~ Protection Rapprochée ~

Chapitre 22 : Destins rapprochés.

Note : Merci à vous tous qui lisez et reviewez cette fiction ! :) Voici le dernier chapitre, je sais qu'il aura été long à venir, que j'ai commencé cette fanfic il y a déjà 3 ans mais je tente de tenir mes promesses et de terminer ce que je peux terminer.

Warning : Et pour finir en beauté, un petit lime + un lemon.


Ichigo ouvrit les yeux et se retrouva un moment désorienté en apercevant la chambre ordonnée aux couleurs pastel. Il cligna des paupières et soupira en tentant de recouvrer la mémoire. Évidemment, pensa-t-il en se tournant entre les draps du lit moelleux, il se rappelait de la veille. Il leva les yeux et tomba sur le visage de Grimmjow à ses côtés, endormi. Il paraissait paisible, loin dans ses rêves.

Le jeune homme étira un mince sourire qui en disait long et ne put s'empêcher de détailler avec attention les traits de son visage. Ses cheveux d'habitude si bien coiffés tombaient en mèches rebelles sur son front, en désordre. Sa bouche d'habitude ouverte pour lancer des mots grossiers ou des remontrances salées, ou étirée en ce sourire sadique laissant une vue panoramique sur ses dents aiguisées, était légèrement entrouverte. Ses lèvres pleines ne bougeaient pas, laissées au repos presque lascivement.

Kurosaki savait qu'il n'aurait pas dû, mais il en avait terriblement envie. Il tendit sa main vers son visage et traça tout d'abord timidement de son index la lèvre inférieure de Grimmjow. Elle était douce, sèche mais agréable au toucher. Il intensifia le contact et sourit de plus bel en sentant son souffle brûlant s'échapper de sa bouche et venir réchauffer son doigt baladeur. Il l'aurait très certainement rembarré s'il lui avait fait cela en étant réveillé, mais Ichigo n'en avait que faire. Il était juste beau comme ça, encore plus beau peut-être qu'éveillé.

Il était plongé dans sa découverte des lèvres de son amant, effleurant de la pulpe de ses doigts la bouche qu'il aimait tant embrasser, et s'attaqua bientôt à sa lèvre supérieure, quand les dents blanches et pointues manquèrent soudain se refermer sur son doigt. Il échappa un cri strident – pas du tout masculin – et retira tout juste son doigt avant que les dents ne se referment en un claquement sonore dans le vide.

Les yeux turquoise s'ouvrirent en grand tout à coup et le rouquin éclata d'un rire joyeux, que Grimmjow ne l'avait encore jamais entendu exécuter.

_T'aurais pu me couper le doigt ! S'exclama-t-il, pas une once de reproches dans sa bouche.

_Ça t'apprendra à tâter la bête quand elle dort, lui servit l'autre en se coulant jusqu'à lui, ses bras entourant son corps étroitement.

Ichigo éclata de rire de plus belle. Lui-même ne s'était jamais entendu rire de la sorte : si franchement, si joyeusement. C'était un indice de son état d'esprit actuel : il était heureux.

_Pas ma faute, susurra-t-il en retour, plongeant dans ses yeux. Tu es beau quand tu dors…

Grimmjow sourit très largement et lui vola un baiser rapide qui claqua dans l'air.

_T'peux dire ça tous les matins, j't'en voudrais jamais, souffla-t-il entres ses dents, attrapant la lèvre inférieure du jeune homme entre les siennes.

Ichigo étouffa un petit rire et se laissa entrainer dans son étreinte brûlante. C'était tout simplement bon d'être avec lui à nouveau, à ses côtés, aussi intimement. Il avait compris, et bien plus encore ce matin, qu'il était fou amoureux de lui et rien ne pourrait changer ça. Il en avait presque oublié la réciprocité de ses sentiments : est-ce que Grimmjow ressentait exactement la même chose pour lui ?

Était-ce de l'amour où tout simplement une sorte de plaisir à être avec lui ? Il voulait lui demander, déjà hier la question avait manqué passer ses lèvres, mais il avait été tant chamboulé qu'il n'avait pas voulu en dire trop. Trop satisfait de se retrouver dans ses bras et dans son lit cette nuit, cette question avait été chassée de son esprit aussi vite qu'elle y était arrivée.

_Mmm… Grimmjow…

Les lèvres de Jaggerjack glissèrent dans son cou et son sexe dressé vint pointer sa hanche avec désinvolture. Ichigo étira un sourire silencieux, presque au comble du bonheur, et aurait volontiers remis le couvert ce matin si seulement son portable ne s'était pas mis à sonner.

Les deux amants se séparèrent et le rouquin tourna dans le lit pour attraper son téléphone, qui gisait par terre après avoir glissé de la poche de son jean hier soir. En jetant un œil à l'écran de l'appareil, il put y lire le nom de celui qui tentait de le joindre et poussa un juron :

_Merde ! C'est Kuchiki…

Il se tourna vers Grimmjow qui haussa les sourcils, et désigna du menton le portable qui sonnait toujours :

_Tu réponds pas ?

_Il va me virer !

_Réponds avant d'en êt' certain, répliqua-t-il en lui plaquant le portable contre l'oreille.

Ichigo s'exécuta, à contre cœur certes mais il n'avait pas le choix. Il fallait qu'il redescende de son petit nuage et comprenne que la vie continuait, malgré tout ce qui s'était passé pour lui la veille. Il inspira profondément puis appuya sur une touche pour prendre l'appel, ne quittant pas Grimmjow des yeux pendant tout le processus :

_Allô ? Demanda-t-il timidement.

Kuchiki n'avait pas l'air plus colérique que cela. Il lui donna même l'impression de ne pas savoir qu'il n'était pas rentré de la nuit. Il lui indiqua seulement que sa journée était réservée au recueillement et qu'il se rendrait sur la tombe de sa femme avec ses deux gardes du corps. Il n'avait donc pas besoin de lui mais lui ordonna tout de même de rentrer le soir, pour avoir une entrevue avec lui. Ichigo ne posa pas plus de questions et raccrocha.

De toute façon, il avait pleins de choses à faire ce jour, et il devait également retourner chez Urahara pour la suite des entretiens d'embauches. Il soupira en serrant son portable dans le creux de sa main. Cette soirée et cette nuit avaient été trop belles pour que ça dure. Il aurait adoré rester au lit avec lui, toute la journée quitte à paraître fou, mais il ne voulait pas déjà le quitter.

Grimmjow haussa un sourcil interrogateur lorsqu'il se tourna vers lui et l'observa se sortir du lit.

_T'dois y aller ?

Le rouquin acquiesça d'un signe de tête et se pencha pour regrouper ses vêtements qui gisaient sur le sol. Il attrapa son caleçon et enfila une première jambe:

_J'ai rendez-vous au commissariat ce matin, expliqua-t-il, sa bonne humeur envolée. Il faut que je mette un point final à cette histoire sur le meurtre de la femme de Kuchiki. Je sais déjà ce que je vais trouver mais bon… Et après je dois retrouver Urahara cette après-midi.

_Ah ? Et t'vas trouver quoi ? Demanda-t-il en se hissant sur ses coudes, l'observant avec intérêt.

Ichigo sauta dans son jean et soupira en haussant les épaules :

_Que Kuchiki a tort. Qu'il n'y a aucun complice du meurtrier en fuite. Il va falloir qu'il accepte ça d'une manière ou d'une autre : il faut qu'il la laisse partir.

Grimmjow hocha de la tête et resta rêveur quelques instants, ses yeux ne voyant qu'à peine le jeune homme terminer de se préparer. Lorsqu'il ouvrit la bouche à nouveau ce fut pour exprimer un fait auquel Kurosaki n'avait nullement pensé :

_Mph… Il va falloir qu'il accepte la mort d'un être cher, alors qu'toi faut maint'nant que t'acceptes qu'un être cher soit toujours vivant, ta mère… La vie est juste cruelle.

Ichigo se figea et observa son amant avec une pointe d'amertume.

_Grimmjow le philosophe, commenta-t-il avec un sourire. Voilà une partie de ta personnalité que je n'avais jamais vue !

Le bleuté se contenta de s'effondrer sur son oreiller et de l'observer quitter la pièce. Oui, la vie était cruelle. Lorsqu'ils s'étaient rencontrés, pensa-t-il allongé dans son lit, c'était Ichigo qui n'avait pas de travail et lui qui s'épanouissait dans ce monde professionnel impitoyable. Et aujourd'hui le contraire se produisait : il était sans emploi, et Ichigo s'épanouissait auprès d'Urahara dans son agence de gardes du corps.

N'était-ce pas ironique ? Se demanda-t-il en plaçant ses bras derrière sa tête. Il était puni pour avoir joué ce double jeu, pour avoir fait souffrir Ichigo, pour lui avoir caché des choses. Il en était persuadé. Il ne croyait pourtant pas en ce genre de choses : le destin, la fatalité… Mais depuis qu'il avait rencontré le jeune Kurosaki, beaucoup de choses avaient bouleversé son existence. Il s'était surpris lui-même, quitte à ne plus se reconnaître dans le miroir quand il avait quitté l'agence Yamamoto. Pourtant, il ne le regrettait pas du tout. Parce que c'était ce qui l'avait rapproché du jeune homme, indéniablement. S'il n'avait jamais pris cette décision, il ne le verrait certainement plus. Ils ne seraient sûrement pas ensemble maintenant et Ichigo n'aurait pas renoué avec son père. S'il n'avait pas eu le courage de tout avouer, sa vie serait radicalement différente.

Comme quoi... Son seul courage avait changé la vie de bien des personnes : lui tout d'abord, Ichigo ensuite, Isshin aussi et sûrement Masaki et son mari, dans peu de temps.

Il soupira en fixant le plafond d'un regard absent. Il n'avait jamais pensé à toutes ces répercussions avant. Et même s'il l'avait fait, cela l'aurait-il empêché de tout révéler à Ichigo ? Non. Il le savait, rien n'aurait pu l'en empêcher. Parce qu'il avait irrémédiablement envie d'être avec lui, et pour une raison qu'il ignorait. Et c'était bien la première fois de sa vie qu'il ressentait ça !

Perdu dans ses pensées, les minutes filèrent dans un silence étourdissant. Puis, il entendit la porte de la salle de bain se déverrouiller et Ichigo réapparut sur le pas de la porte de sa chambre :

_Je pensais… est-ce que tu pourrais contacter ma mère ? J'ai envie de la rencontrer, lança-t-il à brûle pourpoint.

Jaggerjack tourna son visage dans sa direction, ses yeux ouverts en grand, étonné. Puis, il se redressa et s'assit dans le lit :

_Bien sûr, répondit-il. J'lui demande quand elle est dispo et puis on voit après ?

_Ouais. Comme je ne la connais pas, je préfère…. Tu vois, marmonna-t-il en baissant les yeux. J'aimerais que tu sois notre intermédiaire. Je ne veux pas la brusquer en la contactant moi-même. Après tout, je ne sais pas si elle veut me rencontrer.

_Bien sûr qu'elle veut… J'parie qu'elle appréhende aussi d'te contacter… Mais, ok j'peux faire ça.

Ichigo s'épaula contre la porte et soupira avant de le regarder de nouveau droit dans les yeux :

_Merci. J'espère que ça ne te dérange pas…

_Kurosaki, le coupa durement le turquoise en fronçant les sourcils, t'crois qu'après tout c'qu'j'ai raconté, sur ton père tout ça, j'sois à un service près ? Nan, alors arrête un peu.

Ichigo étouffa un petit rire. Il savait que c'était sa façon à lui de lui faire comprendre qu'il était ravi de lui rendre ce service. Il se contenta de sourire en retour et hocha la tête :

_Tu sais, il y a peut-être quelque chose que je pourrais faire en retour. Je veux dire, je veux t'aider, je veux le faire.

Le bleuté secoua la tête et se leva du lit, dévoilant son corps entièrement nu aux yeux du rouquin. Pendant un instant le silence régna, et Ichigo crut que la fierté de l'ex-employé de Yamamoto allait l'emporter sur la raison. Mais non, Jaggerjack enfila un short de couleur noir, large et usé, puis lui demanda ce qu'il avait en tête. Ichigo prit cette curiosité comme une preuve qu'il lui faisait confiance, et ses yeux se mirent à briller d'une étrange lumière, perçante, espiègle et joyeuse à la fois :

_J'avais pensé que… mon travail chez Urahara me plait vraiment j'aimerais m'impliquer plus avec lui, faire partie de son équipe pour diriger l'agence. Et… je ne peux pas m'impliquer à cent pour cent si je travaille toujours pour Kuchiki. Alors j'avais pensé que…, dit-il en baissant les yeux et en haussant les épaules. Je pourrais te proposer à Kuchiki à ma place. Il y serait gagnant sur toute la ligne. Je veux dire, tu as été l'élève du grand Kurosaki Isshin, dit-il avec un sourire plus attendrit que jamais en énonçant le nom de son père, et puis tu as été numéro 3 chez Yamamoto. Je suis certain qu'il dirait oui. C'est bien payé, les autres gardes du corps sont professionnels et très respectueux, tu y serais à ta place.

