Hello People !

Ca fait super longtemps, n'est ce pas ?

Comme vous l'avez probablement vu, je m'étais mis en pause, et puis me revoilà.

Désolée pour cette longue attente, mais honnêtement j'en avais réellement besoin. La reprise des cours s'est faîte en douceur, et puis j'ai pu écrire ce bonus tout aussi doucement. Il est plus long que n'importe quel chapitre, je vous préviens. Accrochez vous.

Je le dis et le répète : Pour celles qui ne sont pas intéressées par ce bonus, vous ne serez pas gênées pour le reste de l'histoire si vous ne le lisez pas.
Vous pouvez donc zapper si vous le voulez et reprendre une activité normale.

Bon.. Les réponses aux reviews, avant de continuer à papoter :

Ilonka: C'est vrai qu'il faut toujours écouter sa mère. On verra ce que ça donne avec Bella. :) Je te souhaite une bonne lecture, ma belle.
Laurie : Le dernier chapitre ne sonne pas tout à fait la fin de l'histoire. Je n'en ai pas encore réellement fini avec cette fiction, même si nous y sommes presque. Tu verras bien, Miss. En tout cas, je te souhaite une bonne lecture.
Adeline : Heyyy ma belle. Un mini-eux ? Nous verrons bien. Je ne lâche aucun info à ce sujet. Taré à mon image ? Hé ! Suis pas tarée ! « My mother had me tested » ( ß Sheldon, TBBT. ) Mais pour ce qui est de revoir Yuri.. Peut-être une fois ou deux. :) Le point de vue Benjamin.. C'est maintenant ! Peut-être que ça pourra t'éclairer, ma belle ! Prends soin de toi en tout cas. Tchoooou.
Lolita : Hey Miss ! Très heureuse de savoir que cette fiction te plaît ! Yep, comme tu le dis, tous les Edward sont pris dans la vraie vie.. Bien que je n'en recherche pas un de mon côté. Je suis contente que le dernier chapitre t'a plu. Voici le point de vue Benjamin, si ça t'intéresse.. Prends soin de toi en tout cas, et je te souhaite une bonne lecture.
Aussidagility : Vivre normalement, je pense pas que ça existe, en vrai. La normalité est subjective. L'important, c'est que tu sois heureuse. C'est tout ce que je te souhaite, du moins. Honnêtement ? Ecrire le dernier chapitre d'AF m'a fait réfléchir à ce propos.. Et je pense sérieusement que je serais tout aussi capable de tuer quelqu'un qui ferait souffrir un des êtres qui m'est cher. Œil pour œil, dent pour dent. Au fond, on a tous ce vieil instinct animal.. M'enfin. Prends soin de toi en tout cas, Miss. Bonne lecture. :)
MarieG : Hey ma belle ! On ne va pas repartir sur ce débat sur le sadisme.. Tout le monde sait que je ne le suis pas. Qui est Tout le monde ? Un bon ami à moi ! Alors, tu as récupéré internet ? James ne reviendra que sur la fin, autant que tu le saches maintenant.. Pas tout de suite tout de suite, quoi. Bella a rendu beaucoup de services à beaucoup de gens au cours de sa vie, alors je suppose que ses « sauveurs » ne font que lui rendre la pareille. Voici le point de vue de Ben, comme tu peux le voir. :) J'ai peur de la fin de cette fic, honnêtement. Ca va me faire tout bizarre. M'enfin.. Merci à toi de me lire, ma belle. On se parle bientôt. Prends soin de toi ! & Bonne lecture. :)
Lucie34 : Hey Miss. Voici la suite que tu attendais. Bella, enceinte ? Je ne sais pas. :) Nous verrons. :) Bonne lecture en tout cas.
Larsand : Ravie que tu me lises, également. :) Tout le monde semble penser que Bella est enceinte.. Je suppose que je n'ai rien à répondre à tout ceci. :) Quoi qu'il en soit je te souhaite une bonne lecture, Miss. A une prochaine. :)
Lisa : Hey la Sauterelle ! C'est pas de ma faute si tu fantasmes sur les gars de cette fiction, hein ! Moi je les écris juste, c'est toi qui t'emmêle, après. Je suis contente que le caractère de Bella te plaise, en tout cas. Inspiré de mon propre caractère ? Hmm, ça dépend, j'imagine. C'est difficile de répondre. Donc je ne vais pas le faire. Mouhahaha. Heureuse que Yuri t'ait plu ! :D On se parle bientôt, tarée ! Peaaace.
Pauline : Hey Miss. Je te remercie d'avoir écrit ce commentaire, ça m'a beaucoup touchée. Je suis heureuse que le dernier chapitre, et l'histoire en général, te plaisent. Merci à toi d'avoir pris le temps de me lire, et de m'écrire ce message malgré que tu ne le fasses jamais. C'est très gentil. Peut-être à une prochaine fois. Prends soin de toi en tout cas. :)
Nina : Hey Miss. :) Très heureuse que cette fiction te plaise ! Tu te doutes que je vais bien devoir l'arrêter à un moment ou un autre, par contre. Tôt ou tard, cette fiction s'affichera complète. M'enfin.. Team Carlisle ? Oui, ça existe. Mais par contre il n'a pas vraiment une grande place dans cette histoire. On verra. Je le ferai peut-être revenir une fois ou deux. Mais rien de sûr. :) Bref. Je te souhaite une bonne lecture. & A une prochaine fois, peut-être. Peace. :)
V : Nope, Miss, je n'arrête pas cette fiction. J'ai pris une pause, certes, mais je ne l'arrête pas. Voici la suite. :) Bonne lecture !
Alice : Owh, c'est gentil. Voici la suite que tu attendais, même si ce n'est qu'un bonus. J'espère que ça te plaira. Prends soin de toi en tout cas, et à une prochaine. :)
Amélie-Flo : Ma belle, voici la suite. Tu me fais toujours rire avec ton entrain de folie, t'es géniale ! Merci d'être là. Prends soin de toi surtout. :)
Lulu : Heeeeey. Non, Katherine ne finira pas au Mexique, et ses organes sur le marché noir. Non non non. Ce n'est point dans mes plans. Un peu de patience pour ce qui est de l'Orphelinat. Tu sauras ce qu'il va devenir vraiment en fin de fiction. Pas avant. Tais toi avec ce talent. Je ne vois pas de quoi tu parles, folle. Bwef. Voici le point de vue Benjamin, je ne sais pas si tu es intéressée.. Bwef number two. Prends soin de toi, Miss ! See ya !

Voilà pour ça. Sinon..

J'espère que ce bonus ne vous étouffera pas par sa longueur.

Je tiens à remercier ma belle Delph, qui a eu le courage de tout corriger. & Puis un merci à ma chérie Flo qui a été là d'un bout à l'autre, et ce malgré mes crises de nerfs régulières.

Je vous retrouve en bas. Bonne lecture.

& HAKUNA MATATA ! =D


« L'amour platonique est un volcan sans éruptions. »

André Prévot.


Point de vue Benjamin

( Trois ans plus tôt.. )

- Je cherche Benjamin, entendis-je.

Je levai les yeux de mon moteur et regardai au dessus du capot. J'aperçus une petite brune qui ne m'était pas totalement inconnue, bien que je n'arrivais pas à remettre un prénom sur son visage. Je fronçai les sourcils devant cette gêne.

- C'est moi-même, lui affirmai-je.

La brune tourna la tête vers moi, et je me rappelai où je l'avais vue. Avec James. C'était la sœur de James.

- Salut, me dit-elle. Je suis Bella. La petite sœur de James et Jacob, que tu connais.
- En effet. J'ai appris pour tes frères.. Ils vont bien ?
- Ca va. Je voulais savoir quand était la prochaine course ?
- Pourquoi ça ?
- Pour participer.

J'observai la nana en face de moi de la tête aux pieds. La seule et unique fois où je l'avais vue, c'était sur le côté de la piste, refusant de monter parce qu'elle n'appréciait pas la vitesse. D'ailleurs ça s'était fini en drame, elle dans les bras de James après être passée de près à côté d'une attaque certaine de King.

- Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, avouai-je en me re-concentrant sur mon moteur.
- Là n'est pas la question. Quand ?
- Demain. 23 heures, répondis-je.
- Bien.
- Mais tu devrais éviter de..

Je relevai la tête et m'arrêtai en constatant qu'elle avait disparu. Je fronçai à nouveau les sourcils en examinant mon garage désormais vide. Elle était partie, comme ça. Elle avait juste voulu savoir quand aurait lieu la prochaine course, et s'était évaporée. Et moi comme un con j'avais répondu. Si James savait que je venais de faire ça, il me tuerait de ses mains. Je levai les yeux au ciel. Bravo, Ben.. T'assures tellement parfois.

[…]

- Cette fille est bizarre, me dit Tia.

Je me tournai vers elle pour observer la fille qu'elle me désignait, et reconnus la sœur de James. Celle-ci était assise sur un tonneau retourné, les pieds dans le vide tandis qu'elle observait la course qui se déroulait devant nos yeux. Son regard ne lâchait pas les voitures des yeux, et je remarquai la manière dont elle était habillée. Un simple jeans et un t-shirt pas assez épais pour une nuit aussi fraîche que celle-ci. Elle devait avoir froid.

- Tu la connais ? Questionna ma petite-amie, voyant que je l'avais toujours pas quitté des yeux.
- Laisse. Je vais aller la voir.
- Ben..

Mais je ne répondis pas et partis en direction de la petite sœur de mon ami. Si déjà je lui révélais comment assister à nos courses illégales et qu'en plus elle y attrapait la mort, James n'aurait aucune pitié pour ma personne.

- Bella ?

Elle releva la tête vers moi et se figea une demi-seconde en m'apercevant, juste avant que son regard ne se fasse déterminé et qu'elle relève les épaules. J'eus l'étrange sensation qu'elle faisait ça pour nous convaincre aussi bien elle que moi qu'elle pouvait être menaçante. Cette fille devait à peine avoir seize ans.

T'en as vingt, fais pas ton vieux, tu veux ?

- Qu'est-ce que tu fais là ? Questionnai-je. Tes frères savent que tu es ici ?
- Comment pourraient-ils l'être ? Ils sont au camp, je te rappelle, cingla-t-elle.
- Je préfère pas que tu restes. Regarde comme tu es habillée, tu vas attraper la mort vu comme il fait froid. Rentre chez toi.. Lui répliquai-je gentiment, sans faire attention à sa remarque.

J'allais poser ma main sur son épaule pour l'inciter à descendre de son perchoir lorsqu'elle sauta sur ses pieds, me faisant face. Son regard de feu balaya mon visage tandis que ses sourcils se rapprochaient au dessus de ses yeux chocolat.

- Pourquoi tu viens me prendre la tête ? J'ai pas besoin que tu paternises avec moi.

J'élevai un sourcil surpris. Elle serait donc prête à mordre.

- Pourquoi tu viens, toi ? Y a rien pour toi ici, rétorquai-je en employant un ton plus dur que précédemment.
- Parce que.
- Parce que quoi ?!
- J'ai besoin d'argent !

Je me tus lorsqu'elle me dit ceci. C'était donc ça..

- Maintenant lâche moi.

La petite s'apprêta à partir mais je la rattrapai par le bras. Elle s'agaça mais je la maintins fermement près de moi.

- Ton frère sait ça ?
- Arrête de tout ramener à mon frère. Je m'appelle Isabella, c'est tout ce dont tu dois te rappeler. Isabella, pas la petite sœur de James. Lâche l'affaire avec lui. Il est pas là.

Elle semblait mi-agacée, mi-peinée que je ne la considère que comme la petite sœur surprotégée de son frère. Je me calmai quelque peu à cette constatation, l'observant davantage. Son bras toujours entre mes doigts était froid, tandis que son visage était fermé en face du mien.

- Désolé, dis-je. Bella, donc.. Je suis Benjamin.
- Je sais.
- T'as quel âge ?
- Pourquoi ?
- Pour savoir.
- Je viens d'avoir quinze ans.
- Je vois.. T'as besoin de combien ?

Je plongeai les mains dans mes poches, à la recherche des billets.

- Quoi ? Mais garde ta tune, j'en veux pas !
- T'as besoin d'argent ou t'as pas besoin d'argent ?
- Je veux pas de ton argent, si je suis venue ici c'est justement pour m'en faire par moi-même.
- Ca revient au même.
- Pas du tout, non !
- Okay okay.. Dans ce cas la prochaine course est pour toi. Si tu gagnes, tu restes, si tu perds, tu te casses. C'est compris ?
- Ca marche.
- Où est ta voiture ?

Je vis de suite son visage changer, des nuances de rose prenant place sur ses joues.

- T'as pas de voiture ? M'étonnai-je.

Elle secoua la tête, soudainement silencieuse.

- Mais alors pourquoi tu viens ici ?
- Pour observer comment ça se passe. Je comptais repasser demain.
- Donc t'as une voiture mais tu l'as pas prise ?
- Non.. Si.. Enfin non. J'en volerai une.

Je levai les yeux au ciel. Pourquoi Dieu fallait-il que je me retrouve avec une gamine de quinze ans sur les bras ? Merde de merde.

- Okaaaay, capitulai-je avec moi-même. Tu vas prendre ma voiture. Tu fais une course, et après que tu gagnes ou que tu perdes tu t'en vas.
- Mais t'as dit que si je gagnais..
- C'était avant de savoir que t'avais pas de voiture. Tu fais juste une course, t'auras assez d'argent pour un bout de temps si tu gagnes. Compris ?

Elle se tut, me regardant étrangement avant de finalement opiner.

- Suis-moi, lui intimai-je en lui tournant le dos.

Je passai à travers la foule, ne faisant guère attention de savoir si elle me suivait ou non. Ca m'arrangerait de la perdre, honnêtement. Si je l'aidais actuellement, c'était juste par respect pour ses frères. Rien de plus. Cependant, je sentis ses petits doigts, délicats bien que déterminés à ne pas me perdre, s'accrocher à mon maillot. Je ne sus comment réagir face à ce contact si direct, et décidai de ne pas m'en formaliser. Nous arrivâmes rapidement près de ma voiture, et la gosse lâcha mon t-shirt sans un mot. Tia arriva près de nous, mais je l'ignorai lorsque je dis à la gamine.

- Elle est à toi pour la prochaine course. C'est dans trois minutes. Tu sais conduire au moins ?
- Bien sûr que je sais, répondit-elle comme si je la blasais de demander. Pas mal, la voiture.
- Fais y attention, prévins-je. Si tu la rayes ou l'abîmes, tu devras trouver de l'argent pour me la repayer, crois moi.
- Le seul truc qui pourrait arriver, c'est qu'elle s'accroche trop à moi et refuse de retourner entre tes mains, lâcha la brune en attrapant les clés que je lui tendais.

Je souris malgré moi à cette réplique alors qu'elle montait sur le siège conducteur. Elle rapprocha le fauteuil du volant, et je me penchai vers elle pour lui dire.

- Je te fais un signe quand c'est ton tour. Mais je te préviens.. Personne te connait, ça m'étonnerait qu'on mise sur toi.
- Personne n'a jamais misé sur moi, alors t'en fais pas, je suis habituée, me fit-elle.

Elle mit le contact, insensible à ce qu'elle venait de me dire alors que ses paroles se répercutaient dans mon esprit à moi. Elle poussa doucement mes mains appuyées sur la voiture des siennes, sa peau touchant la mienne dans un frottement presque irréaliste, et je me relevai, encore un peu choqué par ses paroles.

- Je vais sur la ligne de départ, m'informa-t-elle en enclenchant la première.

J'opinai d'un signe de tête distrait et elle avança à travers les gens, faisant attention à n'écraser personne.

- Qui est-ce ? S'empressa de me questionner Tia. Pourquoi elle a ta voiture ?

Je me tournai vers elle. Tia et moi sortions ensemble depuis trois mois, et je n'étais pas sûr qu'elle connaisse James ou Jacob.

- La sœur d'un ami, déclarai-je.
- Pourquoi elle est là ?
- Parce qu'elle a besoin d'aide.

Je ne dis rien de plus, partant près de la ligne de départ afin d'enregistrer la prochaine course.

- C'est qui dans la Mustang, Ben ? M'interrogea un habitué.
- Une fille qui s'appelle Bella.
- Elle est mignonne, fit-il remarquer en couvant la sœur de James d'un regard lourd. Tu penses que si je mise sur elle elle voudra bien tenir mon levier de vitesse ?
- Retire tout de suite cette idée de ta tête de crevard, Ty. Cette gosse n'est pas pour toi.
- Elle a un gars ?
- Casse-toi.
- Pfff. Tiens. Mise sur Stef pour la prochaine.

J'attrapai les billets sans un mot, enregistrant sa mise. J'eus un bref sentiment de culpabilité en réalisant que je venais de faire perdre une possible mise à Bella, mais me repris rapidement. Les mises se firent rapidement après ça, et comme je l'avais deviné, absolument personne ne voulut miser sur la sœur de James. Celle-ci restait patiente dans ma voiture, observant le volant, passant la main sur le frein à main comme pour le soupeser. Je l'observai d'un œil curieux, intrigué par cette fille que je ne connaissais pas du tout. Je la vis frotter ses bras nus, ayant apparemment froid. Ses doigts se dirigèrent vers le bouton activant le chauffage, mais elle s'arrêta avant de le toucher, sa tête tournant vers moi sans pour autant que ses yeux ne se posent sur ma personne. Je fronçai les sourcils lorsqu'elle reposa lourdement sa main sur le levier de vitesse, comme résignée.

- T'es prêt ? J'ai enregistré toutes les mises, m'avertit Tia. On lance la course ?
- Attends..

Je sortis tous les billets que j'avais dans la poche, et comptai grossièrement ce qu'ils valaient. J'en pris la moitié, et les tendis à Tia.

- Mets ça sur Bella.
- Bella ? Mais.. Benjamin ça fait plus de 4.000 dollars !

Je lui pris le cahier des mains, pas enclin à discuter ce soir et enregistrai moi-même ma mise. Tia s'étouffa de son côté tandis que je dis à Cassie - une habituée - de lancer la course. Celle-ci traîna son derrière à peine recouvert entre les deux voitures, lançant le premier signal. Je m'avançai vers ma Mustang, observant la gamine se préparer à sa très prochaine course. Celle-ci avait ramené ses cheveux en un chignon derrière sa tête, la main bien fixée sur le levier de vitesse tandis que sa main libre empoignait le volant avec détermination. Cassie lança la course, et j'eus à peine le temps de voir la gosse partir. Elle s'en alla à toute vitesse sur la piste, ne laissant pas le temps à Stef de se préparer à la contrer. Celui-ci fila à son tour sur la route, un peu moins rapidement. Cependant, je connaissais assez bien Stef pour savoir que sa spécialité était la queue de poisson. S'il réussissait à passer devant la gosse, il l'aurait sans mal. Stef s'y connaissait bien en demi-tour, effectuant le sien en à peine quatre manœuvres. La gamine allait perdre.

Cette dernière était presque en bout de piste désormais, et ce fut à ce moment-là qu'elle nous surprit tous. Je vis ma voiture faire un 180° en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire, et avant que je n'aie pu réaliser ce qui venait de se dérouler sous mes yeux, Bella repartait de plus belle. Elle emmena la Mustang dans les tours, la poussant à fond. Elle ne ralentit pas en arrivant près de la ligne d'arrivée, et – pour bien faire comprendre à tout le monde que ce n'était pas une rigolote – tira à nouveau sur le frein à main, se garant à la perfection juste à côté de l'Audi de Mick. J'ouvris des yeux éberlués devant ce geste, sous le choc. Le calme se fit dans la foule, personne ne prêtant attention à Stef qui arrivait seulement. Elle s'était garée en une fraction de seconde, parfaitement dans l'axe. Putain, cette gosse savait quoi faire d'une voiture.

- Wow, entendis-je. Elle est foutrement sexy.

