Prologue :
Vous devez sûrement connaître les contes sur les mythes, du genre licorne, fée clochette, etc... non ? Si c'est le cas, vous avez forcément déjà entendu parler des vampires, ne serait-ce que dans un roman, un film, voire même un petite fable toute innocente. Vous souvenez-vous du temps où on racontait ces histoires aux enfants pour leur faire peur ? « Attention, si tu n'est pas sage monsieur le vampire va venir te manger ! » ou encore « Attention, si tu continue je te donne au méchant monsieur ! ». Sauf que désormais, lorsqu'on leur disait ce genre de phrase, c'était pour les mettre véritablement en garde, et non pas pour les punir de quoi que ce soit. Il se peut que « monsieur le vampire » vienne véritablement te « manger » pendant ton sommeil si tu as eu le malheur de le croiser sur le chemin du retour.
Vous aurez bien compris que maintenant, ces créatures sont craintes et haïes. Alors que tout le monde pensait encore qu'elles faisaient bel et bien partie de toutes ces légendes à dormir debout, elles commencèrent à sortir de l'ombre, piochant leur victimes dans la rue. Au début personne n'y croyait vraiment, mais au bout d'un moment nous avons dû nous rendre à l'évidence : ils existaient, et étaient parmi nous. En même temps, lorsque vous croisez quelqu'un doté d'un charme complètement anormal, qui vous regarde comme un repas tout en passant sa langue sur une canine plutôt conséquente, pensant sûrement que vous avez l'air délicieux, il faut bien vous rendre à l'évidence. Soit vous en avez tellement peur que vous êtes devenu parano, soit vous êtes son prochain repas.
Nous, simples humains que nous sommes, n'avons pas grand chose pour nous défendre, il faut juste espérer ne jamais taper dans l'œil d'un de ces charmants messieurs. Ou tout simplement ne pas croiser sa route. Quelques groupe plus courageux que les autres, ou simplement fous et suicidaires, se mettent en tête de chercher quelques uns de ces suceurs de sang, étant solitaires de nature si l'on en croit ce que l'on en a appris depuis que nous connaissons leur existence, avec en tête l'idée de le liquider. Je ne cacherai pas que dans 99,9% des cas, les rôles sont inversés, et nous entendons aux informations quelque chose du genre « Six jeunes hommes sont morts cette nuit, incontestablement l'œuvre d'un vampire ». C'est devenu quotidien. Comme le fait de se dire : si ça se trouve c'est mon dernier jour en vie, il faut absolument que je fasse ce que j'ai prévu ! Heureusement que ces monstres ne sont pas si nombreux, sinon la planète se serait retrouvée avec le titre de garde-manger humain. C'est déjà un peu le cas, mais bon...
Enfin bref, avec tout ce que je viens de vous raconter, il faut que je vous explique mon problème. Moi aussi je hais ces vampires, mais pas pour les mêmes raisons que les autres personnes. C'est vrai qu'être sans arrêt traité de vampire et tabassé par des connards de première classe sous prétexte que je suis un de ces bouffeur d'hommes, tout ça parce que mes dents ont eu une croissance un peu à part de la normale, ça a de quoi mettre légèrement en boule. Surtout que ces gens-là cherchent juste un prétexte pour taper sur quelqu'un, ou alors se donner l'impression d'être plus puissants et capables de faire face à une de ces créatures. Ridicule. Les Hommes ont déjà un ennemi commun, et tout ce qu'ils trouvent à faire est de s'exterminer entre eux, à défaut de pouvoir détruire leur nuisance. Oui, ridicule est bien le mot. On pourrait peut-être même rajouter idiot, non ?
Mais retournons à mon problème personnel. Pour être franc, je déteste les suceurs de sang au même titre que les hommes en général, l'un me faisant passer pour ce que je ne suis pas, et l'autre me martyrisant à cause de la raison précédente. Cercle vicieux. Mais en même temps, peut-être que de me faire passer pour l'un d'eux m'éviterait de terminer la nuque entre des crocs ? Non, je les hais trop pour ça, plutôt mourir... D'ailleurs c'est le cas pour tout ce qui est assez conscient pour pouvoir m'exécrer, que ce soit un chat, un chien, un oiseau, un homme, une femme, un vampire, voire même un poisson, même si j'en doute un peu. Ils me répugnent tous. Et lui encore plus.
