Voilà le troisième et dernier chapitre de cette courte fic ! Il a été assez dur à écrire donc j'espère que vous aimerez ! N'hésitez pas à commenter ! Bonne lecture !
3 : Le dernier combat
Ils avaient été très bien accueillis à Orzammar malgré l'agitation qui y régnait. Harrowmont avait été dépossédé de son trône et l'Assemblée avait élu une nouvelle reine provenant d'une famille noble et respectée. On ne lui donnait pas un an avant d'être assassinée. Néanmoins elle leur avait réservé un accueil chaleureux et fournit une demeure charmante pour la nuit qu'ils comptaient passer avant de descendre dans les Tréfonds. Avant de faire face à la mort.
Dans la rue, les nains les reconnaissaient. Mais personne ne venaient les importuner. Car tous savaient pourquoi ils étaient là. Ils n'étaient pas les premiers Gardes des Ombres à revenir après des décennies d'absence. Aussi, ils se contentaient d'hocher la tête à leur passage, en signe de respect, et continuaient leur chemin. Etrangement, malgré la situation, Alistair ne s'était jamais sentit aussi libre. Même à des centaines de mètres sous terre. Même avec la certitude qu'il mourrait le lendemain. Il était là, marchant main dans la main avec la femme qu'il aimait dans les rues, et personne pour les déranger. Il était redevenu un homme comme un autre. Cela ne lui était pas arrivé depuis très, très longtemps.
Ils marchaient le long du pont menant à l'arène, laissant leurs regards glisser sur la roche brute et la cité qui s'élevait autour d'eux. Là, accoudés à la pierre brute, ils se remémorèrent les moments passés dans Orzammar.
-Oh et cette fois où Zevran t'as donné des conseils pour…tu sais…
Alistair lui jeta un regard en coin alors qu'elle souriait malicieusement :
-Non, commença-t-il prudemment. Mais je ne suis pas sûr de vouloir que tu me le rappelles.
-Ah mais si ! fit-elle avec un amusement de petite fille en lui prenant la main. C'était exactement ici, sur ce pont. Il disait nous avoir entendus dans la tente et que tu devrais…
-La la la ! l'interrompit-il, les oreilles rouges vifs. Je ne peux pas croire que tu aies entendu une chose pareille et que tu ne me l'aies jamais dit avant ! Par Andrasté, je m'étais mordu l'intérieur de la bouche jusqu'au sang cette fois là en espérant que tu n'aies rien entendu !
-Vraiment ? releva-t-elle, amusée.
-C'était terriblement humiliant. Déjà que Morrigan jubilait face à ma déconfiture…Rien que d'y penser…
Il frissonna alors qu'elle éclatait de rire, sa main caressant gentiment son dos.
-Je vois. Je n'en parlerai plus, promis.
-Merci, ronchonna-t-il alors qu'elle posait le menton sur son épaule, toujours le sourire aux lèvres.
Il y eut quelques minutes de silence et là, il sut qu'elle allait parler de nouveau. Ca ne rata pas.
-Et est-ce que j'ai le droit de mentionner la fois où Wynne t'a fait remarquer que tu regardais un peu trop fixement mon postérieur ? glissa-t-elle innocemment.
Il poussa un grognement de frustration en plongeant son visage dans ses mains alors qu'elle riait, attrapant ses poignets pour essayer de le regarder en face. Il avait les oreilles en feu, il était terriblement gêné mais ça ne comptait pas. Seul le son cristallin de son rire et son toucher contre sa peau importaient. Ils étaient revenus en arrière, avaient remonté le temps. Ils étaient tous les deux. Et c'était bien ça le plus important.
