Et non, vous ne rêvez pas ! voici un nouveau chapitre de cette fiction que je n'ai aucune intention d'abandonner. Je suis vraiment désolée pour tout le temps écoulé depuis la dernière publication. Le master de lettres modernes en poche et l'envie d'écrire étant revenue, je vais dorénavant essayer d'avancer le plus possible.


Après la douche, comme promis, Aiolia remit sa veste pour aller faire quelques courses. Dans un geste presque instinctif, Seiya l'imita. Il ne savait pas comment l'expliquer mais il se sentait bien avec le barman, protégé. Et puis, il avait toujours dû apprendre à se débrouiller seul, à se battre pour tout gérer. Aujourd'hui, quelqu'un lui tendait la main, une main à laquelle il avait bien l'intention de se raccrocher. Cela ne durerait pas des heures, et encore moins des jours, mais cela lui faisait bien. Alors pour une fois, il avait juste envie de suivre, de se laisser guider, juste le temps de prendre un peu de repos et de se remettre des émotions du matin. Surtout qu'après, il faudrait aider Hyoga,.. Il adorait son frère et était vraiment heureux de l'avoir près de lui mais lui-même, entre ses recherches pour retrouver sa sœur et lutter contre ses cauchemars, avait parfois du mal à maintenir la tête hors de l'eau. Il avait bien compris que le russe allait vraiment très mal mais il se sentait incapable de l'aider dans les circonstances actuelles. Et puis, de toute façon, Hyoga ne supportait que la présence de Milo apparemment. Dès que quelqu'un d'autres essayait de le toucher, le russe fuyait.

Hyoga, qui était allongé dans le canapé, s'était lui aussi levé pour mettre le manteau de Milo sur ses épaules. Shiryu fut sur le point de le réprimander, il était hors de question que le russe s'épuise à porter les sacs, à trainer dans le magasin. Pas après le traumatisme qu'il avait subi ce matin. Mais contre toute attente, le russe vint se reblottir dans les bras de Milo.

-Tu as encore froid ? s'inquiéta Shiryu.

-Oui, J'arrive pas à me réchauffer depuis…

Depuis le cauchemar qu'il avait fait alors qu'il était inconscient. Pourtant le froid était une sensation qu'il connaissait. Le climat en Sibérie n'était déjà pas clément mais en plus, les gardiens réservaient le bois pour eux et les pièces fréquentées par les enfants étaient rarement chauffées. Mais là il avait l'impression que le froid faisait partie de lui, qu'il n'arriverait plus jamais à s'en débarrasser et lutter contre ne faisait que l'épuisait un peu plus. Mais il ne pouvait pas en parler, pour ne pas inquiéter les autres et surtout, il n'avait aucune envie de parler de son cauchemar et du général.

Le fait que Hyoga n'ait pas terminé sa phrase n'avait échappé à personne et encore moins le frisson qui l'avait parcouru en prononçant ces mots. Milo et Aiolia se concertèrent du regard. Ils se connaissaient maintenant tellement bien qu'ils n'avaient plus besoin de mots pour se comprendre. Le message était clair, Milo voulait que son ami prennent Seiya et Shiryu avec lui pour pouvoir parler au calme avec Hyoga. Mais si convaincre Seiya n'était pas un problème vu qu'il avait déjà saisi le bras d'Aiolia, détacher Shiryu de Hyoga était une autre paire de manches.

En effet, le futur médecin n'était pas rassuré par l'attitude du russe. Après tout il n'était pas rare de voir le cas de certaines personnes s'aggravaient comme ça, d'un coup, plusieurs heures après le choc.

-Laisse-moi t'examiner Hyoga. C'est pas normal que tu aies froid comme ça.

-Non c'est rien, juste la fatigue, ça va passer.

Mais Shiryu insista, se rapprochant du russe :

-Tu es sûr ? Cela ne prendra que quelques…

Il ne put pas finir sa phrase :

-Puisque je te dis que ça va aller, le coupa Hyoga sèchement.

