L'histoire se déroule dans la deuxième moitié du XXI ème siècle. Les Cullen n'apparaîtront pas avant une bonne vingtaine de chapitres, à part une " guest star" au chapitre 3.
Le héros n'est pas Jacob, mais lui ressemble beaucoup. Cette fic plaira donc plus aux fans du loup-garou !
Je tiens à vous informer que pour le confort de vos petits yeux, j'ai eu l'aide de plusieurs bêta : Ptitesfrimousses, mon amie IRL, depuis la première ligne écrite. Puis Arwen00710 et Julie Winchester en cours de route. Et, dans le rôle de la voiture balai, DelfineNotPadfoot, lectrice tardive, sérial revieweuse ET mad bêta. A toutes les quatre, merci, merci, et re re merci !
Bien évidemment, les personnages de Twilight ne m'appartiennent pas. Je les emprunte juste pour mon petit délire perso… ( merci à vous aussi, Mrs Meyer !)
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GERONIMO
Johanna se regarda d'un air critique dans le miroir en pied de son placard. Elle n'avait pas l'habitude de se voir habillée de la sorte. L'ensemble veste cintrée et jupe longue couleur vieil or faisait ressortir sa peau hâlée et ses yeux verts, mais la vieillissait. Sa coiffure, ses longs cheveux bruns enroulés en un chignon sévère, n'arrangeait pas les choses.
La jeune femme soupira en se dirigeant vers la porte d'entrée de son minuscule studio, attrapant au passage un sac à main noir qui semblait neuf mais de bon marché.
Dans l'ascenseur, Johanna refusa obstinément de jeter un coup d'œil à la glace qui en tapissait le fond, de peur de ne pas assumer son reflet et de remonter quatre à quatre se changer.
Quand elle sortit du bâtiment où elle logeait depuis peu, elle fut étonnée de voir la rue inondée de soleil. Dix minutes auparavant, la pluie tombait encore à verse. La jeune femme s'en trouva ragaillardie : cela lui semblait un bon présage pour décrocher le poste pour lequel elle allait postuler ce matin. Trottinant de façon un peu malhabile à cause des chaussures à talon qu'elle n'avait pas l'habitude de porter, Johanna longea le trottoir pour se rendre à l'arrêt de bus qui devait la conduire au centre ville.
Elle avait à peine fait dix mètres qu'un bolide noir passa en trombe dans l'énorme flaque qui stagnait sur la route. Un tsunami la submergea entièrement.
Johanna se pétrifia littéralement, la bouche grande ouverte, battant des cils pour en chasser l'eau qui l'aveuglait. Dans un brouillard d'émotions allant de la consternation à la fureur noire, elle remarqua que le véhicule fautif faisait marche arrière ; elle sentit monter en elle une dangereuse envie de le secouer comme un shaker, histoire d'apprendre au chauffard une autre façon de conduire.
Du calme, ne passe pas du Côté Obscur, tenta-t-elle de se raisonner.
Elle avait toujours mis un point d'honneur à ne jamais utiliser son don pour le moins surprenant sous le coup de la colère, ou de la peur. Et depuis ce fameux jour, l'année de ses huit ans, elle avait tenu bon. C'était ce que son « oncle adoptif », l'inspecteur de police Harry Denser, appelait son côté Jedi.
En revanche, elle n'allait pas se priver pour expliquer au conducteur son point de vue sur les petits minables qui jouaient les pilotes de course en pleine rue.
Quand le chauffeur s'extirpa de son véhicule, Johanna changea mentalement d'argument : petit minable ne convenait pas vraiment. Elle se demanda s'il ne finirait jamais de déplier son impressionnante carcasse de la voiture de sport, qui paraissait encore plus basse en comparaison du géant qui la conduisait. A vu de nez, s'il ne faisait pas deux mètres, il ne devait pas en être loin. Sa carrure était en proportion, des épaules larges et un torse en V, et elle pouvait voir les muscles de ses cuisses rouler sous son jean. Les cheveux noir corbeau, longs, étaient attachés en queue de cheval, son visage carré avait la couleur du pain d'épice.
Bon sang, se dit stupidement la jeune femme, Géronimo !
Johanna n'en fut pas plus impressionnée pour autant, et s'apprêtait à le traiter de tous les noms, quand la réaction du géant la laissa interdite. En sortant de sa voiture, il paraissait préoccupé. Quand il planta ses yeux noirs dans ceux de la jeune femme, il sembla stupéfait, voir choqué. Cela ne dura que deux secondes, avant qu'il ne parte d'un énorme rire.
