Partie 9 : Connexion réseau
Pairing : Dean/Castiel, Sam/Lucifer
Rating : PG-13
Six jours. Ça fait officiellement six jours.
« Et s'il lui était arrivé quelque chose? » demande Dean depuis l'autre côté de la pièce.
Sam relève la tête du journal dans lequel il cherche attentivement à relever toute activité suspecte.
« Il ne lui est rien arrivé, » le rassure-t-il.
« Ça fait six jours qu'il est parti. »
« Il s'est déjà absenté pour de plus longues périodes, Dean. » Sam entoure une attaque d'animal dans l'intention de lire l'article plus tard et reporte son attention sur son frère, qui est avachi sur le canapé d'un air bizarrement tendu, énervé et inquiet à la fois.
« Il a toujours téléphoné les fois d'avant, mon Dieu, et si–«
« Il n'est pas mort, » le coupe sèchement Sam.
Dean se redresse afin de pouvoir foudroyer son frère par-dessus le dossier du canapé.
« J'allais pas dire et s'il était mort, Seigneur, Sam, » réplique-t-il avec fougue. « J'allais dire "et s'il a des ennuis", pourquoi diable suggères-tu carrément mort? »
« J'ai juste pensé que tu... » Sam se tait lorsqu'il remarque l'expression sur le visage de Dean. « Je suis sûr qu'il va bien. Ce n'est pas un petit chien, il ne risque pas de se faire renverser par une voiture dans la rue. »
Et d'accord, il voit bien à l'expression de Dean que sa remarque n'a franchement pas aidé.
Sam abandonne, essaie de décider s'il vaut la peine d'entourer du stylo rouge de la suspicion une série de disparitions de chats. Parce que ce dont Dean a vraiment besoin là maintenant, c'est de tuer quelque chose. Malheureusement, les petites villes américaines se montrent pour l'instant étrangement peu coopératives. Etant donné qu'ils sont sensés être au plein cœur de l'Apocalypse, tant de calme est légèrement inquiétant.
Il refuse toutefois de suivre le conseil de Dean et de "pomper des informations de Lucifer", dans n'importe quel sens du terme.
Ne serait-ce que parce que son frère n'avait pas été fichu d'arrêter de ricaner assez longtemps pour pouvoir formuler une phrase entière.
Il avait presque oublié à quel point il est difficile de chasser sans une connexion Internet. Quoique Dean avait dit une affaire, juste une affaire, puis Sam pourrait retourner à sa chère technologie. C'est uniquement parce que l'ainé des Winchester tourne en rond en trainant des pieds, son humeur sautant d'inquiet à furieux puis à coupable plus vite que celle d'un schizophrène que Sam n'en a pas parlé. Mais tant pis, n'importe quelle excuse pour s'évader de ce motel un moment est bonne à prendre.
« Je vais aller chercher un nouvel ordi, je ramène le déjeuner au passage? »
Dean grogne comme s'il n'en avait strictement rien à faire.
Mais Sam sait fichtrement bien que c'est comme s'il venait de promettre à Dean de lui ramener son déjeuner, et que son frère lui fera une scène s'il revient les mains vides.
Sam lève les yeux au ciel, attrape son blouson et ouvre la porte.
Elle se referme dans un claquement derrière lui.
Dean met une demi-heure à terminer le boulot que Sam avait commencé, mais il est moins pointilleux. Les disparitions de chats ont droit à deux cercles rouges et une grande flèche, parce que Dean est à peu près sûr que tout commence par le fait de dévorer des chats. Puis il gribouille sur le visage d'un homme d'affaire arrogant qui ressemble un peu trop à Zachariah à son goût.
Avant d'abandonner par dépit le journal sur la table pour aller prendre une douche.
Sam a laissé ses affaires trainer partout, et il peut prétendre tout ce qu'il veut qu'il n'utilise pas des shampoings de filles pour garder ses cheveux brillants et lisses, Dean sait que c'est faux. Quoiqu'il soit évident que ça ne fonctionne pas, donc Sam ferait mieux d'arrêter de dépenser des fortunes en produits d'entretien capillaire.
Dean ne prend même pas la peine de se sécher les cheveux, il se contente de draper une serviette autour de sa taille et ouvre la porte de la salle de bain. Il a la ferme intention de laisser de l'eau dégouliner sur les affaires de Sam. Son frère n'a pas eu l'occasion de lui faire un sermon au sujet de son absence de respect pour les affaires des autres depuis des jours, ça lui fera du bien.
Quoiqu'il ait intérêt à lui ramener à manger, parce que Dean meurt de faim...
