BONNE ANNÉE, TOUT LE MONDE ! ...Et au revoir.

Et oui, ça y est : terminé, fini, basta! C'est... Difficile à croire pour moi. Je crois que jamais je ne me suis autant investie dans une fanfiction. J'étais absolument terrorisée quant à son résultat : j'avais peur que ce soit complètement OOC, sans intérêt, bourré de fautes, mal organisé... Je le pense encore parfois. Malgré tout, tant de gens sont venus la lire et m'ont laissée de si aimables et encourageants commentaires! Jamais je ne serais parvenue jusqu'à cet épilogue sans ce soutien : à vous tous, qui avez perdu du temps à lire cette histoire, qui avez laissé des reviews et qui m'avez si adorablement soutenue et motivée à aller jusqu'au bout de ce projet... Du fond du coeur, merci !

Quelques petites notes en vrac avant de vous quitter :

1) Pour ceux que ça intéresse, le titre de chaque chapitre est inspiré d'une OST des jeux Final Fantasy, "The Price of Freedom" en étant également une.

2) Je n'ai, hélas, pas eu le temps de répondre à toutes mes reviews, mais sachez que je les lis toutes attentivement et qu'elles me font toujours un immense plaisir! Je tiens néanmoins à apporter une réponse relativement construite à Amlie : tout d'abord, inutile de te justifier! Tu as parfaitement le droit de ne pas accrocher au yaoi! Moi-même, j'avais du mal au début... Comme quoi, c'est marrant comme les choses évoluent! XD Mon raisonnement fonctionne à l'inverse du tien : en tant que femme, j'adore le rôle "d'observateur extérieur" qui est à ma portée lorsque je lis du slash. Mais je comprends ton mode de pensée! Je tiens néanmoins à préciser que je n'invente pas toujours le yaoi : après tout, dans la mythologie, le roi Rhadamanthe avait un certain penchant pour le jeune Milétos. Quoiqu'il en soit, je te remercie pour m'avoir donnée ton avis, et également pour ton gentil compliment! "smile"

3) Bien que chacune des reviews que je reçois me fait un immense plaisir, je tiens à adresser des remerciements tout particuliers à Baella, Manuka (j'espère que tu ne m'en voudras pas trop pour ce que Rune a subi dans cette fic! XD) et à Hemere : merci d'avoir suivi cette histoire depuis si longtemps, en espérant que vous ne vous arrêterez jamais d'écrire! Vos histoires sont géniales!

4) Enfin, bien entendu, ma pensée la plus tendre pour Leyounette, sans qui cette fic n'aurait jamais été postée sur ce site! Je ne saurais jamais la remercier assez pour sa gentillesse, ses encouragements et le temps qu'elle a passé à corriger presque chaque chapitre! Alors je vais me contenter de vous dire que cette fille est un ange, et de vous conseiller vivement de lire ses écrits : des splendeurs!

Voila! Encore merci et au revoir !


Epilogue : Didn't Capture the Heart of Both

Le Japon.

Merveille insulaire de l'Asie de l'Est, pays du Soleil Levant.

Contrée lointaine et enchanteresse, Terre de Mythes et de Légendes. Pays dont le simple nom inonde votre esprit de splendeurs orientales, des plus fantastiques des rêves.

Territoire de la recherche de la paix intérieure. De la libération de l'âme. Du stade le plus élevé de calme et de sérénité. De la...

-NON, NON ET NON !

-HYOGA! AU NOM D'ATHENA, REVIENS ICI TOUT DE SUITE !

...Pays, surtout, de la fondation Kido et de ses échanges conflictuels Russo-Japonais constants.

Matérialisés ce jour-là par une chaise renversée dans le manoir de feu Mitsumada Kido, puis par deux baies vitrées qui volèrent en éclats, ayant eu la malchance de se trouver sur le passage d'un jeune homme blond à l'air furieux.

Les dégâts matériels ne constituaient pas vraiment un problème majeur (la Fondation avait d'ailleurs fini par prévoir un budget spécifique à ce genre d'incidents) : ce qui était plus embêtant, c'était qu'on en arrivait déjà à la cinquième fenêtre éclatée, ce mois-ci. ...Et que Hyoga du Cygne en était à chaque fois le responsable.

Mais loin d'éprouver des remords face à ses actes, le jeune homme ignora avec superbe les cris exaspérés et les quelques jurons qui ne tardèrent pas à fuser depuis la salle de réunion :

-Et voilà, c'est toujours pareil! S'écria d'abord la voix boudeuse de Seiya. On peut jamais lui dire quoique ce soit!

-Comment ose-t-il s'opposer aux ordres de Saori-sama? Ajouta Jabu, qui semblait prêt à tuer quelqu'un. Il croit vraiment qu'il peut la contrarier sans en subir les conséquences?

-Allons, du calme, fit alors une voix grave et sereine qui ne pouvait appartenir qu'à Shiryu. Il est normal qu'il ne soit guère enchanté à cette idée. Aussi, je pense qu'on ne devrait pas le brusquer et...

-Et moi, je pense qu'il devrait se dépêcher d'accepter! A moins que tu ne souhaites qu'on fasse encore une réunion et qu'elle se termine comme celle-ci?

-...

-C'est bien ce qu'il me semblait!

-Et puis, de quoi il se plaint, en plus? Résonna la voix quelque peu blasée de Nachi. Ça ne peut pas être si déplaisant...

-Peu importe! Quelqu'un peut aller le chercher?

-C'est bon, j'y vais...

Hyoga laissa échapper un grognement alors qu'il descendait l'escalier de la cour, pour se rendre dans le gigantesque jardin de la demeure Kido.

Marre. Bon sang, ce qu'il pouvait en avoir marre! Marre de ces foutues réunions, des commentaires de ces crétins qui osaient se dire ses amis, des reproches incessants, des idées tordues de leur soi-disant Déesse, de...

-Hyoga, attends!

Le Cygne soupira : marre également de la technique fourbe, mais efficace, que les chevaliers de Bronze avaient trouvé pour toujours le faire revenir. A savoir, lui envoyer en tant que négociateur la seule personne au Monde contre laquelle il était impossible de rester en colère plus de cinq secondes.

Alias Shun d'Andromède.

C'est donc un regard blasé que Hyoga, en se retournant, posa sur le jeune garçon aux cheveux verts qui trottinait derrière lui en lui faisant de grands signes de mains, un air inquiet sur son visage efféminé.

Le chevalier de glace poussa un nouveau soupir et arrêta sa marche, laissant Andromède le rattraper : contrarier son meilleur ami était bien la dernière chose qu'il souhaitait à un moment pareil (et il n'avait pas particulièrement envie de subir la colère du Phénix, si ce dernier apprenait qu'il avait chagriné son précieux cadet)! Le petit dernier des Bronze s'arrêta alors à sa hauteur et, reprenant doucement son souffle, lui fit remarquer d'un ton de reproche :

-Voyons, Hyoga! Pourquoi faut-il que chacune de nos réunions se termine comme ça?

Et voilà, c'était reparti!