Milo avait senti le corps du russe se tendre d'un coup mais le plus inquiétant était que, ce qui reflétait dans son regard, ce n'était pas de la colère mais de la peur, ce qui ne fit que confirmer les doutes du barman. Hyoga n'était pas en colère contre Shiryu mais le jeune médecin avait fait le pas de trop, s'était montré pressant. Alors doucement mais avec fermeté, il força le russe à revenir se blottir dans ses bras et lui chuchota à l'oreille pour le rassurer.

-Chut ! Ҫa va aller. Shiryu voulait juste t'aider. Tout va bien. Personne ne te veut du mal.

De son côté, Shiryu s'était dirigé vers la chambre de Seiya pour cacher les larmes qui menaçaient de couler. Encore un rejet de la part du russe et cela l'avait blessé énormément. Hyoga avait-il changé à ce point ? Pourtant dans les souvenirs du chinois, son frère n' était pas quelqu'un de colérique ou de violent. Ikki pouvait se montrer comme ça dès que l'on touchait à Shun, mais pas Hyoga. Même avec les mauvais traitements reçus à la fondation, le russe se renfermait sur lui-même et pouvait rejeter certains contacts mais jamais il n'avait fait du mal à quelqu'un. Il était même plutôt du genre à aider les autres, à partager le peu qu'il avait, comme sa mère le lui avait appris.

Le jeune interne allait ouvrir la porte du placard pour prendre une couverture quand son portable vibra. Shun venait de lui envoyer un message : Merci pour le cadeau.

Le cadeau ne pouvait désigner que Pieta, le gamin qu'il avait amené à l'orphelinat avant d'être appelé en urgences pour Hyoga. Il est vrai que le futur médecin était parti sans en dire plus sur le dossier de l'enfant. Tout en prenant la couverture dont il avait besoin, le chinois sourit en imaginant toutes les bêtises que l'enfant avait déjà dû faire. Pour le moment, il ne s'inquiétait pas trop, Pétia était en sécurité avec Shun. Et Hyoga passait avant. Mais il faudrait quand même qu'il retourne à l'orphelinat dès que possible, avant que le gamin ne fasse une tentative de fugue ou s'amuse à inonder les toilettes comme il l'avait fait déjà fait auparavant. En même temps, à sa décharge, l'enfant avait vécu des choses horribles qui justifiaient son comportement. Une mère alcoolique, un père qui l'avait abandonné, un beau-père qui le battait et abusait régulièrement de lui, parfois avec d'autres personnes. Il n'était pas scolarisé et sortait rarement de chez lui. Cela ressemblait à un film d'horreur. Et malheureusement ce n'était pas un cas isolé. Durant ses études il avait été souvent confronté à des enfants maltraités. Et si on considérait ce qu'il avait vécu, on pouvait s'estimer heureux que Pétia, malgré ses bêtises, était resté un gamin gentil, qui pouvait agir brusquement mais savait s'excuser derrière. En fait, il faisait tout pour qu'on le déteste et que plus personne ne veuille s'occuper de lui. Une fois seul, il pouvait se faire oublier et plus personne ne lui faisait de mal. Shiryu avait mis plusieurs mois pour comprendre pourquoi le gamin fuyait tout contact et se montrer désagréable comme ça. À force de parler ensemble, le futur médecin avait gagner la confiance de l'enfance et celui-ci avait fini par avouer qu'il avait peur.

Quelque part, Hyoga ressemblait à Piéta. Shun l'avait lui-même fait remarquer quand il avait amené l'enfant. Soudainement, Shiryu, saisi par un haut de cœur, laissa tomber la couverture. Le rapprochement entre les deux russes était devenu trop évident. Si Piéta était ainsi à cause des nombreuses violences subies alors… Il était forcément arrivé quelque chose de grave à Hyoga pour justifier son changement de comportement. Et puis les bleus et les bandages qui recouvraient le corps de son frère… Au début, il avait pensé à une bagarre qui aurait mal tourné, et vu comment Hyoga évitait soigneusement les questions sur son état de santé, personne n'avait osé demander plus d'informations. Mais maintenant tout sembler limpide. Et si Hyoga avait été… Les coups pouvaient laisser des traces, physiquement et moralement, briser la confiance de la victime mais là, le comportement de Hyoga allait au-delà.