Je ne relevai pas le commentaire de Ty et observai la petite dans ma voiture. J'étais assez proche pour apercevoir sa poitrine se soulever rapidement, traduisant une respiration apparemment hachée. Sa main alla se poser sur son cœur, en un geste rassurant envers elle-même. Un sourire naquit sur sa si jolie bouche, une seconde avant qu'elle ne semble se rappeler qu'elle était dans ma voiture.

Lorsqu'elle sortit du véhicule, je ne pus que constater l'étrange sensation que cette fille me procurait. Ca ne me dérangeait aucunement qu'elle reste dans ma voiture, au contraire. Je voulais bien la lui donner si ça provoquait chez elle un sourire semblable à celui qui avait animé sa bouche quelque seconde auparavant. Elle avait un talent inestimable en matière de conduite, et ça me coupait le souffle. La foule applaudit soudainement lorsque la petite ferma ma portière, mais je n'en fis rien. J'étais comme déconnecté, étonné et époustouflé par sa prestance. Après plus d'un an à organiser ce genre de course, et des années d'observation, je n'avais que très rarement vu une aussi bonne course, et une aussi belle arrivée.

La petite sembla rougir devant toute l'attention soudaine que les gens lui portaient, et elle se fraya difficilement un chemin vers moi. Lorsqu'elle me fit face, elle me sourit sereinement et laissa choir mes clés dans ma main ouverte.

- Merci pour ça, me dit-elle.

J'observai ce sourire qui semblait illuminer de la meilleure manière qui soit ses traits si fins. Cette go – Bella, était réellement belle. Naturellement belle. Aucun artifice ne recouvrait sa peau rosie par l'adrénaline, et aucune paillette n'avait été ajoutée à ses paupières malgré ses yeux brillants.

- Je savais que t'étais douée, Chérie, entendîmes-nous.

Elle se tourna vers l'homme qui avait dit ça, et son visage se ferma instantanément en apercevant Royce. Une pointe de tristesse traversa ses prunelles chocolat avant que son regard ne se fasse dur.

- J'ai une nouvelle voiture.. Je me disais que peut-être tu aimerais qu'on y mette le feu ensemble.. De l'intérieur.
- Va te faire foutre, King, cracha-t-elle.
- Allez, viens Poupée, je te promets que tu vas aimer ça.

Il s'avança vers elle et avant que je n'aie pu esquiver un seul mouvement le poing de la sœur de James s'écrasait sur la joue de Royce, faisant vaciller ce dernier. Bella secoua la main en grimaçant, et King releva son visage désormais abîmé – sa lèvre étant en sang -, il fronça les sourcils et dit.

- Espèce de petite pute, tu vas voir ce que je vais te mettre, s'énerva-t-il.

Bella s'avança vers lui sans attendre, et juste avant qu'il ne se saisisse de ses épaules, elle lui mit un violent coup de genoux en plein entrejambe. Royce s'écroula par la suite, et Bella l'observa s'écraser au sol sans sourciller. Alors que je m'attendais à ce qu'elle ne le frappe à nouveau, elle n'en fit rien, s'éloignant de lui sans plus lui prêter attention. Ce n'est pourtant pas ça qui arrêta Royce King.

- Salope ! Je te promets que je vais te faire du mal !
- Arrête de me saouler.
- N'oublie pas que je sais où tous les ratés comme toi habitent !
- Approche de toi de l'orphelinat et je te jure que je te noie dans une bassine d'eau de Javel.
- Va te faire enculer !
- Toi d'abord, pauvre chien.

Royce se releva et s'en alla en se tenant le pantalon, visiblement en pleine souffrance.

- Et ramasse tes couilles en partant, lança Bella.

King se retourna par réflexe.

- Ah non, c'est vrai, t'en as pas, ajouta la gosse pour bien l'enfoncer jusqu'au bout.

Le petit public qui s'était formé autour de nous éclata de rire face à cette réplique. Royce rougit pitoyablement avant de pousser la personne à côté de lui et de passer. Bella l'observa s'éloigner et sa tête se baissa une seconde. J'aperçus son regard se voiler d'une peine profonde, avant qu'elle ne se ressaisisse et ne se remette droite et ajoute en un quart de seconde :

- Je rentre. Bonne soirée.

Qu..Quoi ?

Elle disparut en un clin d'oeil, se frayant un chemin parmi la foule, s'effaçant dans la masse.

- Bella ! Appelai-je.

Mais la gosse ne sembla pas m'entendre, et bientôt je la perdis de vue. J'essayai de la retrouver, poussant les habitués afin de lui parler. En vain. Elle n'avait même pas pris son argent. Elle était venue pour ça et n'avait même pas pris le temps de le reprendre en partant. Tout ça à cause de Royce King, encore une fois.

Le lendemain, je ne la revis pas, malgré ce que j'avais imaginé. J'aurais pensé qu'elle serait venue récupérer son butin ce samedi, après être partie si vite hier, mais elle ne le fit pas. La soirée et la nuit se déroulèrent tranquillement, bien que j'appréhendais de la revoir, de la saisir du regard à travers la foule. J'avais observé chaque tête brune, chaque jeune fille, espérant tomber sur elle, mais elle ne vint pas.

Cependant, comme je n'étais pas quelqu'un qui laissait tomber facilement, je cherchai des infos sur elle, et fus rapidement renseigné à son propos. C'était la petite protégée de James, et celui-ci avait plusieurs fois bataillé pour qu'on ne pose même pas le regard sur elle, ne la mélangeant pas à tout son business habituel. Cette gamine était étonnement éloignée de tout ça, complètement à part concernant la merde que son frère gérait sur Seattle. Elle était connue par les gars du milieu sans l'être, ayant juste été aperçue au bras de son frère, ou dans sa voiture. C'était celle que personne n'avait osé abordée, apeuré par la folie de James et de son attachement pour elle.

Ca ne me freina aucunement, et c'était ce pourquoi j'étais là aujourd'hui. Il était sept heures et demi, et une nouvelle semaine commençait sur Seattle. Il faisait froid en ce matin de novembre, mais ça ne m'avait pas empêché de partir très tôt de chez moi. Je ne pouvais pas resté dans mon appartement à cogiter à propos de cette fille qui avait si vite disparu vendredi soir. Car oui, bien malgré moi, je n'arrivais pas à me l'enlever de la tête.

Je sortis pourtant de mes pensées en entendant la porte s'ouvrir, et relevai la tête. Je la vis enfin. Elle était là, fermant la grande porte en bois massif avec discrétion, veillant à ne pas faire trop de bruit. Elle était habillée d'un jeans foncé et d'une paire de converse noire, tandis qu'un pauvre sweat la protégeait du froid. Elle avait relevé ses longs cheveux bruns en un chignon lâche et négligé, et je pouvais apercevoir une bretelle de sac à dos sur son épaule gauche. Isabella sortit de la cour de l'orphelinat, et se tourna vers la rue, me remarquant pour la première fois. Elle fronça les sourcils en m'apercevant, et se rapprocha instinctivement du portail de l'orphelinat.

- Qu'est-ce qui a ? Questionna-t-elle. J'ai fait quelque chose à ta voiture ?
- Quoi ? Non.
- T'es venu pour balancer à ma mère que j'étais sur la piste vendredi ? M'accusa-t-elle ensuite directement.
- Non, non, rien de tout ça. Détends-toi, la rassurai-je.

Son visage se dérida quelque peu, tandis qu'elle osait s'éloigner du portail qui marquait le début de sa propriété. J'observai l'orphelinat d'un œil discret. Ce dernier n'était plus en service depuis plusieurs années, désormais. Ayant fermé après la création d'un nouveau centre social en centre ville. Le dit centre social avait réuni les deux orphelinats de Seattle, et tous les gosses avaient été transférés vers la nouvelle structure. Enfin, tous, sauf Isabella.

- Qu'est-ce que tu viens faire ici alors ?

Je reposai les yeux sur la protégée de James.

- Je suis venu te parler.
- Je n'ai pas le temps, je dois aller au lycée.
- Tu y vas à pied ?
- Ouais, répondit-elle en se mettant à marcher.
- Ca te dérange si je t'accompagne ?
- Tant que tu ne me mets pas en retard.
- J'ai ma voiture, sinon. Tu veux que je t'y conduise ?

Elle s'arrêta brusquement, me faisant face malgré sa si petite taille.

- Qu'est-ce que tu veux ? Interrogea-t-elle. Pourquoi t'es ici ? Tu veux me parler de quoi ?

J'élevai les sourcils devant son regard si direct. Elle n'appréciait visiblement pas ma démarche.

- Viens, je vais te conduire au lycée, nous en parlerons dans la voiture.

J'allai la prendre par l'épaule lorsqu'elle se dégagea.

- Je monte pas avec toi. Je te connais même pas, c'est mort. Laisse-moi tranquille.

Elle se remit en route et je la suivis. Bella se retourna brusquement et j'arrêtai son poing serré juste avant qu'elle ne l'écrase sur ma joue. Elle sembla déconcertée par mon réflexe, tandis que son poing était toujours dans le mien. Je fronçai les sourcils en lisant l'inquiétude s'inscrire sur son visage.

- Je ne veux pas te faire de mal, la prévins-je. J'ai pas d'arrière pensée.
- Alors pourquoi t'es ici ?

Je sortis l'enveloppe de ma poche.

- Tu es partie sans ton argent vendredi. Je sais que t'en as besoin, et.. Il est à toi.

J'ouvris son poing entre mes doigts, et y posai l'enveloppe emplie d'argent. Elle écarquilla les yeux en sentant le poids assez conséquent de son butin.

- Maintenant, va à l'école, lui dis-je simplement. Tu vas être en retard.

Je refermai ses doigts sur l'enveloppe, et la lâchai. Elle m'observa étrangement, comme en pleine révélation, et je détournai le regard. Je traversai la rue sans attendre, mes pensées se bousculant dans ma tête. Pourquoi avais-je tenu à la revoir pour lui donner cet argent ? Okay j'étais quelqu'un d'assez honnête, mais pas au point de courir après les gens pour leur donner de la tune que j'aurais pu garder pour moi. Cette gamine était différente, et je n'arrivais plus à me la sortir de la tête depuis qu'elle m'avait dit qu'elle avait besoin d'argent. Et pourtant, il fallait que j'arrête d'y penser. Surtout après ce matin.

Je montai dans ma voiture et démarrai sans faire plus attention à elle. Je la revoyais encore essayer de me frapper, apeurée parce qu'un gars comme moi la suivait. La traquait presque. Si elle savait que je m'étais renseignée sur elle tout le week-end...

J'arrivai rapidement dans mon garage, et ouvris la porte de celui-ci. Je n'avais pas envie de retourner chez moi, de peur que Tia n'y vienne. Lui expliquer pourquoi j'étais d'une humeur de merde était la dernière chose que je voulais faire aujourd'hui. J'ouvris le capot de la vieille Chevrolet et observai le moteur d'un œil discret. Steeve m'avait demandé de réparer la voiture de son père, en échange de 200 billets. Il y avait juste les bougies à changer, et quelques réglages à faire. Rien de bien compliqué. J'enlevai mon manteau et le jetai sur le meuble à ma droite. Je relevai mes manches et plongeai mes mains entre les fils et autres pièces de voiture. Ca me détendit à peine, mais m'occupa l'esprit durant de longues minutes.

J'étais en train de remettre correctement un piston dans son cylindre lorsque j'entendis du bruit. Je relevai rapidement la tête, attrapant ma clé à molette d'un réflexe. Il y avait beaucoup de gars qui passaient par ici suite à une mauvaise course le week-end, et me réclamait de l'argent. Certains d'entre eux étaient totalement givrés. Je baissai cependant mon bras en apercevant la sœur de James faire un pas en arrière devant la menace que je représentais.

Je fronçai les sourcils en la voyant, et elle sembla gênée de se trouver là.

- Je suis désolée, dit-elle tout bas. D'avoir essayé de te frapper.
- Tu ne devrais pas être au lycée, à l'heure qu'il est ? Contrai-je en désignant l'horloge.

Il était un peu moins de 9h20, et les cours avaient commencé il y avait déjà plus d'une heure.

- Je voulais pas que tu crois que..
- Je ne crois rien, coupai-je. Je n'aurais pas dû venir te saouler devant chez toi. J'aurais juste dû mettre l'enveloppe dans la boîte aux lettres.

Je reposai les yeux sur le moteur, et attendis qu'elle disparaisse comme elle l'avait fait les deux fois précédentes.

- Je ne pensais pas que tu me les redonnerais. J'y ai pensé en rentrant vendredi soir.. Mais je n'ai pas eu envie de retourner sur la piste. Il faisait froid, et puis il y avait Royce.. Je supporte pas de le voir.

Je relevai la tête malgré mon désir de m'éloigner d'elle, et rencontrai son regard chocolaté.

- Pourquoi est-ce que tu as besoin d'argent ? Questionnai-je. Il n'y a plus personne à l'orphelinat ?
- Si, la directrice. Je suis restée avec elle.
- Alors pourquoi ?

Elle détourna les yeux, et je ne pus comprendre toutes les émotions qui traversaient son visage. Soudainement, elle releva la tête.

- Je dois retourner au lycée, lança-t-elle.
- Quoi ? Non. Tu te pointes pas ici pour t'excuser et ensuite te recasser. Dis moi.
- Je te connais même pas !
- A partir du moment où tu viens dans mon garage parce que tu me cherches, je crois que l'excuse de « Je te connais pas » est annihilée. Dis moi simplement.. Peut-être que je pourrais t'aider, qui sait.
- Ma mère est fatiguée, en ce moment. Trop fatiguée. Elle a dû mal à se remettre du départ de mes frères et puis elle est malade, une grippe qui ne veut pas partir. Je voulais juste faire les courses et lui racheter un ou deux livres, afin qu'elle ne soit pas obligée de sortir, qu'elle puisse se remettre correctement. Ca te va ? Je crois pas que tu puisses aider en quoi que ce soit. Alors j'y vais.
- Je pourrai t'emmener au magasin, ajoutai-je avant qu'elle ne quitte mon garage. On peut y aller tout de suite, si tu veux. Ca t'évitera de porter tous les sacs..

La gosse se tourna vers moi, me regardant bizarrement. Je ne lui laissais pas le temps de me dire non et m'essuyai les mains sur mon chiffon. J'attrapai ma veste, et allai la mettre lorsque je tombai sur le sweat-shirt que la gamine portait. Je soupirai doucement, et posai finalement mon blouson sur ses épaules. Elle m'observa longuement, sans un mot, et je réajustai la veste bien trop grande pour elle sur son petit corps. Je voulais la protéger du froid de Seattle.

Je voulais la protéger tout court..

- Tu viens ? Questionnai-je finalement.

Elle hocha la tête timidement, et m'emboîta le pas. Je souris intérieurement en la voyant me laisser l'approcher. Cette gosse était différente. Et je ne savais pas à quel point encore elle le serait à mes yeux, à ce moment-là..

[…]

Isabella avait été là chaque vendredi et chaque samedi après cette fois-ci. Elle venait avec une voiture volée, bien que je lui aie dit d'arrêter ça. Elle n'écoutait pas et courrait avec des voitures différentes chaque semaine. Elle ne perdait jamais, au plus grand damne de ses concurrents.

Les mois passèrent, et nous nous étions inscrits dans une petite routine. De mon côté, je passais la semaine normalement en compagnie de Tia et Isabella allait au lycée, et le week-end, je la retrouvais pour mon plus grand soulagement. Elle et Tia s'entendaient parfaitement, et Bella se montrait tout à fait adorable lorsque je ne la contrariais pas. C'était une fille intelligente, douée d'un sens aiguë d'empathie et d'une gentillesse sans égale. Cependant, c'était en parallèle la plus grosse tête de mule que je connaissais, et j'avais beaucoup de mal à lui faire entendre raison. Une certaine relation s'était instaurée entre nous. Je m'étais attaché à elle, et éprouvai le besoin de savoir qu'elle allait bien en permanence. Je veillai sur elle, bien qu'elle ne le sache pas. Ou du moins pas entièrement. Je gardais beaucoup de mes petits secrets pour moi, ne les partageant même pas avec Tia. Je faisais juste tout ce qui était en mon pouvoir pour qu'Isabella aille bien et n'ait aucun problème.

Mais même si j'avais le bras relativement long sur Seattle, je ne pouvais la protéger de tous les problèmes de la vie. Un soir, Isabella ne vint pas sur le parking où se déroulaient les courses. Je ne l'avais pas vue de la semaine. Nous qui nous nous rencontrions toujours une fois ou deux, autour d'un café ou devant son lycée, la voir cette semaine de Janvier s'était pourtant révélé impossible. Elle n'avait donné aucun signe de vie, et ça me tracassait. Je n'avais rien tenté durant la semaine, me raisonnant à coup de « Tu la verras ce week-end ». Seulement, nous étions vendredi, la nuit était bien avancée et elle n'était pas là. Si l'on suivait ses habitudes, elle aurait dû être arrivée depuis trois heures déjà. Elle ne répondait à aucun de mes appels, et ça m'inquiétait énormément.

- Tia ? Appelai-je.
- Ouais ?
- Tu peux t'occuper des dernières courses, s'il te plaît ?
- Pourquoi ? Tu vas où ?

Elle m'observa avec inquiétude, et rapidement, la compréhension prit place dans ses prunelles.

- Bella..
- Je ne l'ai pas vue depuis le week-end dernier. Elle devrait être là à l'heure qu'il est. Elle ne décroche pas quand je l'appelle.
- Ben, elle n'a pas besoin d'argent tous les week-ends. Vu ce qu'elle a gagné la semaine dernière, elle n'a plus besoin de venir pour plus d'un mois.
- Ce n'est pas normal qu'elle ne soit pas là, m'entêtai-je. Au moins elle pourrait répondre au téléphone.

Ma petite amie baissa les yeux, comprenant que j'irai de toute façon, avec ou sans son consentement. J'étais prêt à renvoyer tout le monde chez eux s'il le fallait, et annuler les courses du week-end.. Parce que c'était de Bella, dont il s'agissait. Et Tia le saisissait parfaitement.

- Je m'occupe du reste de la soirée, souffla-t-elle. Vas-y.
- Je te remercie.

J'embrassai ses cheveux, et m'éloignai déjà.

- Envoie-moi un message si elle a un problème, me dit-elle avant que je ne m'évapore.
- On fait comme ça. Et si tu la vois.. Appelle-moi.

Je rejoignis le parking où se trouvait ma voiture sans attendre, entrant dans celle-ci tout aussi rapidement. Je pris la route, direction l'orphelinat. J'avais déjà raccompagnée Bella jusque chez elle, je savais même où se trouvait la fenêtre de sa chambre.

Rejoindre l'ancien orphelinat fut aisé, j'y parvins en à peine quelques minutes. Je sortis de ma voiture et claquai doucement la portière, observant l'intérieur de la bâtisse à travers les fenêtres visibles depuis la rue. Tout semblait éteint. Ce qui était plutôt normal, à deux heures du matin. Seulement Isabella n'était pas endormie, habituellement, à cette heure. Non, elle faisait le mur et était en train de courir sur les pistes. J'ouvris le portail en silence, refermant celui-ci derrière moi. Je fis le tour du bâtiment, essayant de me repérer malgré l'obscurité ambiante. Lorsque je fus sous sa fenêtre, je rappelai. Mais alors que je m'attendais à ce qu'une lueur illumine sa chambre, rien ne se passa. Je raccrochai en entendant la messagerie s'activer, et mon téléphone sonna à ce moment-là.

- Ouais ?
- Tyler dit qu'il l'a aperçue sur les pistes, elle te cherchait. Il l'a trouvé bizarre, ou je sais pas quoi. J'ai cherché partout, et je suis sûre qu'elle est pas là à l'heure actuelle. Mais elle est passée.. Elle va probablement rentrée chez elle, tu devrais attendre là bas.
- Elle avait l'air bizarre ? Répétai-je.
- C'est ce qu'il a dit, affirma Tia. Elle voulait pas courir, elle te cherchait simplement.

