Résumé du précédent chapitre: toutes les révélations ont été faites. Reste à savoir pourquoi l'austère maître des potions a agi ainsi. Pourquoi a-t-il lui-même suggéré en premier l'introduction de la peste à Poudlard pour ensuite travailler activement à la fabrication d'un remède quelques mois plus tard?Deux attitudes apparemment contradictoires mais qui ont pourtant bel et bien un sens.…

Parole de l'auteur: allez, comme vous avez tous été très gentils, voici donc la seconde partie du prologue. Mais j'aime autant vous prévenir avant que vous ne sortiez l'artillerie lourde pour trucider l'auteur, que ça ne va pas être gai! Vous allez pouvoir vous rendre compte que le « bien » n'est pas toujours vainqueur.

À tous ceux qui m'ont laissé au moins une review, ceux qui m'en ont laissé plusieurs, et tous ceux qui m'ont suivis du début à la fin, je vous remercie très sincèrement. D'autant plus que vu les vacheries que j'ai fait subir à mes héros (et à vous aussi parfois), je suis consciente qu'à certains moments, je méritais tout bonnement d'être écartelée! ^^ Croyez-moi, les meilleurs moments ont été ceux où je lisais et relisais vos écrits, en rigolant parfois devant les délires des lecteurs. Vous avez été formidables.

Remerciements particuliers à:

Ezie : coucou, merci pour ta review, je suis contente que ma fic t'ait plu, et surtout que cela t'ait redonné goût à Camus car lui, c'est vraiment un très grand auteur. Voilà, j'espère que la suite (et fin) te plaira comme le reste. Bonne lecture !

Charlotte : c'est uniquement mon point de vue, mais je pense que Rogue est le personnage le plus intéressant de cette histoire, pas le meilleur ni le plus attachant, mais le plus complexe, le plus tortueux. Tu comprendras pourquoi. Mais tu sais pour Drago, la lâcheté est tout ce qu'il y a de plus humain. Voilà donc la deuxième partie de l'épilogue. Je te souhaite une bonne lecture.

Nandouillettemalefoy : ouf, un peu compliqué comme pseudo. ^^ Alors tout d'abord merci pour ta review. C'est rare qu'un lecture en laisse alors que la fic lui a déplu. Même si tu risques de ne jamais tomber sur ces mots, je vais tâcher de m'expliquer. Sache que je ne cherche pas spécialement à te convaincre, mais au moins à te faire comprendre mon point de vue, et pourquoi j'ai laissé ma fic se finir aussi épouvantablement.

Premièrement : Ron. Je suis d'accord avec toi : ce n'est pas un héros, c'est un martyr. Il se sacrifie pour une cause en laquelle il croit jusqu'au bout : soigner des malades dont personne ne voulait était sa vocation, même en sachant qu'il risquait de mourir. Ce n'est donc pas un héros comme Harry Potter puisqu'il ne sauve personne concrètement, mais ce qu'il a fait est quand même un sacrifice.

Deuxièmement : Neville. Lui n'est pas un ange : c'est un être humain comme tous les autres, qui comporte ses bons et ses mauvais côtés, et un être humain qui de surcroît, s'en prend plein la gueule (passe-moi l'expression) depuis le début de cette histoire. Alors qu'il devienne froid et égoïste à la fin avec Malefoy, celui qui est responsable de la mort et de toutes les souffrances de la femme qu'il aime, ce n'est pas choquant. Très sincèrement si un homme ayant tué une personne qui m'est cher, se présente devant moi comme une fleur et commence à me donner des ordres en se prenant pour le roi du monde, il serait très mal reçu !

Troisièmement : Ginny. encore une fois tu as entièrement raison : elle ne sert à rien, j'en ai fait mon instrument, mon jouet. Mais si je l'ai fait, c'est pour bien signifier que la mort tue et épargne complètement au hasard, sans se soucier des considérations humaines. Voilà pourquoi Hermione est morte alors que c'est elle qui s'est dépensée le plus dans cette fic. On s'est tous déjà dit une fois dans notre vie, mais « Mais pourquoi se sont toujours les meilleurs qui disparaissent? C'est injuste ! » Oui, c'est complètement injuste. Le monde n'est pas comme dans Roméo et Juliette, les histoires d'amour d'amour ne sont pas forcément belles, et même les meilleurs peuvent perdre. Mais ce n'est pas une tragédie, c'est la vie tout simplement. Et parfois la vie, c'est moche comme la peste, c'est bête à en pleurer, et monstrueusement injuste. Le tout est de savoir l'accepter, s'y faire, et le plus dur : apprendre à perdre. Toi aussi, apprends à perdre ! C'est la meilleure façon de se préserver des désillusions et des espoirs brutalement déçus.

Quatrièmement : comment sais-tu que Hermione ignore jusqu'à la toute fin que Drago l'aime ? L'ai-je précisé une seule fois dans le précédent chapitre ? Aurais-tu oublié ce que Neville a retrouvé dans sa main : le peigne ? Je n'ai absolument rien détaillé à ce sujet, mais c'est incroyable que quasiment tout le monde soit persuadé qu'elle est restée dans l'ignorance, alors que je ne l'ai jamais laissé entendre !

Cinquièmement : le remède disparu ? Je réponds à cette question à la fin de ce chapitre.

Voilà, je pense à avoir répondu à tout dans l'ensemble, et peut-être à une prochaine si tu lis ces mots. Salut.

Anais : coucou. Un happy end ? Oui, d'une certaine façon, mais tu verras que ce chapitre-là est quand même moins pire que les précédents. Les années ont passé et l'eau a coulé sous les ponts, et comme c'est bien connu que le temps adoucit les blessures, c'est forcément moins triste qu'au début. Je suis contente que ma fic t'ait plu dans l'ensemble, merci de m'avoir accompagnée tout au long de ce récit. J'ai peut-être des idées pour une nouvelle fic, mais j'attends encore un peu avant que cela ne se concrétise, histoire de ne pas vous livrer un navet. Bonne lecture et à bientôt.

Audrey : hello, merci pour ta review. Bon, j'espère que la suite te consolera un peu de la mort de Hermione, c'est nettement moins noir que le chapitre précédent. Bonne lecture.

Altanais : Tu sauras, tu sauras ! Le dernier chapitre est en ligne et toutes les réponses sont à l'intérieur ainsi qu'un dernier rebondissement pour clôturer cette fic. Bon, je suis contente que tu aies aimé ma fic dans l'ensemble, bien qu'elle soit si noire. Merci de m'avoir suivie jusqu'au bout et bonne lecture !

Une dédicace particulière à:

Scorpions, dont les accords envoûtants du groupe et la voix angélique du soliste ont été pour moi une source d'inspiration inépuisable. Je ne sais pas si un jour ils auront l'occasion de lire ce message, mais bravo et merci à eux pour leur musique sublime, sans laquelle l'écriture de cette fic aurait été sûrement beaucoup plus difficile.