Ҫa y était, les larmes avaient fini par couler. Déjà que c'était des situations émotionnellement difficiles à affronter quand il s'agissait d'enfants qu'il ne connaissait pas… Un coup fût frappé à la porte, sûrement Seiya qui s'inquiétait. Il fallait qu'il se ressaisisse s'il voulait aider Hyoga. Et Seiya ? Avait-il compris lui aussi ? Comment lui dire ?

D'un seul coup, toute la colère qu'il ressentait pour Milo et Aiolia s'envola et il remercia le ciel de les avoir placé sur leur route. C'était des hommes plus âgés, plus mûrs, avec plus d'expérience. Ils avaient sûrement déjà tout compris, pour ça qu'ils cherchaient à l'éloigner de Hyoga. Il songea qu'il devrait s'excuser de les avoir mal jugés.

Pour le moment, il devait se ressaisir. S'il craquait, Seiya suivrait, et alors aucun des deux ne pourrait plus aider le russe. Il lui était bien venu à l'esprit de prévenir Shun mais pour l'heure il avait l'intuition que cela ne ferait qu'aggraver les choses. Si le cadet des frères avait d'abord pleuré la disparition du Russe, maintenant il ne ressentait que de la colère ou de la déception lorsqu'on évoquait le sujet, même s'il tentait de le cacher. Shiryu l'avait bien remarqué tout à l'heure lorsqu'il avait évoqué le nom de Hyoga à l'orphelinat.

Alors pour le moment, le futur médecin ne vit rien d'autre à faire que prier pour que Milo puisse venir en aide au Russe. Il se força donc à ravaler ses larmes et sortit de la pièce avant de n'éveiller l'inquiétude de Seiya.

-Tu viens avec nous Shiryu, dit Seiya. On ne sera pas trop de trois pour porter les paquets.

Il ne s'agissait pas d'une demande mais d'un ordre. Et le regard que lui lança Seiya indiqua au chinois que lui aussi avait compris. Quel imbécile il était ! Alors tous avaient compris sauf lui. Tout le monde disait qu'il était surdoué, doté d'une intelligence extraordinaire, mais à force d'être trop cartésien, trop dans la théorie, il n'avait pas su voir ce qui sautait aux yeux de tout le monde. Hyoga était son frère, bon sang ! Il aurait dû faire plus attention, et écouter son cœur plutôt que la raison. Alors que là, qu'avait-il fait ? Un de ses professeurs lui avait dit un jour que les remèdes étaient parfois pires que les maux. Sur le coup, il n'avait pas compris en quoi tenter de guérir pouvait faire plus de mal… Maintenant c'était une évidence. En voulant aider Hyoga, il n'avait fait que l'acculer, lui mettre la pression. Et résultat son frère était là, recroquevillé sur lui-même, toujours blotti dans les bras de Milo. Tant de sentiments se mêlaient en lui. D'une part, il avait envie de pleurer de honte et parce qu'il avait mal pour Hyoga. D'autre part, il avait envie de tout envoyer valser, de faire exploser la colère qu'il ressentait pour celui ou ceux qui avaient fait du mal au russe. Pourtant d'habitude, il arrivait à se contrôler. Il agissait comme Mitsumasa Kido l'avait formé : un bon petit soldat, jamais d'esclandre. Mais là… Il fallait qu'il sorte de l'appartement, et vite.

Avant de partir, il déposa la couverture sur Hyoga. Celui-ci baissa les yeux pour ne pas croiser le regard de Shiryu. Et peut-être était-ce mieux ainsi sinon le chinois n'aurait pas eu le courage de le laisser. Mais alors que le futur médecin allait sortir, à la suite de Seiya et Aiolia, il entendit un mince filet de voix sortir de la bouche du Russe.

-Shiryu, je…

-On parlera tout à l'heure Hyoga, le coupa l'interne avant de refermer la porte derrière lui.


Sur le Mont Olympe, Artémis s'effondra à genoux, épuisée. Venir en aide à Camus lui avait demander plus d'efforts qu'elle ne l'avait pensé. Toutefois, elle ne regrettait rien. Les risques étaient grands, très grands même, mais leur plan avait marché. Hyoga et Camus avaient survécu à cette nouvelle épreuve imposée par Apollon. Elle tenta un sourire rassurant en direction d'Athéna.