Hyoga fronça les sourcils et laissa échapper un bref grognement de mécontentement, avant de répondre :

-Ne m'en tiens pas pour responsable, tu veux? Ce n'est quand même pas de ma faute si Saori est partie dans ses délires de Paix Universelle!

-Mais..., tenta timidement Shun en levant ses yeux un peu trop grands vers lui. Ça partait d'une bonne intention, non?

Le Cygne se retint de rouler des yeux, persuadé que cette fois encore, il allait se retrouver avec le mauvais rôle.

Pourtant, il ne pouvait nier qu'il avait d'abord eu une réaction très enthousiaste face au projet que leur Déesse bien-aimée (?) leur avait exposé, à ses compagnons et à lui-même, il y avait à peine deux mois :

Elle avait commencé par leur faire part de la brillante réussite qui avait suivi le Traité de Paix signé par les Enfers et le Sanctuaire, tout en insistant lourdement sur le rôle qu'avait joué Kanon des Gémeaux dans cette victoire et l'immense sacrifice qu'il avait fait pour le bien de la Planète. Et effectivement, en apprenant que le Chevalier d'Or s'était résolu à passer le reste de son existence auprès de Rhadamanthe de la Whyvern pour la sauvegarde de la paix mondiale, les Bronzes furent bien obligés de reconnaître que l'ex-Général s'était définitivement acquitté sa dette auprès d'Athéna et du Sanctuaire.

Jusque là, ça se présentait bien : pouvoir compter les Enfers dans leur camp était même une sacrée bonne nouvelle! Aussi, au début, personne ne songea à s'opposer lorsqu'elle leur proposa d'étendre encore davantage leur cercle d'allié, en approfondissant ses liens d'amitié avec Asgard.

Un premier voyage vers le Royaume du Nord eut lieu, et ses résultats furent plus que concluants : la jeune souveraine Hilda de Polaris, déjà animée d'un vif sentiment de reconnaissance et d'affection envers Athéna et ses chevaliers, avait été absolument ravie à l'idée d'un Acte d'Union officiel entre leurs deux territoires et s'était empressée d'accepter l'offre. «Tant mieux!», avait alors songé Hyoga, soulagé à l'idée que plus jamais il n'aurait à risquer sa peau en se rendant sur les terres enneigées d'Asgard. Et ce fut même avec un grand plaisir qu'il avait répondu présent lorsqu'Athéna lui avait demandé de faire office d'escorte pour le deuxième voyage diplomatique, d'une durée d'une semaine.

...Pour se souvenir ensuite que sa vénérée Déesse, une fois les Guerres Saintes passées à la trappe, était d'une discussion des plus superficielles et d'une compagnie à la limite du supportable. Hélas pour lui, il ne s'en rappela qu'une fois assis à ses côtés, alors que l'avion décollait pour un voyage de plus de dix heures vers le Royaume du Nord, et que sa seule solution pour s'en sortir constituait à se sauter par le hublot en priant pour ne pas faire une chute mortelle : pas sûr que sa supérieure aurait beaucoup apprécié...

Il dut donc se résigner à supporter, un sourire crispé aux lèvres, le badinage incessant de la jeune réincarnation, tout en déplorant le fait que seules les femmes chevaliers avaient à porter des masques (au moins, le visage dissimulé, il aurait pu fermer les yeux et exprimer à loisir son exaspération à travers toutes sortes de mimiques).

Cependant, et à son grand étonnement, Saori Kido ne prononça pas une seule fois le mot «Seiya» de tout le voyage (qui était pourtant en temps normal son sujet de discussion favori), choisissant à la place de le bombarder de «Kanon», lui narrant son exploit avec un entrain inhabituel :

-Et donc tu vois, mon cher Hyoga, en acceptant une union avec cet ignoble spectre, Kanon a hautement contribué au maintien de la paix universelle! Sans compter qu'il s'est sacrifié pour nous avec une bonne volonté remarquable! Vraiment, il est un exemple pour vous tous : il a bien mérité le titre de Chevalier d'Or! Son dévouement fait plaisir à voir et c'est une attitude trop rare à notre époque, tu ne trouves pas? D'ailleurs, je trouve que l'on sous-estime beaucoup trop le rôle des unions arrangées dans le maintien de la paix! Il s'agit d'une merveilleuse opportunité d'approfondir nos liens avec nos alliés! Je pense également que...

Et elle continua son infernal monologue, Hyoga l'écoutant en sentant son sourire se transformer en grimace alors qu'il faisait de gros efforts pour se retenir de hurler au supplice. Cependant, et c'était justement là que se situait le problème, il ne comprit pas le réel intérêt du discours de sa supérieure.

Aussi, sur le moment, il ne parvint pas vraiment à saisir la raison pour laquelle la première chose qu'il vit en descendant du jet privé fut deux grands yeux d'un vert lumineux, qui le fixaient avec émerveillement : les yeux de la princesse Freya.

Cela ne dérangea pas Hyoga outre-mesure, plutôt content de revoir la gentille blondinette qui leur avait été d'une aide si précieuse au cours de la Bataille d'Asgard. Mais lorsqu'au lieu de s'incliner l'un devant l'autre, comme l'exigeait le protocole, la jeune fille s'était littéralement jetée dans ses bras en riant avec ravissement, il commença à se demander s'il n'y avait pas, peut-être, quelques raisons obscures ayant poussé Saori Kido à le choisir lui en tant qu'accompagnateur. Ses soupçons se virent bien vite renforcés face aux regards appuyés et scandaleusement calculateurs que leur lançaient simultanément la Déesse de la Sagesse et la Prêtresse d'Asgard.

Aussi dut-il se résoudre à passer le reste de la journée avec Freya engluée à son bras gauche, dans les appartements de Damoiselle Hilda, une tasse de thé entre les mains, à écouter les deux dirigeantes échanger politesse sur politesse tout en leur adressant de temps à autres des petits sourires plein de sous-entendus accompagnés de «Tout va bien, les enfants?».

Nul besoin de dire que la semaine fut un véritable cauchemar : dès le deuxième jour, le Cygne hésitait à sortir de sa chambre, de peur de croiser la jeune princesse dans un couloir et de ne plus pouvoir s'en détacher de la journée. Ce qui finissait toujours par arriver. Et ce ne fut qu'à ce moment-là que Hyoga comprit pourquoi Athéna avait passé autant de temps à insister sur la conduite héroïque de Kanon : ce n'était nullement pour le féliciter. Elle attendait juste du Russe qu'il adopte exactement la même attitude que le Dragon des Mers.

Or, Hyoga ne pouvait s'y résoudre. Si Freya pouvait se révéler être la plus adorable et la plus fiable des amies, la perspective d'une vie entière à ses côtés arrachait au Cygne des frissons de pure horreur!

Aussi, la veille de son départ, il profita d'un des rares moments au cours desquels il avait pu échapper à la surveillance d'Hilda et de Saori, puis s'expliqua clairement avec la princesse Freya : à ses yeux, elle était sans aucun doute une jeune fille charmante, pleine de qualités et d'une rare beauté, mais il lui était impossible de voir en elle autre chose qu'une amie et il en était navré.