Voilà, j'arrête de vous embêter avec mon blabla. Bonne lecture.

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Épilogue

Chapitre 27: Sept ans plus tard

«… Il n'y plus de Sang-de-Bourbe… Il n'y a plus de Sang-pur, plus de sorcier, plus de moldu… il n'y a plus rien…»

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Sud de l'Angleterre, ESBP d'Oxford (École Supérieure de Botanique et de Potion):

Il pleuvait ce jour-là dans le jardin botanique jouxtant celui de l'université d'Oxford. Un homme d'une trentaine d'année s'occupait de tailler un spécimen rare de « champignon vampire » qui venait d'Asie. Ce sobriquet lui avait été donné en raison du fait qu'il ne poussait que la nuit et brulait à la lumière du jour. À part cela, c'était un champignon tout ce qu'il y avait de plus respectable et qui avait pour propriété intéressante, ajouté à de la poudre de mandragore, de désinfecter et cautériser en même temps n'importe quelle blessure.

Plongé dans son observation, le botaniste sursauta soudain lorsqu'en levant la tête, il aperçut un autre homme de son âge, debout en face de lui. Un sourire éclaira son visage lorsqu'il reconnut l'arrivant. Il se releva aussitôt et s'exclama:

« Hey Neville, ça fait un bail! Comment vas-tu?

L'ex-Griffondor lui sourit et répondit:

-Bien merci, et toi?

-Oh bah moi, c'est la routine, que veux-tu? C'est toujours à moi qu'on refile les corvées pénibles et ennuyeuses. D'ailleurs j'ai encore reçu une de leur nouvelle cochonnerie ce matin et que je dois impérativement examiner avant midi: un champignon vampire, on croit rêver!

-En même, je ne voudrais pas être méchant, mais c'est toi qui a un peu recherché les ennuis en arrêtant les études à la fin du premier cycle universitaire, rétorqua Neville d'un ton malicieux.

-Ouais bon, balaya l'autre. En même temps je ne suis pas trop à plaindre, des fois ça peut arriver aussi que je tombe sur des trucs chouettes. Mais c'est généralement lorsque le chef est de bonne humeur, c'est-à-dire pas souvent.

L'autre homme hocha la tête, peu captivé en réalité par ce bavardage. Enfin, son camarade s'intéressa à lui:

-Et puis toi alors?

-Oh, moi…

Neville soupira puis reprit:

-Rien de neuf non plus, j'ai eu mon master il y a deux ans et j'ai commencé mon doctorat en botanique. Pour l'instant ça se passe bien et normalement dans trois ans, je devrais avoir fini les études.

L'homme avoua alors en rougissant:

-Tu nous manques Neville. Et je ne dis pas ça pour te faire plaisir, mais parce que c'est vrai. Toutes les semaines, j'entends le chef se plaindre de ton absence.

Le jeune homme détourna alors la tête, le visage soudain fermé. Son ami se fit plus conciliant:

-Je sais que vous avez eu un différent, mais ce n'était quand même une raison pour tout plaquer et partir chez les moldus, non?

-Nous avons déjà parlé de cela des milliers de fois Marius, grommela-t-il. Si je suis parti étudier chez les moldus, ce n'est pas à cause du chef, mais pour des raisons anciennes et beaucoup plus personnelles. Tu sais très bien que chez les sorciers, ma position est plus que précaire. Chez les moldus au moins je suis protégé, j'ai un statut.

-En même temps mon vieux, briser ta baguette le jour même de ta sortie de Poudlard, ce n'était pas très malin de ta part. »

En effet, chez les sorciers, la baguette chez les sorciers était l'équivalent de la nationalité chez les moldus. Le bris de celle-ci entraînait la perte du statut juridique dans deux cas: dans le premier cas, lorsque la justice la confisquait de façon définitive, et dans le second lorsque le sorcier la détruisait lui-même volontairement. Celui-ci conservait tout de même sa position de sorcier, sa magie ne pouvant lui être « arrachée » concrètement, c'est-à-dire qu'il pouvait exercer un métier, faire des études, aller ou bon lui semblait. En revanche, il ne pouvait plus voter, ni se présenter aux élections et ne pouvait en aucun cas participer à un procès en tant que témoin.

« Cela aussi, je t'ai déjà expliqué que les raison pour lesquelles j'ai abandonné ma baguette…

-…ne regardent que toi, coupa Marius. Oui, je sais, et j'ai bien retenu la leçon comme tu le vois. »

Neville et Marius s'étaient connus dès leur première année à l'ESBP. Marius venait de Beauxbatons et avait vaguement entendu parler du scandale qui avait éclaboussé Poudlard avec le cas de peste. Mais jamais l'ex-Griffondor n'avait voulu reparler de ces mois terribles et, respectueux de son silence, Marius n'avait pas trop insisté sur ses questions. D'ailleurs aucun sorcier n'était prêt à remettre sur le tapis ces événements qui les avaient profondément marqués.

Poudlard ne rouvrit jamais ses portes. À la suite de cette terrible histoire, de nombreux parents refusèrent d'envoyer leurs enfants à l'école, préférant aller jusqu'en France plutôt que voir partir leurs rejetons partir à « l'École Maudite », comme on l'avait surnommée désormais.
Il ajouter que l'horrible tragédie avait fait rejaillir de nombreuses affaires oubliées, telles que l'introduction d'un homme possédé par Voldemort dans le corps professoral; les attaques répétées d'un Basilique dans les couloirs, puis celles d'un fugitif, ancien prisonnier d'Azkaban; l'arrivée d'un mangemort qui avait été responsable du retour du Seigneur des Ténèbres; et enfin le cas de peste, tout cela en l'espace de six ans à peine, avaient fini de démolir la réputation de la célèbre école de sorcellerie,

Du coup, deux nouveaux collèges avait été fondés, le premier situé quelque part dans le Sud de l'Angleterre et assez proche de la Mer du Nord. Quant au second, il avait été inauguré peu de temps après en Irlande dans la partie britannique, non loin de la frontière.

Du fait de la raréfaction des élèves cette année, Neville n'avait eu aucun mal à se faire accepter à l'école d'Oxford, quoiqu'il n'eût plus de baguette. L'organisation était trop heureuse d'accueillir quelques élèves anglais pour faire la difficile quant à leur situation civique. Aujourd'hui cependant, le garçon était conscient qu'il aurait eu plus de mal s'il s'y était pris maintenant.

Il avait suivi les études de botaniste pendant trois ans, juste le temps qu'il fallait pour obtenir son diplôme de primer cycle, reconnu heureusement dans les universités moldues. Puis, une fois muni de son équivalent de licence, il s'était inscrit illico dans l'université d'Oxford juste à côté. Ce jour-là, le « chef » avait bien manqué de s'arracher le peu de cheveux qu'il lui restait. Désormais, Neville suivait exactement la même formation, mais en "version moldue". Et aujourd'hui, il était presque heureux.

Presque.