Il relève la tête, et a tout juste le temps de remarquer le trench-coat, les cheveux en bataille et le visage précautionneusement vide d'expression avant d'avoir traversé la pièce sans même s'en être rendu compte, comme s'il avait développé son propre pouvoir de téléportation.
Puis il a un ange serré dans ses bras.
Un ange dur au début, mais qui se détend progressivement, devient mou comme un humain... et se laisse aller dans ses bras.
Dean réalise, avec un peu de retard, qu'il est en train d'enlacer Castiel. D'une manière qui pourrait être décrite comme un peu trop enthousiaste.
Aussi, il ne porte en tout et pour tout qu'une serviette.
Et il est toujours mouillé.
Apparemment, il semble avoir échoué dans son entreprise d'agir comme si de rien n'était, et ce de façon spectaculaire.
« Bonjour, Dean, » dit Castiel contre son oreille, sa voix vibrant sur sa peau.
Il n'a pas l'air d'avoir particulièrement envie de lâcher sa prise. Ce qui prend une seconde à rassurer Dean. Avant qu'il ne se souvienne que Castiel n'a pas vraiment d'expérience en matière d'embrassades viriles telles que la leur. Autant qu'il en sache, elles pourraient durer des heures.
Dean devrait probablement protester, parce qu'ils s'enlacent maintenant depuis assez longtemps pour avoir dépassé le stade gênant depuis belles lurettes. S'il attend encore plus, Castiel finira bien par se douter que quelque chose cloche.
« Je te présente mes excuses, il m'était impossible de te contacter, je n'avais pas de réseau téléphonique où je me trouvais, » déclare lentement Castiel.
« T'étais où? » demande Dean contre le col de l'ange.
« La Fosse des Mariannes, » répond doucement Castiel.
Dean grogne, parce que ça semble en effet être un endroit génial pour chercher Dieu.
« C'était comment? »
« Froid, » répond tranquillement Castiel. Dean se dit que l'ange est peut-être, d'une certaine manière, content d'être de retour.
Quelqu'un se racle la gorge.
Dean aperçoit Sam par-dessus l'épaule de Castiel, remplissant l'embrasure de la porte avec ses membres ridiculement longs, ses sacs et son expression amusée.
« Est-ce que je devrais revenir plus tard? » demande-t-il.
Dean grogne, et relâche son étreinte sur l'ange avec réticence. En reculant, il remarque qu'il a laissé de grosses taches humides sur la chemise de Castiel et que ses cheveux sont tout aplatis d'un côté de sa tête.
Ça lui donne un air ringard, et tellement humain que ce n'en est même pas drôle.
« Salut Cas, content que tu sois de retour. »
« Je suis également content d'être de retour, Sam, » lui dit Castiel avec un petit hochement de tête, et il a l'air de vraiment le penser.
Sam lance le déjeuner à Dean, qui l'attrape sans faire tomber sa serviette, et dépose la boîte qu'il porte sur la table.
Il affiche un air suffisant en ouvrant le carton.
« J'ai ramené un Internet. »
Sam va s'installer dans un coin avec son déjeuner pour apprendre tranquillement à leur Internet à marcher, parler, faire du vélo, et toutes les autres choses qu'un Internet tout neuf fraîchement sorti de sa boîte doit apprendre à faire. Avant que les anges ne puissent les remplir de porno, cartes et autres recettes de pancakes aux myrtilles.
Dean est parfaitement heureux d'être seul avec son déjeuner et son ange, qui n'est pas mort.
« On était inquiets pour toi, » lui dit Dean en mâchant son hamburger. « En général, quand tu es à la recherche de Dieu, tu appelles au moins deux fois par jour, souvent plus que ça. »
Le visage de Castiel s'adoucit.
« Je suis désolé, Dean. »
« C'est rien. » Dean hoche la tête, tranquille, comme si ça n'avait pas vraiment d'importance. Décidant d'ignorer complètement la brève période pendant laquelle il aurait été prêt à écorcher vivant n'importe quelle créature s'il avait ne serait-ce que suspecté qu'elle sache où se trouvait l'ange. « Juste, tu sais, appelle-nous, histoire qu'on sache que tu n'as pas d'ennuis. »
« Il est parfois difficile de se rendre compte du temps qui passe. J'aurais dû m'assurer que tu savais que mon silence n'était pas dû à un problème. »
« Mais au fait que tu étais au fond de la mer, » continue Dean.
Castiel acquiesce. « Ce n'est définitivement pas une région où la couverture réseau est de qualité. »
Dean fixe le visage de Castiel, calme et fatigué et juste un tout petit peu déçu, bien qu'il essaie vraiment de ne pas l'être.
