Titre: Entre les lignes
Auteur: Little Sanmalo
Fandom: One Piece
Pairing: Zoro/Usopp
Rating: R (ou plus honnêtement entre T et M).
Disclaimer: Eiichiro Oda
Nombre de mots: 2 312
Remarque : c'est à peine R, mais c'est une fic en 2 chapitres (donc la partie
coquine viendra dans le chapitre suivant). Zoro n'apparaît même pas ici
mais il est suggéré.


« Tu cherches quelque chose, Long-Nez San ? »

La voix de Robin fit sursauter Usopp, qui se cogna la tête en se redressant.

« Ouch ! Satanée table ! »

Le sourire fin de la jeune femme s'accentua devant les larmes et les gémissements mélodramatiques de son compagnon accroupi sous la table de la cuisine. Mais les yeux un peu trop brillants et l'air vaguement paniqué d'Usopp continuaient de l'intriguer.

« Tu as perdu un objet qui t'appartient ? » demanda-t-elle une nouvelle fois.

Le sniper se frottait encore le crâne, jetant des regards rancuniers à la table. Il se mit ensuite à fouiller dans un placard avec une certaine frénésie qu'il regretterait plus tard quand Sanji verrait le désordre de sa cuisine.

« Mmm oui, et ça fait des heures que je le cherche, et je ne le trouve pas, et c'est… c'est important et je cherche mais je ne le trouve toujours pas ! »

Le ton grimpait rapidement dans les aigus, mais cela n'inquiéta pas Robin. Le tireur avait tendance à dramatiser les situations les plus ordinaires, alors elle se contenta d'un hochement de tête souriant.

« Je peux peut être t'aider, Long Nez San. » Robin fit apparaître une multitude d'yeux bleus sous la table et dans chacun des placards et tiroirs de la pièce. « Quoi que tu cherches, ce n'est pas ici, désolée, il n'y a que le matériel de Cuistot-San. » Les yeux s'évanouirent dans un tourbillon de pétales rosés.

Usopp s'arrêta pour tapoter la bosse douloureuse sur sa tête en couinant un peu : « Oui, évidemment que non, dans la cuisine ça aurait été bizarre. » Puis il se tortilla nerveusement les mains : « Dis Robin ? »

L'intéressée haussa des sourcils d'un air faussement ingénu, connaissant déjà la requête qu'allait formuler son compagnon : « Oui Long Nez San ? »

« Tu… tu pourrais… ? S'il te plait… Tu pourrais m'aider à le chercher sur le Sunny ? Enfin si tu es d'accord évidemment ! Tu… T'es pas obligé, mais je ne sais même pas par où je dois commencer alors …»

C'était vraiment amusant de voir le jeune homme bafouiller et se dandiner maladroitement de cette façon, et Robin eut un petit rire heureux. Elle avait eu raison de vouloir vivre, car la vie pouvait se montrer incontestablement distrayante parfois.

« Bien sûr, mais avant ça il va falloir me dire quel est cet objet tellement important que tu as perdu. »

Usopp se figea, rougit violemment, transpira un peu, puis recommença à se tortiller sur lui-même.

« Oh c'est pas si important que ça tu vois. En fait c'est juste un carnet. Un carnet en cuir brun mais… »

Le tireur s'arrêta, hésitant. Intriguée, Robin attendait poliment qu'il termine sa phrase.

« Mais… ? » relança-t-elle après une minute de silence.

Usopp inspira à fond : « Mais j'y ai mis tous mes dessins et mes croquis, tous ceux que j'ai faits depuis que j'ai rejoint Luffy et les autres. » Il parlait vite, comme pressé d'avouer un secret honteux. « Alors non ce n'est pas important mais, mais… mais j'y tiens beaucoup. »

La dernière phrase avait été murmurée dans un souffle précipité, et Robin sourit gentiment.

« Un carnet de cuir brun tu dis ? » Elle croisa ses bras avec élégance et dans la seconde, son regard fut partout sur le navire (terrifiant Franky dans les toilettes). Elle trouva le carnet à moitié caché par des draps, dans le panier à linge sale.

La réaction d'Usopp lui fit plaisir. Enormément. Ses remercîments enthousiastes et ses déclarations de reconnaissance éternelle devaient compter parmi les plus sincères qu'elle n'ait jamais entendus.

« Merci merci merci ! Robin tu es incroyable ! Tu peux me demander ce que tu veux, le grand et valeureux Usopp le fera ! Je t'en dois une ! »

Robin rit doucement en regardant son camarade sautiller sur place et serrer presque amoureusement le carnet dans ses bras.

« Et bien dans ce cas là puisque tu me le proposes, j'aimerais que tu me montres quelques uns de tes dessins. »

Le jeune homme arrêta si brutalement sa petite danse de joie qu'il trébucha sur les planches du sol. Un peu de sang coulait de son nez quand il se releva, les jambes flageolantes.