La voix de Marius le tira brusquement de ses pensées:

« Tu sais, même si le chef a un sale caractère, il sait très bien au fond, que tu as un énorme potentiel. Et franchement pour une fois, je suis d'accord avec lui (c'est pour dire): ce que tu fais, c'est du gaspillage. »

Neville se renfrogna. Il avait fait son choix il y a des années, et une seule personne aurait pu le faire changer d'avis: la première qui avait vu en lui son fameux potentiel. Sauf que cette personne était morte il y a sept ans… Luttant pour chasser les mauvais souvenirs qui remontaient parfois en lui comme de vieux cauchemars, il rétorqua d'une voix peu amène:

« Je me fiche de ce qu'il pense! Je fais ce que je veux et si ça ne lui plaît pas, et bien c'est pareil!

-Bon, bon, te fâche pas! Fit-il, levant les mains en signe de paix. Je n'insiste pas, tu es content?

L'homme hocha la tête sans sourire, mais Marius ne le lâcha pas de sitôt:

-Et côté cœur, toujours rien?

-Non, répliqua Neville encore plus abruptement qu'au début.

-Toujours après ta rose?

-Toujours. Bon, ce n'est pas que ta compagnie m'ennuie, mais j'ai encore des choses à régler à l'ESBP. Au plaisir Marius. »

Là-dessus, il salua son vieil ami et repartit en direction de l'imposante bâtisse qui se tenait quelque mètres plus loin. Il y avait encore quelques paperasses qui traînaient à son sujet et qu'il souhaitait récupérer définitivement avant que son doctorat ne lui en laisse plus le temps. Marius le regarda une dernière fois partir, un peu triste de ne pas avoir su lui rendre le sourire, quel piètre ami il faisait!

Ce que Marius ignorait, c'est que Neville souffrait en fait d'une blessure trop profonde pour pouvoir guérir. Alors qu'il était sur le chemin, imperceptiblement, son regard fut attiré par une roseraie près du saule pleureur…

_.-◊-._.-◊-._.-◊-._

À Poudlard, dans le parc qui ceinturait ce qu'il restait de la célèbre école de sorcellerie (c'est-à-dire pas grand-chose), une stèle de marbre noir avait été érigée en mémoire à tous les enfants disparus l'année où la peste avait frappé le château et détruit tant de vies. Chaque nom avait été gravé dans la pierre avec un sort de renouvellement pour qu'il ne s'efface jamais. Régulièrement, quelques parents venaient fleurir régulièrement le monument aux morts. Tous les ans, une cérémonie était célébrée près de l'enceinte du château désert.

Ce matin-là, une femme se tenait un peu à l'écart: elle avait rejoint un coin du lac bordant la forêt anciennement interdite. Là se tenait un spectacle étrange et enchanteur à la fois: juste à l'orée du bois, un immense buisson de roses blanches s'épanouissait un peu follement, mais toujours soigneusement (et mystérieusement) entretenu. C'était là qu'elle se rendait.

C'était là que son amie avait été enterrée.

Arrivée devant les fleurs, Ginny s'agenouilla simplement et se recueillit. Peu avant sa confrontation avec Malefoy, Neville lui avait révélé l'emplacement de la tombe. Très souvent, la jeune femme revenait, espérant un jour surprendre son ancien ami, en vain. Elle ne l'avait plus revu, depuis ce soir-là il avait véritablement disparu de la circulation et semblait éviter au maximum tous ses contacts de son ancienne vie. Pourtant, elle était certaine qu'il revenait très souvent.

Car qui d'autre que lui aurait pu entretenir aussi amoureusement ce splendide édifice floral?

Elle sentit soudain une présence derrière elle et devina qui se trouvait là. Si elle ne voyait plus du tout Neville Londubat, lui en revanche, elle le croisait assez souvent, précisément lorsqu'elle se rendait ici. Au début, elle n'y avait pas prêté attention. Mais petit à petit, en le voyant tourner autour de la stèle comme un fantôme, toujours l'air hagard, prise de pitié, elle avait finalement cracher le secret.

Jamais elle n'oublierait l'expression fugace qui avait traversé son visage quand il apprit la vérité. La jeune femme fut brusquement tirée de sa mélancolie par la voix de Malefoy qui murmura derrière elle:

« Tu sais, je suis toujours étonné de te trouver ici Weasey. Cet endroit ne doit pas t'évoquer de bons souvenirs, non?

Elle se retourna alors pour lui faire face et lui répliqua doucement:

-Je pourrais te retourner la remarque. »

Effectivement, Drago Malefoy avait piteuse mine. Le regard voilé d'une tristesse amère qui le vieillissait d'au moins trente ans, la silhouette dégingandée et amaigrie, le visage creusé par des cernes, le menton mal rasé, et les cheveux ternes, l'héritier Malefoy n'était plus que l'ombre de lui-même

Ces dernières années, elle avait vaguement entendu parler des ennuis qu'il avait eu avec le ministère et en était désolée, mais elle n'avait absolument rien pu faire pour l'aider, bien que connaissant son rôle dans la lutte contre le virus à l'époque. Ayant été inconsciente durant plusieurs mois, son témoignage se basant sur le récit d'un ami aux abonnés absents depuis sept ans et dont la baguette avait été brisée dans des circonstances douteuses, personne ne l'aurait cru. Et bien que ce mot la fît grimacer, elle devait bien l'admettre: impuissante, voilà ce qu'elle était.

Oui, Drago Malefoy avait payé très, très cher son acte de lâcheté sept ans plus tôt.

Et Ginny n'avait été mise au courant de leurs activités secrètes, à Hermione et lui, qu'après son réveil, donc trop tard malheureusement. C'était d'ailleurs un miracle que son mérite à elle au moins, eût été publiquement reconnu par les sorciers. On lui avait attribué l'Ordre de Merlin Troisième Classe à titre posthume. Son nom ne serait pas oublié.

Pas par Malefoy en tous cas: ce dernier y veillait rigoureusement, ainsi qu'il le fit bien comprendre:

« Moi c'est différent Weasley, répondit-il. J'en ai besoin. C'est la seule chose qui me rattache à elle désormais: mon dernier contact en quelque sorte, c'est tout ce qu'il me reste d'elle. »

Et Merlin savait s'il ne lui restait pas grand-chose! Dès la réouverture de Poudlard, il avait été assailli de tous les côtés par des attaques diverses, officielles ou personnelles. Épuisée par ses récentes épreuves et par son chagrin, Ginny n'avait pas tout suivi à l'époque. Elle avait dû encaisser dans le même coup l'absence de Neville qui lui manquait cruellement, la mort de sa meilleure amie qui l'avait anéantie, et le soi-disant « assassinat » de l'homme qu'elle aimait : Blaise, et qu'elle avait pleuré si longtemps. Ainsi, elle avait même tellement souffert, qu'elle n'avait plus la force de haïr son prétendu meutrier: Harry Potter. Lorsqu'elle pensait à lui, tout ce qu'elle ressentait, c'était de la lassitude doublée d'un abîme de tristesse.