A la réflexion, il aurait peut-être dû inverser ses propos : car comme toute jeune fille éperdument amoureuse qui se respecte, Freya ne prêta attention qu'à la première partie du discours et, lâchant au passage un strident cri de joie, se jeta dans les bras de chevalier des glaces puis écrasa ses lèvres contre les siennes (à la grande horreur du blond, qui en demeura tétanisé).

Et pour bien lui prouver qu'il avait vraiment une dent contre lui, le destin voulut qu'à ce moment précis, Athéna et Hilda débarquent dans ce même couloir. Absolument enchantées à cette vision, elles s'empressèrent de leur adresser leurs plus sincères félicitations. Anéantissant du même coup les derniers espoirs de Hyoga.

Il parvint malgré tout à repartir au Japon avec Athéna une fois la semaine écoulée, prétextant auprès de Freya qu'il valait mieux ne pas se précipiter et qu'un peu de distance ne pourrait que leur (enfin, surtout lui) être bénéfique. Et après avoir trouvé mille prétextes pour dissuader la blondinette de partir avec eux, il crut qu'il avait réussi à s'accorder un bref répit...

Mais non : car sa Déesse semblait désormais persuadée que ce n'était plus qu'une question de temps avant qu'un mariage ne vienne officialiser son merveilleux décret et s'était empressée d'en informer la totalité des Chevaliers de Bronze. Et ce ne fut pas vraiment une bonne surprise pour Hyoga lorsque, à peine rentré à la Fondation Kido, ses «chers» demi-frères lui firent part de tous leurs vœux de bonheur, suivi d'un long débat pour savoir qui serait le témoin le jour de la cérémonie.

Horreur à l'état pur.

Une horreur qui s'était d'ailleurs étendue sur ces trois dernières semaines, lorsqu'il avait refusé d'accompagner Athéna pour un nouveau voyage. La Déesse avait déjà une tolérance très restreinte envers toute forme de rébellion, qui devenait carrément inexistante dès que ses intérêts entraient en jeu. Autant dire qu'elle ne fut pas réjouie par la décision du Cygne, mais trouva la parade, en choisissant plutôt d'inviter la jeune Freya pour un voyage diplomatique au Japon (sa sœur étant malheureusement dans l'incapacité de quitter le Royaume, prenant son rôle de prêtresse très au sérieux depuis la dramatique guerre d'Asgard). Dès que la nouvelle parvint aux oreilles du Russe, il prit la prudente décision de s'éloigner de la fondation pendant toute la durée du séjour, déployant des merveilles de créativité et d'imagination pour trouver des excuses à son absence : mission urgente au fin fond de la forêt Amazonienne, entraînement spécial avec Camus du Verseau quelque part en Sibérie, conférence sur le complexe d'Œdipe non-résolu à New-York, rassemblement du groupe «Sauvons les bébés phoques» au cœur de l'Antarctique, et cætera...

Si bien qu'il parvint ainsi à échapper à la princesse d'Asgard pendant toute la durée de son séjour et ne revint à la demeure Kido que lorsqu'il fut sûr du départ de la jeune fille. Ce fut bien évidemment une Saori furieuse qui l'accueillit, l'arrosant copieusement de reproches dès son retour, lui signalant qu'elle était furieuse de son manque au devoir, qu'il devrait avoir honte de son attitude et qu'en plus, c'était en larmes que Freya était repartie vers son Royaume! Hyoga eut bien quelques remords face à la dernière remarque, mais il estima que c'était peu cher payé pour retrouver sa liberté.

Ce n'était pas l'avis de ses compagnons de combats. On pouvait se permettre pas mal de choses en tant que chevalier : les bagarres injustifiées, le déclenchement de guerres saintes, les hécatombes de sbires, la destruction partielle de sites du patrimoine mondial, entre autres. Mais faire pleurer une jolie demoiselle et ne pas respecter ses engagements envers elle, c'était, de toute évidence, un crime impardonnable, même pour les moins moraux d'entre eux.

Et c'est ainsi que depuis des jours et des jours, Hyoga subissait avec plus ou moins d'agacement les remontrances et les reproches de ses camarades, qui s'acharnaient sur lui avec un enthousiasme presque déplacé.

Aussi, voir que même Shun, qui ne prenait en général le parti de personne et essayait plutôt de réconcilier tout le monde, s'était mis en tête de lui faire la morale, c'était vraiment un coup dur pour le cygne!

-Écoute, Shun..., intervint-il alors après avoir longuement soupiré. Je ne sais pas combien de fois je devrai vous le répéter à tous, mais il n'y a RIEN entre Freya et moi. J'ignore ce qu'elle s'est imaginé ou ce qu'Athéna a pu vous raconter, mais crois-moi, tout ceci n'est qu'un énorme malentendu!

-Mais je ne te comprends pas... Qu'est-ce que tu peux bien reprocher à mademoiselle Freya?

Hyoga haussa un sourcil, ne s'étant clairement pas attendu à ce genre de questions. Shun posa alors un doigt sur son menton et, l'air extrêmement concentré, se mit à énumérer :

-Enfin, je veux dire, Dame Freya est quelqu'un de formidable! Elle aime son peuple, elle prend toujours à cœur les problèmes des autres, c'est une fille gentille, honnête et courageuse! ...Et en plus, elle est vraiment ravissante. Je ne vois pas ce qui te pose problème...

-Grand bien t'en fasse.

-Mais enfin, si au moins, tu t'expliquais!

-Ne me force pas à le dire à voix haute...

-Je vais peut-être finir par le faire! Au moins, nous serons un peu avancés! S'exclama alors Shun, passablement agacé.

Et là, Hyoga craqua.

Parce que, pour que Shun s'énerve, il fallait quand même atteindre des sommets inimaginables de cruauté! Et franchement, l'idée d'être rangé dans cette catégorie lui était TRES déplaisante! Après tous les sacrifices qu'il avait fait pour le bien de la Planète, il était désormais contraint de renoncer à sa crédibilité et au peu de santé mentale qu'il lui restait? Et puis quoi encore?

-D'accord, Shun, tu as gagné! Tu veux vraiment savoir? Mais c'est parce qu'elle est chiante, bordel! C'est si difficile à comprendre? ! C'est la fille la plus niaise que j'ai jamais rencontrée et crois-moi, j'ai des éléments de comparaison! Alors oui, elle est adorable, mais je me vois mal passer le reste de ma vie à la regarder fabriquer des couronnes de fleurs, me faire des dithyrambes sur sa sœur et à la voir s'extasier sur le moindre brin d'herbe ou rayon de soleil ! C'est clair?

Ce bref discours sembla totalement bluffer Andromède, mais eut l'effet désiré : au moins, le jeune Bronze fut à court d'arguments et se contenta, après quelques secondes de silence, de baisser les yeux d'un air vaguement gêné, puis de hocher la tête deux ou trois fois. De toute évidence, il avait compris l'étendu du «problème». Et ayant eu lui-même toutes les difficultés à s'extirper des pattes d'une jolie, mais mièvre caméléonne, il ne pouvait que compatir :

-Évidemment, vu sous cet angle..., daigna-t-il lui accorder.

