiterais me retirer plus tôt, ce soir.

Hiashi dissimula sa déception tant bien que mal.

- Bien sûr, j'imagine que tu as beaucoup de travail... Nara-kun, si nous passions dans le salon ?

Hyûga Hiashi n'avait ni la dextérité de son sensei, ni la virtuosité de son père. Son style était très académique, et Shikamaru s'imaginait prédire sans difficulté quelles tactiques l'homme allait favoriser dans telle situation donnée.

Contre toute attente, le Hyûga s'avéra être un vieux roublard, et Shikamaru ressentit une agréable surprise. Certes, il lui opposait des tactiques relativement conventionnelles, mais il construisait sa défense avec intelligence avant de lancer ses attaques. Il parvint même à mettre en danger la stratégie du jeune homme. Malgré tout, ses efforts ne furent pas suffisants...

- Échec et mat, annonça Shikamaru en prenant le roi de son adversaire.

Les épaules d'Hiashi s'affaissèrent et il lui adressa un sourire.

- Belle démonstration, Nara-kun, dit-il d'un ton chaleureux. Et digne du génie que tout le monde acclame.

- Bah, j'aurais probablement capitulé si vous ne m'aviez pas laissé cette ouverture.

- Allons, tu n'as pas à minimiser ta victoire. Quoique j'apprécie ta modestie, ajouta-t-il avec un clin d'œil.

- Au contraire de Neji ? crut bon de souligner Shikamaru.

- Mon neveu est très conscient de sa valeur. Toutefois, j'ai constaté qu'il s'efforce de corriger les travers de son caractère. Je suis heureux de voir que petit à petit, il parvient à se faire des amis en dehors de son équipe.

- Eh bien, à vrai dire...

Shikamaru était à deux doigts de détromper son hôte en ce qui concernait ses relations avec Neji. Devant le sourire content d'Hiashi, il se ravisa.

- Neji n'est pas si mauvais qu'il le paraît, dit-il avec un petit rire qui sonnait faux.

Hiashi parut s'en satisfaire. Il se leva, arrangea distraitement les plis de son kimono, et fit remarquer à son jeune invité l'heure tardive.

- Je suis navré de t'avoir retenu si tard, Nara-kun. Veux-tu que j'appelle un domestique pour te raccompagner jusqu'à ta chambre ?

- Ne vous en faites pas, j'ai un sens de l'orientation infaillible, le rassura Shikamaru entre deux bâillements.

L'excitation due au jeu s'était dissipée, et l'adolescent pouvait sentir la fatigue tomber de tout son poids sur ses épaules. Hiashi ne put s'empêcher de s'inquiéter.

- Hum, Nara-kun ? Tu viens d'ouvrir la porte du cagibi... Non, Nara-kun, c'est par la droite !

Les paupières lourdes, Shikamaru parcourut divers étages avant d'atteindre le rez-de-chaussée. Il manqua s'arracher les cheveux en constatant qu'il tournait en rond depuis dix minutes, et fut sauvé par un serviteur qui partait se coucher. L'homme lui indiqua volontiers le chemin vers les bâtiments secondaires.

Ses pieds avaient du mal à gravir les escaliers, et lorsqu'il parvint enfin au bon étage, ses jambes ne le portaient presque plus. Pris par son affrontement avec Hiashi, il n'avait pas vu les heures passer. À présent, la nuit était largement avancée et tirait vers l'aurore.

Il traîna sa carcasse récalcitrante sur les derniers mètres et compta vaguement le nombre de portes avant de trouver la sienne. Sa main tâtonna, fit glisser le panneau pour l'ouvrir, et enfin il put s'abandonner aux joies d'un repos largement mérité. Sans prendre la peine de viser le futon, il s'écroula sur les tatamis et s'endormit paisiblement.

oOoOo

Le sommeil de Neji était léger. Il ne fallut pas plus que le craquement des marches de bois, à l'autre bout du couloir, pour le tirer des bras de Morphée. Il se tourna sous ses couvertures et poussa un bref soupir, agacé par ce réveil malvenu. Son esprit devenant plus clair au fil des secondes, il réalisa que Shikamaru devait la être la source de ses maux et maudit le jônin en son for intérieur.

La pleine lune éclairait le couloir de sa brillance argentée. Elle projeta sur le mur de papier la silhouette avachie du jeune Nara. Pleinement réveillé, Neji suivit sa progression d'un regard meurtrier. Indigné, il s'aperçut que le shinobi tentait d'ouvrir la porte de sa propre chambre. Il se redressa à demi pour signaler sa présence, mais Shikamaru s'effondra à quelques centimètres à peine du futon.

- Shikamaru, murmura Neji. Tu t'es trompé de chambre... Shikamaru ?

Seul un ronflement lui répondit.

- Idiot ! souffla-t-il, vexé.

Il songea à réveiller le jônin à coups de pied, mais cela impliquait le fait de sortir de son lit et de déambuler dans la fraîcheur de la nuit. L'adolescent rabattit vivement ses couvertures par-dessus sa tête.

- J'espère que tu attraperas la mort à dormir par terre, maugréa-t-il contre son oreiller. Bonne nuit, crétin !