Comme pour Malefoy en fin de compte.

L'ancienne Griffondor savait juste que la famille déchue avait évité la prison de justesse, et qu'ils avaient été spoliés de tous leurs biens et propriétés, avant d'être finalement contraints à l'exil (cette année-là curieusement, la recette des caisses de l'État augmentèrent sensiblement). On leur laissa tout de même leur baguette aux deux sorciers.

Rejetés de partout, complètement démunis, les deux Malefoy étaient partis en Amérique. Nul ne savait ce qu'ils devenaient là-bas, nul ne savait s'ils s'en étaient finalement sortis, et nul ne s'y intéressait vraiment de toute façon. Ginny ne savait même pas comment Drago s'y prenait pour venir aussi souvent sur la tombe de Hermione, et ne lui avait posé aucune question, se doutant fort bien qu'encore maintenant, le jeune homme et sa mère devaient vivre des temps difficiles.

Et inconsciemment, elle sentait qu'il lui était secrètement reconnaissant de sa discrétion

Soudain, il demanda de manière tout à fait imprévue, prenant Ginny au débotté:

« Dis-moi, penses-tu vraiment que je suis un lâche?

Elle se tourna lentement vers lui et le fixant d'un air incrédule, puis répondit durement:

-Non Drago, tu n'es pas un lâche: tu es encore trop faible pour entrer dans cette catégorie. »

Ginny pouvait éprouver de la pitié envers cet homme détruit, mais cela s'arrêtait là. Après tout c'était principalement de sa faute si aujourd'hui son amie était morte dans d'aussi tristes conditions. Sans un mot, elle se releva, essuya une larme au coin de son œil et repartit rejoindre ses parents qui l'attendaient un peu plus loin, juste à côté de la la pierre sépulcrale sur laquelle était inscrit entre autres, les noms de « Ronald Weasley » et de « Blaise Zabini ».

Enfin seul, Drago s'agenouilla à son tour devant le rosier et laissa couler ses larmes qu'il retenait depuis le début de ce court entretien. Après sept ans, ses sentiments étaient plus vivaces que jamais. Plus douloureux aussi. Le temps n'avait eu aucune prise sur son âme ni sur son cœur, écorchés vifs comme au premier jour : ce jour maudit où il avait appris qu'elle était morte.

Elle…

Heureusement, la présence de Narcissa l'aidait énormément. Depuis qu'il avait accepté de se sacrifier pour la sauver d'un sort injuste, il se sentait plus en paix avec lui-même. Pas une seule fois il n'avait regretté son geste. Même s'il avait perdu bon nombre d'être chers, il avait au moins réussi à sauver sa mère.

Et de ce fait, il avait l'impression quelque part d'avoir réparé le mal fait à l'autre.

Hermione…

_.-◊-._.-◊-._.-◊-._

Un peu nerveusement, l'homme consulta sa montre pour la dixième fois au moins en l'espace de trois minutes. Dans le centre de recherche avancé en médicomagie, aménagé dans les sous-sols de l'hôpital Sainte-Mangouste, il était sur le point d'obtenir un poste très important qu'il convoitait depuis son arrivée: celui de concepteur-en-chef, le plus haut grade d'un chercheur dans cette branche-là. La rencontre n'était qu'une formalité, le directeur de Sainte-Mangouste allait seulement lui communiquer les résultats du vote.

Car l'équipe des concepteurs-en-chef était composée de cinq membres: les concepteurs en questions et le directeur lui-même. Cette année-là, l'un d'entre eux ayant pris sa retraite, la concurrence avait été rude: vingt demandes pour une seule place! Mais il était certain d'avoir gagné. Avec un dossier comme le sien, personne n'oserait le recaler.

Il faut dire qu'il s'était âprement battu pour en arriver là…

_.-◊-._.-◊-._.-◊-._

Sept ans plus tôt, Poudlard:

Après le départ de Londubat, Drago ne s'était pas relevé. Le moment qu'il venait de vivre avait été trop éprouvant. Il avait l'impression d'avoir été chargé de tout le poids du monde sur ses épaules, et c'était presque le cas: après la mort d'Hermione qui lui tombée dessus de façon si violente, et dont il avait appris ensuite tout aussi brutalement qu'il en était responsable, comment était-il supposé surmonter tout cela? Pire qu'un coup de poing, c'était un doloris qu'il se prenait d'un coup en plein visage. Brusquement, il frissonna.

Bien qu'on fût au début de l'été, il avait froid.

Peut-être parce que le soleil ne brillait plus pour lui.

Soudain, une voix forte qui l'appela par son prénom, reconnaissable entre mille, le fit sursauter. Incrédule, il se retourna, croyant devenir fou. Mais non! Il ne rêvait pas: devant lui, descendant lentement les marches puis avançant calmement dans sa direction, Severus Rogue le regardait bien en face comme s'il n'y avait rien de plus naturel au monde. Pétrifié d'horreur et de haine, Drago ne put qu'articuler faiblement:

« Vous? Ici?

-Moi, répondit le maître des potions d'un ton doucereux. Quoi? Tu n'es pas content de me revoir Drago?

-Je vous croyais mort! Riposta Drago avec brutalité.

-Ah. Et donc que je sois en vie n'a pas l'air de te réjouir spécialement.

-Pas du tout en effet, avoua-t-il sans complexe.

-Dommage, soupira Rogue l'air faussement désolé. Cela aurait peut-être pu me mettre en de meilleures dispositions envers toi.

-Que voulez-vous dire?

-Je t'expliquerai tout cela après, dit-il tranquillement, mais auparavant, j'ai une formalité à régler et une nouvelle à t'annoncer. »

Là-dessus, il sortit sa baguette et, avant que Drago n'eût pu l'arrêter, il détruisit la pensine. Ainsi se débarrassait-on de preuves gênantes. Le garçon le regarda ranger ensuite sa baguette, sans bien comprendre ce qui se tramait sous ses yeux. Tout allait beaucoup trop vite. Enfin, Rogue reprit d'un ton détaché, presque indifférent:

« Hier, Narcissa Malefoy a été arrêtée.

-Quoi? S'exclama Drago l'air catastrophé.

-Oui, confirma-t-il faussement désolé. Le ministère a eu vent de certaines manœuvres illégales dont elle était la complice, et peut-être même l'actrice: il paraît que pendant l'année, son mari et elle ont corrompu un honnête employé du ministère, sous les ordres de Voldemort de surcroît, afin d'obtenir un poste stratégique dans le cordon sanitaire qui ceinturait Poudlard et ce, dans le but de récupérer leur fils pour le conduire ensuite auprès du Seigneur des Ténèbres comme il le réclamait depuis le début de l'année. Tragique histoire n'est-ce pas!

Drago suffoquait, incapable de prononcer le moindre mot, sous le coup de l'indignation. À la fin, il put s'exprimer de façon plutôt incohérente:

-Espèce d'ordure! Salaud de bâtard!