oOo
Assis dans leur chambre, ils préparaient leur équipement pour le lendemain. Le feu ronronnait dans l'âtre et diffusait une douce lumière sur les murs de pierre ocre. Alistair affutait l'épée de son épouse alors cette dernière graissait son armure. Ils avaient l'habitude de se séparer les tâches et surtout de s'occuper de l'équipement de l'autre. Il ne se sentait jamais serein s'il partait au combat sans avoir jeter un coup d'œil à l'armure de sa femme, à l'état de son bouclier ou encore à la lame de son épée. Et il savait qu'il en était de même pour elle. Aussi, avant chaque combat qu'ils avaient fait depuis leur mariage, la veille était consacré à la préparation minutieuse du combat. En silence. Ils n'avaient pas besoin de parler. Il n'y avait aucune tension dans l'air. Etrangement, Alistair se sentait toujours en paix à ces moments là, concentré sur une tâche simple, celle qu'il aimait à ses côtés. Et toujours portée de sourire.
Du coin de l'œil il la vit se lever pour poser la dernière pièce d'armure sur le reposoir. Il s'agissait de la toute première armure qu'il avait eue. Loin de lui l'idée de vouloir se faire tuer rapidement pour les engeances, au contraire, il défendrait chèrement sa peau. Mais il voulait rencontrer la mort en tant que Garde des Ombres, aussi pauvre qu'au premier jour. Il avait laissé la rutilante armure de Cailan à Dénérim avec pour consigne de la tenir prête pour le prochain souverain de Férelden. Il s'était toujours senti mal dans cette œuvre d'art dorée. Il préférait sa vieille armure qu'il avait dorlotée pendant des années et réparée comme il avait pu. Des sorts et enchantements étaient venus la renforcer au cours du temps et elle était bien plus résistante qu'elle n'y paraissait. Il en était de même pour l'armure de son épouse qui reposait sur un mannequin de bois à côté de la sienne. C'était dans cette même armure qu'il l'avait vue la première fois à Ostagar. Elle était apparue dans le dos d'un mage avec qui il était en train de se prendre le bec. Pour être tout à fait honnête ce n'était pas elle qu'il avait remarqué en premier mais l'énorme mabari qui marchait à ses côtés. Il n'avait jamais été très à l'aise avec ces animaux. Puis il avait levé les yeux sur elle et l'avait trouvée aussi jolie que bizarre. Surtout à cause de ses cheveux poivre et sel. Et ce fut tout. Une jolie guerrière mais rien de plus. S'il avait su à cet instant où cela le mènerait, il se serait sans doute enfui en courant. L'Alistair de l'époque était un couard. Il avait bien changé depuis. La preuve : il se dirigeait droit dans la mort sans la moindre arrière pensée. Etrange ce que les années pouvaient transformer un homme.
Debout devant l'immense table où était entreposé le reste de leurs affaires, son épouse entreprenait de vérifier les sangles intérieures des boucliers. Satisfaite, elle retourna le bouclier du roi et, avec un léger sourire, fit glisser ses doigts pâles sur le griffon blanc qui était frappé sur le métal :
-Le bouclier de Duncan, souffla-t-elle.
Elle tourna ses yeux ambrés vers lui alors qu'il la dévisageait également, serein :
-Je pensais que tu ne t'en servirais jamais.
-Je crois que c'est l'occasion rêvée, déclara-t-il en se levant à son tour pour la rejoindre. La place de ce bouclier est dans les Tréfonds. De préférence enfoncé profondément dans le crâne d'un ogre.
Elle se mit à rire doucement alors qu'il posait l'épée affutée sur la table à côté de la sienne. Une fois cela fait, elle passa un bras autour de sa taille et il entoura ses épaules de son bras. Ils restèrent là de longues minutes, l'un contre l'autre, à regarder le bouclier luisant qui reposait sur la table.
-Tu sais…commença-t-elle en levant les yeux vers lui. Je suis sûre qu'il serait fier de toi.
-Tu crois ?
Il avait plus soufflé que prononcé ces mots, sa gorge étrangement nouée. Trente ans. Trente ans que son mentor les avait quittés et la blessure était toujours ouverte. Oh bien sûr, elle était anesthésiée par trois décennies d'amour et de douceur… Mais parfois elle se réveillait, aussi aigüe et sanglante que le premier jour. Et ce n'était pas maintenant qu'elle allait guérir.