Mais celle-ci, comme elle le pouvait derrière les barreaux, s'accrochait à la main de son oncle, les larmes aux yeux. Elle avait eu tellement peur pour ses chevaliers. Et puis elle avait ressenti leur inquiétude, leur douleur, leurs doutes. Elle avait partagé tellement de choses avec Seiya et Hyoga qu'elle les connaissait désormais par cœur et pouvait lire à travers eux. Certes, ils étaient encore en vie, mais dans quel état ? Camus allait surement s'en remettre, mais combien de temps Milo et Saga arriveraient-il encore à le tenir à bouts de bras comme ils le faisaient ? Il fallait à tout prix que les autres chevaliers les épaulent mais aucun d'eux ne se souvenaient de leur ancienne vie. Et il restait trop de non-dits, de malentendus entre certains pour qu'ils arrivent à une osmose parfaite, celle qui leur permettrait d'unir leur cosmos afin d'obtenir un pouvoir égal à celui des dieux. Quant à Hyoga, ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne s'effondre définitivement. Seiya, même s'il le cachait dans son autre vie, avait été traumatisé par tout ce qu'il avait vécu. Et son esprit en gardait encore les séquelles dans cette nouvelle vie. Shiryu, qui avait toujours eu besoin de tout analyser, de tout comprendre et surtout qui détestait l'injustice, se sentait plus que jamais perdu. Son petit frère, à qui on avait fait du mal sans raison, le traitait maintenant comme un étranger. Il se sentait inutile, pas à sa place dans ce nouveau monde créé par Apollon, et cela, il ne le supporterait pas longtemps. Bien sûr, il restait Shun. Mais comment allait-il réagir face au retour de Hyoga ? Athéna n'ignorait pas à quel point le départ du russe avait été douloureux pour lui. D'ailleurs, ils avaient déjà failli le perdre suite à une dépression. Et puis, petit à petit, Apollon, avait en sorte que Shun fasse son deuil et que Hyoga devienne un sujet tabou. Monter Shun contre Hyoga, faire en sorte qu'il lui en veuille plus que tout… Quel plaisir cela avait été pour lui de détruire une si belle amitié.

Poséidon partageait les craintes d'Athéna. Elle le sentait. Par contre elle avait du mal à deviner ses pensées exactes. Son oncle avait peur des ambitions d'Apollon, de son désir de détruire les autres dieux mais il y avait plus que ça. De la peur pour les chevaliers ? De l'admiration pour ces humains qui osaient se rebeller ? De la tendresse pour les chevaliers divins ?

-Jamais je ne pourrais assez vous remercier, dit Athéna. Je ne sais pas si on arrivera à sauver les Hommes de la folie d'Apollon mais une chose est sure, je n'ai jamais été aussi fière d'être une déesse et de faire partie des vôtres.

-Je vois ce que tu veux dire, répondit Artémis. Aujourd'hui, en luttant contre mon frère, nous nous sommes montrés sous notre meilleur jour. Et j'avoue que cela fait du bien, jamais je ne suis sentie aussi utile.

-Qui aurait penser qu'un jour, ce serions nous qui prendraient exemple sur les Humains ? s'exclama Poséidon. Ils nous ont montré qu'en restant unis, ils sont capable d'accomplir de grandes choses. Et c'est quelque chose que nous avons nous-mêmes constaté aujourd'hui en faisant preuve de solidarité entre nous. Pour cela, ils méritent toue mon estime et qu'on leur accorde une seconde chance.

-Malheureusement, mon frère n'est pas de cet avis et je crains qu'il ne continue la bataille jusqu'à ce qu'il obtienne tout ce qu'il désire.

-Et j'ai bien peur que cette fois-ci nous ne courrions à notre perte, admit Athéna. Si au moins on se battait à armes égales. Mais là, Apollon fait tellement preuve de perversité et de lâcheté.

-C'est une maigre consolation, répondit Poséidon, mais si les chevaliers devaient disparaître, au moins nous nous serons battus à leur côté jusqu'au bout, tel qu'ils le méritent.

-Eh bien, quelle ambiance, s'écria une voix derrière eux. Je vous rappelle que nous parlons des chevaliers de l'Espoir, de ceux qui ont surpassé les Dieux à plusieurs reprises. Alors merci de rester optimiste.

