Avertissement : Cette histoire décrit des relations homosexuelles masculines. Vous voilà prévenus.

Disclaimer : Comme d'habitude, les personnages sont à J.K Rowling, seule l'intrigue m'appartient.

N.d.A : Voilà le quatorzième chapitre de Résistances. J'espère que vous n'en doutiez pas, mais non, je ne vous abandonne pas. Merci de votre fidélité !


Chapitre 14

Sa poitrine se soulevait régulièrement, pulsant régulièrement. Il pouvait clairement sentir l'influx et l'afflux de l'air dans ses narines, ses poumons. L'air était tiède et tranquille, sans un souffle de vent pour l'agiter. Autour de lui, aucun bruit ne venait briser le silence presque absolu que rythmait le doux chuintement de ses inspirations.

Lorsque lui vint à l'esprit l'idée qu'il pouvait ouvrir les yeux, il le fit. La lumière était douce et semblait accueillir paisiblement son regard, sans rien de l'éblouissement qui d'ordinaire attaque la pupille du dormeur qui émerge. Il était allongé dans ce qui ressemblait à une brume blanche qui, si elle avait eu quelque chose à masquer, l'aurait drapé d'écharpes crayeuses et déliquescentes.

Il était nu comme au premier jour. Lorsque son regard s'égara sur son propre corps, il s'aperçut que sa peau, très pâle sous la lumière diffuse, était comme neuve. Toutes les minuscules cicatrices qui rappelaient la première chute de balai, le sortilège raté ou la potion qui tourne mal, ancres d'autant de souvenirs, avaient disparu. Une vague inquiétude poussa son bras à effleurer son front, pour y retrouver la forme familière de sa cicatrice. Un soulagement fugace tout autant qu'inexplicable le traversa lorsque ses doigts retrouvèrent l'éclair sous ses cheveux.

Il pensa ensuite qu'il pouvait se lever et marcher. Il le fit. Le sol était dur sous ses pieds, parfaitement plat et lisse, presque tiède. L'horizon semblait se dérober à son regard, quelque fut la direction dans laquelle il se tournât. Il se mit donc en route, marchant au hasard dans les nuées laiteuses.

oOoOo

Lorsque Draco s'éveilla, la première chose dont il prit conscience fut le contact presque caressant de l'air sur sa peau nue. Aussitôt, avec un petit bruit étouffé, une robe de sorcier atterrit à quelques mètres de lui. Il se leva souplement et se dirigea vers le vêtement, dont le noir tranchait sur la blancheur des alentours qui, lorsque qu'il essayait de fixer son regard sur un point précis, semblait se brouiller, comme le nuage de lait que sa mère versait dans sa tasse de thé lorsqu'il était petit.

Il s'arrêta à mi–chemin de son mouvement lorsqu'il tendit le bras pour attraper la robe. Son bras était bizarrement devenu un spectacle fascinant, une merveille de construction qu'il n'aurait jamais soupçonné posséder. Sa peau, qui n'avait jamais été aussi blanche et satinée, était tendue sur un réseau ramifié de vaisseaux qui, comme la robe noire se distinguait de l'étrange endroit dans lequel il se trouvait, semblaient presque avoir été peints de bleu en dessous de son épiderme. Il se redressa, leva son bras à hauteur de ses yeux. Il fit jouer ses doigts, qui s'agitèrent doucement, comme effleurés par une brise tiède. La simple vision de la complexité extrême de la mécanique de son avant bras, des muscles qu'il sentait rouler sous sa peau, le remplit d'un contentement inhabituel. Inhabituel de par son existence même : comme rarement depuis ce qui semblait être une éternité, il pouvait dire qu'il ressentait quelque chose. Quelque futile que fût la raison de son exultation, elle enfla, se dilata, l'emplit d'une chaleur qu'il ne se rappelait plus avoir déjà éprouvée.

Pris d'une frénésie de découverte, d'admiration devant ce qu'il devait bien qualifier de magnifique — une partie de lui–même encore dotée d'humour se fit la réflexion qu'il n'était pas Malfoy pour rien —, il scruta tour à tour ses cuisses, fines et solides, ses mollets fermes et recouverts d'un duvet blond, son ventre plat, son sexe dressé dans un élan de vigueur, comme lui aussi échauffé par le renouveau de son propriétaire. Même ses côtes saillantes trouvaient grâce à ses yeux, tendant sa peau sur leurs arcs qui se soulevaient au rythme effréné de sa respiration.

Il s'assit finalement sur le sol et tenta de calmer ses inspirations chaotiques. La pensée le fit sourire par sa formulation, tellement commune, tellement... plébéienne, mais il se sentait véritablement revivre. Il resta encore un moment assis par terre, un sourire un peu vide sur le visage, savourant simplement l'instant. Ses pensées commencèrent à errer et les événements des derniers jours lui revinrent alors en mémoire.