Merde. Elle devait avoir des problèmes.

- Pourquoi elle répond pas, dans ce cas-là ?
- J'en sais rien du tout. Ecoute, le mieux c'est que t'attendes, okay ?
- Ouais, je vais faire ça. Tu me tiens au courant si t'as du nouveau ?
- Et fais en de même de ton côté. A toute.

Ma petite amie raccrocha, et je rebroussai chemin jusqu'au trottoir en face de l'orphelinat. J'allai m'asseoir dans ma voiture, enclenchant le chauffage devant cette nuit encore une fois glaciale. J'espérais que Bella allait bien. Ce n'était pas normal ce qui était en train de se passer, et je détestais ça. J'espérais qu'elle avait chaud, et qu'elle allait rentrer vite. Je restais là ce qui me sembla être une éternité. Le temps passait aussi lentement que mon inquiétude s'amplifiait, et je sursautais presque lorsque, plus d'un quart d'heure après, mon téléphone sonna.

- T'as des nouvelles ? Questionnai-je à Tia.
- Ben, ça craint pour moi. J'ai des problèmes, j'ai besoin de toi tout de suite. Trois gars dans la ruelle derrière le Starbucks près de la bibliothè –

La ligne se coupa.

- Bella ? M'inquiétai-je. Bella ?!

Mais mon téléphone quitta de lui-même la communication, signe que celle-ci avait été rompue par Bella. Le Starbucks était à cinq minutes à pied d'ici. Je descendis de ma voiture en la fermant d'une pression rapide sur la sécurité centrale, et me mis à courir vers la ruelle où Bella m'avait assurée se trouver.

Avec ces trois gars.

Je courus plus vite que jamais, manquant de me faire écraser par un poids lourd qui n'eut pas le temps de me voir arriver. Je l'esquivai sans mal, nullement intéressé par un quelconque retardement. J'arrivai près de la bibliothèque, et entendis un cri qui me fit réagir de la tête au pied. Mon esprit tout entier cria en retour, haineux à l'idée que l'on ait fait crier la sœur de James. J'arrivai finalement dans la ruelle près du Starbucks, et je compris tout de suite ce qui se passait. Bella venait d'être jetée à terre par un de ces trois enfoirés, et ses deux acolytes riaient aux éclats.

Je n'attendis pas plus longtemps pour me propulser vers eux, je ne freinai pas ma course une fois arrivé à leur hauteur, et taclai le premier sans ménagement. J'atterris sur lui et avant qu'il n'ait eu le temps de comprendre, mon poing s'écrasait dans toute sa puissance sur sa tempe, le mettant tout de suite au tapis. Je me relevai précipitamment et aperçus le deuxième gars m'observer avec des yeux ronds. Je me jetai sur lui mais il répliqua, son genou se relevant au bon moment pour battre mon estomac de plein ne me laissai pas atteindre par la douleur, et le plaquai contre le mur de la ruelle. Il me fallut mes deux bras pour l'immobiliser, et, alors que tous mes membres étaient pris, je lui mis un coup de tête des plus violents.

A raison d'avoir plusieurs fois administré ce genre de coups, mon adversaire fut plus sonné que moi, et il me fut facile de le jeter au sol dans un dernier coup de coude. Je me tournai finalement vers le dernier, et aperçus la lame de son couteau. L'homme se tourna vers Bella qui venait juste de se relever, et j'écarquillai les yeux en le voyant diriger sa lame vers elle. A défaut de pouvoir arrêter l'homme armé, je poussai Bella, l'éloignant. Je sentis la douleur bien avant d'apercevoir le sang couler de mon bras. La plaie m'apparut à peine deux secondes après, cependant, traçant un trait vif sur la peau de mon avant bras. J'entendis Bella gémir de douleur, et lorsque je relevai la tête vers elle, je me reçus un coup de coude en plein dans l'arcade. Je sifflai de douleur en me retenant difficilement au mur, et ne vis presque pas l'homme s'approcher de moi. Mes doigts frottèrent la bâtisse derrière moi, à la recherche d'une quelconque aide. Je ne trouvai rien, et, tentant le tout pour le tout, je m'avançai rapidement vers l'homme en face de moi, et lançai mes mains tendues à plat sur ses oreilles, frappant vivement ses tympans. Il cria sous la douleur, ses doigts lâchant d'eux même le couteau tellement ce coup le déstabilisa. Je profitai de ça pour lancer mon poing sur sa mâchoire, et l'envoyai puissamment contre le mur d'en face. Le bitume lui rendit mon coup, et l'homme fut assommé. J'haletai après cet échange, prenant à peine conscience de ce qui venait de se passer.

Je me rappelai cependant du gémissement de Bella, et me tournai vivement vers elle. J'aperçus le sang couler du bas de son dos, et mon cœur rata un battement.

- Il t'a coupée !
- C'est rien, me dit-elle. Toi, par contre, ça va pas, fit-elle en désignant mon bras dégoulinant de sang. Je t'emmène à l'hôpital.
- La Mustang est..
- Pas le temps, me coupa-t-elle.

Elle trottina jusqu'à la rue, et elle disparut rapidement. Je jetai un dernier regard aux trois hommes que je venais de mettre hors d'état de nuire, ou du moins de manière momentanée. Aucun des trois ne semblait conscient. Le couteau du troisième était à côté de lui, taché de mon sang. Et de celui de Bella..

Je pris le couteau et l'essuyai à l'aide de ma veste. J'enlevai toute trace de sang, et essuyai ensuite le manche avec précaution, enlevant toute empreinte possible. Je relevai la tête en entendant le moteur d'une voiture, et Bella me fit signe de venir depuis le bout de la ruelle.

Cette gosse volait une voiture plus vite qu'il ne le fallait pour le dire.

Je trottinai jusqu'au véhicule, sifflant de douleur alors que mon bras saignait plus qu'il ne le devrait. A peine eus-je refermer la portière qu'Isabella démarrait. Elle retira le pauvre gilet qui recouvrait ses épaules, les yeux toujours rivés sur la route, une main sur le volant. Elle me donna le vêtement.

- Mets ça sur la plaie et tu compresses pour que ça arrête de saigner.
- Tu vas avoir froid.
- On s'en fout, mets ça !

Je m'exécutai tandis qu'elle coupait la route à un automobiliste. Elle sortit brutalement de l'avenue sur laquelle nous nous trouvions, prenant la ruelle adjacente. Je plaçai son gilet sur mon bras, compressant en serrant les dents pour ne pas gémir de douleur.

- T'es tout blanc, s'inquiéta Bella.
- Tu t'es vue ?

Elle ne releva pas, se contentant de reposer le regard sur la route.

- Où est ce que tu étais, d'ailleurs ?
- Ca n'est pas important.
- Si ça l'est. Je t'ai pas vue de la semaine et tu ne répondais pas à mes appels.
- Nous en parlerons une fois que tu seras soigné.
- Dis moi..
- Arrête, Benjamin.

Je me tus devant sa voix si maladroite. Observant son visage, je compris qu'elle souffrait de quelque chose. Je ne savais juste pas quoi, et ça m'énervait tout particulièrement. Elle me lança un petit regard, et se remit droite en voyant que je la fixais.

- Nous sommes arrivés, fit-elle finalement. Allez, viens, on va aux urgences.

Elle descendit de la voiture, et j'en fis de même. Isabella passa devant et j'aperçus la tâche de sang sur son t-shirt.

- Relève ton t-shirt, lui dis-je en m'approchant.
- Quoi ?
- Tu saignes toi aussi, appris-je en attrapant le bord de son vêtement.

Je le remontai doucement le long de son dos, et aperçus la plaie sanglante au niveau des fossettes au bas de celui-ci. Ce n'était pas très grand, mais il fallait tout de même qu'elle se fasse soigner également.

- T'en fais pas, ça va, affirma la petite sœur de James.

Elle enleva doucement ma main, et laissa glisser son t-shirt sur sa peau.

- Allez viens, m'incita-t-elle.

Elle attrapa mes doigts et nous fit avancer vers l'entrée des urgences. Je soupirai doucement devant son silence sur ce qui la faisait souffrir elle, mais ne pus m'empêcher de m'accrocher à ses doigts.

Je la suivis, et, intimement, je sus que je la suivrai toujours.

[…]

- Il faut que vous ménagiez votre bras pour le moment. Le muscle n'a peut-être pas été fendu, mais il a été frôlé, et de ce fait vous devriez éviter de forcer dessus pour les quelques jours à venir.

J'observai le médecin alors que celui-ci coupait le fil avec lequel il avait recousu mon bras.

- Isabella va bien ? Questionnai-je.
- Isabella ?
- La fille qui est venue ici avec moi, elle a été coupée au dos elle aussi.
- Je ne sais pas. Ma collègue doit être en train de s'occuper d'elle. Je nettoie votre bras et je vous y conduis.
- Merci.

L'homme attrapa une compresse et mit de la Bétadine dessus.

- Le mieux c'est que vous reveniez me voir d'ici deux semaines, et nous retirerons toutes les sutures à ce moment-là. Je vais dire à la secrétaire de vous donner un rendez-vous. Maintenant..

Il retira le papier qu'il avait posé sur ma jambe.

- Je vais vous accompagner retrouver votre amie.
- Merci.

Il me sourit gentiment, et je me levai de la table d'auscultation. Le médecin se lava les mains, attrapant du papier pour s'essuyer et nous sortîmes de la pièce dans laquelle nous étions. Il m'emmena au bout du couloir, et bientôt il frappa une porte fermée.

- C'est Sean, dit-il à travers celle-ci.
- Entre, je t'en prie.

Le médecin ouvrit la porte, et il me dit.

- La voilà.

Je lui souris en guise de remerciement, et entrai dans la pièce. Je fus surpris d'apercevoir Bella de dos, portant pour simple vêtement un soutien gorge noir. La petite sœur de James avait relevé ses longs cheveux bruns en un chignon lâche, tandis que la femme qui s'occupait d'elle nettoyait sa plaie à elle aussi.

- Voilà Miss McCarthy, j'ai terminé, affirma-t-elle.
- Je t'attends dehors, dis-je à Bella, embarrassé par sa tenue.
- Laisse, attends, je me rhabille, dit-elle.

Elle attrapa son t-shirt à côté, me faisant face, et je détournai les yeux afin qu'elle garde son intimité, bien que cela ne m'empêcha pas de voir son corps à moitié nu.

- Voilà, dit-elle finalement.

J'osai relever les yeux vers elle, et croisai son regard.

- Comment va ton bras ? Me demanda-t-elle.
- Ca ira, c'est plus superficiel qu'autre chose. Ton dos ?
- Les fils sont là juste pour être sûr que tout se refermera correctement.
- Bien..

La femme qui s'était occupée d'elle sortit de la pièce, nous laissant seule.

- Merci d'être venu si vite, entendis-je.

Mes yeux se reposèrent sur la protégée de James, et j'aperçus son regard vide. Je devinais que les images de ce qui s'était passé un peu plus tôt défilaient actuellement devant ses yeux.

- C'est normal, répondis-je en m'approchant. Tu sais très bien que tu peux compter sur moi.
- Et ca t'a coûté une nouvelle cicatrice, fit-elle remarquer en s'asseyant sur la table d'auscultation.
- C'est rien. Ca me permettra de flemmarder quelques jours.

Isabella sourit, mais ce ne fut pas un vrai sourire. Je vis très bien à son expression que quelque chose n'allait pas. Cette même chose qui lui avait fait demander de m'arrêter de la questionner, tout à l'heure. Je m'approchai d'elle tandis que ses yeux observaient le sol de manière distraite. Je retirai ma veste grise, bien que celle-ci soit tâchée de sang, et la posai sur ses épaules. Elle sourit doucement en la resserrant autour d'elle. J'enlevai l'élastique de ses cheveux, et libérai ceux-ci sur ses épaules. Posant à nouveau les yeux sur le visage d'Isabella, j'aperçus une larme sur sa joue. Elle pleurait. C'était la première fois que je la voyais pleurer, et ça me brisa le cœur.

- Qu'est-ce qui a ? Questionnai-je. Qu'est-ce qui se passe ?

Je l'obligeai à me regarder, mes doigts agrippant son menton afin qu'elle relève la tête. Isabella observa ma main sur sa peau, et ses doigts se glissèrent dans les miens.

- Pourquoi tu n'étais pas là, cette semaine ? Pourquoi je n'ai pas eu de nouvelles de toi ? J'ai dû me faire violence pour ne pas aller à l'orphelinat voir par moi-même si tout allait bien, assurai-je.

Elle secoua lentement la tête, les larmes roulant sur ses joues tandis qu'elle gardait le silence. Ses doigts jouèrent nerveusement avec les miens.

- Parle-moi, Bella. Qu'est-ce qui se passe ? Insistai-je gentimment.
- Ah, vous êtes là ! Entendis-je.

Je me tournai vers la porte pour apercevoir Tia. Je me sentis étrangement coupable qu'elle nous trouve ainsi. Isabella lâcha discrètement ma main et je supposais qu'elle effaçait ses larmes.

- Comment tu sais qu'on est ici ? M'étonnai-je.
- Ben c'est Bella qui m'a appelée. Apparemment ils venaient de t'emmener te faire recoudre. Merde, ça va ton bras ?

Elle s'approcha de moi précipitamment, et sa main attrapa mon bras afin qu'elle puisse l'observer de plus près. Je vis Bella descendre de son perchoir, et elle attrapa ses affaires un peu plus loin.

- Qu'est ce qui s'est passé ?
- Rien de bien grave, ne t'en fais pas. Le couteau a frôlé mon bras, et il a fini sa course sur le dos de Bella.
- Je vais aller remettre la voiture en place, assura celle-ci.

Elle ne me regarda pas, mais je vis à son visage qu'elle cachait encore ses larmes.

- Attends, on peut te ramener, proposa Tia. Toi, ça va , d'ailleurs ? Tu n'as rien eu ? Le couteau t'a profondément coupée ?
- Non, la rassura Bella. Je n'ai rien. Benjamin est arrivé à temps.

Tia me sourit à cette révélation.

- Je t'ai toujours dit que c'était le meilleur, ajouta ma petite-amie à Bella.
- Et tu as probablement raison, répondit cette dernière.

Elle ne nous regardait pas directement, et ça m'inquiétait.

- Attends-nous, je vais te ramener.
- Je dois remettre la voiture que j'ai..
- Voilà pour les papiers, Monsieur Drake.

Je relevai les yeux vers le médecin, et Tia s'éloigna de moi pour le laisser me donner les papiers. J'attrapai ceux-ci.

- Bonne nuit à vous, nous souhaita-t-il.
- A vous aussi.

Le médecin sortit de la pièce, et ce fut lorsque je voulus poser les yeux sur Isabella que je vis qu'elle avait disparue, tout en laissant mon blouson sur le lit où elle avait été recousue.

- Merde, jurai-je.
- Pourquoi elle veut à ce point remettre cette voiture en place ? Fit Tia.

Là n'était pas la question..

- J'en sais rien.
- Laisse, je vais te ramener.

Sans plus parler, nous sortîmes du service des urgences dans lequel nous nous trouvions toujours. Isabella était bien repartie avec la voiture volée, celle-ci ayant également disparu. Je réalisai à ce moment que je tenais toujours entre mes doigts le gilet que Bella m'avait donné dans la voiture, afin que je ne me vide pas de mon sang. J'observai le vêtement affreusement teinté de rouge, et ne pus m'empêcher de me sentir coupable. Pas à cause du vêtement sali, mais plutôt parce que si je l'avais dans les mains, ça voulait dire qu'elle ne l'avait pas sur le dos. J'espérais qu'elle n'ait pas froid.

- Tu montes ?

Je relevai les yeux vers ma petite-amie, qui me regardait depuis l'autre côté de sa voiture.

- J'ai laissé la Mustang à l'orphelinat, affirmai-je.
- Ca peut attendre demain. On devrait aller dormir, on est tous crevé. Bella doit déjà être en train de se mettre en pyjama à l'heure qu'il est. Allez, grimpe.

Elle monta dans la voiture comme pour m'inciter à en faire de même, et je fus bien obligé de m'exécuter. Cette solution ne me plaisait pas du tout. Il fallait que je sache ce qu'avait Bella. Et rapidement. Je ne dis rien pendant tout le long du trajet, laissant Tia me raconter comment s'étaient terminées les courses et comment elle avait fait rentrer tout le monde suite à l'appel de Bella. Apparemment cette dernière l'avait rapidement appelée, se sentant coupable d'après les dires de ma petite-amie, ce que je ne comprenais pas. Elle n'aurait pas dû l'appeler. Pas si vite. Si Tia était arrivée dix minutes plus tard, j'aurais su ce qui avait fait naître ces larmes dans les yeux de la petite sœur de James.

- Je ne peux pas rester ce soir, entendis-je.
- Quoi ?
- Ma mère a besoin de moi demain matin, je pensais aller dormir chez elle cette nuit.
- Ah. Okay, ben va. Ca va aller.
- Si tu veux tu n'auras qu'à m'attendre, et je t'emmènerai récupérer la Mustang demain en début d'après midi. Tu auras le temps de faire la grasse mat', comme ça.
- Ca marche.

Mais déjà je pensais à agir d'une toute autre façon.

Tia me reconduisit à mon appartement, mais n'y resta pas longtemps. Elle repartit après m'avoir embrassé pour me souhaiter bonne nuit, retournant ensuite chez sa mère, chez laquelle elle habitait toujours. J'entrai chez moi en vitesse, juste pour y vider l'argent que j'avais dans les poches et pour changer de vêtements; Une fois rhabillé, je repris tout de même quelques billets, au cas où. Je repartis tout aussi vite, refermant derrière moi avant de descendre les marches de mon immeuble. L'air était glaciale à cette heure si tardive - ou plutôt matinale -, et je dûs refermer entièrement mon blouson pour espérer ne pas claquer des dents. Je marchai vite, croisant peu de monde. Je pris tous les raccourcis que je connaissais, tous ceux que Bella m'avait appris, pour arriver le plus rapidement possible. Ce fut au bout d'une vingtaine de minutes que j'y arrivai enfin. Je traversai la derrière route me séparant de l'orphelinat et de Bella, lançant un petit regard à ma Mustang stationnée sur le bas côté.

Je ne pus m'empêcher de repenser à ce qui s'était passé un peu plus tôt. A la manière dont ces gars avaient voulu s'en prendre à Isabella. Je serrai les dents en m'obligeant à arrêter de penser à ça. Elle allait bien. Du moins ils ne lui avaient rien fait.

Sans attendre, j'entrai le plus silencieusement possible dans l'enceinte de l'orphelinat, pas désireux de réveiller celle que Bella appelait sa mère. Ca ferait suspect, un garçon d'une vingtaine d'années rentrant en catimini pour aller voir sa fille dans sa chambre. Une fois dit comme ça même moi je venais à me poser la question : Qu'est-ce que j'étais en train de foutre ?

Ca n'avait rien à voir avec ça. Je venais voir ce qu'elle avait, parce que je savais que je ne serai pas libre d'esprit avant de savoir pourquoi elle avait commencé à pleurer devant moi. Sur le peu que j'avais appris de la personne qu'était Isabella ces derniers mois, c'était qu'il était très rare qu'elle me montre ses émotions. Je pus presque sentir sa main attraper la mienne, demandant de cette manière si silencieuse un peu de soutien.

Pour la seconde fois de la soirée, je me retrouvai à travers les différents recoins de bâtiment dans la nuit obscure. Bientôt, je fus sous la fenêtre de Bella. Je sortis mon téléphone de ma poche et tapai sur mon téléphone de mes doigts frigorifiés afin de déclencher l'appel. Je portai le mobile à mon oreille, et aperçus une lueur à travers la fenêtre à l'étage au même moment que la première tonalité retentissait à mon oreille. Deux tonalités se firent entendre et la lumière bougea le long du plafond, avant de s'étouffer complètement. Elle venait de retourner son téléphone. Elle ne dormait pas. Mais elle ne voulait pas me répondre.