Jaggerjack plaça ses mains sur ses hanches et secoua la tête en fermant les yeux. Comme s'il allait gobé que cette idée venait seulement de lui venir en tête ! L'idée n'était pas mauvaise en soit, pensa-t-il en laissant un silence s'installer, mais… n'était-ce pas un peu trop précipité ?

_Depuis quand tu penses à tout ça ?

_Oh… En fait, l'idée vient juste de me frapper en plein visage, avoua-t-il en haussant les épaules, déclenchant l'étonnement chez le bleuté. Tout le monde serait content, je pense. Tu retrouverais un travail sans appartenir à une agence. Fini les classements, les dépendances… Tu serais ton propre patron ou presque. Kuchiki mis à part.

Grimmjow soupira et se passa une main sur le front. L'orangé avait l'air plus sérieux que jamais, mais il allait devoir canaliser son excitation de jeune homme :

_Et mon appartement ? Demanda-t-il. Kuchiki veut qu'son garde du corps vive avec lui, non ? J'veux pas vivre là-bas…

_Ok, répondit l'autre en haussant les épaules. Je pense que ça peut se discuter. Il suffira de voir avec lui les possibilités.

_Et toi ? Tu vivrais où ? J'veux dire…

Jaggerjack fourra ses mains dans ses poches et fit semblant de titiller quelque chose sur le sol avec son pied. C'était un geste de nervosité, pensa Kurosaki. Et c'était trop mignon…

_Si t'bosses plus pour Kuchiki faudra qu't'aies un autre appart, et…

Les yeux turquoise le fixèrent avec intensité et Ichigo comprit immédiatement où il voulait en venir :

_J'adorerais revivre avec toi, Grimmjow, lâcha-t-il avec un sourire tendre.

_C'est pas c'qu'j'voulais dire, marmonna l'autre en fronçant les sourcils.

Ichigo leva les yeux au ciel, comme s'il allait le croire ! Ben sûr que c'était ce qu'il voulait dire. Il voulait vivre avec lui, ça se sentait à dix kilomètres. Et lui aussi le désirait. Ils étaient sur la même longueur d'ondes et c'était ce qui lui plaisait avec Grimmjow, plus que toute autre chose.

_Enfin… Plutôt qu'd'pointer au chômage, c'est sûr que ça s'rait calé, Kuchiki…

_Je sais.

Ichigo laissa échapper un petit rire étouffé puis hocha la tête rapidement avant de constater qu'il devait prendre la poudre d'escampette. Son rendez-vous au commissariat lui filerait sous le nez s'il était en retard. Il porta une main à ses lèvres et y déposa un baiser qu'il envoya en direction de Grimmjow avant de tourner rapidement les talons et de quitter l'appartement. Celui-ci étira un sourire en entendant la porte d'entrée claquer puis se décida à rejoindre sa cuisine pour se concocter un bon petit-déjeuner. Après tout, il avait tout son temps maintenant qu'il était sans emploi.

Cette pensée le fit soupirer fortement, mais l'espoir de l'idée d'Ichigo fit naître un nouveau sourire sur son visage et il se sentit plus léger pour le reste de la matinée.


Ichigo avançait dans des pas rapides après avoir quitté l'immeuble de Grimmjow, il s'engouffra dans la bouche de métro. Sa conversation avec lui restait dans sa mémoire depuis qu'il avait claqué la porte de son appartement derrière lui. Il avait bien conscience que tout cela était peut-être un petit peu précipité. Ses idées étaient certes spontanées, mais il fallait tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de sortir des inepties. Même s'il ne pouvait définir ce qu'il avait dit à Grimmjow comme des inepties, il se doutait bien que tous ces changements pouvaient être précipités, et complétement fous.

Il n'aurait jamais dû lui proposer ça, cet espoir de retrouver du travail sans en avoir parlé avec Kuchiki, car il était persuadé que ce dernier serait on ne peut plus réticent. Mais l'abattement de Grimmjow l'avait frappé en plein visage, il le lisait dans ses yeux que son inactivité le rendait morose. Il voulait l'aider, lui rendre au centuple ce qu'il avait été capable de faire pour lui. Et il était prêt à tout pour lui, quitte à se brouiller avec son employeur Kuchiki, ou même avec Urahara.

Il voulait redonner à Grimmjow sa vie, et ce pourquoi il était fait : être garde du corps.

Mais chaque chose en son temps. Pour l'instant, pensa-t-il en sortant du métro, il avait autre chose à régler : le meurtre de Kuchiki Hisana.

Il avait rendez-vous avec l'inspecteur qui avait été chargé de l'enquête sur le meurtre de la jeune femme. Il était parvenu à le contacter et l'homme avait accepté rapidement de le rencontrer pour répondre à ses questions.

Ichigo fut conduit dans la salle d'attente du commissariat où on lui demanda d'attendre son rendez-vous pendant quelques instants. Cette entrevue était également un moyen de prouver à Kuchiki Byakuya qu'il avait tout fait pour résoudre enfin ce meurtre, et coincer tous les coupables. Mais il savait pertinemment que l'échéance approchait : il devrait avouer à son patron qu'il ne pouvait lui donner ce qu'il attendait. Qu'il s'était fourvoyé toutes ces années et qu'aucun complice du meurtrier n'était en fuite. En fait, il n'y avait jamais eu de complice.

Une fois dans le bureau de l'inspecteur, celui-ci ne put que lui accorder que quinze minutes de son temps, ce que l'orangé comprit parfaitement. Cependant, l'inspecteur Stark lui apparut comme un homme respectueux mais visiblement ennuyé quand ils commencèrent à aborder le sujet et objet de sa visite.

_Écoutez, Kurosaki-san, commença-t-il en joignant ses mains sur son bureau, j'ai classé cette enquête il y a de cela de longs mois. Je sais que Kuchiki-san a beaucoup de mal à tourner la page, je pense qu'il faut qu'il regarde la vérité en face. Le coupable a été arrêté, et malgré toutes nos recherches, l'étude de tas de réseaux criminels nous n'avons jamais établi l'existence d'un quelconque complice.

Ichigo acquiesça d'un coup de tête cordial, il le savait déjà évidemment. Mais il avait voulu l'entendre de sa bouche.

_Malgré vos conclusions, dit-il, Kuchiki Byakuya est toujours persuadé que des complices courent. Je crois que c'est plus psychologique qu'autre chose. Il n'acceptera cette absence de complice que lorsqu'il acceptera la mort de sa femme.

_Exactement. Il a plus besoin de voir un psy qu'un inspecteur de police, croyez-moi.

Même si Ichigo était d'accord avec lui, la rudesse avec laquelle l'homme s'était exprimé le fit tiquer. Il avait énormément de respect pour Kuchiki et ne comptait pas lui annoncer qu'il fallait qu'il voit un psy. Lui annoncer que le coupable du meurtre d'Hisana avait déjà été arrêté et qu'il courait après un fantôme était déjà assez dur comme ça. Il décida alors de creuser d'autres détails de l'affaire :

_J'étais présent quand Kuchiki-san a été attaqué en pleine rue, par un inconnu. J'ai d'ailleurs été blessé ce jour-là. Il a fait un rapprochement entre cette attaque et les lettres de menace qu'il reçoit depuis... enfin avant la mort de sa femme en fait.

_Nous n'avons jamais établi un quelconque lien entre ces deux affaires, lui répondit Stark. Kuchiki-san a tant d'ennemis... Lors d'une conférence à Osaka il y a deux ans, il avait aussi été attaqué de la même façon. Et les autorités de la ville avaient découvertes qu'il s'agissait simplement d'une intimidation d'une association environnementale. Ses projets immobiliers inquiètent beaucoup de monde, beaucoup sont prêts à lui mettre des bâtons dans les roues.

Ichigo prit son menton entre ses mains et plissa son front. Ça s'annonçait plutôt mal tout ça. Aucun lien entre ces affaires ? Kuchiki était tellement connu, riche et engagé qu'il avait évidemment beaucoup d'ennemis. Personne ne pourrait faire un lien entre ce qui lui arrivait et le meurtre de sa femme. Et lui encore moins que les autres. Il reprit alors, en oubliant cette agression qui lui avait pourtant voulu son travail chez Byakuya :

_J'aimerais avoir votre opinion sur les lettres de menace, celles écrites avant la mort d'Hisana. Pour moi, elles constituent un mobile probant !

Stark baissa son visage en soupirant et l'orangé l'observa avec méfiance. Comment allait-il réfuter cette preuve ?

_Vous devriez avoir une conversation avec Kuchiki Rukia, je crois, reprit-il après s'être reculé conte le dossier de son siège. Elle est la sœur d'Hisana, mais officiellement Kuchiki Byakuya l'a désignée comme sa propre sœur. Kuchiki Hisana a été lâchement assassiné mais pas pour une affaire concernant son héritage. Il s'agissait simplement d'un vol qui a mal tourné, dans la rue. L'individu a voulu lui voler son sac, elle s'est débattue et il a tiré. C'est regrettable certes, mais ces lettres n'ont rien à voir avec le meurtre.

_Que voulez-vous dire ? Demanda-t-il en fronçant les sourcils.

_Kuchiki Hisana avait un amant.

Ichigo écarquilla des yeux horrifiés, revoyant tout à coup le visage morose et pâle de son employeur. Non ! Si Byakuya apprenait ça il en serait mortifié ! C'était tout bonnement impossible ! Il prit quelques instants pour avaler l'information qui lui avait porté un coup au cœur, puis se reprit et passa une main dans ses cheveux :

_En quoi cette information est-elle importante concernant ces lettres de menace ?

_Parce qu'elle réfute totalement la supposition que ces lettres contiennent un quelconque mobile du meurtre. Voilà pourquoi la vérité lui a été cachée toutes ces années, et que Kuchiki-san croit toujours que ces lettres ont un rapport avec la mort de sa femme. Kuchiki Rukia a tenté de lui cacher la vérité toutes ces années. Il ne fallait pas qu'il sache que sa défunte femme avait un amant et qu'elle projetait de le quitter… Quelqu'un était au courant et harcelait Hisana avec ces lettres pour la faire chanter. Rien de plus. Byakuya a toujours cru que si les lettres menaçaient sa femme elles le menaçaient également. Mais il n'en était rien. Nous avons respecté le vœu de Kuchiki Rukia de ne pas interférer dans ces histoires de famille et nous avons laissé couler… Kuchiki Byakuya n'a donc jamais vraiment su le fin mot de l'histoire.

C'était cruel, pensa Ichigo en serrant les poings. Laisser cet homme souffrir en lui cachant la vérité, même si la lui avouer le ferait souffrir tout autant. Mais peut-être alors serait-il capable de laisser ce fantôme s'en aller ? Kurosaki comprenait que la situation était délicate mais il se priva bien de juger Rukia et sa décision, et encore moins Hisana qui était morte prématurément. Même dans l'au-delà elle était parvenue à garder son secret. Et ce secret avait entrainé depuis une suite d'imbroglios dans laquelle Ichigo se retrouvait mêlé maintenant !

Finalement, il avait échoué sur toute la ligne. Tout ce que Kuchiki lui avait demandé de faire, il avait échoué. Il avait certes, réussi une fois à la protéger lors de cette attaque dans la rue, mais la seule réponse qu'il lui apportait concernant le meurtre de sa femme et ces lettres de menace eh bien... ce n'était qu'une douleur supplémentaire. Qu'en plus d'avoir eu un amant, sa femme était à la solde d'un maître-chanteur qui lui envoyait des lettres de menaces et qui continuait d'en envoyer. Byakuya ne lisait pas directement ces lettres aussi était-il possible d'y trouver la vérité sur l'amant d'Hisana, Ichigo n'avait pas vérifié. Il n'avait lu que quelques lettres de menaces, celles en possession de Kuchiki. Mais qui lui disait que Rukia n'en avait pas intercepté d'autres pour justement continuer à cacher le terrible secret ?

Kurosaki commençait à comprendre qu'il s'était fourvoyé. Qu'il était aussi incompétent dans ce travail qu'il ne l'avait été chez Yamamoto. Il poussa un soupir après cette constatation amère et se redressa :

_Qui… Puis-je savoir qui était cet amant ?

