Hello rare et courageux petit lecteur de ce 28e chapitre de ce dinosa... cette fic ! Oui je dis rare et courageux parce que, en attendant et désespérant de ne pas avoir de review (depuis plusieurs chapitres, faut pas que j'y pense, je vais faire ma dépressive T.T), je zyeute-stalke-surveille les statistiques de ma fic. Alors, oui, je sais, ça veux tout et rien dire, mais quand je vois les vues augmenter pour les premiers chapitres et cesser au bout du quatorzième, du vingtième voire même avant ça, j'ai envie de faire mon petit chaton fragile, de prendre mes énormes ours et de pleurer un coup. Oui je sais, ça ne sert à rien de se mettre dans tout ses états, MAIS, je suis sensible.
Sur ce, bonne lecture. Attention, ce chapitre est long !
Les personnages de TRC, XXXHolic, CCS e tutti quanti appartiennent à Clamp.
Chapitre 28
En cette après-midi hivernale, Xing Huo avait été retrouvée morte au pied de son escalier sous une immense valise, le cou tordu, les yeux écarquillés et la bouche entrouverte. C'est une ancienne camarade d'université qui découvrit la dépouille de la jeune femme. La témoin relatait à qui voulait l'entendre qu'elle était sans nouvelle depuis plusieurs jours. Venue s'assurer que son amie se portait bien, sa macabre découverte l'avait plongée dans une incessante hystérie. Un homme en uniforme vint recueillir sa déposition et laissa l'intégralité du quartier dans un réel capharnaüm.
La population s'affolait, courait de droite à gauche, à la recherche d'un brin de sérénité. Bon nombre de ces passants ignoraient le lourd passé de ce quartier. Ces derniers étaient les plus calmes. Malheureusement, d'autres, bien que minoritaires, n'étaient pas sans ignorer les diverses histoires des alentours et hurlaient à la malédiction : "on va tous mourir !" criait un vieillard. "Cet endroit est maudit !" scandait une ancienne bibliothécaire. "Les démons sont ici ! Fuyez !" braillait une mère de famille à sa progéniture. Bientôt, l'agitation fut générale. Même d'innombrables inconnus s'alarmaient pour un événement dont il n'avait qu'à peine connaissance.
Je n'étais pas une exception à cette épouvantable situation. La tête entre les mains, les genoux chancelants, je m'efforçais de soutenir mon regard vers Yuuko qui semblait demander quelques renseignements aux officiers de police. Une autre qu'elle aurait sans doute été méprisée et envoyée sur les roses au nom du "bon déroulement de l'enquête". Néanmoins, cette mystérieuse voisine démontrait tant d'assurance qu'un œil extérieur l'aurait facilement confondu avec un supérieur habillé en civil ou avec un suspect venu assurer ses arrières.
En ce qui concerne Kurogane, il était assis contre le portail de la première intéressée. De prime abord, il semblait à la croisée de mon attitude et de celle de Yuuko. Pourtant, un pressentiment me murmurait que son état était peut-être pire que le mien mais qu'il ne daignait pas le transparaître. Son regard jaugeait la scène avec un mélange de rage et d'angoisse : chaque battement de cil traduisait une émotion à la fois, si bien qu'il devenait presque impossible de connaître le fond de sa pensée.
Mes yeux s'étaient tournés vers lui, à la recherche de son soutien. Malheureusement pour moi, son attention restait focalisée sur la foule grouillante et sur l'enivrante et aveuglante danse des lumières des voitures de police. "Pense à autre chose ; pense à autre chose ; pense à autre chose..." répétais-je pour ne pas flancher. Cependant, cette tentative ne m'empêcha pas de m'affaisser pour vomir un mélange de bile et de sake, pas grand chose mais suffisamment pour me laisser un goût infâme en bouche ainsi qu'une atroce douleur au niveau de mes dents et me faire perdre le peu de force qu'il me restait. Cette fois, ce n'était pas un cauchemar, je ne me réveillerais pas en sueur dans ma chambre.
Tout recommençait, comme lorsque Fye a disparu. La luminosité s'amenuisait petit à petit au point que la scène semblait se dérouler de nuit, comme lorsque Fye a disparu. Le froid se faisait de plus en plus rude mais personne n'y prêtait attention, comme lorsque Fye a disparu. Les forces de l'ordre ne semblaient pas alertés par l'événement et agissait comme s'il s'agissait que d'une simple visite de routine, comme lorsque Fye a disparu. Le voisinage agissait comme lors d'une scène d'apocalypse, comme lorsque Fye a disparu. Enfin, je subissais l'instant présent comme un châtiment et ne sourcillait plus.
Comme lorsque Fye a disparu il y a de cela dix ans.
Je parvins tout de même à me traîner jusqu'à mon allié et m'installai à côté de lui sans un mot. Il ne vacilla pas. Nous attendions alors Yuuko Ichihara de longues heures devant sa demeure - force fut de constater qu'il ne s'agissait que de minutes. Je me demandai : Ashura était-il au courant des faits ? Où était-il ? Dans quel état se trouvait-il ?
Mais mon père adoptif n'était nulle part.
"Ashura..." murmurais-je, avant que ma gorge ne se serre.
Aussi cruelle que mes paroles puissent paraître, je n'étais pas réellement triste pour cette malheureuse Xing Huo. Cette dernière ne cessait de se montrer froide envers chaque résident. Toutefois, elle ne méritait pas de mourir aussi jeune et de la sorte. Sans doute avait-elle appelé à l'aide avant de trépasser. Combien de temps s'était-il écoulé depuis sa chute avant sa mort ? Aurions-nous pu la sauver si nous avions tendu l'oreille ? Si j'étais sorti de la boutique au lieu de jouer les explorateurs, serait-elle encore en vie ?
J'aurais dû la sauver elle... J'aurais dû le sauver lui...
J'aurais dû, j'aurais dû...
"C'est de ta faute" hurlait une voix dans ma tête "tu l'as tuée, tu m'as tué ! Tu dois expier tes fautes !"
Machinalement, je bouchai mes oreilles pour ne plus entendre cette voix trop familière, encore cette voix, toujours cette voix. Ses paroles résonnant toujours, mes mains crispées se portaient à mon cou. Je commençai à le griffer de toutes mes forces et à pincer la peau recouvrant ma pomme d'Adam ainsi que ma nuque. Bientôt, ces zones de mon corps furent recouvertes de marques rougeâtres.
"Arrête" dit Kurogane d'un ton à la fois faible et sévère.
Je ne l'écoutais pas et commençai à attaquer mes bras avec cette même ardeur. Il m'était impossible de respirer normalement sans que l'envie de pleurer ne m'envahisse, ce fut donc en ventilant que je poursuivis le mécanisme. Les choses ne s'améliorèrent pas, au contraire. De nouveau, mes mains vinrent égratigner mon cou au point de le recouvrir d'un épais manteau pourpre.
Soudain, mes gestes s'interrompirent, le temps s'arrêta.
Ma tête venait de pivoter sur le côté avec une telle violence que ma respiration cessa quelques secondes. Une gifle ? Une baffe ? Une vulgaire claque ? Je ne saurais dire. Pourtant les faits étaient là : Kurogane m'avait frappé et me fusillait du regard tandis que la main fautive restait en suspens.
"Je t'ai dit d'arrêter. Qu'est-ce qu'il faut que je fasse pour que tu ne perdes pas pied ?"
Ses mots témoignaient toute l'inquiétude qu'il éprouvait. Je le regardai impuissant et incapable de répondre quoi que ce soit. Pire encore, une de mes mains se porta à ma nuque et la pinça violemment au point que mes ongles s'enfoncèrent dans ma peau. À la vue de cette ignominie, mon interlocuteur saisit mon poignet et m'embrassa avec une telle ferveur que je ne compris pas ce qui venait de se produire. Je restai de marbre, les yeux aussi écarquillés que ceux de cette pauvre Xing Huo. Comprenant la tentative osée de mon compagnon, je cédai à son offre d'assistance et me laissai aller à son étreinte.