Je refusais ne serait-ce que d'imaginer revivre une semaine comme celle qui venait de s'écouler. J'avais besoin de savoir ce qu'elle avait, et j'avais besoin de le savoir maintenant. Je tentai de l'appeler une seconde fois, et soupirai lorsqu'elle m'ignora. Sans plus attendre, j'allai jusqu'à sous sa fenêtre et posai les mains sur la gouttière qui grimpait le long du mur.

« - Il faut que vous ménagiez votre bras pour le moment. Le muscle n'a peut-être pas été fendu, mais il a été frôlé, et de ce fait vous devriez éviter de forcer dessus pour les quelques jours à venir. »

La blague.

Je m'agrippai de mes doigts gelées sur le métal de celle-ci, et mes pieds allèrent se caler sur les petits points d'appui que m'offraient les rebords où avaient été fixées les visses. Je serrai les dents en m'obligeant à tenir, et tirai sur mes mains en poussant simultanément sur mes pieds, gravissant le premier échelon. J'enchaînai sans attendre sur le second, et en fis de même pour les quatre qui suivirent. Je fus bientôt assez haut pour attraper le bord de fenêtre de la petite sœur de James, et grimpai prudemment sur celui-ci. Il était particulièrement large, ce qui me permit de me mettre accroupi assez aisément. Ce fut à ce moment que je la vis.

Elle était dans son lit, de dos. Elle n'était vêtue que d'un débardeur sombre et d'un short court. Je ne pus m'empêcher d'observer la partie dénudée de sa jambe qui sortait de sous sa couverture. Isabella avait laissé ses longs cheveux libres dans son dos, et j'en observai la forme floue dans l'obscurité de cette chambre qu'était la sienne. Il me fit difficile de le nier plus longtemps. Isabella McCarthy était absolument magnifique, et ce malgré son jeune âge. Elle était la beauté simple et sauvage qui attirait si aisément mon regard. Et Dieu sait que je donnerai tout pour son sourire indescriptible. Je ne voulais pas que cette fille ait à pleurer pour quoi que ce soit. Je ne voulais pas qu'elle soit malheureuse, d'une quelconque manière que ce soit. Je ferai tout ce qui était en mon pouvoir pour la protéger de la vie. Cette vie qui ne nous avait épargné ni l'un ni l'autre. Je la protégerai, quoi qu'il en soit.

Je pris une profonde inspiration, avant de porter ma main au carreau, et de frapper doucement celui-ci. Assez fort pour que Bella l'entende, mais pas assez pour que quelqu'un d'autre ne le perçoive. La petite sœur de James se releva, me tournant toujours le dos, visiblement pas sûre de bien avoir entendu. Je refrappai le carreau afin qu'elle comprenne que le bruit venait de moi, et elle se retourna en sursautant. Elle arbora une expression paniquée, et j'éclairai mon visage de la lueur de mon mobile avant qu'elle ne se mette à crier. Elle ferma la bouche en me reconnaissant, et fronça les sourcils. Je lui fis signe d'ouvrir la fenêtre, et elle alluma la petite lumière sur sa table de chevet. Je la vis davantage ainsi éclairée, et m'empêchai de balayer sa tenue des yeux. Elle m'ouvrit finalement la fenêtre, et croisa les bras sous sa poitrine en me faisant face. Je ne pus qu'observer ses yeux rouges, et les marques de larmes sur ses joues rosies.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? T'es fou, tu aurais pu te faire mal ! Comment t'es monté ?
- La gouttière, répondis-je.
- T'es complètement inconscient.
- Et tu voudrais que je fasse quoi ? Tu me réponds pas !

Ses yeux balayèrent mon visage en comprenant que je savais qu'elle m'évitait sciemment.

- Je peux rentrer au moins ? Questionnai-je. J'ai super froid.

Elle sembla se reconnecter avec l'instant présent, et se décala en ouvrant plus grand sa fenêtre. Je sautai en silence du rebord de celle-ci, et atterris sur le lino de sa chambre. Je l'entendis refermer la fenêtre derrière moi tandis que j'observai la pièce dans laquelle Isabella dormait. C'était une très grande pièce, et je devinais qu'elle avait servie de chambre à plus d'une petite fille à l'époque où l'orphelinat était encore en fonction. Les murs étaient gris et blanc, recouverts d'étagères emplies de livres et autres manuels scolaires. Au milieu de la pièce trônait un grand lit en fer forgé noir où les couvertures semblaient des plus accueillantes.

- Tiens, tu vas attraper froid, entendis-je.

Je me tournai pour voir Bella enlever une couverture de sur son lit, et me la tendre.

- Tu devrais retirer cette veste en cuir, me dit-elle.

Je m'exécutai, un peu pris au dépourvu, et attrapai la couverture qu'elle me donnait après avoir retiré mon blouson. J'accueillis la couette si chaude avec plaisir, complètement gelé, et me figeai en me rendant compte à quel point celle-ci portait l'odeur d'Isabella. Ce mélange que je n'arrivais pas à décrire, mais qui me paraissait si doux à inhaler. Je reposai les yeux sur Bella, et la vis me fixer, assise sur son lit.

- Pourquoi tu es là ?
- Pourquoi tu ne réponds pas au téléphone ?
- J'ai demandé la première, fit-elle remarquer.
- Tu ignores mes appels depuis lundi dernier, rétorquai-je.

Elle se tut en comprenant que je marquais un point, et baissai les yeux pour observer ses mains nouées sur ses genoux dénudés. Ses boucles brunes tombaient en cascade autour de son visage, les pointes de ses cheveux caressant ses jambes.

- Ca a été une semaine chargée, souffla-t-elle finalement.
- Et tu n'as pas trouvé une seconde pour m'envoyer un SMS devant tous mes appels ?
- Non, répondit-elle.

Bien sûr, elle me mentait. Je ne me laissai pas faire.

- Pourquoi tu n'étais pas aux courses ce soir ? La questionnai-je.
- Je n'avais pas besoin d'argent, j'en ai de côté, et James m'a envoyé son salaire tout entier.
- Tu aurais pu me prévenir, non ?
- Je suis désolée, je n'y ai pas pensé.
- Si tu n'as pas besoin d'argent.. Explique-moi au moins pourquoi tu es venue jusque sur les pistes. Tia m'a dit que tu me cherchais, tout à l'heure.
- Comment elle sait ça ? Demanda Bella en me regardant. Je n'ai même pas été la voir.
- C'est Ty qui le lui a dit. Je te cherchais de mon côté, alors du coup tout le monde a été mis au courant. Mais là n'est pas la question, pourquoi est-ce que tu me cherchais ?

Elle baissa les yeux, coupant notre contact visuel.

- Je n'ai plus envie d'en parler, murmura-t-elle.

Je grimaçai devant cette posture qui la faisait paraître si vulnérable. Patient, je retins un soupir et allai auprès d'elle. Je m'accroupis juste en face de ses jambes à demi nues. Mais ce ne fut pas ce qui attira mon attention. Non, ce fut tout autre. De nouvelles larmes perlèrent des yeux clos de Bella, tandis qu'une grimace peinée animait ses traits. Mon cœur se serra inexplicablement devant cette marque de souffrance certaine, et j'enlevai la couverture de sur mes épaules pour la poser sur les siennes. Je refermai grossièrement celle-ci autour d'elle, tirant doucement sur chaque pans afin qu'elle soit confinée dans le tissu si rassurant que mon corps avait rendu un peu plus chaud.

Bella se plaça un peu plus confortablement dans la couverture, et déjà mes mains se dirigeaient vers son visage. J'empaumai celui-ci avec autant de délicatesse que j'aurais prodigué à un pétale de rose, et Isabella releva ses yeux embués de larmes vers les miens.

- Qu'est-ce qui ne va pas ? Lui demandai-je alors. C'est un gars qui t'a fait mal ? Ces gars de la ruelle tout à l'heure.. lls t'ont.. Ils t'avaient déjà touchée ?

La prononciation de ces mots était aussi difficile que de concevoir l'idée que ces bâtards avaient pu poser la main sur elle. Tous les muscles de ma mâchoire se contractèrent alors que je serrai les dents en ayant des images plus horribles les unes que les autres dans la tête.

- N-Non, répondit faiblement Isabella. Pas de gars.. Personne ne m'a touchée.

Je fus soulagé, bien que toujours inquiet par ce qui pouvait la mettre dans cet état.

- Une fille qui te fait chier au lycée, peut-être ? Parce que si c'est le cas je peux m'arranger avec Tia pour qu'elle ..
- Pas de fille, me coupa-t-elle doucement en secouant la tête.
- Alors quoi, Bella ? Dis-moi, ça me tue de te voir dans cet état.

Et c'était le cas. Ne pas savoir ce qui la consumait ainsi me rongeait de l'intérieur. Je voulais la prendre dans mes bras, la cacher de tout, la fondre au plus profond de moi-même pour que rien ne puisse l'atteindre. Je voulais la protéger de ce qui la peinait de cette manière. Je ne voulais pas qu'elle pleure. Ca me fendait le cœur de ne pouvoir apaiser cette douleur dont je ne connaissais même pas la cause. Mais mes questions allaient bientôt trouver des réponses. Et ce ne fut pas les meilleures.

- La grippe que ma mère a depuis des semaines, celle qui lui a causé tant d'auscultations chez le médecin traitant.. Ce n'est pas une grippe. C'est pas ça, pleura-t-elle.
- Qu'est-ce que c'est ? Interrogeai-je.
- Elle a un cancer, Benjamin. Les médecins disent que c'est inopérable, que c'est trop avancé. Elle va faire de la chimio et des rayons, mais c'est juste pour ralentir ce qui va arriver. Je vais la perdre, Benjamin. C'est ma mère et elle va mourir, acheva-t-elle difficilement.

Elle éclata en sanglot, et je mis plusieurs instants à comprendre ce qu'elle venait de me révéler, complètement choqué. Sa mère allait mourir..

- Oh, mon cœur, je suis désolé, soufflai-je en la prenant contre moi. Tellement désolé ..

Elle se laissa aller contre mon cou, et nous nous assîmes sur le sol, elle sur mes cuisses tandis qu'elle s'accrochait à mes épaules.

- Ca va aller, lui dis-je. Je serai là.. Je serai là et je te soutiendrai. Je te promets que ça va aller ..
- Non, Ben, ça va pas aller. Tellement pas aller, même, pleura-t-elle contre ma peau.

Je la pressai contre moi pour la rassurer.

- Je serai là.. Toujours. Je te le promets. Tu ne seras jamais seule. Je serai là.

Elle me serra contre elle, et j'enfouis le visage dans ses cheveux tandis qu'elle était secouée de spasmes contre mon torse. Je la maintins contre moi, mes pensées se bousculant les unes aux autres dans mon esprit troublé. J'avais dit vouloir la protéger de tout. J'avais dit mettre à disposition tout ce qui était en mon pouvoir pour qu'elle n'ait jamais à souffrir. Et pourtant, je ne pus que constater que, quoi que je dise ou fasse.. Je ne pouvais rien contre ce qui allait passer, ni contre la peine qu'elle allait ressentir. Et ça me déchira le cœur.

Je restai avec elle cette nuit-là. Isabella s'endormit dans mes bras au petit matin, et je l'avais regardé dormir jusqu'à son réveil, perdu dans mes pensées. J'avais compris à sa souffrance que tout ça n'était que le début. Sa mère lui avait dit qu'elle se battrait, mais elle n'y croyait pas vraiment. Béatrice Grey était hospitalisée depuis une semaine, déjà, et c'était pour cela que Bella ne répondait à aucun de mes appels, ni n'avait été au lycée. Elle restait toute la journée avec sa mère dans sa chambre d'hôpital, jusqu'à ce que les heures de visite soient finies.

Celle-ci sortit quelques jours après, avec un agenda plus rempli que le mien le samedi soir, et une liste de séance de chimio plus longue que mon ticket de caisse au supermarché. Bella me l'avait montrée lors d'une de mes visites nocturnes. Personne n'était au courant de ça. Que ce soit Tia ou la mère de Bella, nous n'en avions parlé à personne. Je ne restai pas toute la nuit, et nous ne faisions rien en particulier si ce n'était discuter. Bella m'avait parlé de son enfance, du ressentiment qu'elle en avait. Elle m'avait exposé sa vie en long et en large, sans me cacher quoi que ce soit, me faisant connaître ses moindres pensées.

Et, une nuit, je ressentis le besoin d'en faire de même. Je lui parlais de ce crash d'avion dans lequel mon père et ma petite sœur avaient péri il y avait déjà des années. De la peine de ma mère, et comment la souffrance l'avait menée à se donner la mort en me laissant tout seul, avec pratiquement rien pour survivre. Je n'avais aucune famille, et j'avais dû me forger de moi-même. La seule chose qui ne m'avait pas été retirée à cette époque, c'était la vieille Mustang Shelby de mon père. Celle que j'avais toujours entre les mains, des années après. J'avais rénové celle-ci de fond en comble, grâce à l'argent que je me faisais dans mes soirées de poker du jeudi soir. Je racontais à Bella comment j'avais arrêté l'école pour des pratiques beaucoup moins légales, et comment j'avais commencé à courir les pistes lorsque la Shelby avait été en état de me faire gagner. Puis j'étais devenu organisateur sur ce parking près de ce supermarché, celui-là sur lequel je travaillais encore aujourd'hui. Après avoir mis assez d'argent de côté, j'avais décidé de me louer un appartement et d'arrêter de dormir dans des centres, ou dans la Shelby. Peu de temps après ça, j'avais rencontré Tia. Nous étions devenus et restés amis durant plusieurs années avant que ce ne soit elle qui saute le pas et m'invite à aller plus loin.

J'aimais être avec Tia. J'aimais cette fille pour sa joie de vivre et son sourire indestructible. C'était elle qui m'avait redonné le sourire, et elle qui m'avait dit que vivre dans la souffrance de mon passé ne m'aiderait aucunement. Malgré tout, malgré mon avancée dans la vie.. Peyton me manquait. Je ne cessais de me demander ce qu'elle serait devenue, si elle n'avait pas été dans cet avion pour l'Australie ce jour-là. Ce que notre famille serait devenue, si elle et mon père n'étaient pas morts. Ma mère s'était égoïstement donné la mort, en me laissant seul. Rongée par cette souffrance qu'elle n'arrivait pas à contrôler.

C'était ce qui me hantait, le soir, quand Bella s'endormait à côté de moi. La souffrance qu'elle allait ressentir. J'avais peur qu'elle ne la contrôle pas, et qu'elle ne me laisse pas le faire pour elle. J'avais peur qu'elle abandonne de vivre, et qu'elle m'abandonne moi en agissant ainsi. Je tenais beaucoup trop à elle pour la laisser m'échapper de la sorte.

Les mois passèrent et Isabella accepta de revenir de temps en temps sur les pistes. Elle ne venait plus tous les week-ends, mais nous nous voyions plusieurs fois par semaine. J'avais décrété que 5% des bénéfices des week-ends allaient pour elle, et elle n'eut plus réellement besoin d'argent après ça. James et Jacob lui envoyaient la quasi-totalité de leur salaire tous les mois, gardant simplement pour eux ce dont ils avaient besoin. L'argent ne fut donc plus la motivation de nos visites l'un à l'autre, avec Bella. Je l'obligeais à aller en cours, car je ne voulais pas qu'elle prenne du retard. Tia l'emmenait faire du shopping, ou au cinéma, pour qu'elle se coupe un peu de tout ce qui se passait à l'orphelinat. Ce fut notre routine, pour un temps. Tia et moi prîmes un pavillon près du terrain vague où personne ne venait jamais, et j'allais voir Bella à chaque fois que Tia restait dormir chez ses parents. Bella comprenait ma rancœur là où Tia en était incapable, et c'était ce qui fit de notre relation quelque chose de particulièrement fort.

Tia avaient ses deux parents, et bien que ceux-ci soient séparés, elle les voyait très souvent. Ils étaient toujours là en cas de problème, toujours présent pour lui apporter ce dont elle aurait pu avoir besoin, et ce malgré sa vingtaine d'années. Bella et moi n'étions pas comme ça. Alors que la petite sœur de James vivait dans un orphelinat depuis toute sa vie et n'avait pas eu de parents biologiques sur qui compter, moi j'avais eu le droit à une tragédie familiale et un suicide quelques mois plus tard. Elle et moi avions appris à être indépendant sur beaucoup de chose, et beaucoup plus vite que la moyenne.

Bella avait désormais 17 ans, et elle avait réussi ses examens de fin d'année avec brio, accédant à la classe supérieure sans problème. Je lui avais offert une place de concert pour aller voir The Fray pour l'occasion. Tout allait bien. Du moins jusqu'à un certain temps. L'état de santé de Béatrice Grey se dégrada soudainement, elle qui avait réussi à garder un certain équilibre durant ces derniers mois. Bella sécha les cours pour rester avec elle, et elle me criait dessus lorsque j'essayais de la faire retourner au lycée.

Un soir, Tia resta chez sa mère pour dormir, et je me retrouvai seul à la maison. Je n'y restais cependant pas très longtemps, et filai en voiture jusqu'à l'orphelinat. J'entrai dans celui-ci en silence, me retrouvant désormais aisément dans la nuit obscure. Je posai mes mains sur la gouttière, prêt à monter lorsque j'entendis :

- Elle est exténuée, elle dort depuis deux heures déjà.

Je me tournai vers la source de la voix, et reconnus Béatrice Grey. Je me figeai.

Je n'avais jamais rencontré cette dernière de manière officielle, l'ayant juste aperçue lorsque je surveillais Bella de loin. La mère de cette dernière me fit un petit sourire en constatant - j'en étais sûr - mon air plus que surpris. Elle tira un peu plus sur les pans de sa robe de chambre.

- Que dirais-tu d'entrer un instant ? Ajouta-t-elle. Il fait trop froid pour discuter dehors.

Je fronçai les sourcils devant cette proposition saugrenue. La mère de Bella sourit un peu plus, avant de se retourner, prête à se diriger à l'intérieur en me lançant :

- Tu arrives juste à l'heure, en plus, je viens de finir de faire couler du café.

Qu-Quoi ?

Elle disparut au coin du bâtiment, et je lâchai la gouttière afin de la suivre. Je ne voulais pas me montrer impoli et partir. Je trottinai et la rattrapai sur le perron, elle laissa la porte ouverte en une invitation à entrer, et je pénétrai le hall d'entrée de la maison de Bella.

- Déchausse toi, tu veux, me dit Béatrice Grey.

Je m'exécutai en refermant distraitement la porte derrière moi. Elle fila jusqu'à la cuisine et je l'y suivis. La pièce était déjà allumée, et une cafetière fumante était posée sur le bar derrière lequel la mère de Bella alla se placer.

- Assis toi là, je t'en prie, m'incita-t-elle en désignant le tabouret de l'autre côté du bar.

Perdu par cette attitude, je fis ce qu'elle me dit, pas désireux de la contrarier.

- Comment tu prends mon café ? Me demanda-t-elle en sortant deux tasses d'un placard.
- Euh.. Au lait avec deux sucres, répondis-je.
- Très bon goût, sourit-elle en nous servant deux boissons identiques.

Je la remerciai lorsqu'elle me tendit la tasse, et portai celle-ci à mes lèvres volontiers. Béatrice Grey en fit de même, ses yeux bleus azur balayant mon visage depuis derrière ses lunettes. Elle portait un foulard sur la tête, et je devinai que ce dernier servait à cacher son crâne que la chimiothérapie avait rendu chauve. Sa robe de chambre bleu foncée cachait à peine son corps amaigri, et je pouvais voir qu'elle était prise d'un très léger tremblement. Cependant, rien de tout ça ne l'empêcha de me dire dans un sourire :

- Tu devrais retirer ton blouson. Sinon tu vas attraper froid une fois dehors.
- Oh, euh, oui bien sûr, Madame, m'empressai-je d'obéir en retirant ma veste.
- Tu peux m'appeler Béatrice, assura-t-elle d'un ton rassurant.