-Hadès ! s'exclamèrent les trois dieux en découvrant qui venait d'arriver.

-Pour avoir pris possession du corps de Shun (Athéna fit une légère grimace à l'évocation de ce souvenir pénible), je peux vous dire que vous n'avez aucune idée de toute la puissance qu'il est capable de déchainer si on s'en prend à ses frères. Et vous savez très bien qu'à chaque fois que Seiya s'est retrouvé à terre, il s'est relevé chaque fois plu fort. Encore une fois je peux en témoigner.

Tout en prononçant ses mots, le Dieu de la Mort passa une main sur son torse, à l'endroit où Seiya l'avait frappé le plus fort. Il lui arrivait encore de ressentir de la douleur.

-Shiryu, quant à lui, déteste l'injustice, qu'on fasse du mal aux autres juste pour satisfaire des ambitions, poursuivit Hadès Il nous a, lui aussi, prouvé à maintes reprises de quoi il est capable pour rétablir l'ordre et protéger ceux qu'il aime.

-Mais Hyoga… ? supplia Artémis.

-Hyoga aura des choix difficiles à faire, c'est certain. Mais je n'ai aucun doute quant au fait qu'il agira pour le bien de tous. Apollon, est prêt à aller jusqu'au bout, mais je vous assure que lorsque le chevalier du Cygne se rendra compte que ses amis en danger, il fera lui aussi preuve d'une détermination sans bornes.

-C'est justement ce qui me fait peur, avoua Athéna. Je ne veux pas le perdre.

-Et je ne veux pas perdre mon frère, ajouta Artémis.

-Et pourtant, continua Poséidon, l'un des deux devra mourir.

-Peut-être. Ou peut-être pas. On ne sait jamais ce que nous réserve l'avenir, conclut Hadès. Surtout lorsque les Humains sont impliqués. Ils sont tellement… surprenants. Et puis vous oubliez un homme. Il pourrait bien être la solution de notre problème.


Dans le bureau de la librairie, Kanon était assis auprès de Camus, lui tenant la main, tentant de le rassurer comme il le pouvait. Le Français était encore endormi mais son sommeil était agité. Shura, qui avait compris que le moment d'enfin se parler était venu pour les deux hommes, avait réussi à éloigner Saga, sous prétexte qu'il fallait aller rassurer les fans. Et puis il fallait prévenir Milo et réorganiser leur départ.

Le problème, c'est que depuis le départ de Saga, le français retremblait de froid et s'était mis en position de fœtus, à la recherche d'une protection et de chaleur. Et visiblement, c'était quelque chose que Kanon était incapable de lui apporter. Il se sentait responsable de voir l'auteur dans cet état, si fatigué, fragile, sans ne rien pouvoir faire pour l'aider.

Les mots de Death Mask résonnaient douloureusement dans son esprit. Quelque part le videur n'avait pas tort. Cela faisait combien de temps qu'il n'avait pas échangé un mot avec le français, qu'il ne lui avait pas adresser un mot autrement que pour lui faire des reproches à propos de sa complicité avec Saga, qu'il avait vraiment pris le temps de le regarder, de voir comment il allait, de lui demander ce qu'il ressentait.

C'était tellement fou ce fossé que leur jalousie par rapport à Saga et Milo avait créée entre lui et l'écrivain. Ils avaient beau faire des efforts pour se parler, à chaque fois, il y avait cette gêne omniprésente entre eux. Camus finissait toujours par baisser les yeux, par se renfermer sur lui-même ou par répondre très évasivement. Il fuyait tout simplement toute discussion. Kanon ne savait jamais quel sujet aborder, comment amener le Français à se confier. Alors, il avait peu à peu abandonné l'idée de se rapprocher un jour de l'auteur. Lui aussi, à sa façon, avait fini par fuir. Leur rapport était un peu plus fort que le lien patron / employé, ils étaient bons camarades, surtout par respect envers Milo et Saga, mais ils ne pouvaient pas parler de véritable amitié. Pourtant avec Saga, Camus était tellement différent, plus ouvert, capable de parler pendant des heures à propos des nombreuses passions qu'ils avaient en commun.