Bon nombre de couples se déchirent à la suite de drame personnel ou d'un événement tragique. Nous étions à l'antipode de cette situation. Au contraire, ce genre d'épreuve était l'essence même de notre relation. Nous puisions la stabilité dans l'insécurité.
- Merci, soufflai-je à demi-voix lorsque nous fûmes séparés.
- Si tu te détruis, je te fous une baffe, compris ?
Au fond, Kurogane n'était pas si courroucé que cela, quoi qu'il n'en paraisse, juste anxieux. D'un léger sourire, je murmurai : « Reçu » en acquiesçant.
Nous sommes restés ainsi, serrés l'un à l'autre, attendant le retour de Yuuko pour connaître les tenants et aboutissants de l'enquête. D'autres personnes auraient trouvé cette proximité prolongée maladroite, mais pas nous. Nous avions mutuellement besoin de la présence de l'autre, même en cas d'accalmie.
La femme tant attendue revint vers nous quelques temps plus tard alors que la nuit tombait. Elle ne parut pas surprise de nous voir assis devant son portail patientant son retour. Au contraire. Elle agissait comme si l'opposé était une aberration. Sans un mot, elle ouvrit le portail de sa boutique et nous fit rentrer un à un dans son salon où nous ne prenions plus la peine de surveiller notre bienséance.
Elle nous proposa de l'eau. Du sake ou autre boisson déraisonnée n'étaient pas les bienvenus ; même si un verre de javel m'aurait parfaitement convenu.
- Alors qu'est ce qui s'est passé ? demanda Kurogane d'un air à la fois sérieux et anxieux.
- La petite serait morte ce matin, la plage horaire reste à déterminer. La cause de la mort serait une fracture du rachis cervical – le coup du lapin si tu préfères : pas de trace de coup ou d'agression sexuelle, en revanche, elle aurait des traces au niveau du cou mais qui restent à analyser.
- Les flics t'ont balancé tout ça alors que t'es plus louche qu'une renarde dans un poulailler ?!
- J'apprécie la comparaison, Kurogane, dit-elle avec en retrouvant son sourire narquois. À vrai dire, le chef de la patrouille est un ancien client : il savait donc qu'il pouvait tout me confier sans souci.
Le jeune homme claqua sa langue contre ses dents avec frustration. Qu'importe le sujet, la sorcière Ichihara avait toujours un tour d'avance sur le reste de l'humanité, ce qui avait pour conséquence d'agacer celui qui voyait en horreur tout élément surnaturel.
- Et mis à part ça, ils en disent quoi ? Demandai-je d'une voix cassée.
- Vous voulez la version longue ou la version courte ? répondit Yuuko avant de se servir un verre de vin.
- La courte.
- Ils veulent conclure à un accident.
- Un accident ? S'étrangla Kurogane entre deux gorgées d'eau. Ils sont sérieux ?!
- C'est la solution la plus plausible a priori, reprit Yuuko, on parle d'une jeune femme qui a été retrouvée le cou tordu en bas de son escalier avec une valise de plus de vingt-cinq kilos en guise de couverture. Le scénario est tout tracé : elle veut descendre sa valise, trébuche, subit le coup du lapin sur la dernière marche...
- Et la valise tombe, comme par magie, après elle ? T'es sérieuse dans ton raisonnement, Carabosse ?
- C'est la reconstitution des enquêteurs, je n'ai jamais dit que c'était mon opinion.
- C'est ça, retourne ta veste !
- Oh Kuro-Chou, ça ne te réussit pas la vie à deux (et demi, si on compte "Cher") : ce sont les nuits d'abstinence qui te frustrent ? Fye, tu sais ce qui te reste à faire pour que ce grand garçon cesse d'être aussi désagréable.
Je ne répondis rien à la provocation de Yuuko et me concentrai sur toute la situation à laquelle nous étions confrontée. Tout d'abord, Sakura jouait les amnésiques vis-à-vis de Shaolan, ensuite, nous apprenions que le fameux Shaolan revenait au Japon d'ici peu de temps, puis Xing Huo mourrait chez elle dans des circonstances douteuses. Les événements n'avaient sûrement aucune corrélation entre eux, mais présentait un point commun hormis leur géolocalisation.
À cet instant, tous étaient inexplicables.
Tout comme la mort de Fye.
- Est-ce qu'ils vont nous interroger ? Demanda Kurogane de sorte que la conversation ne perde pas sa gravité.
- Je ne pense pas, statua Yuuko, ils sont persuadés que la mort de Xing Huo est liée à un accident et ne veulent pas ouvrir d'enquête. Il n'y a que leur petit nouveau - mignon d'ailleurs, qui veut croire à la théorie de "l'homicide déguisé". Le reste de l'équipe fait l'autruche.
- Qu'est ce qui leur prend ? Mandai-je soudainement impliqué dans la discussion.
- Ils ont peur, tout simplement.
- Peur ? m'écriais-je - Peur de quoi ? interrogeai Kurogane
- Peur de ce qui pourrait dépasser leur petite perception du monde. Peur de ce qui pourrait la contredire. Peur de ne pas avoir affaire avec du palpable et du vérifiable. Peur d'un dénouement irrationnel. Peur de l'inconnu. Peur du paranormal. Peur de...
- Ça va, on a compris ! gronda mon colocataire.
- Est ce que cette « peur » est légitime ?
Yuuko ne répondit qu'un « bonne question » dans un murmure avant de se rendre dans son jardin d'où elle observait l'horizon. Néanmoins, je savais quelque part que ce qu'elle fixait derrière son haut portail n'était pas l'infini mais le champ seulement agrémenté d'un cerisier en fleurs et, plus loin, une imposante et terrifiante étendue d'arbres.
- Pourquoi avez-vous eu l'opportunité d'entrer dans cette forêt ? nous demanda-t-elle.
- Parce que j'y vivais, répondit Kurogane avec une pointe de tristesse.
- Parce Fye voulait, dis-je les bras perpendiculaires à mes flancs pour me retenir de vomir de nouveau.
- Je ne faisais pas référence à ça, bande d'ignares ! Vous ne voyez pas plus loin que le bout de votre petite nostalgie et vos drames d'enfance : pour voir au loin, il faut regarder ; et plus précisément regarder ce qu'il y a de plus proche.
- Regarder ce qu'il y a de plus proche pour voir au loin ?
À l'instar de Kurogane, je me répétais en boucle les paroles de la sorcière silencieusement. Comprendre Yuuko était élémentaire à la simple condition de connaître ses références. Dans le cas d'espèce, l'intrigue était de savoir ce que ma voisine associait à ce qui était « proche » et ce qui était « loin ». Pour ce qui était les verbes « voir » et « regarder », j'avais une idée de ce qu'elle voulait signifier.
« Maintenant, oust ! J'en ai fini avec vous et vos petites frimousses d'amoureux. »
Amoureux ?
- Quoi ! Hurla l'autre jeune home. Je te signale qu'on est venu pour un but précis de base : on veut savoir ce qui se trame avec la petite Sakura !
- J'en ai déjà parlé avec ton petit-ami : je n'y suis pour rien dans cette histoire.
Petit-ami ?
- C'est ce que dirait quelqu'un de coupable.
- Pourtant c'est bien vrai : pour preuve, je n'ai rien dans ma boutique qui appartienne à la petite Kinomoto ou rien de récent du moins.