J'opinai d'un signe de tête tout en posant ma veste à plat sur mes genoux.

- Et toi.. Tu dois être Benjamin, n'est-ce pas ?
- E-Exact, m'étonnai-je devant cette affirmation.

Comment savait-elle qui j'étais ? Je ne l'avais jamais approchée.

- Bella m'a déjà parlé de toi, ajouta la directrice de l'orphelinat. Elle m'a dit que tu tenais un garage du côté Est de la ville ..
- En effet je ..
- Ma fille ne sait pas me mentir. Je sais que tu organises ces courses illégales, le week-end. Tout comme je sais que Bella y va souvent, et ce même si elle se donne un mal de chien pour me le cacher.

Béatrice Grey eut un sourire attendri tandis que - je devinais - elle pensait aux petites manigances de Bella. Manigances qui ne lui avaient, visiblement, pas échappées du tout.

- Comment savez vous que .. ?
- Une mère sait tout, répondit-elle simplement.
- Et pour moi ? C'est Bella qui vous a dit que j'organisais les courses ?
- Non, bien sûr que non. Elle est bien trop loyale pour ça. Non, ça c'est moi qui ai fait ma petite enquête. Tu comprends, à partir du moment où tu passes la nuit dans la chambre de ma fille, je me dois de savoir si tu es quelqu'un d'assez bien pour que je fasse mine de ne rien savoir.

Je me figeai à nouveau.

- C'est pas ce que vous croyiez, je.. Nous sommes juste ..
- Je sais, me coupa-t-elle gentiment. Ne t'en fais pas.. Je sais.

Je me tortillai sur ma chaise, gêné.

- J'ai fait resserrer les fixations sur la gouttière il y a déjà plusieurs mois, j'avais peur que tu te casses quelques choses si elle venait à te rester entre les mains.

Oookay. Qu'est-ce que j'étais censé faire, ou dire, maintenant ?

La mère d'Isabella m'observa d'un air attendri devant mon malaise. Elle s'assit en face de moi, sa tasse de café entre les mains.

- Soit. Ce n'est pas pour te dire tout ça que je voulais te rencontrer, continua-t-elle.
- Vous vouliez me rencontrer ? Relevai-je.
- Depuis quelques temps, déjà. J'ai essayé de t'attraper à une ou deux reprises, mais Isabella ouvrait toujours la fenêtre avant que je ne réussisse.
- Pourquoi ne pas m'avoir appelé quand même ?
- Parce que la conversation que nous allons avoir doit rester entre nous, et je compte sur toi pour garder le silence sur tout ce que je m'apprête à te dire.

Je posai ma tasse sur la table en fronçant les sourcils, pas sûr de comprendre là où elle voulait en venir. Elle ne s'en formalisa pas, cependant, et commença à m'exposer ce qu'elle avait en tête.

- Je vais bientôt mourir, Benjamin. Quoi que je fasse ou veuille, ça va arriver. Les médecins essaient de retarder la date depuis des mois, désormais, mais je crois que nous sommes arrivés là où ce n'est plus possible de repousser l'inévitable. J'ai accepté cette idée depuis quelques temps déjà. Isabella, elle, est loin de bien vouloir ne serait-ce que l'envisager.
- Ce qui est tout à fait normal, fis-je remarquer.
- Certes. Je n'ai pas dit le contraire. Je pense simplement que ça aurait été plus facile. Là.. Ma fille va s'effondrer.

Béatrice Grey fit une pause pendant un instant. Je compris à son expression qu'elle pensait pleinement ses paroles, et que ça l'effrayait plus que de raison. Je saisissais parfaitement sa peur, car je la ressentais aussi en pensant à comment Bella allait réagir. La mère de celle-ci se reprit rapidement, carrant ses frêles épaules pour me faire face.

- Et je ne veux pas qu'elle soit seule, quand ça arrivera. C'est ce pourquoi je voulais te rencontrer, Benjamin. J'ai besoin de savoir que quelqu'un sera là au quotidien.. Ses frères sont si loin.. J'ai pensé que tu pouvais peut-être..
- Je ne compte pas lâcher Bella.
- Il faudra que tu prennes soin d'elle. Elle est si jeune.. Mais elle a déjà tellement vécu.. J'ai peur que l'épreuve que sera ma disparition soit de trop, à ses yeux. J'ai besoin de savoir que tu seras là, que tu veilleras sur elle. J'ai besoin de savoir qu'elle ne sera pas totalement seule quand je m'en irai.
- Elle ne le sera pas.
- Tu te rends compte de ce que ça implique ? Es-tu prêt à être là au quotidien ? Elle deviendrait un membre de ta vie à par..
- C'est déjà le cas, coupai-je. Bella est déjà l'une des deux femmes les plus importantes de ma vie. Je..

Béatrice Grey sembla comprendre quelque chose qui, à moi, m'échappait.

- Je ne la laisserai pas tomber. Jamais. Je suis là, et je le serai encore quand.. Quand vous vous ne le serez plus.

La directrice de l'orphelinat posa sa tasse de café sur le bar, visiblement mi-intriguée mi-satisfaite. Elle garda le silence un instant, avant de finalement demander :

- Tu me le promets ?
- Je vous le promets.
- Tu n'auras pas d'aide financière à lui donner, j'ai déjà tout prévu pour ça, mais s'il faut je te ferai vir-
- Je lui fournirai tout ce dont elle a besoin.
- Et si elle ..
- Absolument tout.

La mère d'Isabella se tut, m'observa un long moment, avant de me dire.

- Je ne pensais pas que tu étais si attaché à elle.

Je ne répondis rien, ne sachant pas comment exprimer mon ressenti face à cette jeune fille que j'avais rencontré il y avait désormais plusieurs mois. Je me contentai d'assurer à voix basse, plus pour moi-même que pour la directrice.

- Bella est spéciale, à mes yeux. Ouais..

J'attrapai ma tasse de café, et murmurai contre celle-ci :

- Spéciale..

Après ça, je revis Béatrice Grey à plusieurs reprises, sans que Bella ne le sache. Cette femme ne me cachait rien de sa maladie, et bien qu'elle ait eu une baisse de vitalité pendant deux semaines, elle se remit étonnamment bien après ça. J'appris aussi qu'elle avait fait en sorte d'assurer une deuxième présence auprès de Bella, si moi je venais à ne pas tenir ma parole. Elle ne m'en dit pas plus, et je ne m'y intéressais pas davantage. Je ne comptais pas rompre ma promesse de toute façon.

Isabella était dans un déni des plus total, et ça m'inquiétait. Je faisais en sorte qu'elle aille au lycée, qu'elle s'aère, qu'elle trouve quelque chose à faire pour oublier ne serait-ce qu'une heure la maladie de sa mère. Mais cette gosse était une vraie tête de mule, et elle n'hésitait pas à me jeter tout ce qui lui passait sous la main quand j'essayai de la traîner dehors de force. Le lycée n'était plus qu'une option dans son emploi du temps, et je devais la harceler pour qu'elle daigne demander à ses camarades des photocopies de ses cours.

Cela dit, à la fin du mois de Juin, Béatrice Grey allait très bien, et le lycée était terminé pour Bella. Quant à moi, je pris un peu de temps pour Tia. Je l'avais laissée de côté par rapport à toute cette histoire, et bien qu'elle comprenait parfaitement, je savais que notre couple n'allait pas survivre si nous continuons comme cela. J'achetai des billets pour Rio de Janeiro, un simple voyage de deux semaines. J'avais l'idée d'acheter une Porshe à Tia, elle qui bavait devant celle du directeur de notre banque depuis des mois. Mon contact à Rio avait une Porshe 911 en stock, et il me la vendait à prix totalement abordable. Nous partîmes l'esprit tranquille, car Isabella et sa mère allaient bien. Ce voyage fut génial, reposant et romantique. Tia et moi, sur la plage, à siroter des cocktails plus exotiques les uns que les autres. Et bien que ce voyage fut absolument fabuleux.. Ce fut une grosse erreur.

- Je dois y aller, ma mère m'attend, sourit Tia.

Je la regardai sur le pas de la porte, totalement bronzée.

- Ca marche, lui dis-je. Tu penses rentrer tard ?
- Je t'envoie un SMS pour te dire. Tu m'diras pour Bella ?
- On fait comme ça.

Elle s'approcha de moi et se mit sur la pointe des pieds afin de venir embrasser mes lèvres des siennes. Je caressai le bas de son dos, et ma chérie se détacha de moi dans un dernier petit sourire. Elle s'en alla par la suite, me laissant dans notre pavillon. Je cherchai rapidement mon téléphone ainsi que mes clés, passant près du répondeur et soupirai devant les nombreux messages. De mauvaise grâce, j'appuyai sur le bouton du socle, et les messages vocaux se mirent à défiler. Rien de bien passionnant, en somme. Je m'arrêtai de les écouter au bout du cinquième, et éteignis l'appareil, impatient de m'en aller. Je sortis tout de suite après de chez nous, fermant la maison pour aller dans le garage chercher ma Mustang. Je souris en m'asseyant derrière mon volant.

Après avoir pris la route, je retrouvai mon impatience. Celle de revoir Bella. Cette gosse m'avait manqué plus que de raison. Je m'étais habituée à la voir, ou à avoir de ses nouvelles au quotidien. Seulement, Tia et moi nous étions coupés du monde durant deux longues semaines, et Isabella n'avait pas daigné répondre au mail que je lui avais envoyé. En même temps, il est vrai que j'aurais pu être plus malin et l'appeler, la gosse n'était jamais sur l'ordi. Toujours en train de tourner autour de sa mère, à la recherche d'un quelconque moyen pour lui rendre la vie plus facile. Je souris en me souvenant de son comportement si étonnant. Isabella avait une volonté d'aider les gens qu'elle aimait plus qu'impressionnante, et ça faisait d'elle une très bonne personne.

Je garai ma voiture rapidement après être arrivé près de l'orphelinat, et souris en sortant de la voiture. Mon sourire se fana rapidement en observant la bâtisse. Tout était fermé, et la boîte aux lettres débordait de prospectus. J'élevai un sourire interrogateur, et traversai après m'être assuré qu'il n'y avait pas de voitures. J'attrapai les publicités qui dépassaient de la boîte aux lettres, et laissai celles que je ne pouvais pas attendre. J'ouvris le portail de l'orphelinat, et pénétrai dans celui-ci avec prudence.

J'avais un mauvais pressentiment.

Je pressai le pas et allai sous le perron. Je frappai à la porte. Une fois. Deux fois.

- Bella ?! Béatrice ?!

Rien. Silence complet.

Je me retournai sans attendre, et mis un petit coup dans la gouttière du perron, faisant sauter les clés. J'attrapai celles-ci au vol, et retournai à la porte. J'enfonçai la clé dans la serrure.

« - Il y a un double de la clé de la porte d'entrée, dans la gouttière qui longe le perron, souffla Béatrice Grey.

Je l'observai sous sa grosse couverture, confinai sur le canapé du salon. Elle avait le regard vide, les yeux posés sur un meuble quelconque.

- Pourquoi vous me dîtes ça ? Questionnai-je.
- Un jour je ne serai pas en mesure de t'ouvrir la porte, et je ne crois pas que Bella te l'ouvrira non plus.

Elle se tut, et je baissai les yeux. Ces simples mots suffisaient à me glacer le sang. »

Je finis par réussir à ouvrir la porte, et pénétrai dans le hall d'entrée.

- Y a quelqu'un ?!

Aucune réponse.

Je ne prenais pas la peine de me déchausser, au risque de me faire gronder par la directrice, et allai dans la cuisine. C'était vide. Tout comme le salon. Je revins à la cuisine pour y poser les pubs et regarder si les clés de Béatrice se trouvaient dans le vide poche sur le bar, comme à son habitude. Peut-être étaient-elles simplement sorties.

Mais les clés étaient là. Ce qui se trouvait sur le bar attira mon regard, et j'avançai vers celui-ci pour attraper le gros dossier de plastique blanc. Je ne l'ouvris pas, mais mon cœur rata un battement en observant la phrase en bleu qui l'ornait. « Pompes Funèbres de Seattle, Béatrice Grey. »

Je lâchai le gros dossier, et mes pensées fusèrent beaucoup plus vite que je ne l'aurais voulu dans mon esprit. Je fis volte face vers le salon.

- Bella ?! Criai-je.

Je courus à travers le long couloir qui longeait la salle à manger, et grimpai les marches quatre par quatre au moment où j'arrivai à l'escalier. J'accédai au premier étage, paniqué en me rendant compte à quel point tout était plongé dans l'obscurité. Pas une seule fenêtre ne semblait ouverte, et ça me faisait peur.

Et si elle avait..

Non, je ne voulais pas penser à ça. Des images de ma mère pendue au bout de sa corde me revinrent en mémoire, et je chassai celles-ci rapidement en me concentrant sur ma recherche de Bella. J'avançai doucement, mes doigts longeant le mur à la recherche de l'interrupteur du couloir. Je n'étais pas assez habitué à cette maison pour pouvoir m'y déplacer aisément, surtout dans le noir total. Cela dit, je trouvai rapidement le bouton qui allumait la lumière, et enclenchai celle-ci. Je me précipitai jusqu'à la chambre de Bella, et en ouvris la porte sans prendre le temps de frapper. Ce que j'y vis me glaça le sang.

A la lueur des volets à moitié fermés, je pouvais apercevoir Bella, sur son lit. Entièrement immobile. J'allumai le plafonnier de sa chambre, et allai vers son lit.

- Isabella ? Appelai-je prudemment.

[ Florence and The Machine : Breath Of Life. ]

Peut-être était-elle juste en train de dormir.

Ce fut à ce moment-là que je la vis. La boîte de cachets de sa mère. Les comprimés qu'elle prenait lorsqu'elle souffrait de trop. Ceux à base de morphine.

Je pris la boîte de carton et remarquai sous celle-ci les deux plaquettes d'aluminium, vidées de tous leurs médocs. J'observai le visage de Bella, totalement inanimé, et mon cœur s'arrêta une fois de plus. Je dégageai les couvertures qui entouraient son corps à peine recouvert, et jetai celles-ci au loin.

- Bella ? Appelai-je. Bella, tu m'entends ?

J'attrapai sa main, mais elle n'eut aucune réaction. Les larmes me montèrent aux yeux face à mes pensées fatalistes. Mon cœur se serra de douleur, mais je me rebellai contre ce sentiment. Je m'obligeai à chasser ces mauvaises idées de mon esprit, ces images de ma mère, et celles de Bella. Je me repris totalement, et la douleur fut remplacée par la détermination. Je me penchai vers Bella, et collai mon oreille à sa bouche. Mes doigts parcoururent la fine peau de son cou, afin d'y chercher un pouls. Au bout de plusieurs secondes, je sentis son cœur battre. Visiblement affaibli, mais vivant.

Je ne réfléchis pas davantage, et passai mes mains sous cette gosse que j'aimais tant. Je la pris dans mes bras avec aisance, la portant comme la princesse qu'elle avait dû être dans une autre vie, et la soulevai de son lit si froid. Je ne pris pas le temps de m'inquiéter de son poids apparemment moins conséquent que la dernière fois que je l'avais eu dans les bras. Depuis combien de temps était-elle comme ça ?

Je sortis de sa chambre, et ce fut comme si mon corps tout entier se détachait de mon esprit. Je marchais à l'instinct. Je n'avais pas le droit de perdre le contrôle, d'être submergé par mes émotions. Elle vivait encore, et elle allait vivre. Il le fallait.

Je descendis les marches de l'orphelinat en vitesse, totalement sûr de mes mouvements. Je courus le long du couloir, et arrivai rapidement à la porte d'entrée. Je claquai celle-ci derrière moi, sachant pertinemment que le verrou s'enclencherait tout seul, et descendis les marches du perron avec agilité. Je sortis de l'orphelinat et traversai la route au pas de course, me dépêchant. Je réussis à libérer ma main en m'appuyant contre la Mustang, et attrapai la clé de la voiture dans ma poche. Je déverrouillai le véhicule, et ouvris la portière arrière. Je glissai le corps toujours inanimé de Bella sur la banquette arrière, et enlevai ma veste afin de le recouvrir avec. Il fallait qu'elle vive. Elle ne pouvait pas me laisser. Elle n'en avait pas le droit.

Je pris place derrière le volant après avoir refermé la portière arrière, et me remis sur la route sans attendre. Je ne pris pas le temps de m'arrêter au stop, ni même à aucun d'entre eux. Je grillai tous les feux rouges qui me barraient la route, et pris tous les sens interdits qui – je le savais – me conduiraient plus rapidement aux urgences. Je jetai un regard à Bella.

- Bella ?! Oh, Bella ! Réveille-toi ! Je t'emmène au Seattle Grace ! T'as foutrement intérêt de tenir jusque là-bas !

Je braquai violemment sur la droite devant le camion qui faillit me percuter, et ma Mustang fit un tour complet sur elle-même. Je ne fis pas attention aux insultes du routier, ni me laisser le temps d'être choqué, et repartis de plus belle.

- Je t'interdis de mourir sur cette banquette, Isabella ! Je t'interdis de mourir tout court !

J'arrachai mon cendrier vide, et m'accrochai au volant avant d'appuyer sur le bouton qui enclencher la nitro. C'était risqué comme ça, sans préparation, en pleine rue. Mais la Mustang tenait le coup. Je fus collé au siège presque instantanément, et mes mains se mouvèrent d'elles-mêmes sur le volant, me permettant ainsi de slalomer entre les voiture qui se trouvaient sur la voie. J'évitai chacune d'entre elles, me glissant avec une aisance déconcertante dans le trafic. C'était parce que Bella était là, avec moi, et qu'elle avait besoin de moi. Instinctivement.. Je savais que je n'avais pas le droit de fauter.

Et je ne le fis pas. Nous arrivâmes aux urgences trois minutes après, et je sautai de mon véhicule en y arrachant les clés afin d'ouvrir la portière arrière. J'attrapai habilement le bras d'Isabella et la relevai juste assez pour la prendre dans mes bras. Je claquai la portière d'un coup de pied violent. Je réparerai plus tard.

Je traversai le parking rapidement, et les portes automatiques s'ouvrirent devant nous au même moment où je criai.

- J'ai besoin d'aide ici ! De l'aide, vite !

Deux infirmiers se précipitèrent vers nous, et je vis vaguement la secrétaire prendre son téléphone pour y appeler un médecin. L'homme à ma droite me prit Bella des mains, et je n'eus pas le temps de l'en empêcher que déjà l'autre homme ramenait un brancard.

- Que s'est-il passé ? Qu'est-ce qu'elle a ?
- Elle a avalé toute une boîte de cachets.
- Le nom des cachets ?

J'écarquillai les yeux. Je n'avais pas pensé à prendre la boîte.

- Euh.. Je.. C'est des comprimés à base de morphine, c'était pour les douleurs de sa mère.

Je fermai les yeux en essayant de me rappeler la boîte.

Putain Ben, fais pas le con.

Je me revis prendre la boîte, et les deux plaquettes d'aluminium totalement vidées. Le corps de Bella juste là, beaucoup trop inanimé.

- Moscontin, lâchai-je. C'est le nom des cachets.
- Elle est comme ça depuis longtemps ?
- Je ne sais pas. Je l'ai trouvée il y a déjà plus de dix minutes, elle respirait. Son cœur bat.
- Quel âge a-t-elle ? Vous êtes un membre de la famille ?
- Elle a 17 ans. Et non, je .. Nous ne sommes pas.. Parents. Empêche-la de mourir, je vous en prie.

L'infirmier m'observa une seconde avant d'opiner d'un signe de tête. Ils partirent en faisant rouler le brancard de Bella, et je les suivis dans le couloir où ils allaient. Des médecins arrivèrent à ce moment-là.

- Qu'est-ce qu'elle a ? Questionna l'un d'entre eux.
- Jeune fille de 17 ans, tentative de suicide par absorption médicamenteuse.