Stark se gratta la tête un instant et grimaça :

_Shiba Kaien. Le garde du corps d'Hisana…

_Mon Dieu…

Shiba. La famille Shiba. Celui que Rukia tentait tant bien que mal de placer à la place d'Ichigo, à la protection de Byakuya ? Pourquoi ? Alors même que le frère de ce Kaien, Ganju travaillait à la protection de Kuchiki ! Mais bon sang, comment cet homme n'avait-il pu rien voir ? Se demanda-t-il en se mordant l'intérieur des joues pour ne pas pousser un juron. Quand Byakuya l'apprendra, non seulement Ganju sera viré, mais son frère Kaien passera un très mauvais quart d'heure.

_Rukia pensait simplement qu'en faisant cela, les deux hommes se rapprocheraient. Et que leur amour pour Hisana finirait par éclater et Byakuya finirait par admettre toute la vérité sur l'histoire. C'était pour elle une manière de marcher sur le chemin de la vérité. Vous devez comprendre : tout ce qu'elle sait est une véritable torture, elle aimerait tant lui dire tout ça mais…

_Mais elle est trop proche, trop impliquée pour la lui livrer ?

_Oui.

Tout comme Kensei avait été trop impliqué pour lui livrer son histoire. Et c'était quelqu'un d'extérieur, comme Grimmjow qui le lui avait avoué. C'était exactement pareil ici, quelqu'un devait avouer la vérité à Byakuya, pour son bien et Ichigo avait la désagréable impression que ça serait à lui de le faire.

_Elle pense qu'il vaut mieux que ça soit quelqu'un de non impliqué dans ce passé qui le lui avoue ?

_Je crois bien, oui. Mais parlez avec elle, il ne pourra en sortir que du bon.

Le rouquin n'en était pas certain. De ce qu'il en avait vu, Rukia était une jeune personne au caractère bien trempé, mais il savait qu'il n'avait guère le choix et qu'il devait la contacter coûte que coûte.

Il inspira profondément avant de remercier l'inspecteur Stark et de se retirer de son bureau, la tête quelque peu étourdie et le froncement de sourcils prononcé. Puis, il sortit du commissariat et consulta son potable. Il remarqua qu'un message vocal de Grimmjow l'attendait. Rien que voir son nom lui avait déjà rendu son sourire et il prit un instant pour considérer la chance qu'il avait d'avoir eu Grimmjow pour lui avouer la vérité sur ses parents. Kuchiki lui, n'allait pas avoir la même chance, ni le même genre de soutien... Il porta son téléphone à son oreille et écouta le message :

« Vous avez un nouveau message. Aujourd'hui à 11h10. Bip ! Hey, c'est Grimmjow. J'ai appelé ta mère. Elle est prête à s'libérer n'importe quel jour d'la semaine pour t'rencontrer. Elle est à Tokyo pour dix jours donc voilà. Laisse-moi savoir c'que t'en penses. Rappelle-moi. A plus ! »

Il inspira profondément et laissa tout l'air sortir par sa bouche en fermant se yeux. Le jour J, l'instant T approchait et il fallait qu'il garde son courage. Il avait déjà affronté son père, rencontrer sa mère ne pouvait que bien se passer, mais il appréhendait. C'était normal, pensa-t-il. Après tout, rencontrer une mère que l'on avait jamais vu, que l'on avait cru morte, c'était tout de même quelque chose qui ne laissait pas de marbre.

Il décida d'appeler son père pour lui annoncer la nouvelle. Et puis, il ne voulait pas le laisser dans le flou depuis qu'ils s'étaient quittés tous les deux. Isshin prit la nouvelle très bien et demanda à son fils s'il était libre pour dîner. Ichigo lui proposa de le rappeler plus tard dans la soirée pour lui donner ses disponibilités. Puis, après avoir raccroché il aperçut un banc sur le trottoir, non loin de l'arrêt de bus. Il s'y assit et garda son téléphone en mains en le fixant avec méfiance.

Il comprenait maintenant ce que Grimmjow avait ressenti en se demandant s'il devait lui avouer tout ce qu'il savait. Ce pauvre Byakuya vivait dans l'ignorance, tout comme lui avait vécu dans l'ignorance avant de tout savoir sur son père et sur sa mère. Il s'était senti d'abord très mal puis avait compris que c'était pour son bien que la vérité lui avait été dite. Kuchiki ne pourrait que s'en sentir soulagé ensuite, et peut-être tourner la page… Il devait s'en assurer.

_Hé ! T'as eu mon message ?

La voix de Grimmjow retentit dans son portable et il ne put s'empêcher d'étirer un sourire. Il n'y avait qu'à lui qu'il pouvait parler de ça…

_Ouais, je l'ai eu. On pourra en parler plus tard ? Ce soir ?

_OK, répondit-il à l'autre bout de la ligne. Ça va ? T'as une voix bizarre…

_En fait, je t'appelais pour… parce que j'ai besoin de conseils. Je viens d'apprendre un truc vraiment… trop énorme sur Kuchiki pour que je prenne la décision seul.

Il lui expliqua tout ce qu'il avait découvert grâce à l'inspecteur Stark et Grimmjow l'écouta religieusement avant de prendre la parole, à la fin de son monologue :

_Faut qu'tu lui dises, Ichi, dit-il d'une voix sérieuse. Sinon, toi non plus t'pourras plus dormir bientôt. Mais choisis bien tes mots…

_Je sais. Je ne sais pas si c'est à moi de le faire, tu sais…

_Dis-toi qu'y a qu'toi qui peux l'faire, tu dois t'en convaincre.

_Comment ?

_Mph… J'sais qu'c'est pas facile. Pense à moi qui en plus avais peur d'te perdre en t'sortant tout ça…. Toi encore c'est juste ton patron.

_Mais je ne veux pas lui faire du mal ! S'exclama-t-il en tapant du poing sur le banc où il avait pris place.

_Laisse tomber cette idée. Tu lui f'ras du mal c'est sûr, tu dois accepter ça aussi. T'embarque pas dans un truc où t'crois qu'tu peux limiter les dégâts, t'pourras jamais. Tu vas lui faire du mal, point. Après c'est à lui d'faire avec. C'est égoïste ouais OK, mais t'y peux rien. Toi t'fais que lui dire ce qu'il faut qu'il entende…

Ichigo savait qu'il avait raison, il ne devait pas s'encombrer d'états d'âmes. Et puisqu'il s'était convaincu que c'était à lui de révéler à Byakuya cette vérité sordide, alors il devait prendre les devants.

_Voilà c'que j'veux entendre ! Maintenant t'sais c'qui te reste à faire…

_Ouais. Je vais y aller et tout lui dire. Désolé d'avance, parce que j'suis sûr que j'me ferai virer et que… et que je ne pourrais jamais lui demander de t'embaucher mais…

_T'inquiète on trouvera aut' chose. Pour l'instant, fais c'que t'as à faire.

Ichigo étira un faible sourire mais resta silencieux. Il avait eu raison de l'appeler, il l'avait su qu'il le soutiendrait et lui donnerait les bons conseils, qu'il lui dirait quoi faire. Lui seul avait déjà été dans cette situation il n'était donc que le seul à pouvoir l'aider. Il le remercia plusieurs fois puis raccrocha avant de lui dire qu'il avait envie de le voir, qu'une journée entière sans le voir était vraiment trop longue. Jaggerjack eut un rire visiblement ravi et lui lança qu'il avait hâte de le retrouver ce soir. Ces mots firent monter le rouge aux joues du jeune homme et lorsqu'il raccrocha, il avait ce sourire bête, presque mielleux qui le faisait ressembler à une fangirl. Et son cœur battait de plus en plus vite…


Le bus le déposa face aux grands murs du cimetière ouest de Tokyo et Ichigo resta un instant interdit devant l'étendue de l'édifice. Il soupira puis prit son courage à deux mains pour observer les voitures garées sur le parking. Ses yeux se posèrent sur la grande berline noire, brillante de propreté qui sans aucun doute était celle de Kuchiki Byakuya. Bien, il était encore là, se rassura-t-il en jetant un coup d'œil à sa montre qui affichait midi moins dix.

Et maintenant, il fallait qu'il le trouve… ce qui allait s'avérer très difficile vu la taille du cimetière. Il passa les grandes grilles dorées et pénétra dans l'espace voué au recueillement. Il n'avait pas l'intention de ruiner la journée de prières de son patron, encore moins de détruire la tendresse qu'il avait eu pour sa femme, ou qu'il avait encore. Il comprenait juste que c'était son devoir de le lui avouer. Après tout, Byakuya lui avait bien confié cette mission : mettre un terme à cette histoire concernant le meurtre de sa femme.

Il arpentait les chemins de terre clair en jetant des coups d'œil un peu partout autour de lui, à la recherche des grands gardes du corps du noble, ou encore de sa longue chevelure corbeau. Il l'aperçut bientôt, aux côtés de sa sœur Rukia devant un caveau dédié à sa famille très certainement. Il stoppa ses pas puis resta à distance en observant le dos voûté de son patron, sa tête baissée et ses cheveux cachant son profil. Il était profondément concentré dans son recueillement, cela ne faisait aucun doute et il n'avait pas vraiment envie de venir bousculer ce moment. Il attendit, ses yeux rivés sur le dos large et immobile en espérant peut-être qu'il se retournerait en se sentant épié, mais ce ne fut pas le cas. De longues minutes s'écoulèrent puis un quart d'heure quand il remarqua enfin le beau bouquet de fleurs déposé devant le caveau. Un bouquet magnifique, constitué de fleurs fraiches en rond, des roses variées aux tons pâles, avait été déposé sur la tombe, juste devant Kuchiki.

Il se demanda s'il ne fallait mieux pas qu'il l'attende à sa voiture, ou plutôt avertir l'un des gardes du corps qui encadrait le brun. L'accoster dans un tel contexte le rendait mal à l'aise. Il se demanda même s'il ne valait mieux pas reporter à une prochaine fois, il ne voulait pas être cruel en un tel jour. Tandis qu'il pesait le pour et le contre de ces options, il croisa de grands yeux de couleur marine qui le fixaient. Surpris, il sursauta légèrement et fronça les sourcils en voyant le regard de Kuchuki Rukia rivé sur lui. Il hocha doucement la tête, en guise de salut et fut surpris de voir la jeune femme délaisser son frère et ses prières pour venir le retrouver.

Elle avança vers lui, les mains jointes devant elle, et le regard rivé sur ses chaussures. Ichigo se sentit tout à coup très nerveux, mais c'était le mieux à faire : discuter avec Rukia était une étape qu'il ne pouvait repousser. Plus tôt il aurait cette conversation avec elle, plus vite Byakuya serait délivré de ce mensonge.

Elle se planta devant lui et leva des yeux indécis :

_Mon frère est en plein recueillement. Je peux faire quelque chose pour vous, Kurosaki ? Demanda-t-elle froidement.

Le rouquin retint son souffle. La façon dont elle s'adressait à lui ne laissait rien entendre de bon, mieux valait commencer sur un terrain moins glissant.

_Ahem, oui, je suis au courant. Je suis désolé de vous déranger en cette journée, je sais qu'elle est importante pour Kuchiki-sama.

_En effet. Et pour moi aussi. Mais j'imagine que ce qui vous amène doit être important…

Elle le gratifia d'un regard intense qu'il ne comprit pas vraiment. Depuis quand semblait-elle intéressée par ce qu'il avait à dire à son frère ?

_Oui. Je reviens tout juste d'une visite au commissariat, et j'ai eu une entrevue avec l'inspecteur Stark, dit-il en appuyant sur les derniers mots.

Elle resta immobile et ne trahit aucune émotion. Elle observa un mutisme impressionnant vu la situation et même ses pupilles brillantes ne reflétaient aucune surprise, aucune méfiance, bref Kurosaki fut bien incapable d'y lire la moindre information. Il se demanda même si au final Stark ne lui avait pas raconté des histoires vu son manque de réaction.

Puis, il se décida à en dire plus pour la faire sortir de ses gonds :

_Il doit savoir, il doit connaître la vérité. Vous n'avez pas le droit de lui cacher cela plus longtemps.

Là encore, elle resta muette, ses grands yeux ouverts le fixaient sans sourciller. Ichigo baissa la tête et soupira :

_Écoutez, je sais pourquoi vous ne l'avez pas dit. Vous craignez sûrement qu'il vous en veuille, et je comprends totalement. Mais croyez-moi plus vous attendrez plus sa… sa déception sera grande. Il faut lui dire maintenant avant qu'il ne s'enfonce encore plus dans cette folie ! Ce mensonge lui ronge sa vie carrément, il faut l'en délivrer.

Rukia resta encore imperturbable quelques instants puis ferma ses beaux yeux en soupirant. Ses épaules s'affaissèrent et elle sembla s'effondrer tout à coup, car elle porta une main devant ses yeux et détourna son visage en direction de Byakuya, toujours devant le caveau et n'ayant pas remarqué sa disparition.