-Donc, pardonne-moi de ne pas réussir à tomber amoureux d'elle!

-Et... Tu ne lui as jamais dit que, peut-être, elle n'était pas, euh... exactement ce que tu recherchais?

-Hélas, soupira la Cygne. Elle est tellement persuadée qu'on est fait l'un pour l'autre que ça ne sert à rien! Elle se voile doublement la face : non seulement elle ne veut pas voir mon refus mais en plus, je suis sûr qu'elle n'est même pas amoureuse de moi!

-Qu'est-ce qui te fait croire ça? S'étonna Shun.

-J'ai mes raisons...

Hyoga avait en effet conscience de n'être qu'un substitut affectif aux yeux de la jeune fille, qui n'avait de toute évidence toujours pas encaissé la disparition d'Hagen de Merak, et avait rejeté son affection frustrée sur le premier blond aux yeux clairs qu'elle avait pu trouver. Jamais Hyoga n'avait autant regretté d'avoir ôté la vie au jeune guerrier d'Asgard, ni n'avait autant maudit les Dieux de ne pas avoir rendu la vie aux protecteurs d'Hilda tombés pendant la dernière guerre.

-Mais..., intervint de nouveau Shun. Ne pourrais-tu tout de même pas songer à la revoir, ne serait-ce que pour dissiper le malentendu?

-Pour qu'elle reparte de nouveau dans ses délires de prince charmant? S'offusqua Hyoga avec une moue dégoûtée. Non mais tu rêves! Et quand bien même elle accepterait de se faire une raison, je me mettrais Saori à dos et ça, je n'y tiens vraiment pas : elle pourrait même m'accuser de haute trahison, si à cause de moi, son projet de paix avec Asgard échoue!

Hilda de Polaris, étant un être raisonnable et débonnaire, comprendrait certainement bien vite ses raisons et ne lui en tiendrait pas rigueur. On ne pouvait, hélas, pas en dire autant de la dernière réincarnation d'Athéna...

-Tu dois tout de même reconnaître que tu pourrais grandement participer à son maintien...

-Ne reviens pas là-dessus, tu veux!

-Enfin, je dis ça, parce que quand je vois à quel point Kanon s'est intégré aux Enfers et comme il a permis un cessez-le-feu permanent entre Athéna et Hadès, je...

-Oh non! Par pitié, ne me parle plus de Kanon!

Pour illustrer ces paroles, Hyoga plaqua ses mains sur ses oreilles et maugréa :

-Tant mieux si ce maudit conspirateur s'est fait son trou aux Enfers, mais moi, j'aimerais qu'on arrête de me bassiner avec ça!

-Hyoga, tu es injuste! Cela fait bien longtemps que Kanon a payé sa dette et il n'a plus rien d'un manipulateur!

Face au froncement de sourcils de Shun et à sa moue boudeuse, Hyoga soupira.

Oui, Andromède avait raison, il était injuste avec Kanon. Après tout, l'ex-Dragon des Mers avait combattu à ses côtés dans les diverses prisons du Monde souterrain et lui avait même sauvé la vie à plusieurs reprises. Il n'avait pas le droit de remettre en cause son allégeance, ni son statut de Chevalier d'Or.

Toute cette histoire lui tapait tellement sur les nerfs qu'elle le rendait exécrable.

Essayant vaguement de rattraper le coup, le Cygne se tourna de nouveau vers Shun et lui demanda, avec un sourire forcé :

-Du coup, je me demande comment notre cher ex-futur-maître du Monde s'organise, entre le Sanctuaire et les Enfers...

-Ah, ça..., laissa échapper Shun avec un curieux regard. Hadès lui a proposé le système «six mois au Sanctuaire / six mois chez la Whyvern» : paraît-il que cette technique marche plutôt bien avec lui...

Hyoga éclata de rire, et Andromède se sentit tout de suite mieux... Du moins, jusqu'à ce que le blond ajoute, après un instant de réflexion :

-Attends une seconde... Comment tu sais ça?

«Aïe!» songea Shun avec un sourire d'excuse, alors que Hyoga posait sur lui un regard inquisiteur :

-...Ne me dis pas que tu as gardé un contact avec Hadès? !

L'absence de réponse immédiate fit office d'aveu, et Andromède baissa la tête autant que possible, attendant le flot habituel de reproches :

-Mais enfin, Shun, tu es devenu complètement fou? Ce type t'a manipulé et t'a volé ton corps! Il a essayé de tous nous tuer! Comment est-ce que tu peux continuer à le voir?

-Parce que tu crois vraiment qu'Ikki m'autoriserait à le voir? Lui fit remarquer Shun en roulant des yeux. Il m'a formellement interdit de le rencontrer ou de communiquer avec lui. Rien que ça, ça a mis Saori-san dans une colère noire, alors je ne vais pas en plus lui renvoyer le courrier qu'il m'envoie...

Hyoga en demeura bouche bée. Il n'était que rarement d'accord avec Ikki, mais là, il fallait bien reconnaître qu'il avait eu la réaction la plus censée! Shun avait beau être la personne la moins rancunière au Monde, accepter de recevoir des lettres de la part du Dieu des Enfers, même sans y répondre, était définitivement malsain!

-Écoute, Hyoga..., intervint alors Shun qui semblait avoir deviné ses pensées. Je sais ce que tous ici, vous en pensez... Mais il regrette ses actes, tu sais, et il veut se faire pardonner! C'est un homme qui a été trop malheureux pendant trop longtemps, et tout ce qu'il recherche, c'est un peu d'affection et d'amour familial! Sais-tu seulement qu'il aime ses Spectres comme ses propres enfants?

« 'Sans doute pour ça qu'il les envoie systématiquement à la mort tous les 250 ans...» se retint de proférer le Cygne. Au lieu de ça, il se contenta de lever les yeux au ciel : après tout, Shun savait sûrement ce qu'il faisait...

Et une fois qu'il eut digéré l'aveu de cette correspondance pas franchement banale, ce fut naturellement la curiosité qui reprit le dessus :

-Et qu'est-ce qu'il te raconte, dans ses lettres?

-Oh, toutes sortes de choses! S'exclama l'androgyne d'une voix rieuse. Les changements administratifs aux Enfers, les états d'âme de Pandore, les travaux qu'ils font à la Giudecca, et des anecdotes en tout genre... Même si je ne les comprends pas toujours.

-Exemple?

-Bah, dans la dernière lettre, il me disait que Minos et Eaque s'étaient enfin trouvés un autre divertissement que la torture d'âmes humaines depuis qu'ils avaient mis la main sur un bel oisillon brun. Je ne suis pas sûr de voir ce qu'il a voulu dire...

Et Hyoga se dit aussitôt que c'était une bonne chose, car lui ne tenait pas à en savoir davantage.

-Enfin, toujours est-il que je reçois régulièrement des nouvelles de Kanon par l'intermédiaire d'Hadès. Il est d'ailleurs très heureux pour son juge, et il ne cesse de dire que, malgré la bassesse de son stratagème initial, Rhadamanthe n'a jamais été aussi heureux de toutes ses vies!