Elle disait vrai, je n'avais rien vu qui pouvait avoir été donné par notre princesse lorsque j'étais dans la réserve. Pourtant, Yuuko appréciait mettre en évidence ses monnaies d'échange et notamment les plus récentes. Or, ne figuraient sur des piédestaux que quelques statuettes ou autres babioles d'autres préfectures.
- D'ailleurs, en parlant de paiement - son regard se fit assassin et une sorte d'aura malfaisante semblait émaner de sa personne, vous ne vous imaginez pas vous en sortir gratuitement ?
- Et pourquoi on devrait payer ? (J'approuvai les paroles de mon « petit-ami ») Tout ce qu'on a eu c'est une phrase bizarre : on paiera que quand on aura eu du concret !
De nouveau, je hochais la tête en guise d'acquiescement. Nous serions partis sans réfuter notre indice si ce dernier avait été gratuit. Toutefois, le fait de réclamer un dû classait Yuuko dans la catégorie des escrocs, classe pour laquelle nous n'avions aucune pitié.
- Parce que je fournis des services gratuitement depuis plusieurs chapitres, c'est complètement contraire à ma personnalité. Alors, aboulez la monnaie !
- On ne paiera pas pour une phrase hors contexte.
Ma voisine me fusilla de ses yeux grenat, visiblement furieuse de me savoir participer aux négociations. Comprenant qu'elle était minoritaire face à deux adolescents têtus, elle se retira dans son arrière-boutique pour en revenir avec un ours en peluche grisâtre. Je reconnus le jouet : il appartenait à Sakura lorsqu'elle était plus jeune, mais avait soudainement disparu un matin d'avril.
- Je pensais que tu n'avais rien dans ta boutique qui, je cite, « appartienne à la petite Kinomoto » ?
- J'ai dit "rien de récent du moins", elle avait onze ans lorsqu'elle m'a donné cette peluche.
- Elle y tenait énormément : elle devait avoir un vœu particulièrement important pour te la laisser.
- Se-cret : les demandes de mes clients ne regardent qu'eux et moi-même.
Un ange passe. Quelles réponses pouvaient nous apporter cet ours ? Toutefois, ce silence ne dura que peu de temps avant que Yuuko ne s'écrie : « Bon maintenant que vous avez votre chose concrète, toute prestation mérite honoraire : échange peluche contre double peluches ». Bien entendu, j'étais le seul en mesure à comprendre ce qu'elle insinuait. Je levai les yeux au ciel : j'avais longuement espéré m'être débarrassé de cette demande. Mon agacement était tel que je portai une main contre les lèvres de Kurogane pour le réduire au silence lorsque ce dernier présenta sa quête d'explications.
- Entendu. Je crois que je ne vais pas y couper cette fois.
- Mais c'est qu'il est docile ce petit ! Il aura fallu que vous fassiez chambre commune pour que tu cèdes enfin à ma demande.
- J'y avais déjà cédé, c'est toi qui as refusé.
- Je n'accepte pas les échanges par dépit. De plus, force d'attente, il y a des intérêts à payer.
Kurogane retira la main qui le bâillonnait pour demander, sans délicatesse, ce que signifiait notre conversation. Un simple regard suffit à lui signifier que je me tâcherai de l'en informer au plus tôt lorsque nous serions de retour chez nous.
- Quels intérêts ? Questionnai-je
- Cette fois, je veux quelque chose de la part de Kurogane : je veux... Elle s'arrêta un instant tout en feignant une intense réflexion - le tas de ferraille garé devant Mister Blondinet !
- Ma voiture ? À quoi peut te servir ma caisse vu que les clés sont introuvables ?
- J'en fais mon affaire.
- Si jamais elle finit à la fourrière...
- Je ne jette jamais les dons de mes clients ; l'intérêt que je leur porte est véritable.
Discutable, je dirais plutôt... pensai-je pensif : une jeune femme venait de mourir et nous étions calmement en plein pourparlers. Aussi, je consentis à la demande de Yuuko sans prêter attention aux protestations du propriétaire du véhicule promis. La partie adversaire sourit et nous lança l'ourson gris sans une once de délicatesse. Ne voulant pas rester une minute de plus dans la boutique, je saisis le bras de Kurogane pour l'entraîner à l'extérieur tout en exclamant un "au-revoir" à ma voisine.
En revanche, une fois dehors, nous prenions le temps de discuter des événements. À l'extérieur, les lumières des voitures de police continuaient de tourbillonner dans une danse endiablée. Nous adressâmes un dernier regard en direction de la maison de Xing Huo. Si l'entrevue avec Yuuko était parvenue à détendre l'atmosphère, cette accalmie n'était d'ordre que de quelques minutes. Nous ralentissions tout en fixant la cohue de la rue. Bientôt, sur le chemin, nous croisions Watanuki mais ce dernier continuait son chemin focalisé sur la scène de boulevard et ne nous vit que trop tard : nous venions de rentrer chez moi.
J'appelai Ashura une fois, puis deux, vérifiai les pièces une à une, en vain. Désespéré, je m'assis sur le canapé, la tête entre les mains et tentai d'étirer mes paupières pour garder les yeux ouverts. Kurogane prit place à côté de moi, l'attention rivée sur l'alternance de lumière azur et carmin contre la fenêtre.
- Quand je pense qu'on l'a vue il y a pas si longtemps, ça se voyait qu'elle allait mal, murmura-t-il en montrant l'extérieur.
- Elle n'a jamais été très nette de toute façon. Depuis que je la connais, elle s'est toujours montrée… Froide… Méprisante… Hautaine… Et puis, toujours collée à Fe…
Je me tus soudainement en songeant à ce mystérieux voisin. Je me souvins qu'une simple mention de son nom enrageait mon voisin de droite. Par ailleurs, quelque chose d'autre me fit tiquer : une sorte de pressentiment me forçant à me souvenir d'un élément particulier lié à cette personne. Était-ce un service à lui rendre ; à lui demander ? Y avait-il un lien avec les aveux de Kurogane sur son passé ? De quoi, Diable, devais-je me souvenir à propos de Fei Wan ?
- Quelle heure est-il ? Demandai-je, tout en réfléchissant.
- Sept heures vingt, répondit Kurogane machinalement. Pourquoi ?
Il était visiblement trop tard pour une visite improvisé chez Mr Reed. Kurogane ne me laisserait pas partir si je lui avouais mon projet. De même, sans connaître mon dessein, il ne m'autoriserait pas à franchir le seuil de la porte en considération de l'agitation à l'extérieur.
- Pour rien. Ashura devrait être là depuis longtemps : je m'inquiète, c'est tout.
- Pense à autre chose, je sais pas moi : t'as compris la phrase de la Carabosse ?
- Partiellement, mais je ne mettrais pas ma main à couper que c'est ça.
- Je t'écoute.
- Et bien, elle a mentionné le fait qu'on s'intéressait trop au passé, l'un comme l'autre, et que ce qui nous intéressait concernait l'avenir. Si l'on prend des synonymes des verbes de la phrase, on se retrouve avec quelque chose dans le style « regarder, dans le sens d'observer, ce qu'il y a de plus proche, c'est-à-dire le présent, pour voir, je pense que ce serait une image pour « préparer », ce qui est loin autrement dit, l'avenir.
Le temps avait manqué pour que je puisse établir une réelle réflexion à ce sujet. Ces suppositions n'étaient que de simples pensées instaurées dans l'immédiateté. Elles auraient sans doute mérité meilleur traitement si le contexte avait été probant.
- Ça se tient. C'est pas ce à quoi je pensais mais ça tient debout quand même.
- À quoi tu songeais ?
- Et bien, pour « regarder », je pensais plus à inspecter, mais ça rejoint « observer ». Par contre, pour « ce qu'il y a de plus proche », je m'imaginais plutôt des personnes, notre entourage. Après, pour le reste, comme on est « loin de la vérité », je me suis dit que « voir au loin » faisait référence à « connaître la vérité ». Du coup, on se retrouve avec un truc du style : « inspecter son entourage pour connaître la vérité ».