-J'en suis sure, répondit-elle en caressant gentiment sa joue, ses yeux ambrés luisant doucement. Moi je le suis.
-Tu n'es pas très objective, releva-t-il avec un sourire pour oublier cette ancienne douleur.
-Ah ?
-Tu es ma femme et ma reine, lui apprit-il en bombant le torse. C'est ton devoir de trouver ton roi et époux formidable.
-C'est une bonne chose pour toi que je sois si dévouée, glissa-t-elle en riant.
-Et comment !
Il la serra contre elle, sourire aux lèvres, alors qu'elle riait toujours. Oui, c'était ça qu'il emporterait avec lui. Ni douleur, ni remords. Juste ce rire clair qui éclairait son chemin même après trente années, cette main dans la sienne qui le rendait plus fort, ces deux yeux qui faisaient de lui un géant et ce corps qui lui avait donné le plus beau des cadeaux qu'un homme comme lui aurait pu désirer. Oui, il emmènerait avec lui l'image de leur fille, plus belle et plus brillante que toutes les elfes de Dalatie, le souvenir de son premier mot, de ses premiers pas, de ses doux baisers piqués sur sa joue barbue, de ses bras fins autour de son cou. Oui, il serait égoïste : tout ce qu'il y avait de plus beau et de plus vivant dans Férelden, il l'emporterait avec lui dans les ténèbres des Tréfonds. Il le brandirait tel un trophée chatoyant lorsqu'il rencontrerait ses amis gardes des Ombres de l'autre côté. Ils en seraient tous pantois de jalousie. Et lui il sourirait. Parce que sa vie avait été magnifique.
oOo
La lame traversa son flanc et il poussa un hurlement de douleur. Son corps réagit à l'agression avant même son esprit. Il pivota rapidement, le bras supportant son bouclier percutant de plein fouet son assaillant. L'engeance bascula sur le sol avec un grondement sourd qui finit en gargouillis ignoble, la lame pénétrant dans sa gorge décomposée. Alistair se redressa, pantelant, essayant de se préparer pour la prochain attaque, mais la douleur brouillait ses sens et, trébuchant sur un corps à ses pieds, il tomba lourdement en arrière. Il vit une engeance se jeter dans sa direction, prête à le mettre à mort. Elle n'arriva pas jusqu'à lui. Un rempart s'était dressé entre eux et la créature rencontra un bouclier plus robuste qu'un mur d'enceinte sur son chemin. La tête de l'engeance vola dans les airs dans une gerbe de sang. Il y eut un grondement sourd puis les bruit de pas précipités. S'éloignant.
Alistair se redressa, prenant avec difficulté une position assise. Il sentait le sang chaud inonder sa tunique sous son armure. Cette blessure était profonde. Quelques secondes seulement plus tard, sa femme était à ses côtés et l'aida à se traîner jusqu'au mur le plus proche, l'installant dos à la roche. Elle posa ensuite ses armes au sol et enleva son heaume. Il lut l'inquiétude le visage qu'il aimait tant et, comme de coutume, il marmonna des paroles rassurantes que, comme de coutume, elle ne crut pas. Elle l'aida à se débarrasser de son heaume à son tour et, après avoir arraché d'un coup de dent le bouchon, lui fit boire une potion. La dernière gorgée avalée, il sentit la douleur s'apaiser. Mais il savait bien que la blessure ne disparaitrait par pour autant. Aussi douée que l'alchimiste royal puisse être avec ses décoctions, il n'avait pas le pouvoir de refermer les plaies ou faire pousser des jambes. Dommage. Il aurait fait fortune sur les marchés. Et cessé de radoter aux oreilles d'Alistair durant des heures.
-Je pense qu'on a un peu de temps devant nous, déclara-t-elle en fouillant dans sa besace. Mange quelque chose.