_Je savais que ce moment arriverait mais je l'ai reculé le plus possible, chuchota-t-elle comme pour elle-même. Je… je ne voulais pas détruire ce qu'il restait de lui…

Ichigo adopta une mine désolée et respecta les sentiments de Rukia. Il savait qu'il avait été dur avec elle juste avant, qu'il avait dit des choses qu'elle ne voulait peut-être pas entendre mais il respectait son silence et son envie de protéger son frère.

_Vous ne le détruirez pas, lui assura-t-il en avançant d'un pas prudent vers elle. Vous n'êtes pas obligée… Je peux prendre cette responsabilité.

_Quoi ? Non, c'est à moi de le faire, je…

_Et que vous ne puissiez pas aller jusqu'au bout ? Qu'il décide de ne pas vous écouter ? Laissez-moi passer ce mauvais moment avec lui. Entendre ces choses de la bouche d'une personne extérieure est selon moi une moins mauvaise chose…

Elle lui jeta un regard qui criait « qu'en savez-vous ? » mais elle ne lui demanda rien de plus. Elle n'hésita guère de temps, peut-être par pur égoïsme ou parce qu'elle n'en avait pas le courage, il ne pouvait l'en juger. Elle finit par se tourner vers Kurosaki et après avoir longuement pesé le pour et le contre elle accepta sa proposition et lui demanda de bien vouloir attendre qu'il ait terminé son recueillement.

_Bien. Je vais l'attendre à la voiture, nous serons mieux à l'intérieur pour discuter je pense.

_Et moi, je… je vais rentrer. Je préfère qu'il vienne vers moi plutôt que le contraire. J'aurais peur qu'il me repousse.

Le rouquin acquiesça d'un signe de tête et observa la jeune femme, dont le visage trahissait la grande nervosité, lancer un dernier regard vers son frère avant de s'éclipser à l'autre bout du cimetière. Ichigo l'observa s'en aller puis en fit de même, rejoignant le véhicule de luxe de Byakuya pour avoir enfin l'opportunité de lui dire la vérité. Il savait que ça ne serait pas facile, d'ailleurs il était de plus en plus nerveux mais à quoi bon ? La vérité était toujours difficile à dire, peu importait le sujet. Oh, comme il lui tardait ce soir, de revoir Grimmjow, peut-être de dîner avec son père, de retrouver ceux qui lui étaient chers… C'était dans ces moments-là que l'on comprenait combien il était nécessaire d'avoir des êtres chers près de soi.

Plus de deux heures s'étaient écoulées quand il vit la petite escorte, Byakuya en tête suivi de ses gardes du corps, arpenter le parking et avancer dans sa direction. Kuchiki parut surpris de le trouver ici et s'arrêta devant lui en lui lançant un regard glacial :

_Kurosaki ? Que me vaut cette visite ?

_J'aimerais avoir une conversation, si vous le permettez, répondit-il en désignant la portière de la voiture.

_Bien, souffla-t-il en consultant sa montre. Vous avez dix minutes.

Il grimpa dans le véhicule et Ichigo déglutit difficilement en le suivant sur la banquette de cuir. Une fois que la porte se fut refermée derrière lui il s'éclaircit la gorge et observa le noble déposer un coude sur la portière et passer lentement une main dans ses cheveux.

_J'imagine que vous avez vu que Rukia est partie… ? Commença Ichigo en se tournant vers lui.

_Oui, mais je ne suis pas surpris. Elle abrège souvent ces recueillements. Chacun a son propre rythme de toute façon.

_Elle est partie également pour nous laisser discuter. J'ai des choses…. importantes à vous dire.

En sentant son ton sérieux et quelque peu délicat, Byakuya se tourna vers lui et demanda :

_Est-ce qu'il s'agit d'Hisana ?

_Oui, répondit le plus jeune, plus résigné et courageux que jamais. J'ai rencontré l'inspecteur Stark au commissariat…

_Oh, un incapable, maugréa Byakuya en fermant ses beaux yeux.

Désarçonné, Ichigo resta muet et racla sa gorge deux fois avant de reprendre :

_Je… je ne sais pas, je ne me permettrais pas de le juger, j'imagine que vous avez eu le temps de vous faire une opinion à son propos. Mais ce n'est pas de lui dont je veux parler. Disons que ce sont ses propos qui m'ont fait venir ici. Je…

Ses mots se bousculèrent soudain dans sa gorge et ses yeux balayèrent l'intérieur de la berline en cherchant une quelconque aide. Comment trouver les bons mots dans ce cas délicat ? Bon sang, comment Grimmjow avait-il réussi ce tour de force ?

_Je vous écoute, Kurosaki, s'enquit le brun, vous m'avez l'air perturbé.

_S'il vous plait, lui répondit-il en fermant les yeux, je vous demanderai de me laisser parler et de ne rien dire. Laissez-moi parler jusqu'à la fin, après avoir entendu tout ce que j'ai à vous dire vous pourrez me dire ce qu'il vous plaira, me maudire, me virer, me… je ne sais pas, ce que vous voudrez.

Kuchiki afficha un air surpris, plus que d'habitude, et lui ordonna de parler tout de suite. Ichigo pouvait lire l'inquiétude dans ses yeux, l'anxiété également.

_Depuis la mort de votre femme, et même avant vous n'avez vécu que dans le mensonge. Beaucoup de choses vous ont été cachées, mais c'est parce que vos proches voulaient vous protéger. Moi… je ne fais que ce que vous avez désiré de moi : lever le voile sur la mort de votre femme. Vous savez qu'elle a été assassinée et j'ai le regret de vous dire qu'il n'y a jamais eu de complices. C'était un vol, qui a mal tourné certes mais l'assassin a été arrêté. Ces lettres de menaces… elles n'étaient pas dirigées contre vous, mais contre elle. Quelqu'un la faisait chanter, de son vivant, quelqu'un connaissait son secret.

Kuchiki se recula contre son siège sans pour autant quitter le jeune homme des yeux :

_Qu'est-ce que vous racontez, Kurosaki ? Ce n'est pas du tout pour cela que je vous ai engagé. Je vous ai demandé…

_Je sais ce que vous m'avez demandé, le coupa-t-il durement, et vous avez aussi oublié ce que je vous avais demandé : de ne pas me couper. Il n'y a pas de complices, Kuchiki-sama, il n'y en a jamais eu. C'est… Votre femme avait un secret, terrible j'en conviens mais que tout le monde s'est tué à vous cacher. Un secret qui n'a aucun rapport avec son meurtre, qui n'est qu'un vol qui a mal tourné. Ces lettres de menaces pour la faire chanter concernent autre chose. Votre femme… elle avait… comment dire… un autre homme dans sa vie. Elle avait un amant.

Oh mon Dieu, pensa-t-il en sentant que ses paroles n'étaient pas claires mais bien trop abruptes. Je vais lui faire avoir une crise cardiaque !

Les yeux de Byakuya toujours grand ouverts restaient braqués sur lui. Son visage n'avait affiché aucune émotion et il n'avait effectué aucun mouvement. Le choc était tel qu'il se contentait de jouer les spectateurs sans pouvoir dire le moindre mot. Ichigo en profita alors pour reprendre et relativiser ses propos :

_Je suis certainement le plus mal placé pour vous avouer cela, mais votre sœur, Rukia… Je crois qu'elle n'en avait pas vraiment le courage. Elle s'est évertuée à vous protéger coûte que coûte, ne lui en voulez pas d'avoir voulu votre bien. Je ne connais pas toute l'histoire, mais ce que je sais c'est qu'elle…

_Qui ? Qui était cet homme ?

Sa voix était sourde, presque décharnée et dénuée de la moindre objectivité. Ichigo put sentir toute sa haine et son animosité dans sa voix. Son visage lui, était resté impassible :

_Je ne sais pas… je ne sais pas si c'est à moi de le dire.

Cette fois-ci le regard bleu marine le fusilla sur place et Kurosaki comprit qu'il n'avait guère le choix. Après tout, il s'était embarqué dans ce jeu de la vérité tout seul, insistant pour être celui qui dirait tout cela à Byakuya. Il se devait d'aller jusqu'au bout.

_Shiba Kaien.

_Sortez de ma voiture.

L'ordre claqua à son oreille, glacial et autoritaire. Ichigo resta figé par le ton qu'il avait pris : presque détestable, il lui avait parlé comme s'il eut été un moins que rien. Il s'en sentit choqué mais pouvait aussi comprendre le sentiment qu'il ressentait. Lui aussi aurait aimé tuer Grimmjow quand il lui avait tout dévoilé. Sans demander son reste, le jeune homme descendit de la voiture et celle-ci démarra au quart de tour.

Il l'observa s'éloigner, croisant ses doigts devant son visage en signe de nervosité. Au moins il avait pu tout dire ou presque, maintenant c'était à Byakuya de faire ce qu'il voulait de ces vérités : les croire ou non, les accepter ou pas, creuser en demandant des explications à Rukia. Son rôle lui, était terminé et il attendrait d'avoir des nouvelles de son patron avant de retourner travailler. Ça valait mieux.


Il n'eut guère à attendre, cependant. Quelques heures plus tard, alors qu'il avait retrouvé Grimmjow chez lui, son portable sonna et l'avocat de Byakuya lui annonça qu'il souhaitait mettre fin à leur collaboration. Un peu surpris, même s'il s'y était attendu, Ichigo demanda quand il devrait venir débarrasser le studio qu'il avait chez Kuchiki. L'homme de loi lui demanda de prendre contact avec Kuchiki Rukia qui s'occupait de l'hôtel particulier de son frère pendant qu'il était convalescent.

_Convalescent ? Répéta-t-il en se penchant au-dessus du bar dans la cuisine de Grimmjow.

Jaggerjack haussa les sourcils en déposant sa tasse de café sur la table. La réaction d'Ichigo était un peu disproportionnée aux vues de ce qu'il lui avait raconté : il s'attendait à être viré alors pourquoi afficher cet étonnement ?

_Oui, il est convalescent, répondit l'avocat à l'autre bout du combiné en mode haut-parleur pour que le bleuté puisse en profiter. En réalité, il a souhaité partir en vacances à Madagascar dans sa propriété. Il faut mieux qu'il s'exile quelques temps pour se recentrer et faire le point sur sa vie personnelle.

_Oui, certainement.

Ichigo raccrocha en le remerciant de l'avoir prévenu et qu'il prendrait contact avec Rukia pour ses affaires. Puis, il soupira en posant son portable sur le bar. Son regard se perdit par la fenêtre quelques minutes et Grimmjow prit délicatement sa main :

_Il te f'ra pas virer d'chez Urahara, t'inquiète.

Le rouquin retourna son visage vers lui et le fusilla du regard :

_Et comment tu sais que je pensais à ça ?

_Parce que je commence à t'connaître, Kurosaki Ichigo ! Rétorqua-t-il, mécontent. Tu t'inquiètes pour des trucs qui servent à rien des fois !

_Ouais, mais bon… Il l'a plutôt mal pris. Bon sang, moi à côté je suis les bisounours en voyant comment j'ai réagi !

Grimmjow haussa les épaules en étirant un sourire amusé. Il se devait d'admettre qu'il s'était attendu à pire comme réaction de la part du rouquin après tout ce qu'il lui avait révélé dans cet ascenseur. Finalement, tout s'était bien terminé entre eux.

_Laisse-lui l'temps. Après on verra, dit-il en passant une main dans les cheveux oranges. Moi j'ai bien attendu un peu, r'garde aujourd'hui !

_C'est pas faux…

Le jeune homme plongea le nez dans sa tasse de café par dépit et ne pipa mot. Grimmjow avait raison, même s'il se devait de regarder la vérité en face : si Kuchiki demandait à Urahara de le virer, alors lui et Grimmjow seraient tous deux au chômage. Sa réplique fit rire le bleuté qui en profita pour faire de l'humour, sûrement pour lui remonter le moral et il l'en remercia tout bas :

_Ah... N'empêche j'aurais jamais pensé qu'mon mec allait m'entret'nir, payer mon loyer, ma bouffe tout ça...

Le roux leva les yeux au ciel sans retenir un rire :

_Et si Urahara me vire ? Tu me suivras sous les ponts si je deviens SDF ?

Grimmjow lui déposa un baiser sur la tempe et acquiesça vivement de la tête en soutenant son regard :

_C'est franchement super agréable d'rien foutre d'la journée et t'regarder te démener pour m'entret'nir, chéri...

Kurosaki lui envoya une forte claque derrière la tête en le maudissant sans pour autant pouvoir retirer son sourire grandissant. Jaggerjack lui lança un regard complice en souriant plus largement encore et nettoya le bar sur lequel il avait fait quelques tâches de café avec sa tasse.

_Au moins on serait dans la même galère, lança-t-il en ouvrant le lave-vaisselle. P'tet même qu'ton père nous aiderait, tiens !