Effectivement, si mon interprétation était plus littérale et proche du point de départ, celle de Kurogane ressemblait davantage à du Yuuko Ichihara.
Et si le sens était double ?
Inspecter son entourage pour connaître la vérité. Je ressassais cette phrase comme un refrain entêtant et songeai automatiquement à Ashura. Dix minutes s'étaient écoulés depuis et mon père adoptif n'était toujours pas revenu.
- Mais enfin, qu'est-ce qu'il fabrique, ça ne lui ressemble pas de s'absenter sans prévenir ? (Je me levai, rongeai un ongle par énervement, puis un second et un troisième).
- Il est peut-être sorti. T'en fais pas.
Effectivement, ce soir-là, peu avant la découverte de la dépouille de Xing Huo, Ashura Flowright s'était accordé une petite promenade hivernale en plein Kyoto. Ignorant tout de la tragédie, il ne voyait pas de quelconque raison à un retour anticipé. Il prit connaissance du drame lorsque, arrivé au bout de notre rue, il aperçut les lumières des gyrophares tournoyer. Craignant que la cohue ne provienne de chez nous, il avait accouru jusqu'à quelques mètres des banderoles de sécurité. Toutefois, lorsqu'il demanda la cause de tout cela à un agent, ce dernier se contenta d'un simple « une jeune femme est morte, ne restez pas là, monsieur ».
Il appela « Yui », puis « Fye » à plusieurs reprises. Je l'entendis mais me bouchai les oreilles pour ne pas l'entendre. Je revoyais le père qu'il était dix ans plus tôt, hurlant désespérément le nom de mon frère jumeau, brandissant une photo de nous à qui daignait lui accorder un regard, appelant des passants à témoin.
Kurogane ne vit pas l'état dans lequel je me trouvais à cause des suppliques de mon père. Dans le cas contraire, il se serait focalisé sur ma personne et n'aurait pas attaqué le problème à sa source. Ashura revint donc et se précipita pour m'enlacer avec force « j'ai eu peur, j'ai cru pendant un moment que… » Murmura-t-il de sorte à ce que je sois le seul dans la confidence « j'ai eu peur… J'ai eu si peur… Si tu savais… »
Notre troisième convive se tenait maladroitement d ans l'encadrement de la porte. Je lui fis signe de s'avancer pour rejoindre notre étreinte. Si la situation devenait plus étrange qu'elle ne l'était au préalable, ce n'était pas un réel souci. Aussi mièvre que cela pouvait paraître, nous étions ensemble, l'essentiel était là.
L'étreinte tripartite s'évanouit au bout de quelques longues secondes silencieusement. Aussitôt, Kurogane nous fit signe qu'il montait prendre une douche et je me retrouvai seul avec Ashura.
Ce dernier se laissa tomber contre un élément du mobilier et, tout en repoussant ses cheveux vers l'arrière, fixait son reflet dans la fenêtre en face.
« Je n'arrive pas à y croire. Je l'ai vue hier et aujourd'hui, elle est… »
La mort est un despote, de la pire sorte existante. Elle est de ces barbares qui sévissent et plongent la population dans un tel chaos que la simple mention de leur nom est prohibée. Personne ne prononce le mot « mort » lorsque la faucheuse vient de passer : il faudrait être fou pour la provoquer. Le peuple résiste tout de même et trouve maints subterfuges pour contrer le tyran : « elle s'est éteinte » diront les plus philosophes, « elle n'est plus » marmonneront les indécis, « elle a rejoint les étoiles » chantent les poètes ou encore « elle est partie », phrase typique des plus nostalgiques.
- Tu n'y es pour rien dans cette histoire, c'est un accident, soufflai-je.
- Quand je pense qu'elle avait ton âge quand elle est venue pour la première fois ici, si jeune. Si jeune… Ah, quand je pense qu'elle était mineure quand… Non rien.
Ashura venait de commettre une grossière erreur en taisant le reste de sa phrase. Un bruit de jet d'eau lointain m'assura que nous étions seuls auditeurs de cette conversation. Je fronçai donc les sourcils en signe de consternation.
- « Quand » quoi ?
- Quand… Quand je l'ai vue pour la première fois. Elle avait son uniforme de lycéenne.
- Tu mens. C'est pas ce que tu avais l'intention de dire ! Enfin Ashura, Kurogane est sous la douche, il n'y a que toi et moi. Tu sais bien que tu peux tout me dire !
« Pas tout » murmura-t-il avant de pincer sa lèvre inférieure « pas tout ». Ses mains tremblaient, lui-même ne semblait pas convaincu de ses mots. Finalement, son début de phrase fatidique était plus un appel à la révélation qu'une bête erreur d'inattention.
- Donc après toutes ces années, tu décides d'avoir des secrets ? Je sais que tu es contrarié depuis que Kurogane vit ici, mais tu devrais savoir que je suis toujours là en cas de besoin.
- … Depuis plus longtemps…
- Comment ça ?
- Ça dure depuis plus longtemps que ça, je veux dire, cette histoire… Enfin… Mon secret, si tu préfères.
- Depuis quand alors ?
- Depuis toujours.
- Toujours… C'est-à-dire ?
Il me fixa alors d'un air indécis, sa bouche entrouverte laissait aller et venir bruyamment un petit filet d'air qui semblait assécher ses lèvres à la manière dont il les humidifiait par poignée de secondes. Ce bruit était insupportable mais pas au même titre que l'attente désespérée d'une réponse.
- Depuis que Fye n'est plus de ce monde.
- Et – ma voix se serrait, je m'étranglais, les mots sortaient seuls de ma bouche sans que je ne réfléchisse à leur contenu – qu'est-ce que tu as fait depuis tout ce temps ? Qu'est-ce qui s'est passé quand Xing Huo était mineure ?
- Une question à la fois je te prie…
Mais se contenter de deux était déjà un effort colossal. Réfléchir était insurmontable : est-ce là le calvaire des simples d'esprit et des neurasthéniques ?
- Qu'est-ce que tu me caches ? Dis-moi que c'est quelque chose sans gravité ; dis-moi que tu n'es pas responsable ; dis-moi que tu n'as pas tué Xing Huo ; dis-moi… Oh je t'en supplie !
- Non je… J'ai enquêté.
Je le dévisageai. Un drôle de sentiment m'envahissait : à la fois estomaqué par l'annonce, je fus soulagé de ne pas avoir entendu pire scénario. Voyant ma consternation, Ashura reprit :
- Depuis cette nuit-là, j'enquête. Je savais que les équipes en charge de l'affaire ne se fouleraient pas pour trouver le coupable. Du moins, je ne pensais pas qu'il irait jusqu'à abandonner et conclure à un accident. J'ai découvert des trucs, quelques fois inutiles, j'ai eu des pistes et j'ai laissé tomber. J'ai repris mon investigation après votre séjour dans la forêt. Après mon altercation avec Fei Wan, je me suis lancé sur une autre piste qui n'a pas abouti avant ces quinze derniers jours. Je tenais quelque chose… Je l'avais… Il me manquait un élément… Un seul ! Mais je pouvais l'avoir ! Oui je pouvais… Et à partir de là, tout se serait accéléré…
Parce que tout doit s'accélérer. Cette phrase. Ces mots. Cette parole résonnait inlassablement dans ma tête sans que je puisse me souvenir où je l'avais entendue pour la première fois.
Dans une tirade mêlant rage et amertume, Ashura me révélait son profond secret. Au fond, il n'était peut-être pas aussi surprenant pour quelqu'un s'étant donné la peine d'inspecter les faits et gestes de son père adoptif. Ce dernier avait montré des signes annonçant le contenu de son mystère. Si j'avais prêté attention à son comportement, son fardeau aurait sûrement été allégé. Si je l'avais observé, j'aurais connu la vérité.