-Que de raffinement! Ricana l'autre. Je ne te connaissais pas un vocabulaire si fleuri.

Malefoy ne put en supporter davantage. Il sortit sa baguette et la pointa sur son ancien professeur. Celui-ci comprit aussitôt qu'il avait assez taquiné le jeune homme et qu'il valait mieux se montrer conciliant. Perdant le sourire, il parvint à garder son calme. Comme s'il se fut retrouvé devant une bête dangereuse, il lui parla d'une voix mesurée:

-Drago…

-Mr Malefoy, corrigea furieusement ce dernier.

-Mr Malefoy, rectifia-t-il en soupirant. Je suis le seul actuellement à pouvoir sauver votre mère. Si vous me tuez maintenant, elle pourrira en enfer avec les Détraqueurs. Mais je peux la sauver, j'ai l'intention de la sauver même. Baissez votre baguette et écoutez-moi.

Seul son calme et sa tranquille assurance persuadèrent le jeune homme de lui obéir et de baisser sa garde. Retenant un soupir de soulagement, le professeur des potions poursuivit:

-Nous sommes arrivés à un carrefour décisif : mon pouvoir d'influence peut devenir très important sur les sorciers. Je peux les convaincre de n'importe quoi: si je leur dis que votre mère et vous avez été forcés, ils me croiront. Et si je leur dis que vous étiez du côté de Vous-savez-qui, ils me croiront aussi.

-Ah oui? Coupa Drago d'un ton revêche. Et qu'est-ce qui vous donnerait autant de pouvoir?

-La conception du remède bien sûr, persiffla-t-il.

Malefoy le fixa, un peu perdu. Rogue poursuivit:

-C'est moi qui ai averti les sorciers du cordon sanitaire que l'épidémie touchait à sa fin. Je surveillais Granger d'assez près et je ne me trouvais pas loin d'elle lorsqu'elle a recensé les premiers rats sains à Poudlard. Je n'ai pas encore revendiqué la fabrication du remède parce que je voulais d'abord conclure un marché avec vous.

-Encore un? S'esclaffa-t-il amèrement.

-Oui, et il est très simple: je vous garantie mon aide et ma discrétion. Je m'engage à vous sauver vous et votre mère, à condition que vous laissiez breveter la découverte uniquement à mon nom.

Malefoy le toisa quelques secondes, croyant avoir mal entendu, puis explosa:

-Pardon? Alors si j'ai bien vous voulez vous approprier NOS recherches, NOTRE projet et NOTRE découverte pour vous tout seul? Jamais! Si vous croyez que je vais vous laisser faire…

-Ceci est la seule chose que j'exige de vous, Mr Malefoy, coupa l'autre. Et cette clause est NON-négociable.

-Et si je refuse? Cracha Drago. Si je demande à Londubat de m'aider ou… ou si je révélais au grand monde vos petites combines…

-Un, en supposant que Londubat le veuille, il ne pourra en aucun cas vous aider: je l'ai vu briser sa baguette il y a moins d'une heure, désormais, il ne compte donc guère plus qu'un Cracmol. Deux, vous n'avez aucune preuve: je viens de détruire la pensine. Et trois, si vous refusez de collaborer, je n'ai qu'un signal à lancer en l'air pour que mon hibou personnel envoie ceci à la Gazette du Sorcier.

Il sortit une feuille de papiers où étaient inscrites des lignes pointues, qu'il tendit au jeune homme. Perplexe, ce denier la lui arracha des mains et n'eut qu'à lire le début pour devenir blanc comme un linge.

« Qu'est-ce que… d'où tenez-vous cette lettre?

-Je croyais plus intelligent que cela Mr Malefoy, commenta Rogue d'une voix ennuyée.

Il fallut quelques secondes au jeune Serpentard pour se remettre et pour lancer d'une voix blanche:

-Alors c'était vous qui lui avez donné ce tissus de mensonges?

-Bellatrix m'a écrit le jour de votre départ en me recommandant de remettre cette lettre dans un endroit où miss Granger était susceptible de tomber dessus. Je vous ai vus disparaître ensemble deux ou trois fois dans la chambre de Serdaigle. Le reste a été très facile.

Et comme le garçon en face de lui semblait sur le point de dégainer à nouveau, il crut bon d'ajouter:

-Ah au fait, je précise à tout hasard que j'ai fait trois copies: la première que j'ai glissée dans les affaires de la fille pour qu'elle ne se doute de rien, la seconde que je viens de vous donner en guise de preuve, et la troisième qui est prête à partir à tout moment pour être publiée. Quant à l'originale, elle en sureté quelque part où, s'il m'arrive quoi que ce soit de fâcheux, une personne a reçu l'ordre de la remettre au Magenmagot qui se ferait une joie de l'examiner de près. »

C'était une ancienne amie d'études: Erika Lloyd, mais Malefoy n'avait pas besoin de le savoir. Ce dernier, vaincu et dévasté, ne put que balbutier:

-Pourquoi? Pourquoi avez-vous fait… tout cela? »

Pourquoi? Rogue hésita, mais après tout il pouvait lui dire la vérité maintenant, cela n'avait plus d'importance. Malefoy n'était plus rien désormais. Et si cela pouvait l'aider à comprendre, peut-être la potion passerait-elle mieux. Le maître des potions se racla la gorge et commença son récit:

« Et bien voyez-vous Mr Malefoy, mon ambition depuis mes dix-sept ans, n'est pas de m'enterrer ici comme professeur dans un poste minable, mais de devenir chercheur en potions. Le problème, c'est qu'à cette époque, Vous-savez-qui recrutait déjà à la pelle tous les étudiants prometteurs qui sortaient de Poudlard.
Je ne vais pas m'étendre sur mes erreurs de jeunesse, ni sur les raisons qui m'ont poussé à m'engager dans son armée: j'étais ambitieux et ridiculement naïf, je voulais faire mes preuves, je voulais être respecté, j'étais une proie donc facile pour les Seigneur des Ténèbres. Et comme beaucoup d'autres avant et après moi, j'ai cru à ses promesses mensongères.

Il fit une pause, puis reprit:

-Mais comme vous vous en doutez, j'ai très vite déchanté en devant agir comme un esclave. Je n'avais presque plus de temps à consacrer à mes potions, ni à mes recherches. De plus, j'étais assez lucide pour prévoir ce qui arriverait lorsque l'un ou l'autre camp l'emporterait: si par chance c'était le mien, je ne risquais rien, par contre si c'était l'autre, je pouvais dire adieu à la vie et à mes rêves.

Drago comprenait cela. Quoiqu'on en dise, la première guerre avait été bien plus éprouvante pour les sorciers que la seconde.

-C'est alors, continua Rogue, que j'ai eu l'idée de me faire espion pour les deux camps. Un agent double était ce qu'il y avait de plus commun à l'époque. Sauf que moi, j'avais un atout de plus que les autres: je maîtrisais parfaitement l'occlumencie. Chaque camp crut bientôt que je travaillais pour lui, alors que depuis le début je n'ai jamais œuvré que pour mon propre compte, ma propre survie.