_Oui, on peut toujours rêver… Merde, mon père !

Il sauta de son siège en se rappelant tout à coup qu'il avait promis à son père de le rappeler s'il voulait diner avec lui. Il avait complètent oublié ! Il attrapa son portable sur le bar et réfléchit quelques instants en lançant un regard perçant à son acolyte :

_Dis, mon père veut diner avec moi ce soir, j'avais pensé…

_T'penses trop en c'moment, grommela-t-il en calquant la porte du lave-vaisselle.

_Grr… J'avais pensé à diner ici. Tous les trois ?

Jaggerjack manqua s'étrangler avec sa propre salive. Il toussota fébrilement puis se pinça les lèvres en étudiant sa proposition :

_Euh… T'es sûr ? Parce que la dernière fois qu'j'ai vu ton père, il voulait m'taper d'ssus.

_Roh, Grimm, râla l'autre en levant les yeux au ciel, c'est du passé ça. Et puis ça serait l'occasion que vous fassiez la paix tous les deux, hein ? S'il te plait ?

Il lui fit les yeux doux et joua des cils d'un air séducteur pour le convaincre. Grimmjow étira une grimace de dégout puis soupira en claquant ses mains contre ses cuisses :

_Bon. Si t'tiens tant à voir du sang dans l'salon, c'est ton droit.

_Comme si vous alliez vous entretuer, souffla-t-il en se dirigeant vers l'évier pour y déposer sa tasse sale qu'il entreprit de laver. Ah… mince, j'oublie tout le temps qu'il y a un lave-vaisselle ici.

Il tira sur la poignée de la machine et plaça sa tasse de café sale à l'intérieur, à côté de celle de Grimmjow. Quelque chose le frappa alors, quelque chose à laquelle il n'avait pas pensé. Il aimait cet appartement, son confort, toute la décoration, les meubles et tout ce qui allait avec. Il n'avait pas envie de le quitter, et pourtant si par bonheur Kuchiki lui reparlait un jour et qu'il acceptait d'embaucher Grimmjow – ce qui à l'heure actuelle s'avérait presque impossible – il serait amené à déménager chez Byakuya. Ce qui forcément, allait obliger Ichigo à se trouver un appartement à lui, pour l'instant le loyer ici était bien trop élevé pour qu'il puisse s'en acquitter seul. Mais cette pensée lui fit mal au cœur et sembla modifier son attitude puisque le bleuté s'en rendit compte :

_Quoi ? Qu'est-ce qu'y a ?

_Rien. Je me disais seulement que je ne devrais pas apprécier cet appartement plus que je ne l'apprécie déjà.

_Et pourquoi pas ? Demanda-t-il en haussant un sourcil, s'affairant à regrouper les torchons sales pour les mettre dans la machine à laver.

Ichigo haussa les épaules et s'accouda au plan de travail, juste à côté de l'évier :

_J'en sais rien. J'ai peur que si jamais j'ai à le quitter j'en sois plus triste que prévu.

_J'vois pas pourquoi t'aurais à quitter cet appart', reprit Jaggerjack en sortant la lessive. Écoute, pour Kuchiki attends avant d'te faire des films, hein ? Et ce n'est pas toi qui m'a dit qu'y faudrait négocier pour qu'je reste chez moi au lieu d'crécher là-bas ? Ça s'ra toujours possible d'discuter avec lui. Allez, arrête d'y penser ! Ajouta-t-il en empoignant son épaule et en y imprimant une pression rassurante. Pense plutôt à c'qu'tu vas prévoir pour c'fameux diner à trois c'soir…

_Oh merde mon père ! Bon sang, j'arrête pas de l'oublier celui-là !

Il s'éclipsa dans le salon avec son portable en cherchant son père dans son répertoire. Quelle serait la réaction d'Isshin en apprenant qu'il était sans emploi, ou presque ? Urahara lui payait bien quelques extras mais ce n'était rien comparé à la paye que Kuchiki lui versait. Il soupira et porta le portable à son oreille en écoutant la tonalité retentir dans sa tête.


Grimmjow frotta ses deux mains l'une contre l'autre en observant ce qu'il avait ramené du restaurant chinois. Il sortit les plats des sacs en plastique et compta les boîtes cartonnées contenant les mets pour être certain de ne rien avoir oublié. Puis, il sortit les baguettes et se tourna en direction du bar avec un œil dubitatif.

_Oï ! On mange où ? Dans la cuisine ?!

_Non, la table du salon est assez grande ! J'ai déjà mis la nappe dessus et rangé un peu le salon, ça devrait aller, lui répondit une voix depuis la salle de bain.

Jaggerjack observa les paires de baguettes qui reposaient dans ses mains et étira une moue. Dans son salon ? Cette vieille table qu'il avait achetée chez un antiquaire ne lui avait guère servi… Enfin à part pour nettoyer ses armes ou pour y placer tout un tas de choses auxquelles il n'avait dédié aucune place prédéfinie.

Et voilà qu'Ichigo avait rangé tout ça, avait même dégagé l'espace du salon, en poussant les plantes sur le balcon et avait déplié une belle nappe qu'il n'avait jamais vue. Il resta interdit quand Ichigo passa devant lui, une serviette autour de la taille et les cheveux mouillés :

_Oui, cette nappe est à toi, lui dit-il en lui jetant un œil attentif. Elle était rangée dans ce placard-là. Mon Dieu, Grimmjow tu as beau avoir un superbe appart' et le tenir d'une main de maître, surtout la salle de bain, la cuisine et les chambres mais le salon c'est ton point faible. T'es bordélique en fait…

_Quoi ?

_Oh oui tu l'es ! Répliqua-t-il en pointant sur lui un index accusateur. Il n'y a qu'à regarder dans ces placards.

_Qui a dit qu'tu pouvais fouiller dans mes affaires ?

_Grimm, on va vivre ensemble. Il va bien falloir que de temps en temps je fasse du rangement moi aussi, du ménage… ou que j'ai à trouver une nappe. Alors il va falloir que j'ouvre quelques placards et que je fouille dedans.

Le bleuté se passa une main dans les cheveux, visiblement dubitatif puis haussa les épaules. Il s'avança jusqu'au meuble recouvert de la nappe, et commença à mettre la table en conservant un silence religieux. Ichigo était plus amusé par sa réaction qu'autre chose, et quand il eut terminé de placer les plats chinois sur la table, il entoura sa taille avec ses bras et plaqua sa joue entre les omoplates de Jaggerjack.

_J'bosse là. J'ai pas b'soin d'une sangsue, grogna-t-il en tentant de se dégager.

_Je sais que tu es nerveux. Mais ne t'en fais pas, je te promets que si mon père essaye de te planter ses baguettes dans le dos je l'en empêcherai !

Grimmjow se retourna précipitamment vers lui, sans doute pour répondre de manière abrupte à son insinuation mais Kurosaki l'en empêcha en lui volant un baiser. Comme il s'y était attendu, le bleuté se laissa faire et finit par se détendre en lui rendant son baiser, ses bras entourant la taille du jeune homme dans une étreinte envieuse.

_Mmm… T'es à moitié nu, et tu m'embrasses alors qu'ton père arrive dans… allez cinq minutes ? T'veux vraiment qu'il me mette la tête au carré !

_Non, bougonna l'autre en étirant une grimace enfantine, j'avais juste envie de t'embrasser. Si je ne peux même plus faire ça…

Il se coula hors de son étreinte et s'éloigna hors de la pièce sur la pointe des pieds en remuant ses fesses. Grimmjow se passa une main sur le front et poursuivit le rouquin dans le couloir pour le rattraper, le plaquer comme l'aurait fait un joueur de rugby, puis le hissa sur son épaule.

_GRIMMJOW ! Hurla l'autre, à moitié entre le fou rire et la peur qu'il ne le laisse tomber.

_Allez, va t'habiller ! Lui ordonna le bleuté en lui tapant sur le derrière tout en le ramenant dans la chambre. Et plus vite qu'ça avant que j'te mange tout cru !

Il le laissa tomber lourdement sur le lit de sa chambre et tomba avec lui, la serviette de bain s'étant fait la malle depuis quelques secondes. Ichigo rejeta la tête en arrière, prit dans un fou rire qui ne s'arrêtait plus, tandis que Jaggerjack embrassait son cou, puis sa clavicule droite en s'allongeant sur son corps.

_Arrête… Grimmjow…, soufflait l'orangé entre deux rires, Grimmjow !

La sonnerie de la porte d'entrée retentit soudain, les figeant tous les deux dans leurs jeux coquins. Les rires s'évanouirent, et ils se figèrent comme si la fin du monde venait tout juste de s'inviter à leur porte. Grimmjow tourna sa tête en direction de la porte de la chambre et échappa un juron sonore. Ichigo lui asséna une puissante claque derrière la tête :

_Ho ! C'est mon père quand même ! Laisse-moi m'habiller et va ouvrir !

_Quoi ? Tout seul pour accueillir ton père ?! Qui t'dit qu'il va pas ouvrir la porte avec une kalachnikov dans les mains pour m'tirer une balle entre les deux yeux ?

Ichigo leva les yeux au ciel et la sonnerie retentit une nouvelle fois tandis qu'il sautait dans son pantalon et cherchait dans son sac de voyage une chemise qui ne serait pas trop mal repassée. Il fusilla du regard son amant qui semblait pétrifié par l'appréhension puis poussa un profond soupir agacé en sortant de la chambre. Il répondit lui-même à l'interphone pour ouvrir à son père qui devait attendre en bas de l'immeuble.

Le jeune homme attendit derrière la porte d'entrée, en retirant les verrous les uns après les autres, constatant que Jaggerjack n'était toujours pas arrivé jusque-là :

_Grimmjow ? Appela-t-il et le bleuté apparut dans le couloir. Qu'est-ce que tu fous ?

_On peut pas r'porter à d'main ? Ou a… a un aut' jour, hein ?

_Qu'est-ce que tu me chantes ? Lui lança-t-il en fronçant les sourcils. Regarde-toi…

Il attira l'homme à ses côtés et entreprit de remettre rapidement ses cheveux en place et défroissa le col de sa chemise avec ses mains. Bon sang, il était dans un état de nervosité presque communicatif, pensa-t-il en serrant les dents. Qui l'aurait cru ? Que le grand Grimmjow Jaggerjack serait dans un état pareil quand il le présenterait à son père ? Enfin, présenté... ils se connaissaient déjà ! Pensa-t-il en hochant la tête, seulement pas dans cette situation. Grimmjow était maintenant le petit-ami de son fils, et ça Isshin n'y avait encore jamais été confronté. Aucun d'entre eux d'ailleurs, ce qui promettait un mal être des plus conséquents.

Quand deux coups secs retentirent contre la porte, le corps de Grimmjow se tendit, ressemblant à s'y méprendre à un arc paré à tirer une flèche. Bon, la métaphore n'était peut-être pas la meilleure qui soit, pensa Kurosaki, mais ça s'en approchait étrangement.

Il inspira et ouvrit la porte d'entrée pour se retrouver face à une grosse boite en carton rouge et blanche. Il recula d'un pas, surpris puis le visage de son père apparut, un large sourire débile sur les lèvres – bien trop forcé pour paraître naturel – et la seconde d'après il se retrouva avec la boite dans la main et son père dans les bras. Il l'avait entouré de ses bras et le soulevait du sol comme s'ils ne s'étaient pas vus depuis dix ans. Étonné, mais à la fois rassuré par son attitude, Ichigo rendit son accolade à son père et sourit :

_Et cette boîte, c'est quoi ?

_Oh, un gâteau. Pour le dessert, répondit-il. Je n'allais pas venir les mains vides quand même, hein ? Demanda-t-il en titillant la joue de son fils.

Ichigo hocha la tête et se tourna pour introduire Grimmjow dans la conversation et resta un instant muet. La vache, il était aussi droit qu'un piquet, presque en position de salut militaire ! Ça lui faisait vraiment peur de rencontrer son père en tant que son petit-ami ?

_Tu connais Grimmjow, je crois, dit-il d'une voix plus basse en baissant les yeux.

_Euh… oui, répondit Isshin en tendant une main hésitante vers l'homme qui pourrait un jour bien devenir son gendre.

Jaggerjack ne dit rien, se contentant de lui serrer la main en retour. Ichigo en aurait mis sa main à couper : ces deux-là venaient de se broyer chacun la main en se la serrant, ce qui annonçait ni plus ni moins une ambiance de querelle silencieuse. Et lui se retrouvait un peu au milieu de tout ça, comme un vulgaire bout de viande que les deux hommes voulaient s'approprier.