Regarder ce qu'il y a de plus proche pour voir au loin.
Ma tête bascula lentement vers l'arrière tandis que je m'agrippai à mon cou. Une grande inspiration m'apporta un bref apaisement avant de revenir brutalement à la réalité : « qu'est-ce que tu as découvert ? » demandai-je fébrilement. En guise de réponse, Ashura se dirigea vers le porte-manteau non loin de l'entrée, fouilla une poche pour en sortir une clef que je reconnus aussitôt comme étant celle de notre cave.
- Tous mes documents sont dedans, mais je préfèrerais ne pas être là quand tu verras tout ce que j'ai découvert. Il y a des trucs qui ne sont pas glorieux et j'ai honte de certaines pistes. Et puis… Non, c'est… Je ne veux pas voir ta réaction quand tu découvriras tout ce que t'ai caché.
- Comme le fait que tu connaissais les parents de Kurogane ?
Ma question n'était pas un réel reproche, une simple demande sans conséquence. Pourtant, elle eut pour effet de le faire sursauter.
- Entre autres, oui.
- Mais si tu ne veux pas me montrer, quand pourrais-je y aller ? Lorsque tu te baladeras comme ce soir ?
- Quand tu voudras à partir de demain. Je pars pour quelques temps, j'ai besoin de repos. Ama vient me chercher dans la matinée.
- Tu penses sincèrement que c'est avec ta mère et sa serpillère que tu trouveras le « repos » ?
Il rit nerveusement à ma remarque.
- Je l'avoue que ça se discute. Mais l'essentiel est que je sois loin de tout ça, loin du quartier, loin de Kyoto, loin de tout ce qui peut me rappeler mes échecs.
- Quand comptes-tu revenir ?
- Je l'ignore encore. Tout dépend de la façon dont je perçois l'éventualité d'un retour… Je suis désolé, tu aurais préféré une réponse sans doute un peu moins vague.
- Non c'est pas grave. L'essentiel, c'est que tu te sentes mieux après.
- Je te remercie, Yui, Fye, peu importe la manière dont tu souhaites être appelé : merci.
À ces mots, il me serra dans une étreinte étouffante qui me tétanisa sur le coup. Je déglutis sous le joug de la surprise avant de poser mes mains tremblantes contre le dos de mon père. Pourtant, tous les événements de la journée défilaient et se répétaient dans ma tête. Je désirai ardemment trouver refuge dans le sommeil. Même si le monde des rêves se montrait effrayant, il ne parvenait pas au niveau de notre cruelle réalité.
Malgré une envie irrépressible, je ne parvins à pleurer qu'au bout de quelques minutes et ne réussit à calmer mes pleurs que lorsqu'Ashura essuya tendrement mes larmes avant de dégager une mèche de cheveux derrière mon oreille.
- Tu ne feras pas de bêtise en mon absence, murmura-t-il d'une voix bienveillante.
- Non, promis.
- Kurogane reste dans le canapé et ne dormira nulle part ailleurs, même en mon absence.
Je souris, amusé. Il ignorait l'écart de la nuit passée.
- Oui, je te le promets.
- Pas question d'aller sous la ceinture ! Je ne tiens pas à ce que tu regrettes ta première fois.
Le pauvre, s'il savait.
- Non, on ne fera rien.
- Promets-le !
- Promis.
D'embarras, j'entamai une échappée jusqu'à mon fief où m'attendait un convive douché. Mon regard se porta vers la porte de la cave puis sur la clef au creux de ma main. Je devais avertir Kurogane de cette révélation ; sans doute aurait-il plus d'inspiration concernant ce nouvel élément.
- Et une dernière chose avant que tu n'ailles dans ta chambre…
- Oui, dis-je en me retournant, les yeux toujours embués de larmes.
- Si jamais tu souhaites… Je ne sais pas… jeter mes affaires, je veux dire… Mon travail… Tu peux, oui tu peux. Mais j'aimerais que tu me préviennes quand même… Ama te laissera son numéro. Tu pourras me joindre… Je tâcherai d'être présent autrement que sur le plan physique.
Je voulus acquiescer mais ma gorge, toujours serrée, ne me le permit pas. Au lieu de cela, Ashura ne dut se contenter que d'un timide signe de tête à la croisée du hochement et de la convulsion. Que pouvait-il espérer de plus de ma part après cette folle annonce et cette journée d'hystérie ?
Elles sont nombreuses ces choses que l'on voudrait accomplir, ces comportements que l'on voudrait adopter, toutes ces postures, toutes ces tentatives et qui pourtant n'aboutissent qu'à un large silence. Je voulais tant me montrer plus détacher, avoir le sang-froid nécessaire pour exprimer d'aplomb mes sentiments, être suffisamment courageux pour ne pas remettre à plus tard le moment où je découvrirais les trouvailles d'Ashura.
C'est en voyant Kurogane dans ma chambre, assis sur mon lit, un livre à la main, que je réalisai que je l'enviais dans sa capacité à affronter l'inconnu. Était-ce par admiration que je l'embrassai tout en le libérant du bouquin ? Il parut surpris, certes, mais absolument pas mécontent, à un détail près.
- T'as pleuré ?
- Non, mentis-je armé de mon vieux masque souriant.
- Il y a des traces sur ton visage et tes lèvres sont salées. Alors regarde-moi et essaye de me mentir à nouveau.
Dépité, j'abandonnai mon sourire naïf pour reprendre une expression plus propice à mon état d'esprit. Il était évidemment idiot d'avoir songé un seul instant pouvoir duper celui qui avait mis un terme à ma vieille mascarade ; l'idée de le leurrer était d'ores et déjà invraisemblable et totalement inepte.
- Désolé, un vieux réflexe.
- C'est à cause de ce qui se passe dehors ?
- Oui… Non… J'en sais rien, peut-être un peu, indirectement… Mais c'est surtout que… Je ne sais pas par où commencer à vrai dire.
- Par le début, ce serait déjà une bonne chose.
Je m'assis à ses côté et, sans réelle réflexion, entamai un récit interminable : mes parents, mon adoption, mon enfance avec Fye et Ashura, la disparition de mon jumeau, le début de l'enquête d'Ashura, mon amitié avec Subaru et Kamui, mon amour du chocolat, mon aversion pour les concombres, l'arrivée d'Ama et sa boule puante, notre rencontre… Durant des heures, je ne cessai de raconter chaque élément de mon existence. Il me venait même à me demander s'il écoutait toujours ou s'il feignait juste l'attention, même si ce cas était plus qu'improbable. Mon histoire s'acheva par la révélation d'Ashura : Kurogane attendit quelques longues secondes avant de se lever et de s'étirer.
- Je savais que tu causais beaucoup, mais là, trois heures de parlotte ça fait beaucoup. Heureusement que j'ai pas faim pour dîner.
- C'est tout ce que ça te fait ? Je te raconte tout dans les moindres détails et tout ce que tu trouves à dire est que je parle beaucoup.
- Que veux-tu que je te dise ?! hurla-t-il.
Un silence de mort envahit la pièce tandis que je scrutais ce jeune homme à la fois agacé et confus du ton de sa propre exclamation.
- Désolé, je ne voulais pas crier. C'est la pression qui redescend, je crois. Je ne voulais pas te reprocher quoi que ce soit.
- J'accepte tes excuses. Moi non plus, je ne voulais pas te blâmer. Ta réaction m'a un peu surpris, c'est tout.
- On est sur les nerfs toi et moi, on devrait descendre avaler un truc et dormir.