La maisonnette en haut de la falaise. Les disputes avec Potter. Le soleil du matin sur le corps à moitié nu de Potter. Le bain de minuit. La crise d'angoisse dans le parc du manoir. Les combats, la fuite du Seigneur des Ténèbres. L'arrivée au Ministère. La lutte dans les gradins du Département des Mystères. La mort de Severus. Les cris de Potter — que lui criait–il, déjà ? Le directeur de Poudlard et le Lord, basculant enlacés sous l'arche.

Bientôt tous ses souvenirs se brouillèrent et se fondirent en une seule image, un visage un peu flou surmonté de cheveux d'un noir de jais, au milieu duquel brillaient deux yeux verts. Aussi fugace que l'éclair d'un jour d'orage, s'imposa alors dans la brume de ses souvenirs le plongeon vertigineux du cachot des Potions, la délicieuse envie de se noyer dans ces yeux, de les laisser l'emmener toujours plus profond pour ne finalement faire plus qu'un avec eux, avec lui.

C'était là que tout avait commencé. Ou bien était–ce encore auparavant, lorsque Harry Potter avait refusé sa main tendue pour rester auprès de la Belette ? Ou bien dans l'échoppe de Madame Guipure ? L'incertitude subsistait mais était balayée par la réalisation, tardive certes, mais ô combien salutaire, de l'évidence qu'il avait eu sous les yeux pendant six années de querelles.

Une évidence aux yeux d'un vert incomparable.

Une évidence en chair et en os, qui se tenait devant lui lorsqu'il ouvrit finalement les yeux.

oOoOo

Harry avait marché, nu dans les volutes du brouillard laiteux, sans but ni direction, juste pour le plaisir de sentir ses muscles rouler sous la peau de ses cuisses, le sol sous la plante de ses pieds.

Il était à la fois convaincu d'être seul et persuadé que quelque chose, ou quelqu'un, l'attendait quelque part au milieu de cette immensité blanche. Au fur et à mesure que ses pas l'emmenaient de plus en plus loin dans les nuées insondables du brouillard, il sentait quelque chose se détacher de lui. La sensation était étrange, presque désagréable malgré l'impression nouvelle de légèreté qui l'envahissait, comme si un poids qu'il avait toujours porté sans le savoir lui était retiré et qu'il devait réapprendre à vivre sans cette pesanteur, qui avait été quelque part rassurante. Il n'aurait pas su expliquer ce qui avait changé en lui, mais il se sentait autre. Le changement avait été à la fois extrêmement soudain et semblait s'être prolongé pendant des mois. Pour la première fois depuis longtemps, Harry ne pensait à rien. Il continuait à marcher, nu et léger.

Lorsque les cheveux blonds de Draco et la robe noire qu'il avait enfilée, à moitié voilés par une écharpe de brume, se détachèrent sur l'horizon uniformément blanc, Harry sentit inexplicablement le rouge lui monter aux joues et trébucha sur le vêtement qui était apparu avec un bruit étouffé devant lui. Il l'enfila en silence et alla se planter devant le Serpentard, qui était assis sur le sol et gardait obstinément les yeux fermés. Il ne savait pas vraiment quoi faire, alors il resta là, les bras ballants, à fixer le visage effilé du blond.

Lorsque celui–ci ouvrit finalement les yeux, s'il fut surpris de le trouver là, cela ne transparaissait pas sur son visage. Au lieu de cela, un fin sourire incurva ses lèvres, sans rien de la moue hautaine qu'il arborait d'habitude, comme une seconde peau, en présence de Harry. C'était un sourire qui disait un plaisir sincère et dévoilait dans le même temps une rangée de dents scintillantes à l'éclat presque carnassier. Harry frissonna. Draco se leva et, souriant toujours, répéta presque en chuchotant :

Je serai toujours là ? C'était bien ça ?

Quelques semaines plus tôt, Harry n'y aurait vu qu'une énième moquerie de son tourmenteur de toujours. Aujourd'hui, ici — mais les aiguilles avançaient–elles vraiment dans leur monde blanc et figé ? —, il n'y voyait qu'une reconnaissance éperdue. Qui ne lui donnait néanmoins pas le moindre indice sur la réponse appropriée...

— Je... euh, oui, marmonna–t–il finalement.

Le sourire de Draco s'élargit, le rouge repartit à l'assaut des pommettes de Harry.

— Harry ?

L'interpellé tressaillit quand il entendit son prénom — son prénom ! — franchir avec tant de douceur les lèvres de la dernière personne sur Terre dont il aurait pensé un jour vouloir être appelé ainsi.

— Oui ? répondit–il d'une voix faible.

— Si tu ne sais pas quoi dire...

Draco s'était imperceptiblement rapproché, et son souffle caressait les lèvres de Harry. Une main délicate se posa sur sa poitrine juste au dessus de son cœur qui battait à se rompre.

Leurs lèvres se joignirent finalement, à la fois sceau d'une aventure naissante et ouverture d'une parenthèse qu'ils espéraient tous deux destinée à n'être jamais refermée, décision irrémédiable et soulagement imperceptible, soupir commun de contentement devant l'ajustement de la dernière pièce du puzzle.

Puis tout redevint blanc. Loin, très loin, il sembla à Harry entendre les pleurs stridents d'un nourrisson.