Tentative de suicide..

- Ca fait longtemps qu'elle est inconsciente ? Quel genre de cachets ?
- Nous ne savons pas depuis combien de temps elle est comme ça. Elle a absorbé des Moscontin. Elle va faire une overdose de morphine.

Un des infirmiers m'observa de coin de l'œil à cette révélation, mais je continuai de trottiner à côté d'eux. Bientôt, ils atteignirent des portes battantes donnant sur un autre couloir, et l'un des médecins fit un signe à l'infirmier à sa droite. Celui-ci s'arrêta avant de passer par la porte à son tour, et – du haut de son bon mètre quatre-vingt-dix – me fit barrage. Je m'écrasai contre lui, n'ayant pas eu le temps de m'arrêter.

- Qu'est-ce que..
- Vous ne pouvez pas aller plus loin, Monsieur. Ce couloir est réservé uniquement au personnel de l'hôpital.
- Mais..
- Je suis désolé, vous n'avez pas le droit d'aller plus loin. Vous devriez aller dans la salle d'attente qui se tr..
- Je ne veux pas aller dans cette foutue salle d'attente ! Rugis-je. Elle a besoin de moi !
- Monsieur, je vous prie de vous calmer. Nous allons nous..

Sans réfléchir, j'abattis mon poing sur la joue de celui qui me barrait la route, et le contournai alors qu'il posait une main sur son nez qui saignait déjà. Cependant, il me rattrapa d'une main, et m'empêcha d'avancer davantage. Il me plaqua contre le mur, ma joue s'écrasant contre le papier peint immaculé de celui-ci, tandis que l'infirmier me maintenait fermement immobile.

- Laissez-moi aller avec elle ! Hurlai-je.
- Je suis désolé, je..
- Laissez-moi aller avec Bella ! Elle a besoin de moi !
- On va ..
- Elle n'a pas le droit de mourir ! Criai-je.

Ma gorge se serra, alors que déjà des larmes roulaient sur mes joues. Le semblant de force qui m'avait animé tout à l'heure en la découvrant me quitta complètement, et je sentis mes muscles me lâcher.

- Elle n'a pas le droit de me laisser seul, pleurai-je contre le mur, tandis que le brancard d'Isabella disparaissait au bout du couloir qui m'était interdit.

Elle n'avait pas le droit de me laisser. J'avais besoin d'elle.

Terriblement besoin d'elle.

[…]

- On lui a fait un lavage d'estomac, et elle est hors de danger vis-à-vis de l'overdose. Cela dit, une partie de la morphine est encore dans son système sanguin, et il va falloir attendre qu'elle se réveille. Nous l'avons mis sous monitoring car une overdose de morphine peut entraîner une détresse respiratoire..

Je me tendis à ces mots.

- Mais, ajouta le médecin, vous l'avez amenée à temps. C'est plus une précaution qu'autre chose. Elle ne les avait pas pris depuis longtemps, les cachets n'ont pas eu le temps d'agir pleinement avant que nous les retirerions. Elle dort pour le moment, mais.. Elle devrait aller bien. Nous allons la garder quelques jours en observation.

J'hochai la tête, les yeux toujours posés sur le corps de Bella, qui paraissait si petite et fragile dans ce lit d'hôpital.

- Y a-t-il de la famille à prévenir ? Il nous faut un garant pour les frais médicaux, nous n'avons pas son nom.
- Elle s'appelle Isabella McCarthy, elle doit être dans vos fichiers. Et..

Je pensais à James et Jacob, qui aimeraient peut-être savoir. Non, ils n'en avaient pas besoin.

- Pas de famille à prévenir.
- Pour le garant ?
- Je crois savoir qu'elle a une assurance, ça doit être dans son dossier.
- Et si ce n'est pas le cas ? Me demanda le médecin, patient.
- Je prendrais en charge tous les frais à prévoir. Soignez-la correctement, s'il vous plaît.

L'homme en blouse blanche m'observa attentivement, avant d'hocher la tête en signe de consentement.

- Vous devrez vous rendre à l'accueil afin de signer les papiers de..
- Je ne veux pas la quitter.
- Bien.. Dans ce cas.. Je vous les ferai parvenir.
- Merci.
- Vous devriez dormir un peu, Monsieur Drake. Il est déjà 2 heures du matin, et elle ne risque pas de se réveiller tout de suite.

J'hochai simplement la tête, et l'homme à ma gauche s'en alla après m'avoir adressé un long regard. Je ne réagis pas, je le comprenais presque. J'étais éteint. J'avais ce foutu sentiment d'être éteint. Elle avait essayé de mourir.

Béatrice Grey était décédée, et je n'avais pas tenu ma promesse. Non, au lieu de ça, moi j'étais en train de flemmarder sous le soleil. J'avais tout foiré..

J'avais tout foiré et Bella en était là, aujourd'hui.

J'enlevai mes mains de sur le rebord de la vitre, et décidai d'entrer. Je ne voulais pas qu'elle soit seule. Je ne voulais pas qu'elle se sente seule ne serait-ce qu'une seconde. Une seconde de plus.

Je l'avais laissée livrée à elle-même alors qu'elle avait besoin de moi comme jamais elle ne l'avait fait auparavant.

J'ouvris la porte de sa chambre, et pénétrai celle-ci avec lenteur. La voir sur ce lit me faisait mal. Elle semblait si petite. Si fragile. Elle n'avait que 17 ans, et elle venait de perdre la dernière personne qu'elle considérait comme étant de sa famille. J'approchai de son lit avec prudence, sous-pesant chaque pas en sa direction. Chaque pas qui me rapprochait d'elle, et qui améliorait ma vue sur son corps amaigri. J'attrapai du bout des doigts la chaise collée au mur, et la rapprochai de son lit. Je m'assis près d'elle, et ne pus retenir mes yeux de s'emplir de larmes.

J'étais un homme, certes, et les larmes enlevaient tout sentiment de virilité à ce statut, mais je m'en contrefichais. Je ne pouvais pas le gérer, de toute façon. La voir ici et comme ça me brisait le cœur. Ma gorge se serra lorsque mes yeux se posèrent sur son visage blanchâtre. Ses cheveux bruns contrastaient beaucoup trop avec sa peau, qui – d'habitude – avait cette teinte rosie qui la rendait si belle.

Je faufilai mes doigts sur la couverture, et ma main alla attraper la sienne. Elle était si froide.

Depuis combien de temps Béatrice Grey était-elle décédée ? Elle qui semblait aller si bien il y avait encore de ça deux semaines n'avait pas survécu le temps de mon voyage à l'étranger. Elle qui m'avait assuré que tout se passerait bien, qu'elle se sentait étrangement en bonne santé et qu'elle pouvait gérer Bella toute seule n'était plus. Et Isabella avait été seule, à ce moment-là. Je n'avais pas été là, alors que je le lui avais promis.

- Je suis désolé, dis-je. Tellement désolé. J'aurais dû être avec toi. Tu ne devrais pas être ici aujourd'hui. J'avais promis à ta mère que ça n'arriverait pas.. Tu étais toute seule.. J'étais au Brésil, et tu étais absolument toute seule. Je le regrette. Je suis désolé, Bella.

J'embrassai ses phalanges. Je n'avais jamais réellement embrassé sa peau. Nous n'étions pas proches de cette façon.

Toucher son épiderme de mes lèvres était quelque chose de tout à fait nouveau, et bien que ce soit agréable, j'aurais voulu le faire dans d'autres circonstances. Je posai un baiser sur chacun de ses doigts, puis collai finalement ma joue contre sa paume inerte.

- J'ai besoin que tu vives, Bella. J'ai besoin de toi.

Et c'était vrai.

C'était inexplicable. Presque bizarre. Mais j'avais affreusement besoin d'elle. Elle était devenue cette part si importante de ma vie. Cette fille que je voulais chérir, et voir sourire au quotidien. Cette fille qui arrivait à me faire sentir si vivant, et ce rien qu'en ne m'accordant un regard malicieux. Il me fut difficile de le nier plus longtemps..

- Elle va aller bien, entendis-je.

Je me relevai soudainement, surpris d'entendre quelqu'un. Je regardai l'homme se trouvant dans la chambre. C'était un homme à la peau basanée, très grand et très musclé. Il avait des nattes africaines le long du crâne, et un pansement sur le nez. C'était l'infirmier que j'avais frappé un peu plus tôt.

J'essuyai les larmes qui stagnaient sur mes joues, et me levai pour lui faire face. Il afficha un petit sourire, me faisant comprendre par celui-ci qu'il ne cherchait pas à me faire du tort. Je me rassis en saisissant ceci, et posai le regard à nouveau sur Bella.

- Elle va mettre du temps, à se réveiller ? Questionnai-je au bout de plusieurs instants.
- On ne peut pas réellement savoir, m'expliqua doucement l'infirmier. Chaque patient est différent, et tout dépend de son corps, et comment celui-ci réagit à la dose de morphine qu'elle a ingérée. D'après ce que les médecins n'ont pas pu enlever.. Elle sera probablement éveillée au petit matin, peut-être à l'aube.

J'hochai la tête de manière distraite.

- Elle a eu de la chance que vous arriviez à ce moment-là, et qu'elle ait pris des médicaments. Si elle s'était tailladée les veines, votre venue ici n'aurait pas changé grand-chose. C'aurait été trop tard.
- Je crois qu'elle a estimé qu'elle avait déjà assez de cicatrice comme ça, répondis-je.

Je me rappelai les diverses cicatrices que j'avais vu sur les bras ou le dos de Bella. Rien de bien grave, mais des cicatrices quand même.

- Comment peut-on en arriver là ? Se questionna l'infirmier à voix haute.
- Quand on perd tout ce qu'on a, il est difficile de penser qu'on aura quelque chose à nouveau à l'avenir, alors.. On préfère tout abandonner.
- Qu'a-t-elle perdu ?
- Sa mère. Cancer foudroyant.

L'homme opina d'un signe de tête, compréhensif.

- Vous devriez dormir, Monsieur Drake.

J'acquiesçai.

- Voulez vous que je vous fasse parvenir un second lit ?
- Non, je vous remercie. Je vais rester là.. Au cas où.
- Comme vous voudrez. Je vais vous laisser.

Il me tourna le dos, prêt à s'en aller, et je le rappelai.

- Oui ?
- Je.. Désolé, pour votre nez. Je n'aurais pas dû vous frapper.
- Oh, ça. C'est rien, assura-t-il. J'aurais fait pareil.
- C'est juste que.. Je ne sais pas ce que je ferais, si elle venait à me quitter de cette façon.
- C'est votre petite-amie ?
- Non, répondis-je, pris au dépourvu.
- Votre sœur ?
- Non, c'est juste.. Isabella.
- La fille dont vous êtes amoureux.
- Quoi ? Je.. Non. J'ai une petite-amie.
- Oh.

L'homme près de la porte sembla saisir quelque chose, qui, à moi, m'échappait.

- Et bien.. Quoi qu'il en soit, ne vous tracassez pas pour mon nez. Il se remettra vite.

J'eus une petite moue penaude.

- Bonne soirée à vous, lui dis-je.
- Merci. Et bon courage pour cette nuit.

Je le remerciai d'un signe de tête, et il sortit de la chambre en silence.

Je reposai mes yeux sur Bella. « La fille dont vous êtes amoureux. »

Resserrant ma prise sur ses doigts, je méditai ces paroles qui semblaient pourtant si absurdes. J'aimais Tia. Je l'aimais profondément. Rien ne me rendait plus heureux que l'avoir dans mes bras chaque soir avant de m'endormir. Et pourtant.. Regarder Isabella s'endormir juste à côté de moi m'emplissait d'un bonheur inexplicable. Savoir qu'elle était là, juste à côté de moi, sereine et en sécurité était quelque chose qui déclenchait chez moi un sentiment de bien être absolu. Je tuerais pour son sourire, lâcherais tout pour son bonheur.

Mais elle était là aujourd'hui..

Comment avait-elle pu faire ça ? Elle savait pertinemment comment je voyais les gens qui agissaient de cette manière. Comment j'avais vécu le suicide de ma mère. Elle savait à quel point ça m'avait fait mal, et à quel point je lui en voulais de m'avoir laissé de cette manière. Ma mère avait été égoïste..

Et Bella était dévastée. Elle n'a pas d'enfants, pas de responsabilité.. Rien qui ne la rattache ici.

Elle avait ses frères. Et moi. J'avais besoin d'elle, moi. J'avais besoin de savoir que son cœur battait, et qu'elle allait bien. Mais ça je ne lui avais jamais dit.

Je n'arrivais pas à comprendre mes propres sentiments. Je ne comprenais pas ce qui s'animait en moi, lorsqu'il s'agissait de Bella. J'en arrivais à me demander si je ne l'aimais pas, purement et simplement ? Pas comme une amie, ou une sœur. Non.. Comme une femme. Comme le petit bout de nana qu'elle était.

Je balayai de mes yeux embués la silhouette de la sœur de James, sous ces draps d'hôpital.

Bien sûr, elle était jeune. Plus jeune que moi. C'était la petite sœur de James, sa protégée. Elle avait un caractère pourri et une tolérance à l'autorité quasi nulle, mais.. Elle me faisait me sentir si entier. Elle me comprenait parfaitement, et j'arrivais à saisir chacun de ses songes. Elle ne posait pas de questions quand elle voyait que ça n'allait pas, se contentant juste d'être là. J'aimais lui donner ce dont elle avait besoin. J'aurais donné n'importe quoi pour elle.

Sa manière de sourire. Son sens de l'humour. Sa maladresse. Ses rougeurs. Sa force. Sa vulnérabilité. Ses grimaces. Sa manière de se moquer de moi. Sa mentalité. Sa loyauté. Chacun de ses mots dans son sommeil. Chaque froncement de sourcil en ma direction. Chaque facette de sa personnalité.. J'aimais chaque qualité, chaque défaut. Je portai les doigts d'Isabella à ma bouche, et embrassai sa main.

Je l'aimais. Purement et simplement.

Je ne voyais plus ma vie sans elle, c'en était déconcertant. Je la connaissais depuis moins de deux ans, mais elle s'était intégrée dans mon quotidien avec une aisance déconcertante. Elle faisait partie de ma vie. Elle était un bout de mon histoire. C'était Isabella, cette fille envers qui je me sentais si protecteur, si soucieux. Cette fille dont j'étais tombé amoureux.

Mon portable sonna à ce moment précis, et j'eus du mal à revenir sur Terre. C'était un SMS. Un SMS de Tia. Tia..

« Finalement, je reste dormir chez ma mère, ce soir. Ne m'attends pas. Je t'aime. Passe le bonjour à Bella pour moi. Bonne nuit.
PS : Ma mère adore la voiture ! Quand je te dis que c'est de famille.. »

Je souris en voyant ça, et posai le téléphone sur la table de nuit à côté de lit. Mes yeux se reposèrent sur Bella. Je l'aimais, c'était clair désormais, mais.. J'aimais tellement Tia en parallèle. Cette dernière était mon rayon de soleil au quotidien, mon petit distributeur de sourire perso. Elle était toujours là, à crapahuter autour de moi, et ce malgré ma volonté, à chercher comment me donner un sourire plus large que celui qui ornait déjà mon visage. M'épaulant quand ça n'allait pas, tout en faisant en sorte que ça passe. Voilà. Tia faisait en sorte que ça passe. Toujours.

Bella faisait en sorte – inconsciemment – que les choses arrivent. Alors que Tia et moi étions totalement opposés, Bella et moi nous ressemblions sur de nombreux points. Tia était insouciante, juste à la recherche de quelque chose qui ferait son bonheur quotidien. Isabella restait plongée dans ses pensées, cherchant à apaiser une douleur passée. Tia me faisait sourire. Je faisais tout pour que Bella sourisse. Là où Tia pansaient mes plaies, Isabella me montraient les siennes, me faisant penser à mes propres peines. Tia était cette fille innocente, vierge de tout drame familial ou sentimental. Bella avait vu et vécu des choses qui avaient fait d'elle cette fille craintive de tout bonheur trop simple, trop surfait. Alors que Tia prenait tout à la rigolade, ne cherchant qu'à sourire, Bella, elle, souriait, ne cherchant qu'à cacher ce qui la tourmentait.

Tia était cette fille enthousiaste, consumant la vie sans modération, s'imposant dans le cœur des gens. Authentique, spontanée, heureuse et heureuse de l'être. Je l'aimais d'un amour passionnel, enflammé. Et l'amour qu'elle me portait était comme un incendie, ravageant tout sur son passage.

Bella, c'était différent. La preuve était là : Je ne m'étais même pas rendu compte de combien je l'aimais. Isabella était plus discrète, plus réfléchie. Elle était, au contraire d'un incendie destructeur, un long fleuve de feu, plus en profondeur, plus paisible. Elle était différente. Elle m'avait fait l'aimer sans que je ne le sache, changeant petit à petit ma vision du monde, et de la vie en général. Je l'aimais d'un amour calme et serein, patient et discret. Comme une longue coulée de lave, si lente mais qui pourtant transformait tout ce en quoi elle était en contact. Imprévisible, mais pourtant inexorable. Elle était cette évidence.

Ma main alla caresser la joue de la jeune fille, appréciant le contact de sa peau si douce sous mes doigts.

- Tu es tellement importante, désormais, chuchotai-je. Je refuse de te laisser abandonner. Tu n'en as pas le droit.

Elle ne réagit pas, dormant simplement. J'eus du mal à arrêter de penser à cette révélation si inattendue, ce soir-là. Une fois de plus, je regardais Bella dormir à mes côtés, les yeux posés sur elle, à la recherche du moindre signe, ou mot inintelligible qui me prouverait qu'elle allait bien. Mais rien ne vint, cette nuit-là. Je m'endormis à l'aube, surpassé par cette longue journée et ses sentiments si contradictoires, bercé par les battements de cœur de Bella. Cela dit, mon sommeil fut de courte durée. Je sentis qu'Isabella allait se réveiller avant même qu'elle n'ouvre les yeux. Je relevai la tête, sa main toujours dans la mienne alors que j'étais resté auprès d'elle toute la nuit.

- Hmm, marmonna-t-elle. Qu'est-ce que..

Elle fut prise d'une toux, et je grimaçai en imaginant son ventre douloureux, ainsi que sa trachée, à cause du lavage d'estomac. Elle ouvrit les yeux, et je lâchai sa main alors qu'elle la portait à son ventre, toujours en train de tousser.

- Ca va ? M'inquiétai-je.

Les yeux d'Isabella se posèrent sur moi, et je fus surpris de voir la colère qu'il contenait.

- Où est ce que je suis ? Articula-t-elle.
- A l'hôpital. Je t'ai amenée ici hier. Les médecins t'ont fait un lavage d'estomac. Tu as failli y rester.

Elle cligna des yeux à cette phrase, visiblement pas sûre de bien avoir entendue. Elle observa la chambre et ses yeux se posèrent sur le capteur cardiaque qui avait été posé sur son index. Son regard se fit haineux.

- Tu te fiches de moi ? S'énerva-t-elle. Tu m'as réellement amenée ici ? Mais pour qui tu t'prends ? C'était mon choix ! Je ne veux plus vivre ! C'était totalement réfléchi, j'avais décidé de cre-

Ma main s'abattit presque d'elle-même sur sa joue à l'entente de ces mots. Mes doigts se retirèrent de sa peau laissée rougie, alors que ma respiration s'était faite soudainement difficile. Elle sembla choquée d'un tel geste venant de moi, ses yeux se reposant sur mon visage tandis que sa bouche était entrouverte sous la surprise. Comment osait-elle ?

- Pour qui je me prends ? Répétai-je à mon tour. Pour qui je me prends ?!

Mon ton avait changé. Dur, froid, passablement énervé. Sans réfléchir davantage, je lui dis tout ce que je pensais sans lui laisser le temps de me crier encore dessus.