J'acquiesçai timidement. Si mon désir initial était de plonger dans un sommeil de mort, ce vœu s'était estompé après avoir réalisé que toute mon histoire venait d'être révélé au grand jour. À cet instant, je ne parvenais pas à déterminer ce dont j'avais réellement besoin. La seule évidence était que mon envie de réponse.
« Avant toute chose, dis-je presque pour moi-même, qu'est-ce qu'on fait ? Je veux dire, pour la cave, pour l'enquête d'Ashura ? » Je m'interrompis. En y songeant, quelques heures auparavant, notre priorité était Sakura. Son cas ne devait pas être procrastiné davantage : « et pour Sakura, que fait-on ? »
Kurogane fit quelques pas devant moi, s'éloigna de l'autre côté du lit, marcha jusqu'au mur et s'arrêta un instant. Il contempla le papier peint vieilli avant de prendre le chemin inverse. Arrivé devant moi, il croisa les bras et me dévisagea avec détermination :
- Demain matin, première heure, dès que ton père a décampé, on va voir ce qu'il a trafiqué dans le dos de tout le monde. On récupère les documents et on voit ce qu'on en fait une fois sur place. Je t'avoue que je n'aime pas l'idée qu'on ne sache pas ce à quoi s'attendre. Pour autant, on va au lycée normalement et on gagne du temps pour réfléchir à ce qu'on fera par la suite. Après les cours, on embarque la princesse et le remplaçant du gamin. Tant pis si elle braille, tant pis si elle a un club, tant pis si l'autre refuse, on leur donne pas le choix. Et crois-moi qu'à la fin de la journée, elle se rappellera à qui elle a brisé le cœur !
- C'est sûr que l'autorité est la meilleure des solutions, dis-je d'un ton sarcastique.
- On a essayé la manière douce : personne n'a voulu la brusquer et regarde le résultat. Alors oui, elle va peut-être pleurer, tu vas me faire la gueule à coup sûr, mais c'est pas ça qui va m'arrêter !
Je ris amèrement en imaginant la scène. Évidemment que rien ne pouvait arrêter la force de caractère de Kurogane Suwa. La situation n'était assurément pas propice à la manière forte. Cependant, je devais admettre que faire preuve de pugnacité n'était pas une préconisation dénuée de sens.
- En cas d'échec, tu dors dehors, menaçai-je sévèrement.
- Je suis prêt à prendre le risque !
Cette nuit-là, le sommeil ne vint jamais. Trop préoccupé par les événements de la journée, je priais pour que Kurogane, dans son canapé, soit dans le même état d'âme. Aucune position de me convenait, aucun côté ne favorisait l'apaisement. Bientôt, de sombres idées s'emparaient de mon esprit. Je m'imaginais l'avenir, le jour où je devrais quitter la maison pour vivre une vie d'adulte responsable, le jour où je quitterais ces personnes qui m'avaient tant aidé et aimé : reverrais-je un jour les Mokona, les Kinomoto, Yuuko et tous mes amis lorsque cet instant arrivera ? Kurogane sera-t-il toujours à mes côtés où m'abandonnera-t-il à l'aide d'un post-it sur le réfrigérateur ?
Le changement de position se fit plus fréquent et à mesure que je bougeais, mon rythme cardiaque s'intensifiait. Ma respiration devint difficile : j'haletai. Mes pensées étaient davantage négatives, les voyages dans le futur poussèrent plus loin et j'imaginai le jour où Ashura ne serait plus de ce monde. L'idée de perdre mon unique parent était impensable, pourtant bien vraisemblable : après tout, les années s'enchaînent et nous en perdons le contrôle. Alors que je penserais avoir vécu qu'une décennie, un demi-siècle aura filé et le cœur de mon tuteur se sera arrêté. Ce jour-là me terrifiait plus que ma propre mort et, comble de mon insomnie, je pleurai abondamment au point de m'étouffer à plusieurs reprises avec mes larmes.
Finalement, mes sanglots m'avaient octroyé quelques minutes de sommeil disséminées à divers moments de la nuit. Le matin venu était presque une délivrance même si nous arrivions à une journée fatidique. Je ne savais réellement à quelle heure Ashura comptait quitter la maison. Voulant bêtement prouver ma maturité et ne pas entraver ses projets, je m'étais montré détaché à l'annonce de son départ. Pourtant, j'étais loin d'être près à quitter le nid ; l'anecdote d'Irvine m'avait ouvert les yeux sur la question, mes angoisses nocturnes me l'avaient prouvé.
Ama était arrivé à six heures, précisément. Sans une salutation, elle avait saisi la valise de mon père et l'avait chargée dans le taxi garé devant la maison à la place du véhicule de Kurogane – Yuuko avait dû se charger de son déplacement si précipité.
Ashura était resté dans l'encadrement de la porte comme s'il regrettait son choix de quitter les lieux. En somme, personne n'avait prononcé le moindre mot depuis le début de la matinée, ce qui rendait les événements plus douloureux à gérer. Seul le langage corporel était de rigueur, aussi risible et perverse que cette expression puisse sembler. Il n'y avait cependant rien de comique à la manière dont le grand voyageur m'avait étreint avec plus de force que la veille et m'avait maintenu ainsi de longues minutes durant lesquelles il avait laissé exprimer sa peine.
Ce fut Ama qui le rappela à l'ordre en lui indiquant que le taxi s'impatientait. Il desserra son emprise à contre-cœur et me regarda longuement comme pour mémoriser les traits de mon visage. De là, il planta un tendre baiser sur mon front et une légère tape affective contre ma joue avant de se tourner vers Kurogane. Les deux rivaux se fixèrent un moment avant de se serrer la main tout en hochant respectueusement la tête. Cela accompli, il sortit dans le jardin et monta dans le taxi sans se retourner, sans un regard dans notre direction. Sans attendre que la voiture démarre, je fermai la porte d'entrée et m'enfonçai dans un canapé, les paumes contre mes yeux.
Mon unique convive s'abstint de tout commentaire ou geste envers ma personne. Au lieu de cela, il s'était emparé de la clé de la cave et m'indiqua son intention en les agitant. L'entente de ce cliquetis me donna la nausée.
- Non, pas maintenant… Ce n'est vraiment pas le moment… murmurai-je en m'enfonçant davantage dans le canapé.
- C'était le plan. Tu sais parfaitement que ça ne sera jamais le moment parce qu'il y a toujours des imprévus ! Tu le sais ! Regarde ce qui s'est passé hier ! Chaque fois qu'on veut avancer, il y a un contre-temps comme si un casse-couille là-haut dressait des obstacles pour nous empêcher d'aller droit au but ! Enfin, dans ce cas, ce serait plutôt « une casse-couille » : les filles tournent toujours autour du pot.
- Laisse-moi quelques minutes… Juste cinq minutes… Cinq petites minutes et je te suis.
Lorsque j'avais consenti au plan de Kurogane, j'étais loin d'imaginer qu'il serait aussi complexe. J'étais également peu conscient de ses circonstances, notamment au moment où son instigateur avait décrété être inarrêtable malgré quelconque jérémiade.
Je conservais ma position au-delà du temps imparti : si je l'avais pu, je serais resté une éternité. Mais c'était impossible. Aussi, j'inspirai profondément et retirai mes mains de mes yeux probablement rougis. J'attendis quelques secondes que ma vue s'acclimate à la luminosité avant de me lever et arracher les clés des mains de Kurogane. Ce dernier ne protesta pas. C'était, au contraire, comme s'il ne me les avait pas allégrement tendus. Il m'aida à déverrouiller la serrure en calmant ma main tremblante et me proposa d'ouvrir la marche, ce à quoi je refusai de peur de m'enfuir. De plus, j'étais le seul à connaître le potentiel « lieu d'enquête », il était donc impératif que je passe le premier.