Il attrapa le biscuit sec qu'elle lui tendait, ne prenant même pas la peine d'ôter ses gants souillés de sang noir. Après tout, la corruption avait déjà fait son chemin dans son corps. Et le goût avait beau être infect, il n'était pas si différent du goût original de ces biscuits immondes. Bons pour l'énergie mais parfaitement répugnants. Il se força à l'avaler alors qu'elle montait la garde, toujours accroupie à ses côtés. Une fois qu'il eut fini, ce fut à son tour se remettre sur ses pieds pour qu'elle puisse se restaurer et se désaltérer. Autour d'eux les boyaux des Tréfonds s'étendaient, répercutant par moment le hurlement d'une engeance au loin. Sinon, c'était le silence total. Ils avaient avancé au hasard, se fichant de la direction à prendre et écrasant toute engeance se présentant à eux. Ils avaient perdu la notion du temps. Mais peu importait. Chaque minute passé vivant ensemble était une minute gagnée. Et ils étaient plutôt satisfaits de leurs résultats jusque là.
Alors qu'elle reprenait son bouclier, Alistair l'arrêta, ouvrant des yeux ronds. Elle posa ses yeux ambrés sur lui, intriguée :
-Qu'y-a-t-il ?
-Ce bouclier…
Au bras de son épouse il y avait le bouclier flambant neuf qu'il lui avait commandé un an auparavant. Entre les traces de coups et le sang noir qui le recouvrait, le griffon, l'arbre des Cousland et la couronne d'or de Férelden se découpaient, semblant briller plus que jamais. Elle esquissa un sourire, l'air légèrement timide :
-J'ai pensé que c'était l'occasion rêvée de m'en servir.
-Mais…Co…Comment tu as… ? balbutia-t-il, incapable de trouver ses mots.
-Alistair, tu as de nombreuses qualités, glissa-t-elle avec un sourire. Mais la discrétion n'en fait pas partie. Je suis au courant depuis le jour où tu as passé la commande.
Et voyant sa mine déconfite, elle se mit à rire et se pencha vers lui pour poser un baiser sur ses lèvres :
-Qui crois-tu dirige les espions du royaume depuis toutes ces années ?
-C'était sensé être une surprise, bouda-t-il avec une moue renfrognée d'enfant.
-C'en était une quand je l'ai découvert, assura-t-elle avec sérieux.
-Mouais, il y a un an, maugréa-t-il.
-Ca m'a fait très très plaisir. Et puis…
Au ton de sa voix, il tourna les yeux vers elle, soupçonneux. Les prunelles ambrées luisaient d'une lueur qu'il connaissait bien alors qu'un sourire empreint de cruauté se dessinait sur les lèvres pâles :
-Je voulais que ces saletés sachent qui les réduiraient en bouillie avant de mourir.
Il sourit à son tour, de la même façon. Elle s'amusait. Ici, dans les entrailles pourries du royaume, elle s'amusait à insinuer la peur dans l'esprit de créatures qui étaient les fruits de la Peur elle-même. Magnifique. Dans un élan, il l'attira vers lui pour l'embrasser. Une étreinte passionnée, dure et, peut-être bien, désespérée.
Ce fut alors qu'un hurlement reconnaissable entre mille se répercuta sur les parois du boyau. Leurs regards se croisèrent et ils se sourirent. Un ogre. Non. Deux.
Ils se relevèrent, ajustant leur matériel une dernière fois. Puis, elle tourna de nouveau ses yeux d'ambre vers lui et Alistair sentit son cœur se gonfler à exploser dans sa poitrine :
-Etes-vous prêt, mon roi ? s'enquit-elle avec ce sourire qu'il adorait.
-Après vous, ma reine, répondit-il avec son plus beau sourire.
Dans le même élan, ils se jetèrent dans le boyau en poussant à l'unisson un puissant cri guerrier, boucliers en avant, épées au clair. Et ils disparurent dans les ténèbres.
FIN
Et voila, c'est fini! J'espère que vous avez apprécié. Je vous dis à très bientôt pour d'autres fics de Dragon Age !