- Pour celui qui s'est juré que personne d'autre dans ma vie entière ne se suiciderait devant mes yeux. Pour quelqu'un qui te connaît, et qui n'est pas prêt à te laisser faire une telle connerie. Pour le fils qui a détaché sa mère de sa corde. Pour l'homme qui tient à toi, et qui a juré qu'il ne t'arriverait rien tant que je serais à tes côtés, et ce même contre ta propre volonté. Tu croyais que j'allais te laisser partir comme ça ? Mais tu étais où, le jour où je t'ai raconté le suicide de ma mère ? Cet acte de lâcheté qui me dégoûte ? Où est ce que tu étais quand je t'ai expliqué à quel point ça me rongeait, et ce chaque jour durant ? Par respect pour moi, tu n'aurais pas dû faire ça. Mais pire.. Par respect pour celle que tu appelais ta mère, tu n'aurais même pas dû y penser ! Pour qui je me prends, Isabella ? M'énervai-je complètement cette fois-ci. Pour l'homme qui a connu et côtoyé cette femme qu'était Béatrice Grey, et qui, en si peu de temps, a compris qu'elle n'aimait rien de plus au monde que toi, sa fille. Pour cette homme qui ne veut pas que la dernière volonté de cette femme qu'était ta mère – à savoir celle que tu vives malgré sa mort à elle – être bafouée par tes élans suicidaires des plus irréfléchis et stupides. Tu crois que ta mère s'est battue pendant tous ces mois contre cette merde pour qu'une fois vaincue tu meurs toi aussi ? Je ne crois pas. Elle voulait tout, sauf ça. Elle s'est battue pour toi, contre toi durant toute cette année pour ton propre bien, ton propre bonheur.. Pour qu'une fois partie, toi tu laisses tomber au bout de quelques jours ? Ta mère était une battante, et toi tu bafoues sa mémoire en te montrant si stupide ! La question n'est pas de savoir pour qui est-ce que je me prends en faisant en sorte que tu restes en vie, mais bien pour qui est-ce que toi tu te prends en essayant de te donner la mort ? Tu devrais avoir honte de toi. Tu as eu le meilleur exemple qui soit, et au lieu d'être une battante à ton tour, tu as juste tout lâché et a vidé cette boîte de cachets.

Je me tus une seconde, ne prenant pas compte des yeux emplis de larmes de Bella.

- Tu as peut-être décidé d'abandonner, et d'être faible, repris-je, mais il est absolument hors de question que moi je laisse tomber. Aussi longtemps que je t'aurais à l'œil, Isabella, tu vivras. Que tu le veuilles ou non, tu vas continuer de respirer, et d'être en vie. S'il faut que je te foute dans un placard aux murs capitonnés pour que tu ne te fasses pas de mal, je le ferais. Tu auras une vie de merde, certes, mais tu auras une vie.

Je me levai de ma chaise, désormais mécontent.

- Sache que j'en ai rien à foutre que tu me haïsses ou que tu me prennes pour un bâtard de première, moi ça m'est égal, je ne te laisserai pas mourir. Je te conseille donc d'ores et déjà d'arrêter dès maintenant d'attenter à ta vie, ça ne te fera que perdre du temps, car je serai toujours là pour t'arrêter. Mais à quoi tu pensais ? Tu as songé à tes frères ? A Tia et à moi, tu y as pensé ? Tu n'as pas imaginé une seule seconde ce que je pourrais ressentir par rapport à ton suicide ? Toi la seule fille à qui j'ai raconté l'intégralité de ma vie ?

J'allai vers la porte, et ne pus m'empêcher d'ajouter, la poignée entre les doigts.

- Tu me déçois, Bella. Et si ta mère était encore là pour voir ça aujourd'hui.. Je ne serais pas le seul à être déçu.

J'ouvris la porte, et lui lançai un regard froid avant de sortir. Cela dit, à peine eu-je mis le pied dehors que j'entendis.

- Ne pars pas. S'il te plaît.

Je la regardai à travers la vitre. Elle s'était recroquevillée sur elle-même, sa joue toujours rougie par la baffe que je lui avais mise.

- Je t'en supplie.. Ne me laisse pas seule.

« - Ca va aller, lui dis-je. Je serai là.. Je serai là et je te soutiendrai. Je te promets que ça va aller ..

- Non, Ben, ça va pas aller. Tellement pas aller, même, pleura-t-elle contre ma peau.

- Je serai là.. Toujours. Je te le promets. Tu ne seras jamais seule. Je serai là. »

Je déglutis difficilement à ce souvenir. Je le lui avais promis. A elle, et à sa mère. J'avais promis que je serai toujours là. Et j'avais déjà trop failli à cette promesse. Je ne devais pas me laisser submerger. Ce qui avait été fait, avait été fait, et je devais gérer mon ressenti à moi.

Je pris une grande inspiration, et, me calmant, je rebroussai chemin, pénétrant à nouveau dans la chambre d'hôpital de cette fille à laquelle je tenais tant. Mes yeux balayèrent son visage fatigué et mouillé de larmes, ainsi que son corps qui semblait si petit et fragile, dans ces draps d'hôpital.

- E-Elle est morte trois jours à peine après ton envol vers le Brésil.. Je-Je n'ai rien pu faire.. Je n'ai-n'ai rien vu venir.. Tout a été si ra-rapide, sanglota-t-elle.

Elle fut prise d'un spasme violent, avant d'ajouter.

- J'étais toute seule, Ben. Il n'y avait personne. J'étais absolument toute seule.

Sa voix se brisa, et mon cœur se serra en la voyant ainsi. Je ne me retins pas plus longtemps et la rejoignis rapidement, m'asseyant auprès d'elle sur le bord de son lit, et elle releva le visage vers moi. Elle murmura à travers ses larmes.

- Je-Je suis désolée. Je voulais pas t-te blesser. C'est juste.. Trop dur, Benjamin. J'ai mal. Tellement mal. J'ai l'impression qu'on m'a tout pris. Qu'il ne me reste plus rien. Ca me fait souffrir.

Je grimaçai, et la pris dans mes bras. Elle se pressa contre moi sans attendre, et je la serrai contre mon cœur.

- Je sais, murmurai-je. Je sais..

Elle mit la tête dans mon cou, et je caressai ses cheveux d'un geste lent.

- Je vais rester avec toi. On va prendre soin de toi, lui chuchotai-je. Je vais prendre soin de toi. Je n'étais pas là, et je le regrette profondément. J'ai failli à toutes mes promesses.
- Tu as toujours été là, Benjamin. Toujours.

Elle me serra contre elle, et je me laissais faire en arrêtant de parler. Bella se cala contre moi, et j'embrassai sa tempe avec douceur.

- Je ne te lâche plus, maintenant, lui dis-je.

Elle hocha la tête dans le creux de mon cou, et je fis la moue en comprenant que ces prochains mois allaient être d'une difficulté inédite. Cela dit, nous surpasserions tout ça. Il le fallait. Je l'avais promis à Béatrice Grey.

Bella me fit une place dans son lit, après ça. Nous restâmes plusieurs heures dans ce lit inconfortable qu'était celui du service de réanimation, et j'écoutais chacun de ses pleurs, essuyais chacune de ses larmes. Son cœur battait parfois si difficilement qu'il m'était impossible de ne pas penser qu'il était en danger face à un tel niveau de tristesse. Cela dit, elle réussit à tout me raconter sans faillir, et je la serrais simplement contre moi quand elle eut terminé. Elle pleura longuement. Collée à moi alors que sa tête reposait sur mon torse, elle évacua une bonne partie de sa peine. Elle s'excusa pour cette tentative de suicide, et je réussis à lui faire promettre de ne plus recommencer. Quand je reçus un appel de Tia, en fin de matinée, je me décidai à lui apprendre la nouvelle, et ma petite amie accourut rapidement. Je lui cédai ma place dans le lit, afin qu'elle puisse réconforter Bella à son tour. Elle le fit sans se préoccuper de ce qu'elle avait fait, sans porter de jugement sur ses gestes. Elle se préoccupait beaucoup de Bella, en règle générale. Tia n'avait pas réellement d'amie, si ce n'était Bella, et il en était de même pour cette dernière. Elles s'entendaient parfaitement, et s'aidaient souvent. C'était quelque chose de bien, en soi, mais je le vis d'un œil différent après mes pseudos révélations de la nuit. Je me sentais presque coupable, voire honteux. J'avais l'impression de leur jouer un mauvais tour. Alors que rien n'avait réellement changer.

Laissant les filles ensemble, je partis en direction de l'accueil, afin d'aller signer ces papiers dont le médecin m'avait parlé la veille. Comme je m'y attendais, Béatrice Grey avait souscrit une assurance santé pour Bella, et celle-ci prenait en charge tout genre d'hospitalisation. Je n'avais rien à payer de ma poche. L'infirmière qui s'occupait de Bella pour cette matinée m'assura qu'elle serait probablement hospitalisée une semaine entière, si ce n'était plus. Il fallait qu'elle soit vue par un psychiatre, et ce serait ce dernier qui jugerait de son aptitude à sortir ou non. Après ça, Isabella fut transférée dans une chambre plus adaptée à son état de santé, et je fis en sorte que ce soit une chambre simple. Je payai la télé, également, et lui proposai de lui ramener un PC, pour passer le temps, ou encore de lui brancher rapidement une console de jeux. Mais elle déclina. Encore et encore.

Les jours passèrent, et je ne quittai la chambre de Bella uniquement pour aller me laver chez moi, et changer de vêtement. Les courses du week-end furent annulées, et lorsque le lundi arriva, le psy autorisa Bella à quitter l'hôpital. Etant seul avec elle à ce moment-là, je l'avais aidée à remballer les affaires que nous lui avions amenées au fil des jours. Nous signâmes tous les papiers administratifs, Bella tremblant légèrement en apposant sa signature sur toute cette paperasse. Je posai une main réconfortante sur son épaule, et elle se détendit imperceptiblement.

- Voilà, vous êtes libre de partir, Miss McCarthy, nous dit la secrétaire.
- Parfait. Bonne journée.
- A vous aussi, au revoir.

Bella se tourna vers moi, son regard balayant mon visage avec cette expression si.. vide et fatiguée. Je portai ma main à sa joue, et caressai sa peau si douce. Elle ferma les yeux à mon contact, et baissa la tête. Je l'attirai à moi, et elle referma ses bras autour de mon buste. Elle était complètement vidée.

- On va rentrer, et je vais m'occuper de toi, lui soufflai-je.
- Je veux pas retourner dormir à l'orphelinat, l'entendis-je chuchoter contre ma veste.
- Je t'ai préparé une chambre, chez moi. Tu vas rester avec nous quelques temps, d'accord ?

Elle hocha la tête, et j'embrassai ses cheveux si doux.

- On va devoir passer chez toi, quand même, histoire de reprendre des affaires. Mais après on part tous les deux.

Pour toute réponse, elle s'éloigna de moi, la tête basse. Alors que je m'attendais à ce qu'elle fasse entendre son point de vue, elle n'en fit rien. Sa main trouva timidement la mienne, et mon cœur battit un peu plus fort à son contact. Je n'en laissai rien paraître, et entrecroisai nos doigts. Ce fut Bella qui marcha la première, et je la suivis en silence. Je ne pouvais détacher mes yeux d'elle, inquiet à l'idée qu'elle se fasse si silencieuse.

Bella n'avait jamais été très bavarde, c'était sûr, mais pas à ce point. J'avais l'impression qu'elle n'avait pas parlé depuis des jours. Elle ne répondait qu'aux questions qu'on lui posait, ou pour adresser une formule de politesse au personnel de l'hôpital. Soucieux, je ne lui en fis cependant pas part, et resserrai mes doigts sur les siens.

Après s'être installés dans la voiture, nous prîmes rapidement la route pour l'orphelinat. Isabella se contenta de regarder par la fenêtre, pour observer ce paysage qu'elle connaissait pourtant très bien. Elle ne fit pas de remarque sur ma musique, comme elle en avait l'habitude, ou sur ma façon de conduire. Elle resta juste les yeux posés au loin, comme éteinte.

- On est arrivé, lui dis-je lorsque nous fûmes devant la grande bâtisse.
- Je le sais, souffla-t-elle contre la vitre.

Elle resta immobile un long instant, regardant l'orphelinat d'un œil attristé. Au moment où j'allais lui demander si elle voulait éviter de rentrer, elle sortit de la voiture. J'en fis de même, la suivant de près lorsqu'elle ouvrit le portail de la propriété qu'avait longtemps été celle de Béatrice Grey.

- A qui est l'orphelinat, maintenant ? Questionnai-je.

Ce n'était pas quelque chose dont nous avions parlé, la directrice et moi. Je pensais qu'elle l'avait légué à James, celui-ci étant le plus âgé de ceux qu'elle appelait ses enfants.

- A moi, répondit Bella. Il m'appartient.
- Tu as eu rendez vous chez le notaire ?
- Il a dit qu'il me recontacterait en temps voulu.

Elle n'ajouta rien. Répondant simplement à cette question, sans rien ajouter comme elle aurait eu l'habitude de le faire un mois auparavant. Je retins un soupir, et donnai ses clés à Isabella lorsqu'elle se retrouva devant la porte.

- Je les ai prises de sur la gouttière, celles-ci. Je crois que les tiennes sont dans les sacs.

Elle hocha la tête, et se contenta d'ouvrir la porte. Alors que je m'attendais à ce qu'elle pénètre le couloir, elle n'en fit rien. Je la vis se mordre les lèvres, alors qu'elle rentrait ses mains dans le sweat trois fois trop large qu'elle avait sur le dos.

- Ca va aller ? M'enquis-je en m'approchant d'elle.

Elle tourna sans réellement le faire la tête dans ma direction, avant d'à nouveau hocher la tête. Doucement alors, elle entra dans la bâtisse dans laquelle je l'avais retrouvée à moitié morte une semaine auparavant.

- Je vais chercher mes affaires, murmura-t-elle.
- Je t'accompagne.
- Non, inutile, j'en ai pour deux minutes. Tu veux fermer les volets, toi, s'il te plaît ? Je m'occupe de ceux de l'étage.
- Comme tu veux.

Elle partit sans un mot de plus vers le couloir qui menait aux escaliers, et je la regardai disparaître au coin de celui-ci. Ca allait prendre du temps..

Je soupirai finalement, attristé de remarquer à chaque minute qui passait à quel point elle n'allait pas bien. Je ne l'avais jamais connue comme ça. Je l'avais déjà vue pleurer, certes, mais je ne l'avais jamais vue.. démolie. Isabella avait toujours été cette fille forte, drôle et intrépide. Celle qui me défiait de courir avec elle sur la piste, et qui n'hésitait pas à me dire d'aller me faire foutre quand je la collais un peu trop à son goût.

Ca allait passer..

Je secouai la tête, désireux de me changer les idées, et allai fermer les volets du rez-de-chaussée. Ils étaient nombreux. Très nombreux. L'orphelinat était un manoir étalé sur plusieurs centaines de mètres carrés, et bien qu'il ait été fermé des années auparavant, Béatrice Grey avait toujours voulu ouvrir chaque volet au petit matin, et les fermer à la tombée de chaque nuit. Et ce même si nombreuses des pièces n'étaient plus utilisées.

Je revins dans le hall d'entrée lorsque j'eus fini de faire ce qu'Isabella m'avait demandé, et observai chaque recoin de celui-ci. Je n'avais jamais réellement pris le temps de le faire. Je ne m'étais jamais posé la question. Comment aurais-je vécu cette vie, si j'avais été orphelin moi aussi ? Orphelin de naissance. Si mes parents m'avaient abandonné dès mon premier jour.. Que serais-je devenu ? Quel état d'esprit aurais-je ? Serais-je mieux ? Pire ? Mort ou vivant ? Le même ou quelqu'un de totalement différent ?

Je savais ce que c'était, d'être orphelin. Mais pas d'avoir été abandonné de cette manière. Bien sûr, ma mère avait eu la lâcheté de se suicider et de me laisser seul par la même occasion, mais ça n'était pas pareil. Je me rappelais très bien de notre famille, avant que tout ne parte en fumée. Ma première rentrée à l'école, chacune de mes mains dans une de celle de mes deux parents. Je me rappelais nos dimanches matins, à Peyton et moi. Nous allions sauter sur le lit de nos parents jusqu'à ce qu'ils daignent se lever pour que nous puissions déjeuner tous ensemble, comme la tradition du dimanche matin le voulait. Mes Noëls joyeux, et chaleureux. Je me rappelais chaque moment passé avec mon père, alors que celui-ci briquait l'intérieur de sa voiture. Chaque fou rire de ma petite sœur, quand je la chatouillais pour lui faire admettre que j'étais le plus fort d'entre nous deux. Je me souvenais de chaque baiser que ma mère posait sur mon front, avant que je ne m'endorme, et toutes les fois où mon père remontait la couverture sur mes épaules, quand je somnolais dans mon lit.

Oui, bien que je sois orphelin désormais, j'avais eu des parents. De très bons parents. J'avais eu un foyer, et une famille aimante. Si j'avais été un de ces bébés abandonnés dès la naissance, je n'aurais jamais connu ça. Peut-être aurais-je connu Bella. Peut-être aurais-je été une sorte de James, pour elle. Bien que l'idée d'être comme un frère pour elle me déplût, elle était tout à fait probable. Si j'avais eu l'occasion d'apercevoir Bella dans un orphelinat tel que celui-ci, je l'aurais également protégée. Je l'aurais aimée de toutes mes forces dès le premier regard. Elle aurait été ma Bella.

Bella..

Je revins sur Terre pour me rendre compte qu'elle était partie depuis plus d'un quart d'heure, déjà. Je fronçai les sourcils en me coupant définitivement de ma rêverie.

- Isabella ? Appelai-je dans le couloir.

Il n'y eut aucune réponse. Je marchai en direction des escaliers, car elle ne m'avait peut-être pas entendu.

- Bella ?

Toujours rien. Je décidai de grimper à l'étage moi aussi, histoire de voir si elle avait besoin de mon aide pour ses derniers bagages. Je foulai rapidement le sol du premier, et me dirigeai vers la chambre de la nouvelle propriétaire. Je retrouvai celle-ci vide, bien que les bagages soient faits. Je me tournai de demi pour voir si elle se trouvait dans la salle de bain, mais non. Je fronçai les sourcils.

- Bella ? Rappelai-je.

C'est alors que je l'entendis. Pas Bella. Ou du moins pas directement. Non, je n'entendis que ses sanglots. Je suivis le bruit de ces derniers, m'aventurant trois chambres plus loin dans le couloir, et arrivai devant une porte ouverte. Je passai la tête à travers l'embrasure, et je la trouvai. Assise sur la banquette qui était en dessous de la fenêtre, elle était là, en train de pleurer. Je pénétrai la pièce, et reconnus son odeur avant même de l'identifier. C'était l'odeur de Béatrice Grey. Je reposai mes yeux sur Bella en comprenant, tandis que celle-ci observait le lit de sa mère.

- Bells..

Elle ne répondit rien, se contentant de pleurer le plus silencieusement possible.

- Bella, ma chérie..

Je m'approchai d'elle, et m'agenouillai sans vraiment réfléchir à côté de la banquette. J'attrapai les mains de la fille qui avait le don de faire s'accélérer mon cœur, et pressai ses doigts des miens. Isabella se tourna vers moi, et je la pris dans mes bras à l'instant même où elle me tendit les siens. Je la pris tout contre moi, alors qu'elle se laissait aller à pleurer à nouveau contre mon cou. Je la pressai contre mon corps avec force, désireux de la protéger de sa propre tristesse. Je ressentis à nouveau ce besoin. Celui de la protéger de tout. Celui de la fondre en moi, et de la cacher de tous les malheurs de la vie. Je me rappelais l'avoir déjà ressenti auparavant pour elle. Cela dit, les malheurs de la vie étaient déjà passés, et la cacher ne changerait plus rien. Non. Il ne restait que nous. Bella, moi, et ses lourds souvenirs.

- Elle était juste là, Benjamin, pleura Bella. Elle était là.. Sa main dans la mienne et puis.. E-Elle est juste..

