Aïe.

Qui a osé perturber mon sommeil ? Ou plutôt, qui, après une heure et demi de cours d'histoire de la magie est encore assez éveillé pour être susceptible de me balancer un sympathique projectile -encore non identifié à cette heure- à la gueule?

Avant de répondre à cette question existentielle -dont la réponse doit sans aucun doute être d'une importance capitale pour mon sommeil, il est de mon devoir de vous informer de quelques détails:

- Le simple fait que je parle -certaines mauvaises langues diraient divague- toute seule tout en m'adressant à un «vous » probablement inexistant fait de moi une personne soit légèrement attardée, soit totalement tarée, dont le caractère est de plus parfois – croyez moi ou non, ça n'arrive pas si souvent que ça- qualifié d'instable. Choses – l'espoir me maintenant en vie, je le mets au pluriel- non-identifiées, choisissez donc, lire ou ne pas lire, sachez juste que, la plupart du temps, je ne mords pas !

- Je suis courageuse, drôle, intelligente ET modeste, ce qui fait de moi une parfaite rouge et or ainsi que, allez savoir pourquoi, une personne avec beaucoup d'ennuis !

- Mes géniteurs sont aussi quelque peu...disons étranges. Le rapport ? Je m'appelle Thibault, Thibault Blowdie. Et avant que vous ne le demandiez, oui je suis une fille.

Revenons-en à l'aimable personne ayant perturbé mon sommeil.

Après avoir tourné mon humble buste en direction des tréfonds de la classe -geste dont vous ne soupçonnez pas la difficulté, j'en suis sure- je peux vous affirmer que le crétin -car c'en est un, ça aussi, je peux vous l'affirmer- m'ayant réveillé n'est autre que Potter. Potter qui m'offre un sourire penaud tout en tentant, par un langage des signes digne d'un babouin, de me demander de faire passer le délicat projectile s'avérant être un mot -ou devrais-je dire, un billet doux- destiné à ma voisine. Après un soupir, étant une personne remplie d'une bonté que moi-même ne soupçonne parfois pas, je me contente de le lancer dans la corbeille située à quelques mètres -et oui, contre toute attente, mon lancé franc est fantastique ! Et jeunes gens, après cette pensée particulièrement généreuse, je vous sens pourtant pleins d'une sourde interrogation. Mais il faut que vous compreniez, bande d'ignorants, que je viens par ce geste d'une générosité époustouflante d'éviter à l'attrapeur des Gryffondors une baffe non moins époustouflante ainsi qu'une colère monumentale de mon amie !

Enfin, fatiguée par ces activités demandant beaucoup trop d'énergie pour un cours tel que celui-ci, je m'apprête à retourner à ma douce léthargie lorsque, pour mon plus grand malheur, je reçois une deuxième boulette de papier.

Double aïe.

Cette fois-ci, pas de doute, c'est bien moi qui est visée, non pas par Crétin Potter cette fois, mais par l'abruti congénitale qui lui sert d'ami, j'ai nommé Sirius Black. Supposant que ce n'est cette fois-ci plus un mot d'amour destiné ma colocataire, je daigne déplier le lamentable morceau de papier.

Mais t'es qui toi ? T'aurais pas pu lui faire passer ?

Considérant la question d'une inutilité plus qu'affolante étant donné qu'il aurait probablement oublié mon identité d'ici quelques minutes à peine, je ne prends pas la peine de répondre, me contentant d'effectuer un second lancé franc et de faire admirer mon magnifique majeur au beau Black.

Non, vous n'avez pas rêvé, j'ai bien associé ce mot »beau », à Black. Inutile de nier l'évidence, Sirius Black, avec son corps musclé et ses cheveux noirs retombant sur ses splendides yeux gris, est digne de rejoindre les statuts des Dieux grecs peuplant les livres d'histoire. Ce qui n'empêche qu'il reste un parfait crétin. Ce qui n'empêche que – et si cela sort un jour de ma tête, je saurais que c'est vous- que j'ai très légèrement baver dessus, pendant une période donnée de ma vie -dont je ne vous avouerais jamais la durée réelle, question d'honneur. Ce qui n'empêche qu'au jour d'aujourd'hui, bien qu'il ne connaisse même pas mon insignifiante existence, je le hais. Et ce encore plus depuis que je suis devenue amie avec Lily Evans, la soutenant dans sa lutte anti-Potter.

Lily Evans. Probablement la seule personne aussi tarée que moi dans cette école. En tout cas, la seule assez folle pour détester les Maraudeurs ET être amie avec moi.

Oui, parce qu'il faut l'avouer, je ne suis pas la personne la plus sociable qu'il soit. Beaucoup trop anormale pour ça.

Aucun trouble subi lors de ma petite enfance si vous vous posez la question. Non, juste la certitude que l'on finit toujours par souffrir, sur tous les points. Et peut-être cette petite voix, au fond, qui me chuchote que personne ne m'accepterait s'il me connaissait au-delà des apparences. Et qu'une nouvelle fois, je serais déçue.

Bon, je m'arrête là, le sentimentalisme ne sciait guère aux gens comme moi.

Car oui, je suis une garce. Et pour tout vous dire, je le vis bien.

...

J'allais m'arrêter là, mais, après réflexion, j'ai l'impression que pourriez vous faire une fausse idée de moi.

Car oui, enfin, mis à part moi, je ne crois pas que quiconque me considère comme une garce. En réalité, je ne crois pas que quiconque me considère tout court.

Autrement qu'inexistante.

En réalité, je n'ai jamais « fait admirer mon magnifique majeur » à quiconque, pas plus que je n'ai déjà rembarré ou seulement parlé à quelqu'un, autrement que par la pensée -ce qui, croyez-moi, réduit considérablement l'échange. Ah, et Lily Evans n'est absolument pas mon amie mais uniquement la seule personne a supporter ma passivité, et l'absence totale de conversation que je propose.

D'après les quelques psychologues que j'ai pu voir, je suis « socialement inapte ». D'après moi, je n'ai pas envie de me faire chier. Ce qui explique mon silence, compensé par de nombreux délires mentaux.

Mais venons en à l'essentiel: je m'appelle Thibault Blowdie, j'ai 16 ans et cette fois-là, j'aurais mieux fait de m'en tenir à ce que je fais de mieux; me taire.

...

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