Johanna sentit ses joues s'empourprer, et une féroce envie de lui coller des claques la submergea. ça, ou lui faire éclater les pneus de sa voiture de m'as-tu-vu, les quatre en même temps. Elle devait en être capable.
« Et en plus, ça vous fait rire ? explosa-t-elle finalement. Franchement, vous êtes vraiment le dernier des crétins ! »
L'Indien s'approchait nonchalamment, toujours secoué d'un rire qui paraissait inextinguible. La colère de la jeune femme ne semblait pas du tout l'émouvoir, ce qui augmenta la rage de cette dernière, si cela était possible.
« Remontez dans votre voiture de frimeur, pauvre andouille, avant que je ne trouve un pavé à lui balancer, et arrachez-vous de ma vue ! Abruti ! »
Il s'était arrêté à un mètre à peine de la jeune femme, qui dut se tordre le cou pour parvenir à le fixer. Pourtant, du haut de son mètre soixante quatorze, Johanna n'avait pas l'habitude de ce genre de situation.
Il avait cessé de rire, mais gardait un immense sourire amusé. Décidément, l'attitude de la jeune femme avait l'air de le réjouir au plus haut point. Elle s'en sentit encore plus profondément humiliée, et elle s'aperçut qu'elle perdait le contrôle d'elle-même. La voiture sembla frémir. Johanna ferma précipitamment les yeux et inhala deux fois discrètement avant de les rouvrir. Ça ne dura qu'une seconde, mais cela suffit à faire baisser la pression de sa colère. Le géant n'avait apparemment pas remarqué le manège de la jeune femme. Toujours souriant, il prit enfin la parole :
« Je suis vraiment navré. Vous voulez que je vous dépose quelque part pour me faire pardonner ? »
Il avait une voix chaude, un peu voilée, avec un léger accent que Johanna ne put identifier.
Inexplicablement, la jeune femme sentit ses cheveux se hérisser sur sa nuque. Elle se sentait à la fois bizarrement effrayée et exaltée. Ces sentiments contradictoires la laissèrent un instant sans voix, mais elle se ressaisit rapidement et lui répondit de son ton le plus glacial :
« J'espère juste que votre boîte de conserve s'enroulera autour du premier platane qu'elle croisera. »
Et elle lui tourna le dos sans attendre sa réaction. Il lui sembla entendre un rire, mais elle n'avait pas le temps d'aller passer ses nerfs en lui collant la baffe magistrale qu'il méritait. Elle n'avait que quelques minutes pour monter se changer.
Courant maladroitement en maudissant ses chaussures neuves, Johanna s'engouffra en trombe dans le hall de son immeuble et piaffa d'impatience devant l'ascenseur. Elle regarda avec défaitisme les numéros clignoter en haut de la porte, en commençant par le dernier étage. Au nom du ciel, qui avait eu besoin de se rendre au 10ème à huit heures du matin ? Après ce qui lui parut un temps infini, les doubles portes s'ouvrirent et elle s'engouffra dans la cabine en tapant furieusement à plusieurs reprises sur le bouton du sixième étage, comme si ce geste allait inciter l'ascenseur à accélérer le mouvement.
Pendant la montée, Johanna risqua cette fois un coup d'œil au miroir.
C'était pire que ce qu'elle avait imaginé.
Tout son côté gauche était trempé, tâché de boue, et des mèches folles pendouillaient hors de son chignon. Elle comprenait mieux l'hilarité de l'Indien, elle ressemblait à une poivreaute après une nuit de beuverie. Elle se fit la promesse que si elle le recroisait un jour, elle lui ferait avaler les enjoliveurs de sa saleté d'engin.
Johanna surgit hors de la cabine comme si elle devait courir le cent mètres, et trépigna devant sa porte en fouillant dans son sac à main pour trouver les clés qu'elle n'avait pas pensées à chercher pendant son trajet en ascenseur, trop consternée par l'étendue des dégâts. Elle gémit en constatant que l'intérieur du sac était trempé ; apparemment elle n'avait pas fermé le rabat et le tsunami s'y était copieusement engouffré.
« Si mon I-pod est ruiné, je téléphone à Harry pour qu'il me fasse des recherches, je retrouve ce grand guignol et je lui explose la tête ! » grommela-t-elle en extirpant son trousseau de clés humide et en l'insérant fébrilement dans la serrure.
