NdA : OS un peu noir, mais j'espère que ça vous plaira. Il a directement inspiré Personne dans le style et dans la forme.

Bonne lecture !


Quand l'amour fait sa loi

Une âme triste vous tue vite, beaucoup plus vite qu'un germe.

John Steinbeck

.

Les choses ne sont pas toujours ce qu'elles semblent être, donc on se laisse tromper par les apparences. Rares sont ceux qui ont l'intelligence de voir ce qui se cache derrière le masque.

Phaedre

.

Quand l'amour parle, il est le maître.

Marivaux


Le début

Il ne savait pas exactement quand ses sentiments avaient commencé à changer.

Pourtant le fait est qu'ils avaient changé.

Il ne s'en était pas aperçu au début.

Et puis il avait commencé à la regarder différemment.

.

Il ignorait les autres femmes, il ne voyait plus qu'elle.

Il adorait la voir sourire, il ne supportait pas de la voir triste.

Il voulait la protéger à chaque instant, la prendre dans ses bras, la faire rire...

Il avait fallu des semaines, peut-être des mois pour arriver à ce stade.

Mais il ne lui fallut qu'une fraction de seconde pour le comprendre.

La prise de conscience fut terriblement douloureuse.

Se rendre compte que l'on tient à quelqu'un beaucoup plus que l'on n'est supposé le faire, et qui paraît inconcevable depuis toujours, est extrêmement déstabilisant.

.

Au début, il fit comme si de rien n'était.

Il tenta d'ignorer la vérité, mais il échoua.

Alors son comportement changea.

S'il ne pouvait pas revenir en arrière, ce n'est pas pour autant qu'il irait en avant.

Il devint insupportable.

.

On lui reprochait souvent d'être irritant, énervant, voir exécrable.

Il le devint encore plus.

.

Seulement ce ne fut pas qu'à l'encontre de la jeune femme, cela concerna tout le monde.

Au fil des jours, cela s'accentua et l'ambiance s'en ressenti.

.

Après un sermon de la part de chacun, il dut se résoudre à changer de tactique.

Mais aucune ne convenait.

Il ne pouvait ni ignorer, ni oublier la réalité.

Alors bientôt il n'en resta plus qu'une qu'il fut bien forcé d'adopter.

Il admit ses sentiments pour elle.

.

Les accepter fut tout aussi douloureux que d'en prendre conscience.

La transition fut d'autant plus difficile qu'ils s'accentuaient et se renforçaient avec le temps.

C'était de pire en pire et cela le déboussolait.

Tous les instants de sa vie était rythmés par elle.

Pour elle.

.

Il ne vivait plus.

Ou alors seulement quand elle était là.

.

Elle ne s'était rendu compte de rien.

Personne ne s'était rendu compte de rien d'ailleurs.

Son existence toute entière reposait sur ce mensonge, cette absence de vérité.

Il en aurait presque pleurer.

Presque.

.

Elle ne l'aimait pas.

Elle le considérait comme un ami tout au plus.

Il l'avait rapidement compris et admis.

Mais il espérait quand même que cela change un jour.

.

Il faillit être découvert quand sa jalousie prit le dessus.

La voir avec un autre homme était un supplice.

La seule remarque qu'il osa faire sur le sujet lui valut sa colère.

.

Par la suite, il fit attention.

Il s'obligeait à détourner son regard quand il sentait ses émotions prendre le dessus.

Il avait toujours su joué la comédie.

Il s'était toujours caché derrière un masque.

.

Alors il continuait, il dissimulait tout ce qu'il refusait de faire partager.

Il tentait désespérément d'échapper à la réalité.

Avec elle, le masque devint un alias.

.

Il n'avait plus l'air du gamin, du clown fidèle à ses amis et à son travail.

Il était ce clown et ce gamin.

L'homme sensible et mature qu'il avait toujours été au fond de lui disparut au plus profond de son être.

Avec celui amoureux d'une princesse d'orient.

.

Le personnage qu'il était devenu monopolisait son attention.

Il faisait tout pour cela.

Mais l'amour qu'il portait à la jeune femme le minait.

Il le détruisait à petit feu.

Alors celui qui sommeillait en lui, la véritable personne qu'il était, laissa la place à une infinie tristesse.

Il devint un clown triste et passa dans le royaume des ombres.

.

Sans que personne s'en aperçoive, il commença à dépérir.

Son état physique et mental se dégrada.

En peu de temps, le jeune homme sombra.

Il n'était plus que l'ombre de lui même.

D'apparence inchangée, intérieurement il n'était plus qu'un champ de ruines.

Il perdit le goût de la vie sans même s'en rendre compte.

Et quand ce fut le cas, il était trop tard.

.

Il n'avait jamais eu de tendance suicidaire.

Mais cet amour sans retour l'amena à y penser.

Vivre ou mourir ?

.

Il choisit de vivre.

Ni pour elle, ni pour eux.

Mais à cause de l'image qu'ils avaient de lui.

Ils s'en seraient voulu et n'auraient pas compris.

Or, il ne voulait ni fournir des explications, ni les faire culpabiliser.

.

Alors il vivait.

Ou plutôt il survivait.

Et s'il refusait à se donner la mort, il ne faisait rien pour remonter la pente.

Il s'enfonçait plus profondément chaque jour, chaque heure, chaque seconde.

Le résultat serait finalement le même.

Il allait mourir, tôt ou tard.

.

Il attendait.

Si, par quelque miracle, elle devenait amoureuse de lui, il surgirait du néant.

Il sortirait enfin son âme de l'obscurité dans laquelle elle était plongée.

Mais dans le cas contraire, il finirait par quitter ce monde.

.

Elle avait sa vie entre ses mains, qu'elle le veuille ou non.

Mais elle l'ignorait, alors quelle importance ?

Il se tenait à la frontière entre deux mondes.

Il attendait.