Je consentis tout de même à ce qu'il saisisse ma main et me suive à la trace malgré l'insalubrité de l'escalier de bois nous conduisant à la cave maudite. L'interrupteur du rez-de-chaussée étant défaillant, nous progressions dans une semi obscurité jusqu'à arriver sur la terre ferme. Là, nous pûmes profiter d'une faible lumière artificielle, apprécier la fraîcheur de l'endroit et sentir l'humidité.
Cette cave n'était pas aussi atypique que l'on puisse imaginer. Le fait qu'elle soit verrouillée ne venait que d'un simple problème de courant d'air ; le fait qu'Ashura soit le seul à détenir la clé était lié à cette journée où, quelques années auparavant, j'avais malencontreusement perdu le double. Enfin, rien ne me poussait à y jouer les explorateurs.
Ashura avait agencé l'immense pièce par le biais d'immenses étagères à la manière d'une bibliothèque ou d'un magasin. Chaque rangée avait effectivement un dessein particulier. Face à l'escalier se trouvait la réserve de vin : tous les rayons à sa gauche étaient destinés à l'alimentation, tous ce qui figurait à sa droite était les archives, la comptabilité, les documents importants, le traitre dossier d'inscription à l'université ainsi que quelques livres.
J'entamai une recherche approfondie dans cette aile tandis que Kurogane, en fouillant le côté gauche, s'était persuadé que de tels documents seraient tapis dans une cachette improbable.
- Cacher un dossier au milieu de bocaux n'est pas ce que j'appelle « une réelle discrétion », remarquai-je en me massant les tempes.
- C'est le dernier endroit où tu chercherais un truc confidentiel je te signale : ils sont sûrement dans un congélateur si ce n'est derrière.
- Oui bien sûr. Pour les garder au frais je présume ?
- Cherche au lieu de causer, on est en retard.
Effectivement, nous ne nous étions pas attendus à fouiller la pièce et espérions trouver les documents illuminés et mis en évidence sur un piédestal doré. Nous disposions d'une petite heure pour trouver le travail d'Ashura, l'analyser et juger de son avenir. Malheureusement, la première étape s'avérait plus chronophage qu'escomptée.
J'épluchais chaque dossier avec minutie, mais ne trouvais que quelques paperasses inutiles pour lesquelles je me retenais de pester. Dépité, je me tournais vers la petite bibliothèque improvisée et poursuivis mes recherches au milieu des divers ouvrages. En temps normal, redécouvrir les aventures de mon enfance m'aurait ravi, mais la situation était loin d'être propice à ce genre de fantaisie.
En saisissant un atlas du continent Européen, je hoquetai de surprise. Le livre avait été vidé de son contenu : seule la couverture cartonnée m'était venue en main tandis que ce qu'elle décelait s'éparpilla lamentablement sur le sol. Je hélai mon complice et m'attelai à ramasser le trésor tant convoité. Kurogane revint et m'assista dans mon œuvre. Bientôt, les documents furent empilés dans un ordre aléatoire et nous remontâmes au rez-de-chaussée.
- C'est marrant, dis-je sans une once d'amusement, je m'attendais presque à un tableau d'enquête avec des photos, des punaises et des fils pour les relier, comme dans les films policiers. Je dois admettre que c'était idiot de ma part d'y avoir pensé.
- Idiot, oui c'est sûr. Imagine qu'un jour tu aies eu besoin d'aller chercher un livre ou quelque chose d'autre !
- Si la question est « comme aurais-je réagi », alors laisse-moi te dire, sincèrement, que j'aurais parfaitement accepté la situation : pour tout t'avouer, j'étais soulagé quand il me l'a annoncé. Je l'aurais même aidé… Pourquoi il ne m'a rien dit ?
- Peut-être parce que c'était son truc à lui et parce qu'il estimait que ça devait le rester.
Je souris tristement à cette tentative d'apaisement et fis lentement glisser mes doigts le long de sa mâchoire tout en me souvenant de ces fois où je l'avais comparé à un canidé. J'interrompis mon geste au bout de quelques minutes de crainte que mon attention ne dévie totalement de sa première cible.
Presque simultanément, nous portions notre regard vers le dossier et l'ouvrîmes avec synchronicité. Je sursautai à la vue de photos prises sur le vif représentant notre entourage : Yuuko, Clow, Watanuki, Sakura, Fei Wan, Toya, Xing Huo, Mokona, mari et femme, et même Kurogane. Je regardai fébrilement ce dernier, voulant exprimer mes sincères excuses, mais il resta concentré sur les diverses photos. Seules, elles n'avaient aucun sens : il fallait éplucher chaque document pour comprendre ce que signifiait chaque élément et construire le puzzle.
- Regarde, cette lettre parle de Clow Reed : à propos de sa mort !
- Qu'est-ce qu'elle dit ?
- Eh bien… C'est une lettre adressée aux jumeaux Li, il y a le cachet de la police : ils disent « nous comprenons votre chagrin et vous présentons nos plus sincères condoléances pour la perte de votre parent, M. Clow Reed […] Nous ne pouvons parvenir à votre demande concernant l'ouverture d'une enquête pour donner suite à la disparition du corps de M. Reed. Le motif invoqué par la gendarmerie de la préfecture de Kyoto est : l'absence d'élément prouvant l'enlèvement du défunt. Nous concluons à un quiproquo avec la maison funéraire, l'entreprise Seishin K. et Fils, et vous invitons à vous tourner vers ces derniers pour tout renseignement et dédommagement. » Le reste, c'est du blabla hypocrite.
- Donc en gros, leur excuse est de dire « nous ne voulons pas ouvrir d'enquête parce nous n'avons pas de preuve concernant l'hypothèse d'un enlèvement ». C'est pas justement leur boulot : chercher des indices pouvant amener à être des preuves ?
- Je pense qu'ils ont dû penser qu'en l'absence de réel mobile, les membres de la famille sont les premiers suspects. Ils se sont sûrement dit qu'il valait mieux ne pas inculper des gamins dans une histoire que serait sûrement lié à, comme ils disent, la maison funéraire.
J'étais peu convaincu de cette explication. La disparition du corps de Clow n'était pas un événement inconnu, pourtant personne n'y avait accordé une réelle importance, sûrement du fait que, de son vivant, le personnage était un réel mystère. Dans cette optique, pour quelle raison n'aurait-il pas sa part d'énigme en tant que cadavre ? Néanmoins la réelle question était : comment Ashura était-il parvenu à récupérer une telle pièce ?
S'il s'agissait de l'unique document nébuleux du dossier, le problème aurait été tout autre. Or, figuraient multiples éléments incompréhensibles : des manuscrits - tantôt adressés à Ashura, tantôt délivrés à des tiers – des lettres tapées à l'ordinateur ou à la machine à écrire venant de diverses administrations ou entreprises. Je ne comprenais rien à ce que nous venions de découvrir et étais déçu de ce fait.
- On a tout, mais on ne sait pas en quoi les pièces sont connectées les unes les autres. C'est frustrant !
- « Frustrant » ? Je te trouve bien gentil sur ce coup-là. Le pire c'est qu'il y a sûrement des documents inutiles dans la mesure où mon père m'a avoué avoir abandonné des indices. Qui me dit que ce qu'il y a là correspond à sa dernière piste ?
- Pourquoi tu ne lui as pas demandé directement ?
- Écoute. Je ne peux pas penser à plusieurs choses en même temps, surtout en ce moment ! Alors désolé si ce détail m'a échappé !
J'étais furieux et principalement contre moi-même. Pourquoi n'avais-je pas pensé à cela ? Pour quelle raison n'avais-je pas interrogé Ashura sur son enquête et sur le lien entre tout ce qui composait son dossier ?
- Il y a sûrement un carnet de bord ou un truc du genre.
- Non. Mon père me l'aurait indiqué dès le début, il ne m'a parlé que du dossier de l'enquête.