-...«stratagème»? Répété Hyoga en haussant un sourcil.

-Oui, là non plus, je n'ai pas compris à quoi il faisait allusion.

-Oh, c'est sans doute sans importance.

-Sans doute.

Bénis soient les ignorants.

-Par contre, intervint alors Shun en croisant ses mains devant ses lèvres, je me demande comment Saga a réagi à tout cela...

-Ah, ça, je le sais! Répondit le Cygne sans grand enthousiasme. Camus me l'a expliqué la dernière fois que je suis passé au Sanctuaire.

-...Et?

Hyoga grinça des dents : comment résumer ça?

Lui qui était simplement passé voir son maître pour lui demander quelques conseils quant à son petit problème Asgardien (le Chevalier d'Or du Verseau l'avait froidement rembarré en insistant sur le fait qu'il était son maître, pas son confident et encore moins son conseiller conjugal), il avait eu droit en bonus à un distrayant récapitulatif de ces deux derniers mois.

Il avait bien vu en arrivant en Grèce que Saga des Gémeaux, une fois hors des bras de son amant de Bélier (Hyoga avait également eu droit à cette découverte dès son passage au premier Temple), semblait encore plus morose que ne le serait Rune du Balrog devant un concert de Hard Rock, et il avait eu le malheur de s'interroger à voix haute sur la raison de cette mauvaise humeur.

Camus, homme érudit qui ne pouvait supporter qu'une question, aussi stupide soit-elle, reste sans réponse, s'était résigné à lui faire un bref compte-rendu, au plus grand plaisir de Milo qui s'était empressé d'illustrer tous les propos du français par de grands gestes et une longue série de mimes : Hyoga avait jugé le résultat final plutôt divertissant.

En bref, après près de deux jours d'absence injustifiée, phénomène qui était passé dans le domaine du banal concernant certains chevaliers, Kanon des Gémeaux avait fini par faire une réapparition au Sanctuaire et s'était vu, pour diverses raisons, accueilli à bras ouverts par un certain nombre de ses confrères : Milo (joie de retrouver son meilleur ami), Mû et Kiki (joie de retrouver ce qui leur servait désormais de belle famille), Aldébaran (toujours content de revoir un de ses compagnons d'armes), DeathMask (plaisir de voir revenir un éventuel partenaire de mauvais coups) et bien évidemment, Saga.

Après une dispute sordide sur une sombre affaire de chemise, les deux frères s'étaient comme d'habitude tapés dessus en hurlant pendant une bonne demi-heure, avant de tomber dans les bras l'un de l'autre. Là, Saga avait tenu à en savoir plus sur la soudaine disparition de son cadet, et on pouvait dire que c'était à peu près là que les ennuis avaient commencé.

Ou peut-être quand Kanon avait offert à son aîné un sourire coupable qui en disait long sur les raisons de son absence.

Ou peut-être quand Saga avait détecté sur la nuque de son cadet une petite trace rougeâtre, qui ne laissait aucune place au doute quant à sa nature et à l'identité de celui qui en était responsable.

Ou peut-être lorsque l'ex-Marina finit par expliquer qu'il était uniquement revenu pour chercher vêtements et affaires de toilettes, vu qu'il avait reçu une offre de collocation des plus intéressantes (et un colocataire des plus plaisants) sur Londres.

Dire que Saga avait mal réagi serait un doux euphémisme.

En clair, le Sanctuaire entier avait failli être anéanti sous la puissance destructrice d'une «Galaxian Explosion» et seule la force de plusieurs chevaliers d'Or réunis et les tendres paroles du Bélier parvinrent à empêcher la catastrophe et à permettre à Kanon de filer en douce, promettant d'envoyer une carte postale avant de disparaître dans un éclair de lumière.

(Carte qui n'était d'ailleurs jamais arrivée à destination, la Whyvern l'ayant interceptée : Kanon avait voulu noter l'adresse de retour sur l'enveloppe, et Rhadamanthe ne tenait pas particulièrement à voir débarquer chez lui un ex-schizophrène psychopathe)

Et depuis, Saga était devenu la principale source d'attention de ces dernières semaines, attirant tour à tour la compassion et les moqueries de ses pairs, et Hyoga n'avait pas tardé à se ranger dans la seconde catégorie avec Camus, Milo et Kiki.

Maintenant, comment expliquer ça à Shun qui, depuis la fin des guerres saintes, ne pouvait supporter d'entendre une fin autre que «Et ils vécurent heureux jusqu'à la fin de leurs jours»?

Le Cygne choisit donc de camoufler légèrement la vérité, en répondant :

-Eh bien... Disons que Saga a été très touché par cette nouvelle...

-Et il a bien réagi? S'enquit aussitôt Andromède.

Hyoga prit un instant pour réfléchir : aucun temple n'avait été détruit, personne n'avait été envoyé dans une autre dimension et les cheveux de l'ex-Grand Pope avaient conservé leur belle teinte bleu sombre. Vu comme ça, ça tenait presque du miracle.

-...Plutôt, oui.

Et à cette réponse, Shun eut un sourire si lumineux que le Cygne ne parvint même pas à regretter son mensonge. Enfin, pour la première fois depuis presque un mois, il se sentait bien.

Mais tous ses soucis lui revinrent bien vite à l'esprit et sa soudaine bonne humeur s'en trouva aussitôt anéantie : si même des hommes comme Kanon et Saga étaient parvenus à trouver l'amour absolu, la passion ultime, le bonheur d'être unique pour un seul être, pourquoi lui, Hyoga, n'arrivait-il pas à trouver autre chose qu'une greluche blonde même pas fichue de comprendre ce que signifiait «Non!» ? !

Le Monde était vraiment injuste...

Mais il accordait parfois un vague réconfort à ses nombreux occupants, matérialisé cette fois-ci par la petite main de Shun qui se posa sur l'épaule de son camarade Russe, dans un geste empli de compassion et de soutien. Inutile de dire qu'à côté de toutes les vacheries que lui faisaient subir les autres chevaliers de Bronze, ça requinquait drôlement.

-Allez, ne t'inquiète pas, Hyoga. Je suis persuadé que tu finiras par trouver une solution!

-Si seulement...

Ouais, «si seulement» : si seulement il pouvait faire comprendre à sa chère Déesse qu'il y avait d'autres moyens d'assurer des alliances que des mariages politiques!

S'il pouvait réussir à convaincre Freya qu'il n'était pas le seul blondinet aux yeux bleus sur cette fichue planète (pour la première fois de sa vie, il regretta d'avoir hérité de la fabuleuse beauté de sa chère mère)!

S'il avait pu trouver l'amour de sa vie avant le début des guerres Saintes! Au moins aurait-il eu un excellent prétexte pour repousser les avances de l'Asgardienne!

«Tiens, pas bête, ça!», se dit-il avec une ironie malsaine : dire qu'il lui aurait suffi de fréquenter une jolie jeune fille ou un beau jeune homme pour échapper à toutes ces emmerdes! A cette simple pensée, il poussa un soupir : ah, que n'aurait-il pas donné pour être amoureux à l'instant présent...?

