« - … et tu comprends, il n'est pas sérieux. Tu vois comment il agit non ? Toujours à faire le pitre, il prend tout à la légère. En même temps, c'est vrai qu'il me fait rire…Parfois. Seulement parfois bien sûr. Le reste du temps, il est complètement ridicule, évidemment. Bien sûr, je pourrais lui dire oui et lui dire après le bal de ne plus jamais me parler, comme tu me l'as conseillé. Mais ça serait méchant, non ? Oh, et puis tu imagines comment il sera si je lui dis oui ? Il a déjà la tête plus enflée qu'un souafle, il va devenir encore plus présomptueux qu'un hypogriffe…. En même temps, c'est vrai qu'il est mignon. Tu l'as vu ce matin ? Tout ébouriffé… C'est fou ça, à croire que sa mère ne lui a jamais appris comment se servir d'une brosse ! Ou qu'il se croit assez beau pour ne pas avoir à se coiffer. Quelle arrogance, non mais, quelle arrogance ! En plus si je devais y aller, je devrais supporter ses amis, il en est inséparable, comme si il ne pouvait pas faire un pas sans eux pas croyable ! Tu te rends compte ? 16 ans et incapable de faire un pas sans… »
Blabla. Bla. C'est fou ce qu'elle peut déblatérer dès qu'elle est lancée cette Evans. Et moi qui la croyais plus intelligente que la moyenne. Il suffit d'un petit béguin pour que tout ce soi-disant brillant esprit s'éparpille. A moins que la moyenne ne soit si basse que Lily puisse se permettre de tels écarts tout en dominant toujours le reste des individus normalement constitués. A réfléchir. Mais d'abord, veuillez noter que malgré presque six ans de résistance, ma chère « amie » -puisqu'apparemment c'est ce que nous sommes depuis que je me suis permise un minuscule conseil d'ordre « amoureux » (comprenez en rapport avec un homologue de sexe masculin)- semble en réalité bien plus émoustillée par Potter qu'elle ne l'a jamais laissé voir. L'insistance/détermination/l'obstination/le harcèlement/l'auto-flagellation quotidienne –rayez les mentions inutiles- peuvent donc être brevetés comme techniques de drague officielles. Et on peut par ailleurs accorder à Potter une qualité à laquelle Lily n'a pas encore pensé malgré ses interminables listes de pour et de contre la patience. Non, vous ne vous êtes pas trompés, j'ai bien dit «interminables listes de pour et de contre ». Comment je sais ça me direz-vous. Et bien j'ai l'incommensurable chance d'être la spectatrice et assistance privilégiée –et unique- de ces listes. Pour que vous preniez la mesure de ce phénomène, je me sens obligée de préciser que le dernier contre en vigueur est « porte des baskets marrons avec une robe de sorcier noire » tandis que le pour était « fait ses lacets parfaitement ». Bien que je ne sois pas une adepte de l'auto-apitoiement, je vous permets donc maintenant de me plaindre. Surtout que bientôt va sonner l'heure –qui sonne environ toutes les dix minutes- de me demander mon avis. Voyez-vous…
« - Tu en penses quoi Thibault ? Je devrais lui dire oui ? Ou non, parce que je peux très bien lui dire non, évidemment. Ce n'est pas comme si j'étais attachée à lui d'une quelconque manière après tout, je ne suis… »
Et la voilà repartie. Comment la faire s'arrêter ? Réflexion, réflexion. Ah oui, c'est vrai, je suis désormais officiellement un être doué de parole, capable d'interagir avec autrui. En bon animal politique que je suis, je vais donc agir dans la vie de la cité. A comprendre, je vais parler à Lily, ce qui est pour l'instant le plus grand pas dans la vie publique que je puisse faire. Aristote serait fier de moi. Ma décision est prise, je vais m'exprimer. Par la parole. Il suffit donc maintenant de construire une phrase, de préférence concise, les grandes tirades ont plutôt tendance à me nuire. Sujet, verbe, complément. C'est parti !
« - Lily, ça fait une semaine que tu cherches des excuses de plus en plus ridicules pour lui dire non. Depuis quand la couleur des chaussettes de Potter est-elle devenue un critère pour accepter ou non ? Bon, évidemment, mauve avec des nimbus orange et vert, ce n'est ni très courant ni très sexy. Mais tu es Lily Evans, tu vas le rembarrer une nouvelle fois pour des chaussettes ? Nom d'un scroutt à pétard, tu es une Gryffondor Lily, alors regarde la réalité en face et… »
Thibault appelle sa bouche. Pas de tirade. Je répète, pas de tirade. Note à moi-même : arrêter de regarder trop de séries moldues, je deviens une vraie petite moraliste. Or, je ne fais pas dans la morale. Et je ne fais pas dans les tirades. Il serait temps de s'en rappeler, je crois que dans tous les cas Evans a compris le fond de ma pensée, il est temps de clore le débat définitivement. Aller, c'est ta dernière occasion pour faire ressortir tes talents oratoires, il s'agit donc de lui imposer ta volonté tout en subtilité, telle une acromentula tisse sa toile autour de ses victimes.