« Je suis désolé que tu n'aies rien trouvé, » dit doucement Dean. « Là en bas. »
« C'était paisible, » admet Castiel. « Froid et lourd et paisible. »
« Et mouillé, je suppose, » ajoute Dean.
Le coin de la bouche de Castiel s'étire, juste un peu.
« Oui, c'était également très mouillé. »
Dean attrape ses dernières frites, se demande si Castiel a faim, se demande s'il lui arrive même d'avoir faim ou si ce n'est qu'une question de goût.
Il est presque certain qu'il y avait du chocolat dans son sac, mais il semble avoir disparu.
Sam l'a probablement donné à Lucifer.
Castiel se retient jusqu'à ce que Sam parte faire la lessive le lendemain matin. Dean est toujours plus ou moins endormi lorsqu'il entend le bip d'un ordinateur portable qui s'allume.
Il grommèle un reproche amusé et se force à se réveiller, roulant sur le côté et se redressant sur ses coudes.
Cette fois-ci, Castiel a enlevé son trench-coat et sa veste ainsi que ses chaussures. Il est sur le lit de Sam, le portable en équilibre sur ses cuisses. L'écran est trop loin et trop flou pour que Dean puisse dire ce qu'il est en train de faire.
Dean se débarrasse de ses draps d'un coup de pied, se lève péniblement. Il pose sa main sur l'épaule de Castiel en passant, et disparaît dans la salle de bain.
Il se dit qu'il a trois possibilités: a) dire à Castiel qu'il a peut-être accidentellement développé une sorte de réaction... des espèces de sentiments inappropriés pour lui, b) ignorer le fait que quelque chose a changé entre eux, puisqu'il n'y a aucune chance pour que quoi que ce soit se passe dans la vraie vie, ou c) continuer à déprimer dans la salle de bain comme une adolescente attardée.
Dean regarde fixement son reflet dans le miroir. Il a une traînée de pâte dentifrice sur une joue.
Vraiment classe, Winchester, vraiment classe.
Castiel est toujours occupé avec l'ordinateur quand Dean ressort de la salle de bain en enfilant son t-shirt avec une légère pluie de gouttes d'eau et un nuage de vapeur. L'ange fixe l'écran de son regard intense et juste un peu terrifiant qui laisse penser que toute chose qui s'avère être inintéressante risque fort d'être frappée, rien que par principe.
Cas est bizarre. Génial, mais bizarre.
Dean aime ça chez lui.
Il sait une chose pour sûre, toutefois. S'il essaie de prétendre que rien n'a changé entre eux, il n'y arrivera pas. Cette option b ne peut mener à rien de bon. S'il ne se prend pas en main et ne dit rien, la situation deviendra gênée, et il se retrouvera avec un ange qui pensera que c'est de sa faute. Parce que Cas pense toujours que c'est de sa faute quand la situation devient gênée.
Il s'assied sur le bord du lit de Sam, à une dizaine de centimètres du pied de Castiel, qui semble étrangement petit dans sa chaussette bleu marine.
Dean prend une profonde inspiration et ferme l'ordinateur portable.
Castiel lève les yeux vers lui, comme si le geste de Dean était un moyen de réclamer son attention.
« J'ai un truc à te dire, » commence Dean. « Mais c'est pas facile à dire pour moi, et je veux pas que les choses entre nous deviennent bizarres, vraiment pas, Cas. » C'est vraiment la dernière chose qu'il voudrait.
Castiel fait prudemment glisser l'ordinateur de ses genoux et se tourne afin de pouvoir faire face à Dean, et Dean voit bien à la façon dont il se tient, relâché et détendu, qu'il est aussi humain qu'il le peut.
« Tu peux me dire tout ce que tu veux, Dean, je ne te jugerais jamais. »
Il le croit, vraiment. Il ne s'imagine pas une seconde que Castiel va se fâcher ou, Seigneur, se moquer de lui. Sauf que... sauf que ce n'est vraiment pas le genre de chose qu'on peu lâcher juste comme ça.
Il pense à une dizaine de façons de commencer ce qu'il est sur le point de dire, mais elles ne sont jamais bonnes.
S'il était un ange il le dirait, juste comme ça, avec cette honnêteté bizarre qu'ils ont. Au moins les mots sortiraient. En ce moment, les mots lui manquent.
Comment ça se passe, déjà, dans les fanfics?
Okay, non, c'est un mauvais endroit pour trouver l'inspiration, parce qu'il n'y a jamais plus que six paragraphes entre la confession et la partie de jambes en l'air et Dean n'est absolument pas prêt pour...
Bordel, qu'est-ce qu'il fout à être juste assis-là en train de fixer Castiel comme un idiot en se disputant avec son propre cerveau?