Quoique, réflexion faite... Était-il vraiment nécessaire d'en arriver là? Il pouvait très bien feindre! Après tout, son maître ne lui avait-il pas appris à ne jamais dévoiler ses véritables émotions?

Mais oui, se dit-il avec un sourire lumineux qui surprit son vis-à-vis, c'était évident! Tout lui semblait tellement plus clair, à présent : s'il présentait à Athéna et à Freya une personne relativement crédible pour se faire passer son âme sœur, aucune des deux femmes n'oserait plus jamais lui parler de mariage politique, ni même d'union quelconque!

Et donc, ce qu'il lui suffisait de faire, c'était de trouver une charmante personne, d'environ son âge, assez jolie pour décourager Freya, assez forte pour affronter le regard de ses pairs, et assez courageuse pour pouvoir supporter Saori Kido...

Et il connaissait justement la personne idéale pour ce rôle!

Ce fut donc tout naturellement qu'il se retourna, le visage radieux, pour contempler avec un intérêt soudain son jeune compagnon d'arme.

Shun et sa pureté inégalée, son innocence et sa douceur, qui ne faisait qu'accroître son incroyable puissance.

Shun et sa beauté trop féminine, ses mains trop petites aux doigts trop fins, ses lèvres trop rosées et ses yeux trop grands, dont Hyoga avait toujours apprécié la couleur émeraude.

Shun et sa constante volonté d'aider son prochain, son désir quasi-obsessionnel de se sentir utile et d'apporter son soutien aux autres.

N'était-ce pas là une merveilleuse occasion de satisfaire ce désir?

Aussi, voyant que le jeune Japonais s'était mis à l'observer d'un air inquisiteur, Hyoga n'hésita pas une seule seconde, le saisissant par les épaules et le contemplant comme s'il était la plus merveilleuse chose existante en ce Monde :

-Shun! S'écria-t-il alors, sa voix soudain chargée d'une vive émotion.

-...Oui? Répondit prudemment le plus jeune, qui ne savait plus trop à quoi s'attendre.

-Tu veux toi aussi que toute cette affaire soit résolue, n'est-ce pas?

-Euh... Oui, bien évidemment.

-Et tu voudrais que j'arrive à me débarrasser de tous mes soucis, pas vrai?

-Bien sûr.

-...Eh bien, si je te disais que tu peux m'aider à y mettre un terme et que je t'expliquais comment t'y prendre, est-ce que tu accepterais de m'assister?

-...

Là, Shun eut un temps d'arrêt.

Oui, Hyoga était son ami, peut-être même son meilleur ami, et en temps normal, il se serait fait une joie de lui prêter main forte dans un moment aussi difficile que celui-ci. Quoi de plus naturel, pour des compagnons d'armes aussi proches qu'eux?

Seulement voilà, quelque chose lui déplaisait dans l'expression du blond. Lui déplaisait même fortement. Il n'aurait pas su dire s'il s'agissait du sourire un peu trop étiré pour être naturel, de ses yeux plissés d'un air malicieux, ou encore de la soudaine teinte rougeâtre qu'avaient prise ses joues.

...Flippant.

Et pourtant, l'un comme l'autre, ils savaient déjà quelle serait la réponse de Shun. Toujours la même. Parce que, peu importaient les conséquences, jamais il n'aurait pu refuser d'apporter son aide à qui que ce soit. Surtout si c'était la demande d'un ami. Encore plus s'il s'agissait de Hyoga.

Aussi ce fut presque naturellement qu'un sourire un peu timide se dessina sur ses lèvres et que le simple petit mot lui échappa, plein de significations et de promesses :

-Oui.

Le sourire de Hyoga s'élargit encore davantage. Et alors qu'il commençait à expliquer au jeune androgyne les détails de son projet, une étrange impression parut imprégner toute cette scène... Une curieuse sensation de déjà-vu, un sentiment de renouvellement, voire même de continuité, qui promettaient déjà une longue et infernale série de rires, de larmes, de coups tordus, de mélodrames, de quiproquos et, inévitablement, de catastrophes et de désastres en tout genre.

Mais ça, ils ne le savaient pas encore.

Puisqu'il n'existait que deux êtres en ce Monde capable de pressentir le cataclysme qui se préparait, et d'en évaluer toutes les répercussions.

XxX D'ailleurs, en parlant d'eux... XxX

Alors que le Cygne commençait tout juste à exposer son sombre dessein à Andromède, quelque part dans les beaux quartiers de Londres, un certain juge des Enfers, que nous connaissons désormais fort bien, se réveilla en sursaut, le souffle court et le front couvert de sueur.

Se frottant les yeux d'une main et tentant avec peine de retrouver une respiration normale, il jeta une série de coups d'œil affolés autour de lui, mettant un certain temps à réaliser que tout allait bien et qu'il se trouvait actuellement dans sa chambre, allongé dans son lit, un corps familier étendu près du sien.

Rhadamanthe de la Whyvern poussa alors un long soupir et se laissa retomber sur le matelas en fermant les yeux : un rêve, tout simplement. Rien de plus qu'un stupide cauchemar.

...Non. Non, ça n'avait rien d'un simple songe, se dit-il en sentant un long frisson lui parcourir l'échine. C'était bien plus que ça : comme s'il avait pressenti l'arrivée d'une calamité, d'un fléau à l'état pur... Mêlé à un curieux et déroutant sentiment de familiarité...

Comme si quelque chose de particulièrement ignoble était sur le point de se répéter...

Fort heureusement, ses élucubrations prirent vite fin. Pour être plus précis, à l'instant même où une large main, d'une agréable tiédeur, se posa avec douceur sur sa joue. Et qu'une voix encore ensommeillée lui murmura :

-...Rhad' ? Ça va...?

L'interpellé laissa échapper un soupir de contentement, s'empressa de poser sa main sur celle qui lui effleurait le visage et ouvrit paresseusement les yeux. Pour se plonger dans les deux iris turquoise qui lui faisaient face:

Kanon. Allongé à ses côtés. Qui continuait ses caresses en l'observant d'un air inquiet.

Qui pourrait encore se soucier d'un rêve devant une telle vision?

Sans vraiment y réfléchir, Rhadamanthe passa ses bras autour le taille de l'ex-Général et l'enlaça brusquement, respirant à plein poumons l'odeur de ses cheveux. Il sentit le sourire du Grec se dessiner contre son cou. Sensation des plus plaisantes.

Néanmoins, le Dragon des Mers n'abandonna pas la partie :

-Je réitère ma question. Tout va bien?

-Maintenant, oui..., murmura le juge, sa voix partiellement étouffée par la tignasse bleutée.

-Mauvais rêve?

-Quelque chose de ce genre...

-Détails?

Le spectre resserra un peu son étreinte et prit un moment pour réfléchir :

-Je ne sais pas vraiment, admit-il au bout d'un moment. Je pense que tu appellerais ça un mauvais pressentiment... Comme quelque chose sur le point de recommencer. Mais quelque chose de pas vraiment sympathique. Tu vois ce que je veux dire?