« - … Tu vas donc lui dire oui, immédiatement. » Bon, peut-être n'ai-je pas encore la finesse de l'acromentula, mais au moins c'est clair.
«- Tu crois ? Je veux dire, tu es sure ? Je ne sais pas trop…Je vais arrêter de t'embêter avec ça. »
Génial. Maintenant que la rousse a pris son petit air triste d'elfe de maison battu, je me sens coupable. Nouvelle technique, nouvelle tentative: sentimentalisme et mièvrerie. Mais ne vous avisez surtout pas de penser que moi, Thibault, serais un poil sensible, je ne fais ça que pour me débarrasser d'Evans.
« - Ecoute, je suis désolée, j'ai du mal à m'exprimer Lily, mais je crois que ce que je voulais dire c'est que tu sembles vraiment tenir à Potter je veux dire, comment aurais-tu remarqué ses chaussettes sinon ? Tu devrais vraiment lui dire oui Lil » Vous ne rêvez pas, petit surnom placé ni vu ni connu afin de l'amadouer merci le cinéma moldu. « Tu ne le regretteras pas, laisses lui une chance.
-Merci Thibault. Je suis contente que l'on parle, vraiment. »
Wah. Je n'en demandais pas temps. Mais bon, puisque l'on arrive dans la chaleureuse salle commune des rouges et or, il est temps de voir si tous ces jolis mots ne sont qu'une brise légère sortant de la jolie bouche de ma nouvelle amie –puisqu'on en est quasiment aux mots d'amour, autant rendre ça officiel- ou si la demoiselle a réellement décidé d'écouter mes conseils. En particulier puisque les rires gras qui résonnent entre les murs de notre antre bien-aimée de laisse aucune doute sur la présence des Maraudeurs.
Petit toussotement de Lily –j'ai remarqué que c'était la manière des gens mi-classes mi-timides de se faire remarquer quand leur aura naturelle ne suffisait pas. Quant à moi, je suis plutôt du genre à devoir sauter partout et danser la macarena pour qu'on me remarque mais là n'est pas le sujet. Grand sourire plein d'espoir de Potter qui, inutile de le préciser, se tait immédiatement. De même qu'il s'arrête en plein geste. Et renverse une bierreaubeurre brulante sur son ami Black qui confirme par son cri la chaleur de la boisson. Petit ricanement de Thibault. Pardon. Petit ricanement de moi. Regard noir de Black à ma destination. Sourire contrit de Lupin. Sourire –timide ?- de ma part en réponse. Inutilité chronique de Pettigrow. Et d'Evans dans l'instant présent. Activation de l'utilité de Blowdie qui pousse délicatement sa coéquipière vers Potter et s'ordonne mentalement d'arrêter de se prendre pour un mauvais commentateur de Quidditch. Mais Evans ouvre la bouche et un son presque audible pour quiconque a une ouïe digne d'une chauve-souris supersonique –et non je ne faisais en aucun cas référence à Mac Gonagall :
« - …ui. »
Et Potter MARQUE ! Et en est apparemment le plus surpris. Si surpris que non seulement il demeure sans mot, mais il semble également incapable de faire le moindre geste. Quant à Lily, elle paraît à deux doigts de partir en courant. Il est donc temps de venir à sa –à leur- rescousse, telle une brave médicomage urgentiste.
« -Lily accepte d'aller au bal avec toi Cornedrue, et oui Lily, il veut toujours t'y accompagner, bien sûr, tu dois seulement lui laisser le temps de se remettre de la surprise je crois. En attendant qu'il se décide à bouger, peut-être voulez-vous vous asseoir avec nous ? Nous avons assez de bierraubeurre pour partager et j'aimerais beaucoup montrer à Thibault un livre que j'ai trouvé si tu veux bien Thibault bien sûr. »
Sourire bienveillant, manières exemplaires, gentillesse extrême Lupin a repris le contrôle de la situation. Et avec brillo je dois dire, il faut lui reconnaître ça. Il a donc le droit à un hochement de tête et à moi tirant la main de Lily afin de l'aider à se remettre du choc provoqué par le premier oui adressé à Potter depuis toujours en s'asseyant. Potter, lui, je pense qu'il peut rester immobile à fixer l'endroit où était placée Lily encore un bon bout de temps. Je ne parierais pas deux mornilles qu'il soit parti d'ici demain matin. Mais assez parlé de ces deux-là puisque l'affaire semble s'être réglée le plus normalement possible en tenant compte de leur dysfonctionnement naturel.