A peine la porte claquée derrière elle, la jeune femme ôta la veste souillée qu'elle laissa tomber au milieu du studio. Se trémoussant en sautant d'un pied sur l'autre, elle enleva tout aussi peu soigneusement ses chaussures, sa jupe et ses collants. En sous-vêtements, elle se précipita dans la minuscule salle d'eau, enleva presque toutes les épingles qui tenaient son chignon, et rinça sa chevelure en quatrième vitesse. Enroulant une serviette autour de sa tête, elle revint se planter devant son armoire. Pas le temps de tergiverser : elle attrapa un ensemble pantalon gilet cintré gris rayé de noir, une chemise blanche et une paire de socquettes noires. Enfilant le tout promptement, elle dénoua ensuite la serviette, tenta d'éponger au maximum ses cheveux, passa la brosse pour se donner bonne conscience, faillit se scalper quand une épingle traîtresse resta coincée dans les pics. Après vingt bonnes secondes pour parvenir à l'ôter, en désespoir de cause, la jeune femme prit deux chouchous noirs, se fit à la va-vite une queue de cheval haute avec l'un et mit le deuxième dans son sac en prévision de faire une tresse dans le bus. Elle enfila des bottines plus confortables que les escarpins qu'elle portait auparavant, prit son pauvre sac avachi par l'humidité et se rua sur le palier. Sans même prendre la peine de fermer la porte à clé, elle jeta un œil vers l'ascenseur, soupira et s'engouffra dans la cage d'escalier qu'elle dévala quatre à quatre. Arrivée au rez-de-chaussée, elle négocia sans ralentir le virage pour accéder à la porte d'entrée de l'immeuble, manquant renverser une vieille dame au passage. Criant une vague excuse, Johanna sortit comme un diable de sa boîte sur le trottoir, et sprinta vers l'arrêt du bus, pour voir ce dernier s'engouffrer dans la circulation à trente mètres d'elle.
La journée promettait d'être pénible.
…
Assise dans le bus, avec un bon quart d'heure de retard sur le timing prévu, Johanna jetait des regards indécis sur son téléphone portable.
Bon point : ce dernier avait été épargné par la déferlante.
Mauvais point : ça ne donnait aucune excuse à la jeune femme pour ne pas prévenir l'inspecteur Harry Denser, qui, connaissant son sens de la ponctualité des plus approximatifs, l'avait appelée à six heures du matin pour s'assurer que sa protégée mettait toutes les chances de son côté pour son entretient d'embauche. La jeune femme n'était pas très emballée à l'idée de l'appeler pour lui dire qu'elle allait se présenter non seulement en retard, mais sûrement attifée comme une folle.
En soupirant, Johanna remit le portable dans son sac, dans un étui de mouchoirs en papier qu'elle avait vidé, histoire de le garder un peu au sec. Après tout, si elle échouait à se faire embaucher, Harry n'aurait qu'à se débrouiller pour y envoyer un de ses hommes. Il était chef d'un département, non ? Il trouverait bien quelqu'un qui sache allumer un ordinateur ! Elle avait accepté ce plan complètement délirant pour lui rendre service, mais si cela échouait, tant pis !
Ce n'était pas comme si elle lui devait quelque chose….
La jeune femme grimaça.
Elle devait beaucoup à Harry Denser, chef de la Brigade des Affaires Particulières à Bâton Rouge, à commencer par sa santé mentale. Elle lui devait de mener une existence quasi normale. De parler à nouveau. D'avoir une petite vie sociale.
De ne plus jamais avoir tué un être humain.
Bon, elle allait tout faire pour le décrocher, ce job. Même si le handicap de départ était sévère, rien n'était joué. Johanna avait un CV en béton, faux, certes, mais elle pensait pouvoir faire illusion un temps, assez en tout cas pour trouver ce que son mentor souhaitait. Et, qui sait, si elle racontait sa mésaventure du matin, on pouvait la prendre en pitié, et elle retournerait ainsi la situation en sa faveur…
Le bus avait à peine ouvert ses portes à l'arrêt que Johanna reprit sa course vers le bâtiment imposant où, elle l'espérait, elle se rendrait quotidiennement dans les prochains jours. Ralentissant son allure à dix mètres de l'entrée, la jeune femme se présenta devant le vigile qui gardait la porte vitrée coulissante, un grand gaillard au visage fermé.