Typiquement Serpentard. Malgré son ressentiment, Drago ne pouvait s'empêcher de se sentir admiratif devant un tel destin.

-Malheureusement, lors de la première chute du Lord, je me suis tout de même trouvé dans une situation délicate: avec la marque sur le bras, j'ai bien failli me retrouver à Azkaban, et seule l'intervention de Dumbledore qui me faisait une confiance aveugle m'a sauvé des Détraqueurs. Seulement, mon innocence avait un prix: j'ai échappé à la prison d'Azkaban pour mieux atterrir dans une autre prison: Poudlard.

Il y avait soudain un tel dégoût sur le visage de Rogue que pour la première fois, Drago eut peur.

-Tu ne sais pas ce que c'est, s'exclama-t-il soudain avec passion, que de te retrouver enfermer dans un rôle qui ne te correspond pas, sans aucune chance de pouvoir y échapper! Je n'ai jamais voulu être enseignant, je déteste les enfants! J'ai été patient au début, conscient de l'avoir mérité. J'ai accepté mon sort de bonne grâce en espérant obtenir un jour une véritable deuxième chance pour recommencer ma vie. Des clous! Les gens qui se targuaient d'appartenir au « Bien » ne savent pas pardonner. C'est là leur moindre défaut, acheva-t-il avec sarcasme.

Le jeune homme comprenait mieux à présent l'aigreur de cet homme qui avait lui-même gâché sa vie par une erreur de jeunesse.

-Au bout de quinze ans, j'en ai eu assez, conclut-il. J'étais coupable, d'accord; j'ai fait des choses répréhensibles, c'est entendu. Fallait-il pour autant que je sois mille fois maudit, et condamné à demeurer cloîtrer le reste de mon existence? Pour moi, cette situation avait assez duré: au bout de quatorze ans, j'estime que l'on m'avait suffisamment fait payer mes fautes passées. La frustration a fini par me rendre aigre et invivable. J'avais envie à tous de vous tordre le cou. Et puis j'ai compris que si je ne voulais pas devenir fou, il fallait que j'agisse, je frappe un grand coup. Alors j'ai eu une idée pour me débarrasser à la fois de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom, de Dumbledore, de mes cours et de mes élèves tout en me réhabilitant aux yeux des sorciers: la peste comme vous le savez.

Drago releva alors tête.

-J'ai donc convaincu Vous-savez-qui d'introduire le bacille à Poudlard. Ensuite, après quelques morts, j'ai pu m'adonner à ma véritable vocation: la recherche d'un remède. Mais pour cela, il me fallait écarter les gêneurs, empêcher que quelqu'un d'autre ne réussisse à ma place. Alors j'ai eu l'idée de suggérer au Seigneur des Ténèbres que par mesure de prudence, nous pourrions neutraliser au moins tous les médecins et médicomages ayant de la famille à Poudlard. Comme vous le savez, l'idée a séduit le Lord et il m'a demandé de lui dresser une liste complète des élèves concernés…

Le garçon eut l'impression qu'un bloc de glace tombait au fond de son estomac.

-En revanche, l'équipe de médicomages accourue sur place ne m'a pas inquiété: ignorants et exposés comme ils l'étaient, je ne leur donnais pas plus de trois mois avant que le dernier ne succombe. J'ai été un peu désarçonné le jour où leur embryon de remède a été volé,* mais finalement, cela n'a eu aucune importance. Quand Dumbledore est tombé, il m'avait déjà instruit du plan pour détruire le Seigneur des Ténèbres. J'ai ensuite poussé Potter à sa mort en lui fournissant l'arme idéale pour parachever sa mission: c'est moi en effet qui ai conçu le « remède meurtrier » en injectant un peu de mon sang dans une de nos préparations, puis en faisant en sorte qu'il tombe dessus un moment ou un autre.

-Et… pour Hermione et moi? Bafouilla le jeune homme d'une voix rauque.

-J'y viens, j'y viens. Je n'étais cependant pas idiot, je savais que je ne pouvais pas travailler tout seul pour la fabrication de l'antidote. J'avais besoin d'aide, et c'est alors que j'ai pensé à vous deux. Une fois le remède terminé, je reconnais avoir eu l'intention de vous liquider purement et simplement, mais les choses ne se sont pas déroulées comme prévu: les recherches ont mis beaucoup plus de temps que je ne l'avais imaginé au départ, et il y avait bien sûr votre couple un peu bizarre qui est apparu sur la scène. Alors à tout hasard, j'ai informé le Lord, au cas où cela m'aurait été utile. La suite, vous la connaissez: le Seigneur des Ténèbres s'est débrouillé pour vous contacter, Bellatrix et Lucius m'ont envoyé chacun une lettre en m'indiquant les instructions à suivre, et j'ai profité de votre fuite pour faire évacuer Potter également.

Oui, Malefoy savait déjà tout cela.

-Quant à Granger, je ne pouvais plus rester auprès d'elle: intelligente comme elle l'était, elle était tout à fait capable de découvrir un jour le pot aux roses. Alors j'ai fait croire à ma mort mais en cachette, je la surveillais étroitement. Heureusement, mon plan s'est déroulé au-delà de mes espérances. J'ai repéré très vite également les signes de son empoisonnement. Toutes mes félicitation au fait Mr Malefoy, vous avez fait là un travail remarquable sur elle, je n'ai même pas eu à m'en débarrasser moi-même. Quant à Londubat qui est venu la rejoindre en cours de route, j'ai hésité au début à l'abattre, mais malheureusement, après la mort de son amie, il s'est cloîtré à l'infirmerie et je ne pouvais rien faire contre lui sans risquer de griller ma couverture, même si au fond, personne ne savait vraiment que j'étais mort, à part Granger.

Severus avait bien calculé son coup.

-Mais finalement, je n'ai pas eu à me tracasser trop longtemps: comme je vous l'ai dit un peu plus tôt, Londubat a brisé sa baguette, se dépouillant ainsi de lui-même de tous ses droits civiques, ou presque tous. De plus, à aucun moment il n'a manifesté l'intention de réclamer quoi que ce soit, alors je l'ai laissé tranquille. Parfois l'humilité et le sens de l'honneur des Griffondor est bien utile… pour les autres! »

Drago fut incapable de sourire à cette boutade. À la place, il questionna encore:

-Et Weasley… je veux dire: la fille?

-Weasley ne possède aucune preuve, à part un témoignage incomplet, reçu après son réveil et la mort de son amie. Mais quoi qu'elle puisse faire, vu les épreuves qu'elle a subies, personne ne la croira. Dans le pire des cas, je pourrais toujours lui jeter un sort de confusion, ou même d'amnésie.

-Et à moi, qu'est-ce qui vous a poussé à m'épargner ce sort? Après tout, cela aurait été facile, n'est-ce pas!