Ça va faire quelques semaines qu'à chaque fois que je me fais tabasser sans rien dire – c'est devenu une habitude – ce chat est là, nous regarde, me regarde, pendant que je me reçoit coup sur coup, me protégeant de mes bras comme je le peux, sans que lui ne fasse rien. Je crois que je le déteste encore plus que les autres. Il assiste, comme si il était assis aux première loges d'un spectacle, et ne fait rien. Il attend simplement que ces brutes aient fini, avant de s'approcher et me lécher le bout du nez, tandis que je sombre dans l'inconscient à cause des chocs et de la douleur combiné. Comme d'habitude. Ce chat si noir et aux yeux si humains. Trop humains justement.
Seulement, depuis que ce félin est apparu, à chaque fois que je sors du coma je me retrouve chez moi, dans mon propre lit. Avant, je restais dans la rue et revenait comme je le pouvait, claudiquant jusqu'à chez moi sans que personne ne prenne la peine de m'aider – évidemment – et me soignais tout seul. Quand je le pouvais. Mais là, en plus d'être bien installé dans ma petite literie que je me force à croire douillette, je suis pansé en intégralité, lavé et en tenue de nuit. J'avoue que la première fois j'ai complètement paniqué, croyant que la fameuse personne était restée dans mon appartement, touchait à mes affaires, laissant son odeur et ses marques dessus, allant même jusqu'à penser que j'avais affaire à un pervers potentiel pour m'avoir déshabillé sans même me demander, ou encore qu'il avait pris mes clés. Oui je sais, je suis ingrat, que voulez-vous...
Mais je ne trouve jamais personne. L'appartement est toujours vide, à part ce chat qui reste toujours à la fenêtre, comme si il veillait sur moi. A force je me suis habitué à sa présence, ainsi qu'à mon sauveur anonyme. J'ai même envie de savoir de qui il s'agit, mais d'un autre côté je préfère qu'il reste dans l'ombre, de peur d'être une nouvelle fois déçu. Et puis si ça lui faisait plaisir de prendre soin de moi sans rien prendre en retour, pourquoi pas ? Après tout je n'ai pas de compte à lui rendre, et si jamais je le croise un jour je n'aurai pas à le remercier avec un abominable air gêné qui m'énerve au plus haut point et que je ne me supporte pas, puisque je serai dans l'incapacité de le reconnaître. Ou la reconnaître, allez savoir...
Sauf qu'un beau matin, alors que je me levais avec difficulté dû aux blessure de la veille pour aller au lycée – et oui, c'est dans ce charmant endroit que je me fais tabasser régulièrement – et que je faisais un tour dans la salle de bain, ma gorge se bloqua en fixant la marque violacée qui avait pris place au creux de mon cou. Un suçon ? Finalement, les gens en qui j'ai envie de croire finissent toujours par faire des choses qui me déçoive. Cette fois-ci ai-je droit à un pervers détraqué ? Quelque part, cette constatation me faisait mal. C'était la seule personne sur qui je pouvais « compter », malgré le fait qu'il attendait visiblement que j'ai fini de me faire frapper pour entreprendre quoi que ce soit. A partir de ce moment, je voulais ne plus jamais me réveiller dans mon lit, et pansé que j'avais pris l'habitude de l'être, même si au fond de moi je savais que j'allai regretter ces gestes, qui ressemblaient le plus à ce qui pouvait refléter de l'affection à mon égard. Les premiers depuis bien longtemps.
Ce chat continuait de me regarder à travers le vitre du balcon. Lui aussi allait me lâcher, n'est-ce pas ? Si c'est le cas, pour le peu de temps qu'il me reste avant que ça n'arrive, je vais essayer de prendre soin de lui. Au moins ne sera-t-il pas déçu, lui.