« Bonjour, dit-elle, je suis Johanna Martin, j'ai rendez-vous avec Rosanna Blum. »
Le vigile murmura quelque chose au micro qui était accroché à sa veste et lui fit d'un mouvement de tête signe d'entrer.
Eh bien, pensa la jeune femme, il y a l'air d'y avoir une ambiance du tonnerre, dans cette boîte ! Je sens que je vais me régaler !
Elle traversa le hall d'accueil d'un pas vif, priant pour que son retard ne dépasse pas les limites du raisonnable. Arrivée devant l'hôtesse qui trônait, impeccable depuis ses bouclettes auburn jusqu'à la pointe de ses ongles manucurés, Johanna se présenta à nouveau. L'employée lui dit d'une voix où transparaissait nettement un profond dédain qu'elle était attendue au quinzième étage, troisième porte sur sa droite. Johanna ne prit même pas la peine de la remercier.
Oh, je sens que je vais trop adorer l'ambiance ici, si par miracle je suis prise ! songea-t-elle encore une fois. Regardez-moi cette pimbêche tirer la tronche, qu'est-ce que ça serait si un abruti avait ruiné sa permanente en roulant dans une flaque d'eau ce matin !
En arrivant devant l'ascenseur, Johanna eut l'agréable surprise de constater qu'il ne semblait attendre qu'elle.
Allez, un bon présage.
Malheureusement, il était pourvu d'un très grand miroir, et la jeune femme ne put échapper à son reflet ; critique, elle convint que la tenue pouvait encore aller. Sa chemise blanche qui dépassait légèrement du gilet cassait le côté trop formelle de l'ensemble, et elle préférait en définitive être habillée de la sorte. En revanche, ses cheveux rebiquaient un peu sur son crâne, et la tresse avait un petit air asymétrique. Enfin, malgré l'absence de maquillage, ses joues étaient rougies par la précipitation, et lui donnaient bonne mine.
Bon, l'un dans l'autre, ça aurait pu être pire !
Arrivée au quinzième, Johanna se dirigea vers le bureau que la charmante hôtesse lui avait si aimablement indiqué, respira à fond en croisant les doigts de la main gauche, puis frappa trois petits coups discrets.
« Entrez ! » répondit une voix féminine.
Johanna s'exécuta et pénétra dans un grand bureau, de style moderne, sol noir, murs blancs, meubles gris. Une femme d'une quarantaine d'année, en tailleur beige qui faisait ressortir ses cheveux blonds, lui adressa un sourire lumineux, en contournant son bureau pour lui serrer la main. Johanna fut étonnée de trouver un peu de chaleur humaine dans ce bâtiment, et lui rendit son sourire sans effort.
« Bonjour, Mrs Blum. Je suis vraiment désolée pour mon retard, je vous assure qu'il s'agit d'un malheureux concours de circonstances !
- Oh, aucun souci, il se trouve que vous n'êtes pas si en retard que ça, en fait ! »
Partagée entre la surprise et le soulagement, Johanna la regarda d'un air interrogateur.
« Je devais m'entretenir avec vous, mais, exceptionnellement, un membre du conseil d'administration est là aujourd'hui, et il souhaite faire en personne votre entretien d'embauche. Il est arrivé i peine vingt minutes, le temps qu'il fasse un peu le tour, qu'il s'installe, je ne pense pas qu'il soit dans son bureau depuis bien longtemps ! Suivez-moi, je vais vous accompagner ! »
Johanna lui emboîta le pas en fronçant les sourcils : Harry lui avait assuré que les patrons de l'entreprise n'y mettaient jamais les pieds. Pourquoi l'un d'entre eux voulait s'entretenir avec elle ? Ce changement de programme ne semblait pas de bonne augure. Rosanna Blum avait l'air sympathique, son entretien se serait sûrement bien passé…
Le bureau du grand ponte se trouvait juste l'étage au-dessus, mais elles prirent l'ascenseur pour monter. Arrivées devant une large double porte en bois, Mrs Blum toqua deux fois et l'ouvrit sans attendre qu'on lui autorise.
« M. Wolf, je vous amène Miss Martin, pour le poste d'assistance informatique, comme convenu… »
Puis elle s'effaça pour laisser entrer Johanna, qui, dès qu'elle eut passé le seuil, se figea en blêmissant.
Trônant derrière un vaste bureau en chêne, dans un fauteuil en cuir noir qui semblait à peine assez large pour sa carrure, M. Wolf, Géronimo Dernier des Crétins pour les intimes, arborait un sourire qui lui faisait trois fois le tour du visage.