-Justement non, vous êtes beaucoup plus coriace que cette pauvre petite Weasley. Elle, elle est forcément plus sensible que les autres aux attaques mentales depuis sa mésaventure en deuxième année. Sinon, je ne suis pas excessivement doué pour ce sort; je n'ai aucune certitude qu'il puisse marcher sur vous. Mon domaine, ce n'est pas les sortilèges, mais la manipulation Mr Malefoy… la manipulation en tout genre. D'ailleurs puisque nous en sommes là, je vous recommande au passage de ne pas oublier ma proposition. »

Malefoy hocha la tête, les lèvres pincées, réfléchit un moment. Il était tiraillé entre deux envies, deux voix qui se disputaient dans sa tête. La première était son instinct, qui ne le poussait ni plus ni moins qu'à saisir sa baguette et détruire une fois pour toute l'homme qui se trouvait devant lui, le monstre, l'ennemi, celui qui lui avait causé tant de souffrances et de déchirements. Celui qui avait introduit la peste à Poudlard, celui qui avait envoyé à la mort les parents d'Hermione et de tant d'autres élèves, celui qui les avait dénoncés, elle et lui, à Voldemort, avant de le pousser dans la séparation. Celui enfin qu'il n'aurait jamais pensé exécrer un jour encore plus que Potter.

La seconde voix était aussi son instinct, mais qui voulait à tout prix sauver sa mère, la seule personne qui lui restait au monde désormais, sont point d'ancrage dans sa vie éparpillée. Sa mère. Celle qui l'avait aimé et protégé toute son enfance, celle qui avait séché ses larmes, celle qui ne l'avait jamais jugé, celle encore qui l'avait accompagné et soutenu durant ces derniers mois où il n'avait été qu'un minable déchet humain, et même un minable tout court. Celle enfin qui lui avait subtilement montré la voie, jusqu'à le rendre apte à faire le bon choix, trop tard certes mais pour cela, c'était uniquement de sa faute à lui, pas à elle.

Allait-il l'abandonner?

Il y a moins de six mois auparavant, Drago aurait certainement vu les choses sous un autre angle.

Mais de l'eau avait coulé sous les ponts, et il n'était plus aussi sot. Il avait appris. Il ne commettrait pas deux fois la même erreur.

Et quand il releva la tête, Rogue ne lut aucune hésitation dans ses yeux. Malefoy cracha d'un ton mauvais:

-Très bien, j'accepte votre marché, mais je ne donnerais ma parole que lorsque je verrais ma mère en personne devant moi. »

Severus acquiesça simplement. Trois jours plus tard, l'accord était conclu, ils avaient dû enchaîner trois ou quatre serments inviolables avant de réussir chacun à respecter les termes du contrat. Drago avait pu récupérer sa mère en larmes et mortellement coupable, tandis que Rogue, les laissant se débrouiller avec le ministère pour récupérer leurs possessions, lui, récupérait son Ordre de Merlin Seconde Classe pour service rendu au monde sorcier.

Il avait quand même crut bon de préciser au passage que Hermione Granger l'avait aidé dans ses recherches. Un élan de générosité un peu tardif, mais qui avait quand même fait pleurer les mémés dans les chaumières. En fait, il s'agissait surtout d'une manœuvre des plus machiavéliques : car en faisant reconnaître la juste part de son apprentie dans ces lourds travaux, l'homme avait adopté le plus sûr moyen se faire sanctifier aux yeux de la populace. Le monde sorcier s'émouvait de sa prétendue noblesse, de son apparente honnêteté sans faille, et de sa soi-disante loyauté touchante envers une élève défunte.

Désormais, toutes les portes lui seraient grande ouvertes! Plus jamais on n'oserait déterrer son passé de Mangemort devant lui. Et puis maintenant que Granger était morte, cet aveu « innocent » ne lui coûtait rien. Ce n'était certes pas elle qui allait lui chercher des ennuis.

Mais le plus beau dans tout cela, c'est qu'il n'avait même pas eu à s'inquiéter de ses meurtres durant l'année: jamais Malefoy ne parviendrait à prouver son implication dans la mort de cette demi-folle de Lovegood; quant au jeune Zabinni, tout le monde croyait que c'était Potter qui l'avait tué. Personne ne s'était interrogé sur la mort subite et inexpliquée de Voldemort et de ses sbires. On savait juste que des Albanais avaient retrouvé quelques corps qu'on avait réussi à identifier, suffisamment pour déduire enfin que la redoutable menace n'était plus. Et d'après l'examen des cadavres, les médicomages avaient émis l'hypothèse que l'agent responsable de cette hécatombe était une maladie virale inconnue, foudroyante mais heureusement très éphémère et apparemment non contagieuse.

En fin de compte les seuls témoins qui auraient pu gêner Rogue étaient Granger, Malefoy, et éventuellement Londubat. Seulement la première était morte, le second avait perdu tout crédit et le dernier curieusement n'avait jamais été mis au courant de la vérité à propos de cette sordide affaire.

Le grand gagnant de cette guerre, ce n'était ni Dumbledore, ni Voldemort, ni Potter, ni Granger, ni Malefoy, ni Londubat… mais incontestablement lui, Severus Rogue.

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Quelque part au fin fond du continent américain, le soleil ne s'était pas encore levé. Une dame était plongée dans ses pensées mélancoliques. Indifférente à la douceur de l'aube automnale et au spectacle paisible de la nature qui s'éveillait peu à peu, elle n'avait d'yeux que pour la forme allongée dans l'herbe et immobile. Même si c'était devenu une habitude depuis maintenant sept ans, Narcissa n'aimait pas le voir s'abandonner ainsi, tout innocente qu'était son occupation.

Regarder les étoiles.

Elle soupçonnait le petit livre (dont il ne s'était jamais séparé) de ne pas être étranger à cette lubie qui avait saisi son fils dès leur arrivée ici, en Amérique. Une arrivée dont chacun d'eux évitait soigneusement d'évoquer les circonstances dans lesquelles elle s'était déroulée.

Après que Rogue eût tenu sa promesse, il les avait carrément laissés choir, n'étant pas mêlé, leur avait-il dit, à leurs embrouilles. Narcissa et Drago s'étaient battus en vain pour essayer de recouvrir leurs droits dont ils avaient été déchus en raison des agissements de Lucius, étalés au grand jour par de nombreux témoins et victimes de mangemorts. Après plusieurs procès et joutes verbales dans les tribunaux, le ministère en avait eu assez et les avait purement et simplement expulsés du pays avec l'interdiction d'y revenir, sous peine d'emprisonnement, et ce pour vingt-cinq ans.

Ils durent donc partir.

Comme ils ne savaient pas où aller, le service des bannissements et expulsions temporaires leur donna au choix trois destinations possibles: l'Australie, l'Amérique, ou bien l'Irlande non britannique. Comme Drago ne voulait pas aller en Australie à cause de l'éloignement tant géographique que culturel, et Narcissa en Irlande à cause du climat, ils choisirent l'Amérique.