« Te… te montrer mes dessins ? »

La gêne se lisait clairement sur le visage du snipper et Robin se demanda s'il ne lui avait pas mentit. En tout cas, il ne souhaitait visiblement pas dévoiler le contenu de ce mystérieux carnet de cuir.

Intéressant.

Robin hocha la tête avec son sourire le plus aimable (celui que ses ennemis et ses Nakama trouvaient menaçant) : « Oui Long Nez San, je sais que tu es doué en dessin. Luffy m'a raconté que c'était toi qui avais fait le Jolly Roger au chapeau de paille. J'aimerais voir d'autres de tes travaux. »

La flatterie fonctionnait généralement bien sur les membres de l'équipage, et cette fois ne fit pas exception. Ou peut être que son sourire était un peu trop… aimable pour le brave tireur. Toujours est-il qu'Usopp déglutit douloureusement, inspira un grand coup puis regarda autour de lui avec des airs conspirateurs.

« Pas ici. » murmura-il théâtralement avant de prendre Robin par la main pour l'emmener dans son atelier.

Il fit s'asseoir la jeune femme sur le seul tabouret de la pièce et referma lentement la porte en prenant soin de ne pas faire le moindre bruit.

Le carnet de cuir était toujours serré contre lui, fermement agrippé par deux mains nerveuses. Usopp resta un instant immobile, l'oreille tendue et visiblement inquiet à l'idée qu'un membre du Sunny ne les ait suivis.

Robin de contenta de croiser les jambes en souriant gentiment. Quand le tireur se sentit assez rassuré, il se détendit visiblement et se tourna vers sa compagne avec un regard un peu trop grave.

« Ce que tu vas voir Robin, tu ne dois en parler à personne ! » chuchota-t-il vivement.

Elle haussa un sourcil interrogateur : « C'est si mauvais que ça, Long-Nez-San ? »

Usopp poussa une exclamation indignée : « QUOI ? Non pas du tout ! » avant de plaquer violemment une main sur sa bouche en regardant autour de lui comme une pauvre bête traquée par un féroce prédateur. « Euh je veux dire quoi, non pas du tout. » recommença-t-il dans un murmure hâtif. « Le grand Capitaine Usopp n'est pas que un brave guerrier des mers, c'est aussi un artiste de grand talent. »

La vantardise du jeune homme arracha un rire élégant à Robin et elle hocha la tête d'un air entendu.

« Alors où est le problème ? Si ton travail est si bon, ne devrais tu pas être fier de le montrer à tout le monde ? »

La rougeur aussi soudaine qu'intense qui enflamma le visage de son Nakama aiguisa davantage la curiosité de Robin et, perdant patience, elle fit apparaître une paire de mains qui subtilisèrent habilement le mystérieux carnet de cuir.

« Hey, Robin ! »

Ne tenant pas compte du cri furieusement chuchoté, elle ouvrit enfin le carnet tenu jalousement secret par le tireur.

Robin cligna des yeux. A deux reprises.

Une fois n'était pas coutume, Usopp n'avait pas menti. Il avait talent réel pour le dessin. Les esquisses au crayon étaient d'un réalisme saisissant. Robin sentait le soin qu'il avait mis dans chacun de ces croquis, le temps passé dessus, le souci du détail. Et si il n'y avait vraiment pas de quoi rougir, elle comprit en un instant la raison de la gêne du snipper. Le cahier entier était recouvert de dessins des différents membres de l'équipage au chapeau de paille.

C'était très… sentimental de la part d'Usopp. Et ce dernier semblait en avoir honte. Profondément. Comme si l'amitié et l'attention qui transparaissaient dans chacun de ses coups de crayon étaient une faiblesse, une déficience dans le rôle d'intrépide pirate auquel il aspirait tant.

Le cœur de Robin se gonfla d'une tendresse qu'elle éprouvait généralement pour Luffy. Les petits frères pénibles pouvaient se montrer parfois plus que touchants.

« Usopp. » Il sursauta, surpris d'entendre son nom cité à la place de l'habituel 'Long-Nez-San', et Robin sourit. Un sourire vrai, sincère. Un sourire qu'elle avait rarement (mais de plus en plus souvent) et qui fit tourner le visage empourpré du tireur à un cramoisi inquiétant. « Usopp, c'est vraiment… vraiment incroyable. »

Un rire heureux teinté d'embarras lui répondit et il se passa la main dans les cheveux, marmonnant des paroles étonnamment modestes.

« Oh c'est rien tu sais juste des gribouillages, mais certains… oui certains sont pas mal. »

Elle hocha la tête avant de replonger dans l'étude du carnet. Elle réalisa rapidement qu'Usopp dessinait rarement l'intégralité d'un de ses amis, préférant se concentrer sur une partie précise de leur corps.

Certaines pages étaient ainsi remplies des mains capables et masculines de Sanji. Elle les reconnut immédiatement, les doigts agiles cuisinant, tranchant, fumant… L'ensemble immobile semblait néanmoins animé, comme mû par l'énergie maîtrisée du cuisinier.