Et au fil de la soirée et du repas, son interprétation se confirma. Ses peurs aussi. Excités par le saké qu'ils enchainaient sans pouvoir s'arrêter, les deux hommes se lançaient dans des conversations longues et sans intérêt, voulant briller et avoir la part belle du gâteau pour il ne savait quelle raison. Briller devant lui ? Prouver qu'il fallait mieux qu'il porte plus d'intérêt à l'un qu'à l'autre ? Oh, pitié…

Il cacha son visage entre ses mains quand le sujet de la politique débarqua dans la conversation et poussa un immense soupir. Une main se posa sur son épaule et son père se pencha dans sa direction, le nez rougit par tout l'alcool qu'il avait ingurgité :

_Ça va, fils ? Tu n'as pas l'air bien… Tu as trop bu ?

_Nan, c't'a conversation qui l'fait chier, jeta Grimmjow avant d'éclater de rire et de manquer tomber de sa chaise.

_Tu ferais mieux de faire attention à ce que tu dis, Grimmjow, le menaça le père, sinon tu vas vraiment tomber de ta chaise. Ah ! Tomber de ta chaise !

Ces trois mots déclenchèrent chez lui un gigantesque fou rire que Jaggerjack ne put que suivre et Ichigo n'entendit plus que des rires hystériques autour de lui. Il releva la tête lorsqu'un bruit sourd et puissant le surprit, posant ses yeux sur la chaise vide de son amant. Celui-ci était tombé par terre, sur les fesses et était en train de constater que son verre s'était vidé sur le parquet de la pièce.

_Oh putain… Aïe.

Isshin était plié en deux, Ichigo prêt à se pendre et Grimmjow était maintenant parti sous la table pour tenter de récupérer son verre qui avait roulé. C'était un cauchemar, il allait se réveiller, n'est-ce pas ? Se demanda-t-il en fronçant les sourcils, ne pouvant croire au déroulement de cette soirée. Et lui qui avait craint qu'ils n'allaient pas s'entendre ou assister à une belle dispute ! Il était servi ! Il s'en mordrait les doigts pour sûr…

_Oup là… Faudrait que j'y aille moi, réalisa bientôt Isshin en regardant sa montre, et en tentant de reboucher la bouteille d'alcool sans succès néanmoins.

Pendant ce temps, Grimmjow s'était resservit un verre et buvait sous la table, assis en tailleur comme s'il avait trouvé un endroit confortable. Il sortit sa tête ahurie de sous la nappe et se releva tant bien que mal pour raccompagner Isshin jusqu'à l'entrée, pendant qu'Ichigo les suivait de loin, étudiant avec attention leurs zigzaguent pathétiques.

Il avait définitivement raté quelque chose ce soir… Le diner avait bien commencé, enfin pas trop mal. Malgré la tension du début, Grimmjow s'était détendu en buvant un peu. Pendant une petite heure lui et son père, légèrement alcoolisés, avaient commencé à discuter joyeusement, parlant sports et voyages et Ichigo avait même pu participer à l'entente cordiale. Puis, au fur et à mesure que les verres disparaissaient au fond des gorges, l'ambiance s'était détériorée, passant du cordial au fou ! Un véritable cirque, quand les deux hommes avaient passé une demi-heure à couper des parts équitables dans le gâteau apporté par Isshin. Dépité, Ichigo avait observé de loin ses deux trublions se débattre avec eux-mêmes, ne suivant de loin leur conversation que pour pouvoir les stopper quand ils se mettaient à parler de lui. Ça n'avait pas raté évidemment… Grimmjow s'était extasié devant son père de sa peau si douce, de ses fesses si rondes et de sa langue si rose, tandis qu'Isshin avait rétorqué qu'il était certain que son fils était un bourreau des cœurs et un formidable amant. Là, il était sorti de la pièce, prétextant un passage aux toilettes et avait sans doute manqué une part important de la conversation sur son anatomie et ses multiples talents d'amant…

Il avait choisi de protéger ses oreilles. Et son état mental de même.

_Merci, fils c'était une bonne soirée…, marmonna son père en titubant pour lui donner une accolade.

Le fils se contenta de lui tapoter le dos, redoutant un peu qu'il ne vomisse son repas sur son épaule. Mais le père se redressa et il lui conseilla de prendre un taxi, ce qu'Isshin lui assura qu'il allait faire. Grimmjow tomba dans les bras d'Isshin également, comme venait de le faire le fils et le rouquin resta interdit, surpris et les regarda tous les deux se balancer de droite à gauche en se serrant dans les bras.

_Bonne nuit les jeunes, jeta enfin Isshin, sur le pas de la porte, les yeux mi-clos et la main levée.

_Bonne nuit ! Jeta Jaggerjack d'une voix tonitruante et le saluant avec un salut militaire impeccable qu'Ichigo ne l'avait jamais vu faire.

La porte se referma et l'orangé poussa le plus puissant de tous les soupirs de sa vie. Bon, ça ne s'était pas si mal passé, autant voir le côté positif des choses. Grimmjow s'était comporté comme un ahurit fini certes, et il ne se gênerait pas pour le lui dire demain. Mais bon aucune vaisselle cassée, aucun nez cassé, rien que des rires et trois bouteilles de saké vides.

Il se tourna vers Grimmjow et ce dernier tomba presque dans ses bras, sa bouche tendu vers lui. Ichigo tenta de l'éviter mais la bête était plus féroce ivre que sobre et bientôt le goût du saké envahit sa bouche. Il plissa les yeux, dégoûté et repoussa l'homme qui grognait maintenant en énonçant des mots incompréhensibles.

_Grimmjow, je vais te mettre au lit. Viens…

Il soutint Jaggerjack comme il put, surtout que l'autre s'amusait à le toucher partout, même de façon très inappropriée et Ichigo se demanda comment il pouvait être un tel goujat quand il avait bu !

Par malchance, en couchant le bleuté, celui-ci n'avait rien perdu de sa force, et l'attira avec lui sur le matelas, comme il l'avait fait plus tôt. Seulement là, il n'avait plus aucune envie de l'écouter protester et commençait à le déshabiller de façon abrupte.

_Grimm… Arrête…, suffoqua-t-il entre deux baisers, tu es ivre ! Je…

Mais il le fit taire avec un nouveau baiser, faisant s'entrechoquer leurs dents ensemble. Ses gestes étaient pressés, durs et parfois presque violents, et ce n'était pas vraiment très agréable. Quand enfin Kurosaki réussit à se défaire de son étreinte, le bleuté se calma et le regarda se relever en lui jetant un regard meurtrier :

_Bon sang, on en reparlera demain, mais tu ne vas pas t'en sortir comme ça, monsieur ! Lui jeta-t-il, en colère. Tu es vraiment… intenable quand tu as bu !

Grimmjow porta soudain une main à son estomac et plissa ses yeux. Le rouquin recula d'un pas et lui demanda s'il allait bien.

_Vais vomir…, grommela-t-il avant de déguerpir de la pièce et de se jeter dans les toilettes.

Ichigo leva les yeux au ciel et pesta bien fort en posant ses mains sur ses hanches. C'était le pompon ! Voilà qu'il était malade en plus ! Oh il allait lui faire payer cette soirée, c'était certain. Il allait entrer dans les toilettes pour savoir s'il allait bien quand un bruit de régurgitation le figea et lui étira une grimace.

_Grimmjow… ? Ça va ? Je t'amène une serviette et de l'eau, d'accord ?

Pour toute réponse, il entendit le bleuté toussoter et rendre à nouveau son repas. Oui, le jeune homme était en colère, parce qu'il aurait aimé avoir une soirée plus paisible et pouvoir parler avec son père comme des adultes, tous les trois. Mais visiblement ça ne s'était pas passé comme prévu, et maintenant il était assis à côté de la porte des toilettes, une serviette de toilette dans une main et un grand verre d'eau dans l'autre, attendant que Grimmjow Jaggerjack ait terminé de régurgiter tout ce qu'il avait mangé depuis sa naissance, à priori.

Il prit son mal en patience – il n'avait guère le choix de toute façon – et lorsque la porte s'entrouvrit il se précipita dans les toilettes. Grimmjow gisait, en suspension au-dessus de la cuvette, les cheveux plaqués en arrière et le visage d'une pâleur morbide. Il le redressa un peu et essuya les bords de sa bouche avec la serviette en pinçant ses lèvres. Il tira ensuite la chasse d'eau une première fois avant que le bleuté ne recommence à vomir, une main contre le mur et l'autre accroché à l'épaule du rouquin.

Ichigo assista bon gré mal gré à la poursuite de ses expulsions et alternait entre éponger son front, nettoyer sa bouche et tirer la chasse d'eau. Quand enfin, à bout de force et le ventre vidé, Grimmjow se laissa tomber en arrière conte le mur de la petite pièce, Ichigo s'agenouilla devant lui et porta à ses lèvres un verre d'eau. Jaggerjack le but d'un trait en fermant les yeux, avant de toussoter légèrement puis de s'essuyer les lèvres d'un revers de main.

Ichigo lui aurait bien fait quelques remontrances, mais il en fut bien incapable. En voyant son visage maladif, ses yeux humides, et sa main posée sur son ventre douloureux il se décida à garder le silence et ne s'adressa ensuite qu'à lui en chuchotant. Lui aussi en avait vécu des cuites, et il savait bien combien une personne s'occupant de vous était précieuse dans ces cas-là.

_Tu veux encore de l'eau ?

Il secoua la tête en guise de réponse.

_Tu as mal à la tête ? Tu veux un cachet ?

Nouveau secouage de tête.

_Tu vas encore… enfin tu as encore envie de vomir ?

Secouage de tête énergique.

_Bien. Si tu veux je peux te porter jusqu'au lit.

Enième secouage de tête, plus léger celui-ci.

Le rouquin se gratta la tête, indécis et finit par sourire tendrement en observant le visage de son amant. Il lui caressa doucement la joue et recoiffa légèrement ses cheveux turquoise. La main de Grimmjow attrapa la sienne en vol et la serra fortement dans la sienne. Le jeune homme ne perdit pas son sourire et l'embrassa sur la joue avec délicatesse, comprenant que même s'il voulait le réprimander très fort, il ne le pourrait pas. Il voulait simplement qu'il aille mieux maintenant, les remontrances il verrait plus tard.

Jaggerjack tira sur sa main et se laissa tomber en avant contre le torse du jeune homme. Ce dernier parut surpris mais adopta une position plus confortable pour pouvoir le prendre dans ses bras et le border délicatement. Ah… il ne pouvait définitivement pas lui en vouloir quand il agissait comme ça.

_Quelqu'un a besoin d'un câlin, je crois, chuchota-t-il avec un sourire en laissant un baiser dans les cheveux en désordre de Grimmjow.

En guise de réponse, l'autre se colla un peu plus contre lui et échappa un grognement digne d'une bête à l'agonie. Ichigo étouffa un petit rire et le borda pendant de longues minutes, se rendant compte qu'il était en train de s'assoupir lui aussi. Dans les toilettes ce n'était peut-être pas la meilleure solution, la façon dont ils étaient assis n'était pas confortable et puis l'odeur âcre de ce qu'avait rendu Grimmjow n'aidait pas à trouver le sommeil. Et il ne parlait pas de l'hygiène de l'endroit maintenant !

Il passa une main sur la joue du bleuté et lui chuchota à l'oreille, doucement :

_Ne t'endors pas ici… je vais te porter jusqu'au lit.

_Nan, lui répondit un grognement, l'étreinte autour de lui se resserrant d'autant plus.

_Grimmjow…

Le visage de Jaggerjack se dissimula dans sa chemise, tirant sur les boutons et l'orangé crut bien qu'il avait à faire à un enfant, vu son comportement. Il secouait la tête énergiquement contre son torse et s'accrochait à lui comme une sangsue.

_Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire de toi, Grimmjow ? Demanda-t-il avec un petit soupir. Tu as intérêt à être reconnaissant pour tout ce que je fais là… Bien sûr, j'adore m'occuper de toi mais de cette façon, c'est plutôt… Je n'aime pas trop te voir malade.

_J'sais…

_Oh, deux mots presque compréhensibles ! Voilà, tu dessoules, c'est bien. Allez, tu me fais trois mots la prochaine fois, lança-t-il, amusé.

Il sentit l'autre souffler bruyamment contre lui et ne sut pas s'il riait ou bien tentait de respirer normalement. Sa tête devait toujours tourner affreusement, et il devait plutôt aller lui chercher un cachet mais il ne voulait pas le lâcher. Ses doigts étaient fermement accrochés à de sa chemise, et il espérait qu'il n'en déchirerait pas le tissu. Et peu importait s'il bougeait ou pas, il restait désespérément agrippé à lui comme à une bouée de sauvetage.

_N'aime…

Le nouveau grognement à moitié étouffé dans le vêtement du jeune homme était à peine audible.

_Quoi ? Tu veux de l'herbe ?! S'exclama-t-il un peu trop fort, arrachant au malade un autre grognement.