-Vaguement, répondit Kanon en haussant les épaules. Shaka et Mû sont plus calés que moi dans ce domaine...

-Mais ce n'est pas vraiment ça qui me tracasse.

Désormais curieux, le Chevalier s'extirpa des bras du blond, se redressa sur un coude et se mit à le fixer obstinément, l'invitant à continuer.

-Je me sens menacé, sans raison valable... Outre cette «tempête», j'ai l'impression que je suis directement visé. Et par quelqu'un de potentiellement dangereux.

Kanon leva un moment les yeux au plafond, puis se laissa retomber sur le torse de Rhadamanthe, qui repassa aussitôt un bras autour de ses épaules :

-Et qui veux-tu que ce soit? Hadès t'a pardonné depuis bien longtemps, tes frangins sont trop obsédés par leur Bénou pour se consacrer à toi, et même Pandore a fini par digérer notre petite fugue! Qu'est-ce qui pourrait bien t'arriver?

-Justement, je n'en sais rien... Et c'est ça qui m'ennuie.

Sur ce simple constat, le juge tomba dans un silence obstiné, enroulant à intervalles réguliers des mèches de cheveux océan entre ses doigts.

Geste qu'il interrompit en sentant les lèvres du Gémeau se poser délicatement sur son front, puis murmurer avec quiétude :

-Bah, ne t'inquiète donc pas... L'expérience m'a appris qu'il ne faut pas toujours écouter son instinct. Lève-toi, secoue bien la tête et tous les soucis s'envoleront d'un coup.

Après quoi il se tourna de l'autre côté du lit, laissant le spectre pantois.

Kanon n'était pas particulièrement avare en démonstrations affectives, mais elles s'apparentaient plus à de sauvages baisers qu'à de réelles marques de tendresse (chose que le juge, amateur de sensations fortes, appréciait fortement). Aussi, son geste avait quelque chose d'assez déroutant... Un peu de douceur dans ce Monde de brutes, sans doute.

Sur cette drôle de pensée, Rhadamanthe se pencha de nouveau sur le Dragon des Mers et lui chuchota à l'oreille, le sourire aux lèvres :

-Dis donc... Tu te fais du soucis pour moi?

Kanon tourna vers lui un œil ennuyé et marmonna :

-Ne te fais pas d'idées. Je constate juste qu'il est huit heure passée, que tu devrais déjà être en train de te préparer et que si tu arrives en retard au Tribunal, on va encore dire que c'est de ma faute. De plus, je te rappelle que c'est toi qui es chargé de ramener du fric ici. Alors, au boulot!

Et ceci étant dit, le Grec se détourna de nouveau de Rhadamanthe, saisissant au passage un livre sur la table de chevet (un truc marrant qu'il avait trouvé dans la librairie du coin : l'histoire d'un petit binoclard balafré en robe noire, accompagné d'une intello et d'un rouquin, qui cherchaient à détruire les Forces du Mal avec des morceaux de bois magiques. La littérature anglaise était vraiment désopilante!), sous le regard noir de la Whyvern, qui pouvait presque sentir une veine palpiter sur son front. Sa main se posa alors sur la nuque du Gémeau, mais le geste n'avait plus rien de tendre, ni même d'amical :

-Je t'ai déjà dit que tu étais absolument insupportable?

-Une bonne centaine de fois. Pourquoi?

-Oh, pour rien... J'avais un vague espoir que tu tiennes compte de mes remarques.

Kanon eut un sourire amusé.

-Si tu me trouves vraiment insupportable, je peux encore remballer toutes mes affaires et rentrer au Sanctuaire, tu sais.

La réaction fut plutôt rapide. A peine une seconde plus tard, le Gémeau se retrouva plaqué contre le matelas, ses poignets prisonniers des mains du juge, dont les yeux dorés reflétaient un dangereux mélange de colère et de désir :

-Fais mine de m'échapper et je te tue. Et je torturerais délicieusement ton âme pendant quelques milliers d'années, jusqu'à ce que je sois sûr qu'elle n'appartienne qu'à moi.

-Programme alléchant, rétorqua Kanon, les yeux soudain flamboyants. Mais je ne laisserai jamais personne me dompter. Pas même toi.

-Je peux toujours essayer, non?

-A tes risques et périls, mon cher.

Et sur ces douces paroles, qui n'étaient rien d'autres que la plus tentante des invitations, Rhadamanthe plongea sur les lèvres entrouvertes de l'ex-Marina, lâchant ses poignets pour qu'il puisse enrouler ses bras autour de son cou, approfondissant le baiser.

Lancés dans une étreinte tout bonnement torride et à présent tous deux convaincus que le Juge serait très en retard ce matin (Valentine aurait peut-être la bonne idée de pointer pour lui...), les caresses se firent de plus en plus appuyées, et lorsque Kanon se mit à écarter les cuisses en ondulant lentement son bassin contre celui du spectre, Rhadamanthe écarta aussitôt de son esprit son sens moral et le peu de remords qu'il aurait pu éprouver face à son comportement : il était des désirs auxquels on ne pouvait tout bonnement pas résister. Et on pouvait caser dans cette catégorie ce pur moment de luxure, qu'absolument rien n'aurait pu gâcher...

Riiiiiiiiiiiiiing !

...Sauf, peut-être, le hurlement strident de la sonnette de la porte d'entrée.

Rhadamanthe retint de justesse un juron. Kanon roula des yeux et repoussa aussitôt son juge, rajoutant d'un air exaspéré :

-Tu vas ouvrir?

-Pourquoi moi?

-Parce que tu ne veux plus que ce soit moi qui le fasse, sous prétexte que j'attire trop la gent féminine chez toi.

Le juge commença par émettre un grommellement, puis replongea sur le cou du Chevalier d'Or, y déposant un baiser :

-Tu y tiens vraiment?

-La dernière fois que j'ai tardé à ouvrir cette porte, c'était Pandore qui se trouvait derrière. Je pense pouvoir affirmer qu'elle l'aurait sans hésiter défoncée si je ne lui avais pas ouvert. Et ce visiteur-là m'a l'air d'être de la même catégorie...

En effet, la sonnerie aiguë résonnait sans fin dans l'appartement, signalant qu'un doigt restait en ce moment même appuyé sur le bouton de la sonnette et qu'il n'avait pas l'intention de le lâcher avant qu'on ne lui ouvre. Inutile de dire que l'ambiance était définitivement ruinée.

Rhadamanthe laissa échapper un grognement de frustration, et tourna vers le Gémeau un regard encore imprégné d'un vague espoir :

-Et notre petite «séance de domptage»?

-On remet ça à plus tard, lança Kanon d'un air taquin en se rallongeant et en remontant la couverture jusqu'à son cou.

-Je termine à dix-huit heures, fit le juge avec un sourire qui en disait long sur sa pensée.

-Alors, on va avoir une soirée très chargée... Maintenant, habille-toi et va ouvrir!