Castiel l'observe toujours avec son expression d'attente mêlée à une patience infinie.
« J'ai des sentiments pour toi, » déclare Dean, et okay, on aurait dit une fille, comme il le craignait. « Des sentiments non-platoniques. Pour toi. »
Castiel le fixe.
« Ça fait un petit moment, quoique je n'ai pas tout de suite remarqué, et je voulais pas t'en parler, pour pas que ce soit... pour pas que tu penses que c'est ta faute. Mais je me suis dit que tu as le droit de savoir. De savoir que je pense à toi de cette manière là parfois. Et que peut-être que l'idée de t'embrasser me terrifie, mais que je crois bien que j'en ai tellement envie que ça m'est égal. » Les mots se bousculent tellement Dean est surpris que son discours soit cohérent. Embarrassant, mais cohérent.
Castiel le fixe toujours.
« J'espérais que tu aurais quelque chose à répondre, » ajoute Dean, avec une touche de désespoir, parce qu'on a besoin d'une réponse à ce genre de déclaration.
« Tu sais déjà que je t'aime, » déclare simplement Castiel.
Ce qui n'aide vraiment pas, bon Dieu.
« Mais pas comme ça, » réplique désespérément Dean. « Pas comme ça, pas comme si tu voulais, voulais vraiment, le sexe et toutes ces conneries humaines qui vont avec. »
« Dean... »
« Tu ne veux pas ça, » décrète Dean d'une voix étranglée, et il a l'impression qu'il est en train d'essayer de se convaincre lui-même.
« Peut-être devrais-tu me demander ce que je veux au lieu de me le dire, » dit doucement Castiel, et Dean en perd tout son souffle.
Il lui faut trois essais avant de pouvoir parler à nouveau.
« Qu'est-ce que tu veux, Cas? »
Il y a une longue pause, assez longue pour que Dean se ronge les sangs.
« Mes sentiments pour toi ne sont pas entièrement platoniques non plus, » dit lentement Castiel, et quelque chose se resserre dans la poitrine de Dean du fait qu'il ne détourne pas les yeux une seconde. Comme s'il admettait que c'était le cas depuis longtemps, qu'il y avait pensé mais n'avait rien dit. N'aurait peut-être jamais rien dit. « J'aimerais explorer les possibilités... avec toi. »
Dean peut sentir son pouls battre dans sa gorge. Comme une course effrénée qui le pousserait sûrement à s'assoir s'il n'était pas déjà assis.
Castiel fronce les sourcils d'un air incertain.
Il ouvre la bouche puis la referme, et c'est la première fois depuis longtemps que Dean voit Castiel avoir de la peine à former ses pensées en mots.
« Mais je ne suis pas certain de pouvoir habiter ce corps assez bien pour être assez sensible, assez réactif, pas de la manière dont un humain le serait, » admet-il, un peu méfiant, comme si Dean allait être déçu. « Si c'est ce que tu veux. Je ne ressens pas les choses de la même manière. »
Il détourne le regard à ce moment-là, juste pour une seconde.
Dean a un peu l'impression de s'être pris une claque, parce qu'il ne veut pas que ce soit tout à propos de lui.
« Cas. »
La main de Dean est sur le bras de Castiel avant qu'il ne s'en rende compte, et il ne peut pas se forcer à le lâcher. Il peut sentir la chaleur de Castiel sous l'épaisseur de coton.
Il l'a touché des centaines de fois.
Des centaines de fois.
Ça ne devrait pas être différent.
Mais ça l'est.
« Cas, je ne te demande pas de faire quoi que ce soit que tu ne veuilles pas faire, ou que tu ne puisses pas faire. Je ne veux pas que tu sois humain, ou même que tu prétendes l'être. Ça te concerne aussi, toi et ce que tu veux. La vraie vie, c'est pas comme dans les livres, tu le sais, n'est-ce pas? » Il jette un coup d'œil à l'ordinateur. « Ni comme dans les fics. C'est compliqué et embarrassant, parfois les choses tournent mal, et ça ne se termine pas après la scène de sexe. Mais c'est réel, complètement réel. »
Castiel a l'air de vouloir le croire, de désespérément vouloir le croire.
Dean resserre gentiment sa main sur son bras.
« Cas, tu n'es pas obligé de faire quoi que ce soit, tu n'es pas obligé d'être quoi que ce soit que tu n'es pas. Je ne suis pas amoureux de la version de toi des fanfics... »
La tête de Castiel se penche lentement sur le côté, de surprise.
...
Dean se rend alors compte exactement de ce qu'il vient d'admettre
Son subconscient l'applaudit sarcastiquement.