_N'aime…

_Tu veux des nems ? Je ne crois pas que ça soit bon de manger maintenant, lui conseilla-t-il avec une grimace. Tu risques de… de tout vouloir… enfin faire ressortir tout et… ne compte pas sur moi encore pour rester une heure à t'écouter gerber avec un verre d'eau et une serviette !

Un énième grognement, plus mécontent que tous les autres retentit, et Ichigo baissa son visage pour observer le haut du crâne de Grimmjow. Les quelques cheveux bleus encore coiffés en pics vinrent lui chatouiller le nez et il attendit que Jaggerjack réitère sa tentative d'articuler quelques mots. Il le sentit se décoller légèrement de lui, afin de ne plus avoir le tissu de sa chemise collé contre la bouche, puis réussit à parler sans encombrement, le rouquin comprenant ses mots :

_J't'aime.

_Oh…

Ce fut le seul son que Kurosaki fut capable de sortir pour le reste de cette soirée, et de cette nuit-là.

Il cala sa joue contre les cheveux bleus et laissa son cœur se gonfler d'une émotion toute nouvelle : la réciprocité. Il sourit en silence et ferma les yeux. La nuit s'écoula ainsi, dans les toilettes, dans une situation inconfortable et pas très adaptée au sommeil. C'était peut-être la plus inconfortable des nuits de toute sa vie, il ne ferma presque pas l'œil d'ailleurs, alors que Grimmjow ronflait depuis longtemps entre ses bras endoloris.

Mais Ichigo n'avait jamais été aussi heureux de toute sa vie.


Le lendemain matin, Grimmjow se réveilla seul dans son lit. Un mal de tête tonitruant lui tapait contre le crâne. Il aperçut un verre d'eau et un flacon de cachet sur sa table de nuit. Les gestes hésitants et les yeux à moitié ouverts, il attrapa le verre et avala un cachet avec. Puis, il se recoucha, la bouche pâteuse et le corps lourd. De toute façon, il était bien trop patraque pour se lever et encore moins pour penser à ce qu'il avait dit hier. Oui, il s'en rappelait, un peu…

Lorsqu'il se réveilla ensuite, ce fut seulement pour ouvrir les yeux. La pièce était toujours plongée dans la pénombre. Il aurait aimé connaître l'heure, savoir où la journée en était mais le sommeil et la fatigue l'emportèrent sur sa curiosité et il s'endormit une nouvelle fois sans avoir pu garder les yeux ouverts plus de trente secondes.

Son troisième réveil fut plus doux. Une légère caresse soulevait ses cheveux et il émit un petit soupir sonore de bien-être sans ouvrir les yeux. La chaleur du lit associé à cette caresse sur son visage l'aidait à vider sa tête, sa migraine semblait se faire moins pesante et même si son estomac semblait toujours lui rappeler qu'il n'avait guère aimé sa consommation d'alcool, il était un peu moins douloureux. A peine conscient, il sentit légèrement un petit baiser se poser sur son front puis sombra à nouveau loin dans le sommeil.

Il se réveilla pour la quatrième fois très tard en soirée. Ses yeux s'ouvrirent plus facilement et cherchèrent le réveil qui affichait l'heure en chiffres digital. Un nouveau verre d'eau plein était posé sur la table de nuit et cette fois, il prit son temps pour se redresser dans le lit, s'asseoir et boire lentement. Son regard balaya lentement la pièce et il remarqua trois sacs de voyages empilés dans un coin, sans vraiment comprendre ce qu'ils faisaient là. Sentant sa tête tourner encore un peu, il fut néanmoins contraint de se lever, à cause d'une envie pressante.

Il se leva en titubant, mais se trouva plus assuré qu'il ne l'aurait cru. Il trouva le chemin des toilettes en se remémorant des moments épiques de la nuit dernière et fut surpris de trouver la petite pièce propre, sentant le frais et entièrement nettoyée. Bienheureux, il fit sa petite affaire et quand il sortit de la pièce, Ichigo l'observait les bras croisés, adossé contre la porte de la cuisine, un torchon en main.

_Tu as faim ?

A sa question, Grimmjow se figea. Tous les évènements de la veille lui revinrent en flash, le frappant de plein fouet. Il resta muet, un peu embêté de ne savoir quoi répondre. Enfin, devant le doux sourire que lui lança Kurosaki il finit par se détendre et lui étira un sourire timide, passant une main dans ses cheveux ébouriffés.

_J'ai fait des nouilles, continua Ichigo en désignant la cuisine derrière lui avec son pouce. Elles sont chaudes. Et j'ai fait du thé, ça te fera du bien.

_Ouais, merci.

Jaggerjack le suivit dans sa cuisine, s'asseyant au bar sans un mot. Il mangea sans réel appétit mais sentant tout de même un petit creux dans son estomac. Après tout ce qu'il avait rendu, il se devait de manger un peu. Il se sentait si vide…

Ichigo allait et venait dans la pièce, puis dans la chambre. Il l'entendait remuer des affaires, ouvrir son armoire dans la chambre, déposer ses chaussures dans l'entrée. Inquiet, il se leva et son bol de nouilles en main, observa les allées et venues du jeune homme d'un œil espiègle :

_Tu fais quoi ?

_Eh bien, tu vois, je suis retourné chez Kuchiki cette après-midi après être allé travailler ce matin. Tu dormais si bien et tu avais besoin de repos avec cette gueule de bois… Bref, j'ai vu Rukia et j'ai récupéré mes affaires.

Il se retourna vers lui après avoir accroché ses vestes au porte-manteau de l'entrée.

_Donc je range mes affaires chez toi, vu que je viens habiter avec toi. Et…, dit-il en plaçant ses mains sur ses hanches, j'ai discuté avec Rukia. Byakuya est toujours à Madagascar et pour un bon moment a priori. Mais elle sait qu'il devra me remplacer un jour ou l'autre. Elle m'a promis de soumettre ton nom. Après tout, elle me doit un bon gros service après que j'ai avoué toute la vérité à son frère. Elle m'en est redevable.

Jaggerjack acquiesça d'un coup de tête entendu et continua d'avaler ses nouilles, son regard perdu et dans le flou. Ichigo soupira et reprit son rangement sans s'occuper plus de lui que cela. Quand enfin il eut terminé, il était très tard et il avait envie de dormir. Il avait croisé le propriétaire des lieux toute à l'heure sous la douche puis dans sa chambre, assoupi sur son lit, et maintenant il était dans le salon. Grimmjow était bien silencieux depuis la veille, assis dans son canapé devant la télévision et Ichigo savait parfaitement ce qui le taraudait.

Il n'avait pas envie d'en remettre une couche, surtout qu'il comprenait bien que ces petits mots étaient sortis parce que l'alcool avait joué un peu son jeu. Mais il ne lui en voulait pas, même s'il l'avait dit en étant bourré, il l'avait dit quand même !

Positif, rester positif ! Etait la devise de Kurosaki depuis la fameuse soirée de la veille avec son père.

Il se plaça près de la porte et attendit que son amant ne le remarque pour lui annoncer qu'il allait se coucher.

_Tu viens avec moi ? Lui proposa-t-il avec un sourire.

Grimmjow ne lui répondit pas, mais attrapa la télécommande et éteignit la télévision sans plus de cérémonie. Il le suivit ensuite dans la chambre et ils se déshabillèrent dans la pénombre, presque pudiquement. Le bleuté fut le premier à se jeter sous les couvertures, rapidement, et Ichigo vint le rejoindre, plus lentement, entièrement nu. Il se colla à lui, torse contre torse et remarqua qu'il avait gardé son caleçon, étonnant de la part de Jaggerjack !

Il fronça les sourcils et colla son front contre celui de son voisin. Sans demi-mesure la bouche chaude de Grimmjow trouva la sienne, du bout des lèvres tout d'abord. Puis, il pencha légèrement son visage pour ensuite décoller ses lèvres et laisser sa langue prendre possession de sa bouche. Face à lui, le bleuté en fit de même et lança sa langue à la rencontre de la sienne, passionnément, laissant échapper un murmure d'appréciation quand elles commencèrent à se lécher délicatement, puis à tourner autour l'une de l'autre de plus en plus vite.

Les mains se firent baladeuses à leur tour, à l'image de la langue d'Ichigo qui s'égarait à présent dans le cou musclé de Jaggerjack. Encore étourdi par la soirée de la veille, Grimmjow se laissa complètement faire, ses soupirs excités envahissant bientôt la pièce. Le rouquin avait attrapé ses poignets et les avait placés au-dessus de sa tête, pour l'empêcher de bouger. Un petit sourire coquin sur les lèvres, le roux se plaça à califourchon sur lui, entravant ses poignets et lui souffla :

_Laisse-moi faire…

L'autre n'en demandait pas tant. Mais il lui accorda une soumission toute relative quand la tête orangée glissa le long de son abdomen et qu'il baissa son caleçon avec ses dents, attrapant dans un poing ferme son sexe dressé. Sans état d'âme non plus, et comprenant que le désir de lui faire plaisir était plus fort que tout, Ichigo dévora des yeux l'objet de son attention et le gratifia d'un premier coup de langue. Grimmjow mordit de toutes ses forces dans sa lèvre quand le second passage de la langue experte s'éternisa, depuis la base de sa verge jusqu'au sommet, jouant quelques instants avec la petite fente d'où s'échappait un liquide chaud. En le recueillant sur le bout de sa langue, Ichigo ne put empêcher un sourire de naître sur son visage, bien trop heureux de voir qu'il était réceptif à ses caresses.

Sa main serrait sa base plus légèrement maintenant et il entreprit d'appliquer quelques mouvements de haut en bas pour le faire durcir un peu plus. Grimmjow, poussant des soupirs impudiques qu'il n'avait pas envie de réfréner, observa tout son soul son jeune amant prendre dans sa bouche son sexe. Il y enfourna la moitié, quand le sommet vint toucher le fond de sa gorge, jouant de sa langue autour de la peau tendue. Il la lécha, la suçota, puis glissa sa bouche le long de la colonne de chair en le fixant droit dans les yeux. Kurosaki était en feu, il sentait son bas ventre entrer en ébullition, lui aussi était vraiment très excité, mais ce soir il avait envie de lui faire plaisir. Il avait envie de lui faire la meilleure gâterie de sa vie !

Il s'y activa plus intensément, ajoutant la pression de sa bouche à celle de sa main pour l'amener au point de non-retour. Par moment, Grimmjow se tortillait, attrapait les draps entre ses mains, tirait sur ses cheveux en haletant ou en soupirant des « c'est bon » de plus en plus sonores, et Kurosaki ne cessait d'aller plus vite, plus intensément. Il ne cessait de le regarder dans les yeux, de ce regard brûlant de désir, humide, et grognait par moment son plaisir de voir son visage contracté par l'orgasme imminent.

_Ah… Nan…, souffla Jaggerjack entre ses dents, tirant sur ses cheveux plus fort pour relever sa tête.

Ichigo lâcha son membre puis bougea sa mâchoire dans tous les sens pour la détendre un peu. Il sourit ensuite, passant délicatement sa main sur ses bourses qui se contractèrent sous la caresse. Le torse de Grimmjow s'élevait à une vitesse hallucinante sous les effets de sa respiration saccadée, et ses yeux mi-clos se braquèrent dans ceux ambrés du jeune homme. Il secoua la tête :

_Encore un peu et j'vais jouir…

_Alors vas-y, lui répondit-il avec un sourire, plaçant à nouveau sa bouche sur son membre. Vas-y, te retiens pas…

Et il enfouit toute la colonne de chair dans sa bouche d'un seul trait. Le corps de Grimmjow s'arqua, son dos se décolla du matelas et il poussa un profond gémissement en se laissant submerger par l'orgasme qui le saisissait. Il se déversa dans la bouche de l'orangé, en de longs jets égaux, puis retomba tel un drapeau en berne sur le lit, suant à grosses gouttes, les yeux fermés et haletant plus que jamais.

Ichigo était satisfait et lui adressa un sourire bienheureux que le bleuté vint cueillir sur ses lèvres. Il l'attira à lui et l'embrassa à pleine bouche ne se rendant pas compte que sa semence s'était trouvée quelques secondes plus tôt dans cette même bouche.

Epuisés, les deux hommes remontèrent les draps sur leurs corps et trouvèrent le sommeil, Ichigo blotti dans les bras de Grimmjow.