Et sur ces mots, en somme, réconfortants, le juge enfila un pantalon et un pull, se traînant sans grand entrain jusqu'à la porte d'entrée, plaquant ses mains sur ses oreilles une fois arrivé dans le couloir. Là, il trouva le chiot en train de gémir, dans une posture similaire à la sienne, avec la tête plaquée contre le sol en plus et les pattes avant vaguement rabattues sur ses oreilles baissées. Rhadamanthe eut un bref sourire à cette vision et se dirigea enfin vers la porte dont il défit le verrou en soupirant, avant d'actionner la poignée et d'ouvrir à l'irritable visiteur, dont l'identité était maintenant révélée.

Rhadamanthe eut d'abord l'air surpris.

Puis franchement terrifié.

Et finalement, il ne trouva rien de mieux à faire que de claquer violemment la porte.

Pour ensuite refaire le chemin inverse, se retrouvant à nouveau dans la chambre, face à Kanon qui avait entre-temps enfilé quelques vêtements :

-Alors, c'était qui?

Pour toute réponse, les yeux furibonds du juge, son visage d'une pâleur extrême et sa bouche déformée par une sorte de rictus nerveux. Le Grec eut au moins la décence de paraître étonné :

-...C'était qui? Répéta-t-il prudemment.

-Tu n'en as vraiment aucune idée? Répondit le Spectre d'une voix caverneuse.

Il fallait dire que le choc avait été considérable, même pour un homme comme lui. Il aurait été injuste de l'en blâmer : après tout, très peu de personnes en ce Monde auraient pu s'attendre à voir, en ouvrant leur porte un matin en semaine, Mû de Jamir, Chevalier d'Or du Bélier sur leur palier, tenant par la main son jeune disciple, qui portait un carton de pâtisserie et une boîte de thé dans un sac plastique.

Jusque là, ça allait encore : une fois la surprise passée, Rhadamanthe devait reconnaître que le jeune Tibétain faisait partie des quelques personnes pour lesquelles il n'éprouvait aucune animosité. Néanmoins, deux choses l'avaient intrigué : la première, c'était de savoir comment les Béliers pouvaient bien connaître son adresse. La deuxième, c'était la raison de leur visite... Et vu la mine contrite et le sourire désolé que Mû lui avait adressé, ce n'était certainement pas pour lui annoncer une bonne nouvelle.

D'ailleurs, ce ne fut qu'à ce moment-là que Rhadamanthe avait réalisé que l'autre main du Chevalier n'était pas libre non plus, car étroitement serrée entre de longs doigts bronzés. Ils n'étaient pas venus seuls.

Le juge avait alors eu l'idée d'ouvrir un peu plus largement la porte, histoire de découvrir qui était son dernier visiteur inopportun.

Il l'avait regretté. Amèrement.

Et ce dès qu'il avait cru reconnaître une longue chevelure à la coupe des plus familières, mais d'une couleur un peu plus foncée que celle à laquelle il était habituée : l'envoûtante et lumineuse couleur océan s'était éteinte, laissant place à un bleu nuit aux reflets pourpres troublants. Le même sentiment lui était venu lorsqu'il avait observé le visage de l'homme : des traits fins et harmonieux qu'il connaissait désormais par cœur, mais animés d'une rigidité et d'un sérieux bien loin de la désinvolture et de l'espièglerie qu'il appréciait. Et le charme s'était entièrement évanoui lorsque ses yeux s'étaient plantés dans les siens : la belle teinte turquoise était encore là, mais les éclaboussures d'un azur délirant, ainsi que la lueur de malice et de fierté qui y brillait d'habitude s'étaient évaporées, laissant place à des reflets d'un gris sage et réfléchi, mêlé étonnamment à un éclat rougeâtre d'ire et de fureur.

Saga des Gémeaux, ex-Grand Pope, plus terrifiant que jamais, et n'ayant visiblement pas des attentions très amicales à son sujet.

Pas vraiment étonnant que le premier réflexe de Rhadamanthe ait été de claquer la porte, puis de la verrouiller.

Et il était tout aussi évident que, maintenant qu'il était de nouveau face à Kanon, il exigeait quelques explications. Et vite.

Hélas pour lui, le cadet des Gémeaux se contenta de l'observer un moment, puis, comprenant enfin quelle personne pouvait causer un si grand trouble chez lui, de plaquer ses mains l'une contre l'autre avec un sourire ravi :

-C'est pas vrai! Ils sont venus, finalement? Est-ce qu'ils ont amené un gâteau?

Rhadamanthe en demeura tétanisé :

-Attends... Me dis pas que tu l'as invité ? !

-Ben, si! Toi, tu m'as bien traîné devant toute ta «famille» jusqu'à ce que le courant passe! Tu n'allais pas en plus me forcer à couper les ponts avec mon frère, j'espère!

-On avait pourtant un accord! S'emporta le Juge, sa voix devenue soudain plus rauque. Tu pouvais passer le voir quand tu veux au Sanctuaire, mais je ne voulais jamais le voir ici! Je t'avais d'ailleurs demandé de ne pas lui donner mon adresse!

-En effet, reconnut Kanon avec un sourire de plus en plus large. Mais tu ne m'as jamais interdit de la donner à Mû, n'est-ce pas?

Silence.

Rhadamanthe éprouva alors une sensation familière, alors qu'il regardait le Dragon des Mers finir de s'habiller et remettre hâtivement de l'ordre dans ses cheveux : une furieuse envie de frapper quelque chose... Ou plutôt quelqu'un. Seulement, il ne savait pas vraiment vers lequel des deux frères il devait la diriger. Il prit néanmoins rapidement sa décision, lorsqu'il entendit les poings puissants de Saga s'abattre sur sa porte d'entrée alors qu'il hurlait des jurons grecs, et que Kanon lui adressa un adorable sourire pour se faire pardonner : l'aîné conserverait le rôle du méchant encore quelques temps.

«Bon», se résigna Rhadamanthe en poussant un gros soupir et en s'asseyant sur le lit, alors que Kanon allait ouvrir à son jumeau, «C'était prévisible, après tout!». Et comme l'ex-Marina l'avait souligné, question famille, il aurait été le dernier des hypocrites en lui faisant la morale.

Mais tout ça n'avait même plus d'importance à ses yeux. Puisque, de toute façon, Kanon était là. Et l'accompagnerait jusqu'à la fin.

Et comparé à cela, toutes les mésaventures qui semblaient déjà les attendre n'étaient qu'un détail bien futile. Car il savait qu'ensemble, ils seraient capables de venir à bout de n'importe quel obstacle menaçant de les séparer. Ils avaient déjà failli se perdre une fois. Pas question de recommencer!

Alors, dans le fond, peu importait les abrutis du Sanctuaire et des Enfers. Peu importait le Monde entier qui semblait parfois se liguer contre eux. Peu importait Saga, dont les pas vifs se faisaient déjà entendre dans le couloir. Et peu importait ce que l'avenir leur réservait.

Car, à partir de cet instant et jusqu'à son dernier souffle, Kanon resterait toujours à ses côtés.

Et la vie serait absolument parfaite.

-RHADAMANTHE ! SALE WHYVERN PERFIDE! INFÂME SCÉLÉRAT! VIENS M'AFFRONTER SI T'ES UN SPECTRE!

Enfin... A quelques détails près...

THE END