Même s'il ne le montrait pas, Kanon souffrait de cette situation. Cela ne paraissait peut-être pas évident, surtout pour le principal intéressé, mais il appréciait beaucoup Camus. Et puis il lui devait tellement… Le succès du Français avait été bien au-delà de ce qu'ils avaient tous espéré, les mettant à l'abri financièrement jusqu'à la fin de leur vie. Mais malgré ce que pouvait en penser Death Mask, pour Kanon l'argent n'était qu'un infime détail. Depuis l'arrivée de l'écrivain dans leur bande, la vie s'était tellement améliorée pour tous. Grâce à sa présence rassurante, sa compassion, son calme, son intelligence, Milo s'était assagi, Saga avait repris peu à peu goût à la vie, Death Mask était moins violent, Shura plus détendu. Il avait plus d'une fois contribuer à rapprocher Aiolia et Ayoros, servant de médiateur entre les deux frères. Il avait aussi aidé Aldébaran dans ses démarches pour sortir des jeunes de l'enfer de la rue. Oui, Camus était toujours aux petits soins avec eux.

Et puis Camus devinait toujours quand quelqu'un n'allait pas bien. Et même s'il ne parlait pas beaucoup, il était capable de reste des heures auprès de cette personne jusqu'à ce qu'elle aille mieux, telle une lumière chassant l'obscurité. Oui, Camus avait accompli des miracles… visiblement aux dépends de sa propre santé. Mais Kanon n'avait rien vu

Et pourtant, il refusait d'être le seul responsable de ce drame. Il se sentait coupable, oui. Mais il n'était pas non plus l'égoïste pour qui Death Mask voulait le faire passer. À sa décharge, il faut dire aussi que Camus ne montrait rien de ses émotions. L'homme d'affaires le voyait sourire les livres se vendaient bien ils voyageaient sans cesse, découvrant de nouvelles choses, de nouvelles cultures, de nouveaux paysages ils étaient plus unis que jamais. Alors il avait fini par en conclure que tout allai bien. Bien sûr, depuis un ou deux mois, les ennuis commençaient à un peu trop se multiplier à son goût. Mais jusque-là rien de grave, juste les tracas de la vie quotidienne. Il savait mieux que quiconque que la roue tournait, que chacun, à une période de sa vie, connaissait une mauvaise phase, avant que tout ne revienne plus ou moins dans l'ordre. Non, à bien y réfléchir, rien, absolument rien, ne laissait présager que Camus finirait dans cet état.

Kanon sortit de ses pensées en sentant une pression sur sa main. Maintenant l'écrivain était en sueur et avait un peu de fièvre. Il murmurait dans son sommeil, appelant à l'aide. D'abord, Milo, puis Saga, puis Shura et puis… Kanon ?

Et ce fût à ce moment que le propriétaire de la Poséidon Agency réalisa. Camus l'appeler à l'aide. Camus lui faisait confiance. Camus avait besoin de lui. Et lui, Kanon, n'avait jamais été là, autrement que financièrement, pour apporter son soutien à l'écrivain. Le publicitaire soupira à cette pensée. Maintenant cela lui crevait les yeux. Combien de petites attentions quotidiennes le Français avait-il eu pour lui ? Toujours à lui apporter à manger quand il finissait tard. Toujours à demander s'il pouvait faire quelque chose pour l'aider. Et puis la présence de ses fleurs préférées posées sur son bureau pour égayer les lieux. Et lui, Kanon, combien de fois avait-il pris la peine de le remercier ? Jamais.

Toutes ces convictions furent soudainement balayées. Non. En fait, il aurait effectivement dû s'apercevoir que quelque chose clochait, que sous son sourire apparent, Camus n'allait en réalité pas bien. Même Shura et Death Mask s'en étaient rendus compte alors que lui avait continuer à ignorer les différents signaux de détresse que le Français envoyer. Tout était de sa faute. Où était-il quand Camus avait besoin de lui ? Pourquoi n'avait-il pas réagi avant que les choses en arrivent à ce point désastreux ?

La réponse était tellement évidente qu'elle lui en donnait presque la nausée. Shura avait raison. Il était tellement aveuglé par sa jalousie depuis toutes ces années qu'il n'avait rien voulu voir. Et maintenant il allait falloir régler les choses… même s'il ignorait encore comment s'y prendre.