Fascinée, Robin tournait les pages, retraçant du doigt le dessin du pied élégant de Nami, du sourire béat de Luffy, du pelage d'hiver de Chopper, du visage unique de Brook , du torse ciselé de Zoro, des jambes dénudées de Franky. Et celui de ces yeux.

Elle se demanda s'ils laissaient transparaître ses émotions autant que ne le laissaient suggérer les dessins d'Usopp. Sûrement que oui, les autres esquisses étaient trop réalistes pour que ses yeux soient une exception. Elle pouvait y distinguer aisément le mépris, la colère, la douleur, la peur, la tristesse, la joie, l'espoir…

La jeune femme avala discrètement la boule d'angoisse coincée dans sa gorge.

« Tu as de très beaux yeux. »

Un peu effrayée de ce que son Nakama pourrait lire dans son regard, Robin refusa de lever la tête pour lui répondre. Elle n'aimait pas cela. Pas du tout. Robin avait passé sa vie à se cacher, à mentir, à dissimuler ce qu'elle ressentait aux autres. Alors quand quelqu'un qui n'était ni le plus malin, ni le plus intuitif réussissait littéralement à lire dans ses yeux, elle ne pouvait s'empêcher d'angoisser.

Nerveusement, Usopp se racla la gorge : « Pas que le reste de toi soit moche, non ! Mais tes yeux sont si euh… bleus ? » tenta-t-il avec maladresse. « Et puis surtout… surtout ils ne mentent pas. Jamais. »

Il avait fini avec un ton assuré, presque admiratif, et Robin sourit doucement, trouvant enfin assez de courage pour croiser le regard du tireur.

« Il faut un menteur pour reconnaître un autre menteur, n'est-ce pas ? » finit-elle par dire.

Usopp hocha la tête, un sourire rayonnant aux lèvres. Mais sa bouche se crispa quand Robin tourna à nouveau les pages de son carnet. Cette angoisse visible était intrigante et s'il y avait une chose que la jeune archéologue aimait, c'était bien les énigmes.

La réponse à celle-ci ne lui sauta pas aux yeux tout de suite. C'était subtil et progressif, et sans doute que sans une certaine sensibilité toute féminine Robin serait passée à côté. Et cela ne concernait que les croquis d'un de leurs Nakama.

Zoro.

Petit à petit, presque insensiblement, ce qui n'était au début qu'une étude méthodique et purement artistique du corps du bretteur devint… différent. Pas plus détaillé, pas plus soigné, non juste différent.

Les joues de la jeune femme rosirent joliment quand elle comprit ce qu'il ne voulait pas qu'elle comprenne. Les dessins sur Zoro devenaient de plus en plus sensuels. Les bras qui au début du carnet ne faisaient que tenir des katanas prenaient des positions plus lascives, tandis que le torse barré de la cicatrice devenait de moins en moins menaçant, de plus en plus protecteur.

A chaque page tournée, de nouveaux détails se faisaient subtilement évidents : le dos puissant s'arquait, les muscles épais se bandaient, les reins se cambraient. Le corps de guerrier de Zoro avait pris avec le temps une aura quasi sexuelle aux yeux d'Usopp, et cette sexualité avait manifestement guidé la main de l'artiste. Mais son travail n'avait rien de l'érotisme froidement contemplatif de certaines œuvres. Non, ici chaque portrait transpirait d'intimité naturelle et d'un désir accompli.

Aucune envie latente, pas de convoitise dissimulée.

Juste un plaisir pur, inscrit dans chaque courbe, dans le moindre galbe.

Et Robin réalisa que deux des membres du Sunny étaient visiblement (secrètement mais visiblement quand même) amants. Et que personne n'avait rien remarqué, qu'elle n'avait rien remarqué.

Fascinant.

Elle prit le temps de se recomposer un visage neutre avant de fermer le carnet et de le tendre avec un sourire à Usopp.

« Tu as beaucoup de talent Long-Nez-San, tes dessins sont vraiment très beaux et très sincères. »

Le jeune homme gloussa, moitié gêné moitié flatté, et se saisit de son bien. Il se trémoussa un peu en toussotant : « Eum… tu n'en parleras à personne, hein ? »

Amusée, Robin hocha doucement la tête : « Comme tu le souhaites, mais tu sais il n'y a pas grand chose à dire. En tout cas rien de mauvais. »

Rassuré, Usopp serra contre lui son précieux carnet. Une terreur panique s'afficha soudain sur son visage, si rapidement que Robin s'en inquiéta.

« Long-Nez-San ? »

« Oh non, j'ai oublié de ranger la cuisine de Sanji ! Il faut que je le fasse avant qu'il ne… »

Un hurlement ressemblant de façon troublante au nom du snipper fit trembler le Sunny jusque dans ses fondations. Le cri fut suivi de jurons français et d'une série de promesses de torture éternelle. Le brave et impétueux guerrier des mers poussa un couinement un peu pitoyable avant de s'enfuir pour aller se cacher, laissant derrière lui son atelier et le rire joyeux de Robin.