Les personnages de Sherlock Holmes ne m'appartiennent pas.

Deux pour un

Mary Morstan – devenue Mary Watson – savait, en prenant John Watson pour époux, qu'elle aurait à souffrir de l'excentricité de Holmes; et elle s'était faite à cette idée bien avant que John ne lui passe la bague au doigt. À l'époque, cependant, elle n'avait pas encore réalisé à quel point l'incidence de Holmes sur sa vie serait importante.

Déjà, au tout début de son histoire avec John, le profond lien qui unissait son futur conjoint au détective ne lui avait pas échappé. Son affection pour l'homme était manifeste, transparaissait dans sa manière de l'évoquer, quand bien même il tentait de s'en cacher en rappelant continuellement la tâche harassante qu'était celle de s'occuper du grand Sherlock Holmes.

La jeune femme avait été touchée par la force de cette amitié, et c'était alors montrée impatiente de rencontrer l'intriguant personnage, malgré les réticences de son mari à en devenir.

La confrontation – car il s'était s'agit de cela au fond – s'était révélée… intéressante. Même si l'enquêteur avait heurté ses sentiments, Mary ne lui en avait pas – ultimement – tenu rigueur. Après coup, elle avait vu dans l'impudence de Holmes un simple mécanisme de défense voué à repousser l'ennemi; elle, en l'occurrence, qui cherchait à lui arracher son compagnon d'aventures. Elle ne pouvait tout bonnement pas lui en vouloir pour ça.

Puis Sherlock avait semblé comprendre que, pour le bien-être de son meilleur ami, il devait se résoudre à le laisser partir. C'était tout du moins à cette conclusion qu'en était arrivée Mary lorsque John l'avait demandé en mariage d'une bague généreusement offerte par le génie. Comme elle avait eu tort…

John et elle s'étaient mariés donc, avaient emménagé ensemble, et elle avait naïvement cru être la chose la plus précieuse du monde. Ça avait été le cas, pendant un moment. Du moins, elle se plaisait à le croire, même encore aujourd'hui, alors que ses illusions avaient été balayées depuis longtemps.

Elle avait toujours su que John n'abandonnerait pas totalement les enquêtes, et elle était parfaitement à l'aise avec cela, mais elle s'était attendue à ce qu'il délaisse, au moins un peu, son officieuse carrière à son profit.

Et c'était ce qui s'était produit, au début, mais plus les mois passaient et plus Holmes oubliait ses promesses de se tenir à l'écart, retombait dans ses vieilles habitudes, demandant toujours plus du temps de son ami, temps que John s'était trouvé incapable de lui refuser.

« Vous être trop bon, mon cher », avait-elle dit à son époux, et il avait soupiré par l'affirmatif. Mais Mary avait bien vite compris que ses enquêtes avec Holmes n'avaient rien d'une corvée, peu importe ce qu'il en disait. C'était un devoir – oui, un devoir! – dont il s'acquittait avec joie.

Puis était venue l'ultime révélation, celle qu'elle s'obstinerait à nier sans relâche, mais qui lui grugerait le cœur à petit feu : elle serait toujours seconde aux yeux de son John, loin derrière Holmes. Face aux années de complicité entre les deux hommes, comment pouvait-elle lutter?

Holmes et Watson. Sherlock et John. Ils étaient une seule et même entité, pas un « je » et un « vous », mais un « nous » comme le disait toujours si bien l'extravagant détective. Ils étaient à l'image d'un spécial deux pour un; vous preniez l'un pour mari, et vous obteniez l'autre gratuitement, et ce pour le meilleur ou pour le pire.

Mary n'était pas une femme étouffante, elle n'avait rien contre le fait de partager John, mais, comme toutes les femmes, elle aurait aimé que le bonheur de son amoureux passe par elle. Mais il était clair dans son esprit que John pourrait vivre sans elle, ce qui n'était pas le cas de Holmes. Elle s'était engagée dans une relation sans issue.

FIN