On les fit passer donc par un réseau de cheminette spécial, puis il atterrirent en Amérique, littéralement au beau milieu de rien. Pas d'habitation, aucune présence humaine, rien qu'une vaste plaine nue et désolée. Ni l'un ni l'autre n'avait même pas la moindre idée de l'endroit précis où ils se trouvaient.

Tout était à faire, à reconstruire.

Mais ils y étaient finalement parvenus. Grâce à un sort de localisation, ils avaient pu se rendre dans le village le plus proche et là-bas, comme ils cherchaient un endroit pour dormir mais n'avaient pas d'argent, on leur avait recommandé un petit chalet abandonné dont personne ne voulait. Résigné, ils se rendirent à l'endroit indiqué, croyant passer une nuit épouvantable.

Depuis, ils n'en étaient jamais repartis.

Drago et Narcissa n'avaient vécu que dans des manoirs au luxe ostentatoire et souvent de mauvais goût, ils ne connaissaient ni la simplicité, ni la tranquillité d'une petite maison. Mais à l'écart de la ville, en arrivant en haut d'une colline, bordée par les premiers bouquets d'arbres d'une forêt large et étalée au pied d'une moyenne montagne, tous deux avaient été saisis par le charme mystérieux et rustique qui se dégageait de la maison de bois un peu délabrée.

Bien sûr, ils avaient dû effectuer d'important travaux. Mais grâce aux petits boulots cumulés par Drago, ils avaient pu s'en sortir. Heureusement, il existait à environ cinquante kilomètres de chez eux une grande ville exclusivement sorcière et qui comportait une université polyvalente. Grâce à son indéniable talent, Malefoy avait pu intégrer l'ESSP et obtenir une bourse. Et aujourd'hui, après des années de privations et de travail laborieux, il avait pu obtenir son diplôme de maître des potions.

Narcissa était tellement fière de lui, même si elle aurait souhaité qu'il soit sinon plus heureux, peut-être moins malheureux. Depuis qu'elle l'avait retrouvé il y a sept ans au moment de son marchandage avec Rogue, pas une seule fois elle ne l'avait revu sourire. La fille, Hermione, n'était pas avec lui, mais elle ne lui posait aucune question.

Tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle était morte, rien de plus.

En dépit de sa résolution à ne rien lui dire, elle sentait que son fils lui cachait autre chose, quelque chose de plus sombre, de plus grave. Toutefois, elle se gardait bien de le bousculer comme elle l'avait fait les trois mois où il était revenu au manoir, préférant respecté son deuil et son silence cette fois-ci. De toute façon la situation était simple: à la première allusion qu'elle faisait, il se refermait immédiatement comme une huître, le visage insondable et la bouche cadenassée, se contentant de la fixer en silence, jusqu'à ce qu'elle abandonnât.

Voilà pourquoi elle dut renoncer à chercher à en savoir plus sur cette femme extraordinaire qui avait touché Drago au plus profond de lui-même, là où aucune fille avant elle n'avait su l'atteindre. Cela, Narcissa le regrettait énormément, de ne pas connaître un peu plus la mystérieuse inconnue sans visage.

Car de sa vie, elle ne l'avait jamais rencontrée. Elle ne savait pas à quoi elle ressemblait.

Mais elle connaissait suffisamment le caractère de son fils pour « voir » son amante à travers lui: Hermione Granger n'avait pu être qu'une femme admirable, courageuse, et amoureuse.

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La nuit était tombée depuis longtemps à Poudlard. Devant la roseraie doucement éclairée par la lune, un jeune homme taillait les tiges avec délicatesse, en prenant garde à ne pas écraser les étincelles de fées. C'était le seul moment où il pouvait s'en occuper. La nuit, Poudlard n'était plus aussi triste que le jour. Et puis il y avait moins de risque qu'il croisât quelqu'un…

Une fois sa tâche accomplie, Neville sectionna à la base une des roses épanouies, la tira doucement pour ne pas heurter les autres, et la porta à son visage pour en humer le tendre parfum avec dévotion. La texture soyeuse des pétales lui rappelait celle de ses lèvres à elle. Une sensation exquise qu'il ne pourrait jamais oublier. Doucement, il posa un baiser aérien au cœur de la fleur puis, d'un geste souple, la déposa au pied du buisson, là où était enterrée la femme qu'il n'avait jamais cessé d'aimer.

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(Le Petit Prince, chapitre vingt-sept)

« Tu sais… ma fleur… j'en suis responsable! Et elle est tellement faible! Et elle est tellement naïve. Elle a quatre épines de rien du tout pour la protéger contre le monde… »

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Dehors au même moment, sous les mêmes astres, mais à des milliers de kilomètres de là, le jeune homme contemplait toujours l'infini qui commençait à se teinter de violet. Les étoiles scintillaient encore, certaines commençaient à faiblir, d'autres à s'éteindre, comme des milliers de petits clins d'œil amicaux. Une dernière fois, il voulait les regarder, avant que la lumière du soleil n'eût tout balayé de ses impitoyables rayons. Drago sourit. Il savait au fond de lui que quelque soit l'endroit où elle se trouvait, Hermione était forcément heureuse.

Une nouvelle constellation semblait être apparue dans la voûte céleste, formée de trois étoiles plus brillantes que les autres, trois amis, trois frères et sœur, réconciliés dans la mort, enfin de nouveau réunis pour l'éternité dans le firmament.

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(Le Petit Prince, chapitre seize)

« Si tu aimes une fleur qui se trouve dans une étoile, c'est doux, la nuit, de regarder le ciel. Toutes les étoiles sont fleuries. »

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Fini pour de bon.

*Le remède disparu en début d'année : qui l'a volé d'ailleurs ? On ne sait pas… et moi non plus ! C'est un mystère que je n'ai pas voulu éclaircir. Le voleur est un parfait inconnu, à nous d'imaginer qui il pourrait être.

Alors sinon qu'en pensez-vous? Comment avez-vous trouvé Rogue? Perso, moi je l'aime bien. Ou plutôt, disons que c'est le genre d'homme qui force le respect, le type de personnes qui se bagarrent et qui se donnent vraiment les moyens pour réussir dans leurs ambitions. Honnêtement, je ne laisse pas d'être admirative devant ces gens-là.

Et Drago? Est-ce que vous lui avez un peu pardonné? Je ne voulais pas vous le laisser comme ça: lâche indéfiniment, n'importe qui aurait été profondément transformé par tous ces événements qu'il a vécu. Donc je me suis permis de le rendre meilleur sur la fin. Bon vous me direz, c'est trop tard, mais mieux vaut tard que jamais n'est-ce pas?

Je serais enchantée de connaître vos réaction sur ce dernier chapitre. Et sachez que ça a été formidable de travailler sur cette fic grâce à vous, tous ceux qui me laissent un commentaire à la fin, même si les critiques ne sont pas toujours positives: il en faut même, c'est très intéressant pour améliorer le reste de l'histoire.