Je peux donc tranquillement m'asseoir sur un des moelleux fauteuils de la salle, savourant pleinement la chaleur de la bierraubeurre entre mes mains. Je dois dire que c'est un sentiment étrange d'être assise sur les meilleurs canapés de notre maison accompagnée par les Maraudeurs. Je prendrais presque goût à cette situation, ne serait-ce que pour les regards rendus noirs de jalousie que me jettent les jeunes fans se languissant d'amour pour la petite bande. N'allez pas vous imaginer quoi que ce soit, je ne pense pas qu'elles aient grand-chose à craindre venant de moi, et surtout pas la horde de harpies fans de Black, mais prendre conscience de ce fait leur demanderait plus de trente secondes consécutives de réflexion et est donc par conséquent hors de leur portée. Mais retour à la réalité et à Lupin qui me regarde, comme ce qui est en train de devenir une habitude, avec un petit sourire amical.
« - C'est quoi le mlibre dont ju me parmais ? » Oui, bon, parler avec la bouche pleine d'une –certes excellente mais brulante- bierraubeurre n'était peut-être pas la meilleure idée du monde. Mais ça ne semble pas gêner outre-mesure Lupin qui me répond en s'essuyant tranquillement le visage plein de mes délicats postillons.
« - Je te le montrerai plus tard, je pense qu'il vaut mieux que l'on soit seul. » Me souffle-t-il « Et puis je suis persuadé que nous aurons encore beaucoup d'occasions de nous retrouver à l'infirmerie, pas vrai ? » Continue-t-il sur un ton plus jovial. Il n'y a d'ailleurs bien que lui que ça met en joie, à l'air renfrogné que prend Black à l'évocation des séjours de son comparse à l'infirmerie. J'avoue moi-même avoir quelques réserves quant au bonheur que représenteraient mes propres visites à Madame Pomfresh. Mais revenons-en au point principal : pourquoi m'avoir proposé de m'asseoir avec eux si ce n'est pour me montrer ce mystérieux ouvrage ? Peut-être avais-je tort de sous-estimer Lupin, il est aussi machiavélique que ses camarades et m'a attiré ici pour…
« - Comment vas-tu Thibault ? Je me disais que tu avais l'air particulièrement en forme ces derniers temps, malgré ta maladie, du coup on pourrait peut-être en profiter pour parler un peu ? Je sais que tu es bonne en potions, or j'aurais bien besoin d'un peu d'aide et j'ai pu voir que la métamorphose n'était pas ton fort, on pourrait peut-être s'entraider ? »
…me parler, me proposer son aide –parce que soyons honnête, je n'ai rien d'un génie en potions. Bon, machiavélique, peut-être pas, mais il m'a tendu un piège, avouez-le ! Bref, je vais ignorer le regard de défi que me lance Black, persuadé comme il a l'air que je ne vais pas avoir le courage d'ouvrir la bouche à nouveau, et répondre à la bienveillance de son ami avec toute la gentillesse qu'il m'a été donné.
« - Oui, bien sûr, pour tout t'avouer, je me suis toujours dit que tu avais l'air gentil mais, il ne faut pas se le cacher, la présence de tes trois énergumènes d'amis remet malheureusement par elle-même en cause ton intelligence. Sans offense bien sûr. » Grand sourire à Black. Ne me regardez pas ça, je n'avais pas précisé avec qui je devais être gentille et après tout je l'ai été. Et puis ce n'est pas de ma faute si Merlin ne m'a pas doté d'une grande dose de gentillesse quand il s'est penché sur mon berceau.
« - Aucun problème le fait que je ne découvre ton existence qu'après six ans de coexistence dans la même maison semble également remettre malheureusement par elle-même en cause tout intérêt que quiconque pourrait porter à ton insignifiante personne. Sans offense. Bien sûr. »
Ok, Black m'a tué. Mais pour ma défense, je ne parle que depuis environ une semaine, et dans ma tête, il n'y a jamais personne pour me répondre.
« - Hmm. Si vous pouviez tenter de vous supporter tous les deux, ça serait peut-être mieux parce qu'une fois que nos deux amis seront à nouveau dans leur état normal, vous serez probablement amenés à vous fréquenter. Et personne ne veut risquer de ruiner six années d'efforts acharnés de la part de James pour de simples broutilles, non ? » Bien joué de la part de Lupin. Que répondre à ça ? Ah oui, mais il ne semble pas vraiment avoir fini. « D'autant plus que le bal est samedi soir et que vous allez sûrement passer la soirée ensemble, surtout si Thibault accepte, comme je l'espère, d'être ma cavalière. »
Quoi ? Comment ? Qu'ouïe-je dire maintenant ?
C'est malin ça, de me prendre par surprise comme ça, je vous l'avais dit qu'il était pervers le petit Rémus. Seul point positif, si j'ai désormais rejoins Potter et Lily dans leur état d'impotence certain, Black affiche le même air ahuri que moi. Je crois que le bon sens dicte donc une chose très simple à faire, non ? Après tout, quand Merlin me donne une telle chance de titiller le tombeur de Poudlard, qui suis-je pour la refuser ? L'enjeu est donc maintenant de faire mieux que Lily quelques minutes plus tôt.
« -…Ui. »
Raté.