- Appelle-le alors et demande-lui des explications, tout de suite.
- Je ne sais même pas s'il est joignable maintenant !
Kurogane pesta. Effectivement, les chances pour que mon père réponde au numéro qui nous avait été adressé étaient infimes. Alors, par contrariété, il fouilla d'autres documents sans les lire dans leur intégralité à l'exception d'un. Il s'agissait d'une lettre tapée à l'ordinateur, sans bordereau ni cachet. Elle ne contenait que trois lignes, mais ces quelques phrases contenaient plus qu'une simple formalité :
« Je, soussignée Xing Huo, née le 24 avril 1970 à Taipei, m'engage auprès d'Ashura Flowright afin de lui révéler mes connaissances sur les séances d'hypnose, présumées non déclarées, de Fei Wan Reed. Ce contrat prendra acte une fois que M. Flowright m'aura assuré protection et sécurité loin de la préfecture de Kyoto. Fait à Kyoto, le 18 janvier 1990. »
Je tirai une chaise à proximité et me laissai l'écrouler sans un mot. Si ce mot était authentique, alors Xing Huo comptait fuir après avoir rédigé un contrat avec Ashura. Je comprenais à cet instant le désarroi de mon père à l'annonce de la mort de la jeune femme.
- Je savais qu'il y avait un lien avec ce tordu ! s'exclama Kurogane.
- Quoi ? Fei Wan ? Il est simplement question d'activités non déclarées, c'est tout. On a plus compromettant devant nous je te rappelle.
Le temps s'arrêta. Je n'entendis plus le son de l'horloge.
Mon interlocuteur me fixa intensément avec rage comme si un simple regard pouvait faire regretter une parole. Je l'observais donc en retour avec un air de défi.
Soudain, ce fut le chaos. Les feuilles volèrent. Les photos tombèrent lourdement au sol. Le vase explosa contre une chaise. La table était trempée, des fleurs y étaient éparpillées. En un sens, ce tableau n'était pas sans rappeler le capharnaüm de la veille au soir à exception faite des cris environnant.
- Mais merde à la fin ! Qu'est ce qui te faut pour comprendre que ce type est louche ?! Ouvre les yeux bordel ! Tu as tout : mon histoire, son attitude, les mises en garde de ton père, et maintenant ça !
- Tu veux savoir ce qu'il me faut ? Parfait ! Je vais te le dire une fois pour toutes : je veux des preuves ! On n'accuse pas un type sous prétexte qu'il est louche ! Il est marginal, oui. Il est effrayant, oui. Il est fasciné par les chauves-souris, oui. Il a des activités non déclarées, oui. Mais dis-moi ce que ça prouve ?
- Ça me prouve déjà que tu ne m'as pas fait confiance. Je t'ai raconté mon histoire : tu sais en quoi mon passé est lié à ce type et pourtant tu refuses de me croire moi et de croire en sa culpabilité.
- Mais si ! je voudrais te croire, je te le promets. Mais…
- Mais « pas de preuve » ?! C'est incroyable à quel point tu peux être borné et aveugle ! C'est limite à croire si tu as complètement perdu la vue après l'accident de la forêt ! Tu sais quoi ? C'est limite à croire que tu es son serviteur ! Et crois-moi que si c'est le cas, caisse ou pas caisse, tu ne me revois plus : je disparais pour de bon. Et cette fois, plus question d'aller me chercher à Tokyo, je ne voudrais plus entendre parler de toi !
Ses menaces étaient réelles et me firent frissonner. Pourtant, je refusai de perdre pied dans cette altercation.
- Très bien. Puisque c'est comme ça, je vais voir « mon maître » Fei Wan Reed. De toutes façons, je comptais le voir hier soir pour une raison que j'ignore encore, je peux faire d'une pierre deux coups, qu'en dis-tu ?
- Tu n'iras pas chez ce tordu !
- Pourquoi ? Si je suis sa taupe, je ne risque rien.
À ces mots, oubliant n'être vêtu que d'un simple pyjama, je me dirigeai vers la porte d'entrée et voulut sortir d'un pas décidé. Malheureusement pour moi, ce projet s'essouffla lorsque Kurogane tira sur mon bras pour me ramener à l'intérieur. Telle une poupée de chiffon, il me poussa à m'asseoir sur une marche et pointa son visage à quelques centimètres du mien.
« Je t'ai dit hier que je m'en tapais si tu me faisais la gueule ou si la princesse pleurait, tant que mon plan est suivi à la lettre. Alors, comme je l'ai dit hier, on va en cours. Comme je l'ai dit hier, on embarque Sakura et l'autre, si la manjuu veut nous accompagner, je m'en tape. Et, comme je l'ai dit hier, on se montre directif qu'importe les conséquences. Si tu veux aller voir le psychopathe et son monocle, ça sera après et avec moi ! »
Il insista sur chaque parole et me laissa digérer ses mots et toute l'amertume qui s'en dégageait. Je n'avais pourtant pas renoncé à mon programme de base en raison de ses remontrances. Si l'idée de rendre visite à mon voisin s'était estompée, c'était uniquement parce que j'ignorais comment réellement expliquer ma venue. Il aurait été peu bienvenu de s'exclamer une excuse du style « Bonjour M. Fei Wan, mon ami Kurogane qui vit chez moi depuis plus de trois semaines pense que vous êtes un serial killer ! Je viens chercher des preuves, en auriez-vous par hasard ? » Ce serait trop bête.
Mais c'était pourtant bien la réalité.
À suivre...
Quand je dis qu'on approche de la fin, ce ne sont pas des paroles en l'air. J'aimerais vraiment que le prochain chapitre soit le dernier avant l'épilogue. Rien que de rédiger la dernière partie de ce chapitre m'a fait énormément bizarre parce que je sais qu'on arrive au dénouement final, j'avais pensé à ces instants depuis le début de ma fic soit en 2010. Désolée d'être vulgaire, mais "bordel à cul" que ça fout un coup : je rédige ce à quoi je voulais aboutir huit ans après le début ! Non je suis pas vieille, je suis éternelle.
Je suppose qu'il y a une question que tu te poses lecteur depuis le chapitre 27: "pourquoi Fye ne se souviens pas de son rêve au début du chapitre?" Et bien tout simplement parce qu'il s'agit d'un rêve. À son réveil, il sait que quelque chose de stressant s'est produit dans son sommeil, mais ne se souvient que de quelques bribes (notamment la phrase "mais qui a laissé entrer la chauve-souris"), puis cinq minutes après être sorti de sa torpeur, il ne se souvient plus de rien. Certaines personnes ne se souviennent jamais de leurs rêves ou cauchemars. Ce passage est plus utile pour planter le décor de la narration que pour Fye lui-même. Ne soyez pas déçus, câlin ?
Le départ d'Ashura a été repensé "à la dernière minute", enfin "au dernier mois" plutôt. En fait, Ashura devait mourir : au début, l'idée était de le faire disparaître dans la fic en elle-même, dans ces derniers chapitres. Puis j'ai laissé tombé l'idée et avait déplacé sa mort dans l'épilogue. Sauf que, retournement de situation. Ces dernières années, j'ai appris qu'une de mes meilleures amies avait perdu sa mère brutalement dans les mêmes circonstances qu'Ashura dans l'épilogue ce qui m'a un peu refroidi dans mon idée. Le pire a été quand une fille de ma promo s'est retrouvée orpheline. Par empathie et respect pour ces amie et camarade je ne pouvais vraiment pas rédiger quelque chose en lien avec ce qu'elles avaient réellement vécu. C'était inconcevable.
À chaque chapitre, je pense avoir plein de choses à dire mais, au final, ne me contente que de deux points maximum. Étrange.
Bécots et Licornes!
Mademoiselle'