Elle s'arrêta de parler une seconde avant de finir avec difficulté.

- Partie.

Je grimaçai en la calant contre mon torse.

- Ca fait mal. J'ai l'impression d'être déchirée en deux.. Ca me fait beaucoup trop mal. Elle me manque tellement..
- Je sais, mon Cœur. Je sais..

Je caressai ses cheveux d'une main que j'espérais apaisante. Bella attrapa mes doigts de sa main tremblante, et accrocha ses doigts aux miens afin d'aller cacher nos mains entre son visage et mon torse. Elle pressa son visage contre mes phalanges, et je dus me faire violence pour ne pas simplement caresser chacun de ses traits. A la place, je la laissai cacher nos mains dans le creux de son cou, comme une peluche qui l'aurait apaisée avant de dormir.

- On va aller chez moi, lui soufflai-je. Il y a un lit, pour toi, là-bas.
- Tu me laisseras pas seule, hein ? S'inquiéta-t-elle.

Je ne me formalisai pas du fait qu'elle en doutait encore, et répondis tout à fait sincèrement :

- Jamais.

Elle se pressa contre moi, et je la serrai de mon bras libre. Elle paraissait si petite, ainsi positionnée. Elle était si jeune, et pourtant elle connaissait déjà une peine telle qu'était celle de perdre un parent. La vie se moque de savoir si vous êtes petits ou non. Elle prend et donne sans se soucier de ce genre de détails.

Elle m'avait pris ma famille, cinq ans auparavant. Et elle m'avait aussi donné Bella.

Doucement, à cette pensée, je posai mes lèvres dans les cheveux de la fille que j'aimais. Car oui, je le savais désormais. Je l'aimais.

Et avancer avec cette idée fut compliqué, dans les semaines qui suivirent. Bella vint habiter chez nous, comme prévu, mais elle n'alla pas mieux. La voir dans un tel état de tristesse me brisa un peu plus chaque jour, et il me fut difficile d'être léger et libre d'esprit en sachant à quel point Bella, elle, n'allait pas bien.

Tia fut patiente, n'hésitant pas à apporter son aide, ses conseils. Elle me redonna le sourire à de nombreuses reprises, et s'arrangea pour que mon travail sur les courses soit allégé, afin que je ne sois pas dehors trop longtemps. Elle ne dit jamais rien à propos de mes insomnies, ou de mes journées passées devant la télé avec Bella. Elle comprenait simplement. Tia était comme ça. Elle ne s'occupait pas de ce qui ne la regardait pas, dans le sens où – en l'occurrence – elle savait ce que je faisais, ce que j'avais en tête. Elle avait saisi que si j'accompagnais Bella dans chacune de ses faiblesses, de ses mauvaises habitudes, c'est pour qu'elle ne soit jamais seule nulle part.

Tia était facile à gérer. Très facile. C'était elle qui apaisait mes sentiments les plus obscurs après que j'ai passé la journée à entendre Bella pleurer. C'était elle qui prenait le relais lorsqu'Isabella refusait de se nourrir, ou de sortir de sa chambre. La voir s'occuper ainsi de la seconde femme qui animait en moi des sentiments amoureux fut tout à fait bizarre. Je me sentais tellement coupable de lui faire ça. De ne pas l'aimer de tout mon cœur. Elle le méritait tellement. Rien ne se passait entre Bella et moi, mais la simple accélération de mon cœur au contact de celle-ci me faisait me sentir indigne de Tia et de l'amour qu'elle me portait. Et cette impression ne s'arrangea pas lorsque Bella alla un peu mieux.

Je réussis à lui faire relever la tête deux mois après que sa mère soit décédée. Je l'avais emmenée au centre commercial au cœur de Seattle, et l'avais obligée à prendre quelque chose qui lui ferait plaisir. De mauvaise grâce, elle avait pris de la Ben&Jerry. De la glace. Tellement cliché et pourtant.. Le petit bout de femme qu'était Bella se mit à engouffrer des dizaines et des dizaines de pots de glace, après le premier acheté au hasard. Elle mangeait ça à longueur de journée. Dès le matin, terminant ses pots en même temps que ses journées, et recommençait le lendemain matin. C'en était écœurant, parfois. Mais ça me faisait rire de voir son regard s'illuminer une fois qu'elle eut fourré sa cuillère dans sa bouche. Je restais tout le temps avec elle, heureux de la voir aller mieux après toutes ces semaines si sombres, et délaissais inconsciemment Tia. Ma petite-amie se mit à aller chez sa mère plus que d'habitude, partant parfois toute la journée sans donner signe de vie. Aussi horrible que cela puisse paraître, je ne remarquais presque pas son absence, lorsque j'étais confiné sur le canapé avec Bella et sa glace. Cette dernière allait bien, et je me ressourçais dans les sourires qu'elle me donnait. Ce fut à ce moment précis que je me mis à envisager une réelle relation avec elle. Je me demandais comment réagirait-elle si je lui faisais comprendre que je nourrissais des sentiments autres que ceux de l'amitié à son égard. Je fus tenté de lui dire que je l'aimais réellement, et ce à plusieurs reprises. Mais je n'en fis rien. Ma conscience me rappelait à chaque fois que j'avais déjà une petite-amie, et que ce n'était pas juste de faire ça. Cela dit, une nuit fut différente de toutes les autres..

Je fermai la porte de ma chambre, le sourire aux lèvres après être aller m'assurer que Bella dormait, et retirai ma veste de coton. Je me repérai facilement dans la pièce obscure, et me mis rapidement en pantalon de pyjama. Je restai torse nu, et allai me coucher dans mon lit, auprès de Tia.

- Tu dors ? La questionnai-je à voix basse.
- Presque, répondit-elle sur le même ton.

Je souris à l'idée qu'elle était encore éveillée, et rabattis les couvertures sur nos deux corps. Je m'approchai de ma petite-amie, mais celle-ci s'éloigna de moi imperceptiblement. Je fronçai les sourcils.

- Y a un problème ? Demandai-je.
- Bella dort déjà ?
- Ouais, depuis un peu moins d'une heure.
- Sinon tu ne serais pas là, pas vrai ?
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Rien, Ben. Je ne veux rien dire, soupira-t-elle en se calant un peu plus dans ses couvertures.
- Tia ? Qu'est-ce qui a ?
- Laisse-moi tranquille, je suis fatiguée.
- Mais, réponds-moi. Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi t'es comme ça ?
- Laisse-moi tranquille, répéta-t-elle en détachant chaque mot.
- Non, dis moi simplement ce qui ne ..
- Justement ! J'ai rien à te dire ! S'emporta-t-elle en se relevant. Tu devrais t'en rendre compte tout seul ! Mais tu n'en fais rien !

Elle se leva sans attendre, et s'en alla dans la salle de bain. J'écarquillai les yeux et me mis debout à mon tour. J'essayai d'entrer dans la pièce, mais celle-ci était close.

- Tia ? Appelai-je à travers la porte. Ouvre-moi, on va en parler.
- S'il te plaît, oublie-moi. Ca ne devrait pas être plus difficile que ces derniers jours ! Juste.. Oublie-moi.
- Mais arrête d'insinuer des trucs et dis clairement ce que tu penses.

La porte s'ouvrit à la volée sur une Tia défigurée par la colère.

- Tu sais ce que j'en pense ?! Que Bella va très bien, et qu'elle n'a plus besoin que tu la colles toute la journée ! Et pourtant t'es là à tourner autour d'elle sans t'arrêter ! J'ai été patiente, et Dieu sait que j'aime Bella comme ma propre sœur, mais il faut que tu arrêtes !
- Mais..
- Quel jour on est, aujourd'hui ? Me coupa-t-elle.
- Quoi ?
- Quel jour on est !? S'énerva-t-elle.
- Je.. Le..
- Le 6 Septembre ! Et tu sais ce qu'il y a, d'habitude le 6 Septembre ?

Merde..

- Ouais, c'est notre anniversaire ! Ca fait trois ans aujourd'hui qu'on est ensemble. Trois ans ! Et t'as passé là toute la journée sans même me calculer ! Alors tu continues de faire ça et tu m'oublies !
- Tia, je suis désol..
- Va te faire foutre.

Elle passa devant moi, me bousculant sans ménagement et fila dans le couloir en vitesse. Je la suivis rapidement, et j'eus juste le temps de la voir fermer la porte d'entrée, son sac à main entre les doigts.

- Tia ! Appelai-je en sortant sur le perron.
- Lâche-moi !
- Mais où est ce que tu vas à cette heure-ci ?

Elle monta dans la Porsche et mit le contact sans attendre. Une fois la voiture en route, elle démarra sur les chapeaux de roue. Je n'eus pas le temps d'esquisser un geste qu'elle disparaissait déjà de l'allée.

Putain de merde..

Je passai une main dans mes cheveux.

J'avais fait le con. Comment j'avais pu être aussi stupide pour oublier ça ? Comment, putain de merde ?! Je shootai rageusement dans les cailloux.

Espèce de connard.

[…]

Trois heures. Cela faisait trois heures qu'elle était partie. Elle ne répondait à aucun de mes appels, ni aucun de mes messages. Elle m'ignorait purement et simplement, et elle avait tout à fait raison de le faire. J'étais en tort, et nous le savions tous les deux. Cependant, je ne m'étais pas résolu à rentrer. J'étais toujours là, assis sur les marches du perron à attendre d'apercevoir ses phares au bout de l'allée, ou à entendre son moteur ronronner au bout du terrain vague.

Je me cassais la tête depuis trois heures sur ce que j'allais faire de tous ces sentiments contradictoires qui m'animaient. Bella, Tia.. Tia, Bella. Qu'étais-je censé faire de tout ça ? Y avait-il quelque chose à faire, d'ailleurs ?

Rompre avec Tia pour commencer une histoire avec Bella ? Chasser Bella de ma vie pour pouvoir me concentrer sur Tia ? Ces deux idées me paraissaient inenvisageables. J'avais été tenté à de nombreuses reprises, ces dernières semaines, de dire à Bella ce que je ressentais. J'avais plusieurs fois imaginé ce que nous pourrions être en tant que couple. Comment nous aurions vécu ensemble. Si ça avait été différent d'avec Tia..

- Elle ne rentrera pas ce soir, tu sais, entendis-je.

Bella apparut à ma droite, en tenue de pyjama. Un pantalon trois fois trop large pour elle qui retombait sur ses hanches, et un gros t-shirt qui appartenait à Jacob. Elle avait attaché ses cheveux d'un chignon lâche, et tenait dans ses mains sa couverture et un pot de Ben&Jerry's.

- Qu'est-ce qui te fait dire ça ? Questionnai-je alors qu'elle s'asseyait sur les marches à côté de moi.
- Elle m'a envoyé un message. Elle est chez sa mère.
- Je vois..

Elle m'évitait donc bel et bien.

- Tu ne vas pas rentrer ?
- Je ne sais pas, répondis-je.

Elle haussa les épaules, avant d'enfourner une nouvelle cuillère de glace dans sa bouche.

- Tu t'es relevée pour ça ? Lui demandai-je dans un petit sourire.
- Pas vraiment. Je me suis relevée pour toi, et puis je l'ai pris en passant, fit-elle en désignant le pot.
- Pour moi ?
- Je vous ai entendu, tout à l'heure.. Et vu que Tia est toute seule chez sa mère et que je ne t'entendais pas..

Je lui souris, et elle me répondit par le même faciès. Elle prit une nouvelle cuillerée, et je remarquai son pot presque vide.

- On en a plus en réserve, il me semble, fis-je remarquer.
- Nope, c'est le dernier.
- J'irai t'en chercher demain.
- Non. C'est le dernier, celui-ci.

J'haussai les sourcils, et Bella posa sa grosse cuillère dans son pot presque vide. Elle se tourna vers moi, et ses yeux plongèrent dans les miens avec cette intensité qui me faisait chavirer à chaque fois.

- J'ai décidé que je devais bouger. Je ne peux pas rester comme ça toute ma vie.
- Tu le veux vraiment ?
- Vraiment. En plus, je suis en train de détruire ton couple à tout le temps te demander de l'attention. Il faut que je me bouge. Il est temps.
- Tu ne détruis pas mon couple.
- Peut-être, peut-être pas. Je ne peux pas me permettre de prendre davantage le risque. Tia n'en peut plus, je crois.
- Elle t'en a touché un mot ?
- Oui et non. Elle n'a pas vraiment osé.
- Elle aurait dû m'en parler.
- Mais quand ? Tu es toujours avec moi. J'aime quand tu es avec moi. C'est d'ailleurs la seule réelle chose que j'ai aimé au cours de ces derniers mois..

Je sentis mon cœur se réchauffait à cette révélation.

- Mais je comprends que Tia puisse en avoir marre au bout d'un moment. C'est normal. Je ne peux rien lui demander de plus. C'est ma seule réelle amie, tu sais, et je n'ai pas envie qu'elle soit malheureuse parce que je monopolise son petit-ami.
- Tu parles comme si je n'avais pas mon mot à dire là dedans, ou que tu m'obligeais à rester avec toi. J'aime passer mes journées avec toi sur le canapé, tu le sais bien. J'aime vraiment être avec toi, Isabella. Je fais pas juste ça pour que toi tu ailles bien, c'est quelque chose que j'apprécie.

Bella eut un petit sourire amer, touillant sa glace du bout de la cuillère.

- Mais à quel prix ? Souffla-t-elle. Je sais pertinemment que parler de ma tentative de suicide te fait mal. Que me voir pleurer te fait souffrir. Que d'être malheureuse te fait être moins heureux. Je sais très bien que mes peines à moi font ressurgir les tiennes. Ce n'est pas ce que je veux pour toi, Ben. Tu étais un homme heureux avant que je n'entre dans ta vie.
- Et j'ai été un homme comblé quand tu es devenue ma tête de mule parfaitement agaçante.
- Et puis tu as été un homme blessé par ce que j'avais fait, et parce que je ressentais. Tu as tellement réussi.. Et avancé, depuis la mort de ta mère. Tu es un exemple, pour moi. J'aimerai réussir à me reconstruire de la manière dont toi tu l'as fait..
- Je ne suis pas totalement remis, Bella.
- Personne ne l'est jamais.

Je me tus. Je supposais qu'elle avait raison.

- Tu es Benjamin Drake, ce gars qui revient de très loin. Ton passé fait de ton présent quelque chose de respectable. Tu as réussi à te remettre debout.
- Je n'ai pas été tout seul.
- Je sais. Tu avais Tia. Et tu l'as toujours. C'est elle qui te rend si heureux, je le vois très bien. Cette fille est absolument extraordinaire. Je suis heureuse que tu l'aies, et qu'elle soit là pour toi. Vous allez très bien ensemble.

Je ne sus comment prendre ce qu'elle me disait. J'avais l'impression que mon corps tout entier se rendait compte d'une évidence que mon esprit n'avait pas encore compris.

- Ne laisse jamais tomber Tia, Ben. Elle est la femme parfaite pour toi, et tu es l'homme qu'il faut à peu près à toutes les filles de cette planète, fit-elle dans un petit sourire, mais je vous vois quand vous êtes ensemble.. Vous êtes entier. Un tout. Vous êtes spéciaux et ça vous va très bien. Elle est ton rayon de soleil, et tu es ce qui lui maintient les pieds sur Terre. Un jour, tu seras parfaitement heureux et je suis persuadée que ce sera grâce à elle.

Alors que mes yeux étaient fixés sur le visage de Bella, celle-ci posa son pot de glace un peu plus loin, et retira la couverture de sur ses cuisses. Elle me regarda sans réellement le faire, ses yeux semblant incertains. Elle posa alors la couverture sur mes épaules, recouvrant mon torse toujours nu de sa couette si chaude.

- Je ne veux que ton bonheur, Benjamin. Tu es celui qui m'a sauvé la vie, à plusieurs reprises. Tu as toujours été là pour moi, et ce depuis le premier jour de notre rencontre. La moindre des choses, pour moi, est d'être là pour toi en retour. Et ce même si ça implique ne plus être là, au quotidien. Rester sur ce canapé avec moi à m'entendre pleurer ne t'a fait aucun bien, ces dernières semaines. J'ai fait réapparaitre des peines que Tia avait réussi à faire disparaître. Je ne veux pas de ça pour toi. Je ne veux pas te faire de mal d'une quelconque manière que ce soit.

Elle secoua la tête, les larmes aux yeux.

- Pas à toi, Benjamin, murmura-t-elle difficilement.

Mon cœur se déchira dans ma poitrine. Je pris la femme que j'aimais dans mes bras, l'attirant contre moi alors que les larmes roulaient sur ses joues. Isabella s'accrocha à moi, me serrant comme si c'était la dernière fois qu'elle ne le ferait jamais.

- J'ai besoin de reprendre ma vie en main, et de vous laisser vivre la vôtre tranquillement, murmura-t-elle. Je serai partie d'ici la fin de la semaine. Yuri m'a proposé de venir chez lui, mais je pense que je vais retourner à l'orphelinat. C'est chez moi, là-bas.

Des larmes s'échappèrent de mes yeux tandis que l'évidence m'apparaissait clairement, désormais. Douloureusement, même.

Malgré mon amour pour elle, j'allais la laisser partir.

- J'espère trouver un jour quelqu'un comme toi, souffla Bella. Aussi fort et bon que toi. J'espère pouvoir trouver un jour mon propre rayon de soleil, qui fera disparaître chacune de mes plaies. Trouver quelqu'un qui pourra, comme Tia l'a fait avec toi, m'aider à me reconstruire.

Je la pressai un peu plus dans mes bras.

- Tu trouveras, mon Cœur. J'en suis persuadé.

Isabella sortit la tête de mon cou, et je nous entourai de la couverture. Elle plongea ses yeux mouillés dans les miens, tandis que ses petits doigts effaçaient les larmes de mes joues.

- N'abandonne jamais la bataille, Benjamin. Bat toi pour Tia, pour votre couple. Tu es quelqu'un d'extraordinaire, mais tu l'es encore plus aux côtés de Tia.

Je souris tristement. C'était douloureux de se rendre compte que mes sentiments pour le petit bout de femme que j'avais dans les bras n'aboutiraient jamais à rien de concret. Qu'il n'y aurait jamais de nous. Qu'elle ne saurait jamais à quel point je l'aime.

Ces mots que nous échangions avaient un goût de fin. Une fin..

Alors que rien n'avait jamais réellement commencé.

Je pris le visage de Bella en coupe, et fermai les yeux, laissant s'échapper de nouvelles larmes de mes yeux. Je posai un baiser sur son front, m'imprégnant de la sensation de sa peau sous mes lèvres, de la façon dont mon cœur s'accélérait pour le sien. J'avais l'affreuse impression que c'était la dernière fois que je le ferais réellement.

- Je t'aime tellement, Trésor, chuchotai-je.

Pour toute réponse, elle se confina un peu plus dans la couverture, venant se caler dans mes bras. Je la serrai contre mon torse, et elle entoura ma taille de toutes ses forces.

- Je te souhaite tout le bonheur du monde. Tu le mérites. Tu le mérites tellement, même. J'espère que quelqu'un te rendra pleinement heureuse, toi aussi.

A ce moment précis, je compris. Je compris que je pensais réellement ces paroles. Que je voulais qu'elle soit heureuse, et aimée. Qu'elle trouve ce bonheur qu'elle méritait tant.

Et ce même si ce n'était pas moi qui le lui apporterait.

Quoi qu'il advienne, je saisis la véritable évidence, cette nuit là.

Oui, cette nuit là, je sus.

Je sus que je l'aimerai toujours, qu'importe ce qu'il nous arriverait. Je l'aimerai jusqu'à la fin.


& Voilà..

Je sais pas trop quoi ajouter, alors je crois que je vais me taire.

J'ai beaucoup aimé écrire ce bonus. J'espère que vous l'avez apprécier.

On se voit plus tard. Bonne semaine à toutes.

Prenez soin de vous et soyez heureuses.

Peace.