Le rouquin ne sut réellement combien de temps il avait dormi quand il se réveilla, allongé sur le ventre. Le drap qui l'avait recouvert plus tôt n'était plus là, et il sentit bientôt une gêne étrange. Il gigota légèrement en se tortillant, quelques instants, se rendant compte qu'effectivement quelque chose de froid et humide était en train de le chatouiller. A moitié éveillé, il remua de plus bel pensant pouvoir annihiler l'inconfort qui le tenait, mais il n'en fut rien. Il se sentit de plus en plus gêné au fil des minutes, à moitié entre l'inconscience et le sommeil et il ne se réveilla pas tandis que ses fesses, légèrement surélevées et entrouvertes laissaient entrer en elles un long doigt. Pendant de longues minutes il ne sembla pas s'en rendre compte, puis au second doigt qui l'écarta plus intensément, il grogna de manière significative tout en essayant de se soustraire aux caresses.

Toujours à moitié endormi, et se sentant perdu dans un rêve qui n'en était pourtant pas un, il grogna profondément encore un peu plus en sentant un poids désagréable venir s'installer sur son dos. Il ouvrit ses yeux lentement et sursauta en sentant quelque chose de chaud se frayer un chemin entre ses fesses. Comme par magie, il se réveilla d'un seul coup :

_Qu'est-ce que tu fous ?!

Il échappa un gémissement involontaire en sentant sa propre intimité le trahir et s'écarter pour laisser entrer un visiteur pas si inconnu que cela.

_Chuuut... J'ai trop envie d'toi, lui souffla Grimmjow dans l'oreille.

Le genre de phrase qui vous faisait brûler d'un désir sans nom, qui allumait un feu ardent dans vos reins. Instantanément.

Et il laissa son menton reposer sur l'oreiller et ses bras s'accrocher aux barreaux de la tête du lit. Grimmjow avait sûrement dû le préparer, voilà pourquoi il s'était réveillé. C'était la seule manière qu'il accepte aussi facilement son sexe en lui maintenant… Il se contracta légèrement en le sentant glisser presque trop aisément en lui, de plus en plus loin. Lentement mais sûrement le souffle rauque de Grimmjow lui parvint aux oreilles et envahit sa tête. Il sentait sa virilité brûlante, palpitante et envieuse s'enfoncer en lui puis s'immobiliser, ayant atteint ses limites. Il mordit dans ses lèvres par réflexe et retint un gémissement de plaisir en réalisant qu'il se sentait léger et au comble de l'excitation : il ne pouvait nier que ça lui faisait un bien fou.

Il écarta les jambes, juste un peu, pour pouvoir faciliter ses mouvements et soupira de plaisir quand Grimmjow se retira légèrement pour revenir en douceur plus profondément.

Meilleur réveil de toute sa vie !

_Doucement… doucement…, lui ordonna-t-il en cherchant à tâtons derrière lui avec sa main, la hanche de Jaggerjack.

Quand il la trouva, ses doigts s'enfoncèrent dans sa peau, dans sa chair et lui inculquèrent un rythme plus lent, bien plus doux que Grimmjow entama sans rechigner. Se faire réveiller en plein milieu de la nuit par son amant, complétement excité et prêt à vous pénétrer… Il en échappa un nouveau gémissement, rien que d'y penser !

_Comme ça, ça va ? Lui susurra le dominant en croquant dans le lobe de son oreille.

_C'est parfait…, répondit-il entre deux soupirs.

Tellement parfait que quelques va et vient suffirent à Grimmjow pour lui faire atteindre le septième ciel. Ichigo n'en était qu'à peine conscient, quand le plaisir le frappa de plein fouet et ravagea son bas-ventre en une intense vague : il s'était senti si excité en lui faisant cette fellation que sa rapidité à atteindre l'orgasme ne l'étonna qu'à peine. Et puis forcément, quand c'était Grimmjow il était tout de suite plus réceptif. Forcément..., pensa-t-il essoufflé en sentant le sexe de son amant pulser au fond de lui et se relâcher, tandis qu'il échappait un puissant gémissement rauque d'extase.

Jaggerjack s'effondra sur son dos, immobile et essoufflé, quelques instants plus tard.

Et tous deux s'endormirent à nouveau, dans cette position très inconfortable.


Le souvenir du plaisir était déjà loin, toute sensation de félicité envolée et le sentiment de se sentir seul au monde évanouie quand le jour pointa le bout de son nez. Ichigo se réveilla dans une étreinte étouffante qui l'étonna par son intensité. Les bras de Grimmjow autour de lui étaient brûlants, et en ouvrant les yeux il remarqua que le bleuté était réveillé, qu'il l'observait, et que son souffle, chaud comme la braise lui aussi, réchauffait son front.

Il se dégagea quelque peu, pour tenter de refroidir son espace vital, et cligna des yeux avant de s'immobiliser et de regarder dans les prunelles turquoise braquées sur lui. Depuis quand l'observait-il ? Il n'en savait rien, mais apparemment ça faisait un petit moment. Les yeux de son voisin étaient bel et bien ouverts, clairs, et n'avaient pas l'air de présenter des restes d'un sommeil houleux. Pourtant, ce fut le cas pour le jeune homme. Il étira une petite grimace et dandina ses fesses où il pouvait encore sentir les effets d'un passage quelque peu forcé. Ça faisait un peu mal certes, mais ça avait été extrêmement bon…

_Tu… tu avais mis une capote ? S'enquit-il tout bas, craignant que sa question gênante ne soit entendue par quelqu'un d'autre qu'eux.

_Mmm, affirma l'autre sans changer de position ni de point d'observation.

_Ouf… J'ai eu un peu peur, lui répondit-il avec un sourire forcé. Pas que je n'ai pas confiance en toi, hein ? Je pense que tu as dû être précautionneux pendant ta jeunesse et même s'il ne faut pas faire l'amour sans capote sans être protégé, je te fais confiance. Seulement... je ne me sentirai pas très à l'aise au réveil avec ta… ton… enfin ton sperme entre mes fesses quoi.

L'orangé ne put s'empêcher de froncer les sourcils à sa propre phrase, déclenchant chez Jaggerjack un léger rire étonné. Puis, le jeune homme se tourna et entreprit de se sortir du lit. Il s'assit sur le matelas et soupira en frottant son visage avec ses mains. L'autre le fixait avec intérêt, ses yeux braqués sur son dos, quand soudain Kurosaki se laissa tomber en arrière, poussant un soupir éreinté, sa tête tombant tel un poids sur les abdominaux de Grimmjow.

Le bleuté échappa un soupir douloureux et eut un sursaut incontrôlé vers l'avant, mais il garda son calme et observa le rouquin tourner son visage dans sa direction. La main d'Ichigo remonta le long de son torse musclé et bronzé, s'arrêtant à la naissance de son visage pour en caresser les contours. C'était ce genre de moment, au réveil, tendre et plein de sens qui avait pour habitude de faire vomir Jaggerjack. Mais étrangement, il était à mille lieux de penser ça quand c'était Ichigo qui agissait de la sorte avec lui.

Au contraire, il lui sourit en retour et s'attarda à caresser son bras qui était tendu dans sa direction.

_Faut que j'me lève, grogna Kurosaki sans motivation aucune. Urahara n'attend pas… J'veux pas y aller…

Grimmjow se contenta d'hausser les sourcils. A dire vrai, quelque chose le taraudait depuis la veille et il savait pertinemment qu'en abordant le sujet il creuserait sa propre tombe, mais… à quoi bon ! Il était Grimmjow Jaggerjack, il adorait s'attirer des emmerdes et s'y jeter tête la première !

_J'trouve bizarre que t'aies pas encore parlé d'la soirée avec ton père…, lâcha-t-il d'un air détaché.

Trop détaché, d'ailleurs. Ce qui fit tiquer Ichigo.

_Et pourquoi je devrais en parler ?

_Tu m'as même pas engueulé ! Putain, j'étais bourré, Ichi ! S'emporta-t-il soudain en se redressant rapidement, faisant basculer le jeune homme sur le lit, abasourdi. J'me suis bourré la gueule avec ton père, TON père ! Tu t'rappelles l'mec qui pourrissait ma vie, qui pourrissait presque la tienne aussi ? Hein ? Qu'est-ce qui s'passe ? On n'en a pas parlé !

_Et pourquoi tu veux absolument en parler, hein ?! Il n'y a rien à dire ! Répliqua sur le même ton Ichigo, agenouillé sur le matelas, le visage surpris. Oui, j'ai été en colère, pendant un court moment, c'est vrai. J'ai voulu te passer un savon, c'est vrai aussi ! Mais… quand je t'ai vu dans cet état tout ce qui m'intéressait c'était que tu ailles mieux ! Je sais que tu l'as fait parce que tu étais nerveux, parce que tu voulais que ça se passe bien…

Grimmjow reprit son souffle, un peu étonné par ce qu'il venait de dire. Mais l'orangé ne se démonta pas face à son silence :

_J'avais… j'avais espéré avoir une soirée entre adultes, une conversation sérieuse et constructive avec mon père et avec toi. Parce que je voulais que vous compreniez tous les deux que vous êtes les personnes les plus importantes de ma vie, à partir de maintenant. Je voulais exprimer ça, et aussi faire comprendre à mon père combien tu avais joué un rôle important. Je sais qu'il en est conscient mais… mais je vouais qu'il l'entende de ma bouche. Et… et tu…

_Et j'ai tout gâché…

Jaggerjack retomba en arrière, sa tête creusant un trou dans son oreiller sous le choc. Sa mine visiblement contrariée émue un instant Ichigo, qui se pencha au-dessus de son visage et passa une main dans les cheveux turquoise :

_Non, tu n'as rien gâché. Vous avez tous les deux gâché un peu la soirée, reprit-il avec un demi-sourire. Je ne t'en veux pas… Pas du tout.

_Pourquoi ? Moi j'croyais qu't'allais m'mettre la tête au carré !

_Non.

Sa réponse ne sembla pas satisfaire Grimmjow qui fit la moue et lui jeta un regard assassin :

_Et t'as pas non plus parlé de c'que j'ai dit…

_Et qu'est-ce que tu as dit ?

Il haussa ses épaules et détourna le regard :

_Bin, t'sais, le truc que j'ai dit quand j'étais bourré.

_Oh… Tu n'étais plus vraiment ivre à ce moment-là je crois.

_Ah bon ? Et comment tu l'sais ?!

_Parce que tu le pensais vraiment, répondit-il en lui adressant un sourire plus doux. Parce que tu m'as dit « je t'aime », parce que tu le ressens vraiment. L'alcool a juste… fait sauter les barrières qui te retenaient. Qui t'empêchaient de me le dire.

_Pfff… Génial.

Mais c'était suffisant pour Ichigo. Il savait qu'il avait ces sentiments pour lui, et ça lui suffisait largement. Surtout que maintenant, il pourrait amener Grimmjow à lui redire ces trois mots peu importait quand, il suffirait de savoir le prendre dans le sens du poil. Et ça lui mettait le cœur en joie…


Le lendemain, les deux amants entreprirent de préparer la rencontre entre Ichigo et sa mère, Masaki. Le rouquin était de plus en plus convaincu que plus vite il la rencontrerait, plus vite il pourrait mener sa vie lui-même et sans arrières pensées. Jaggerjack avait contacté son ex-cliente et avait convenu d'un rendez-vous avec elle, dès le lendemain, dans un café du centre-ville réputé bien fréquenté et calme.

Ichigo avait pris l'information comme une bonne nouvelle :

_Je suis soulagé, avait-il dit, depuis le temps que j'attends ce moment.

_Ça ira ? Lui avait demandé le bleuté en lui frottant le dis énergiquement.

_Oui, je crois. Mais j'aimerais que tu fasses autre chose pour moi aussi…

_Quoi ?

_Je veux que tu viennes avec moi demain. Je veux que tu sois présent lors de cette rencontre. J'ai besoin de toi.

Il avait beau s'être préparé mentalement, avoir compris que Grimmjow serait là pour le soutenir, après avoir discuté avec son père encore et encore là-dessus, il ne put reculer plus longtemps le jour J. Et il ne se sentait toujours pas prêt. Par moment, il avait même envie de reculer l'échéance, de repousser cette rencontre au lendemain, ou encore au jour d'après, mais il ne faisait que se voiler la face.

Il avait peur. Oui, en réalité il avait peur. Qu'elle ne lui en veuille, qu'ils ne s'entendent pas, ou encore qu'elle ne descende son père en flèche. Dans ce cas-là, il se retrouverait entre deux chaises et ce n'était pas ce qu'il voulait. Il avait bien compris que ses parents étaient irréconciliables mais au moins, il croyait encore fermement qu'ils pouvaient s'accepter cordialement sans se lancer des piques, avec lui au milieu.

Le trajet en voiture qui le séparait du petit café du centre-ville où devait se tenir le rendez-vous, durait plus de vingt minutes. Mais aux yeux du jeune homme il lui avait paru bien plus court, tant ses pensées n'avaient cessé de galoper pendant ce temps. Grimmjow était au volant, lui aussi légèrement stressé, car il ignorait comment il allait récupérer Ichigo après ça. Comment accepterait-il cette rencontre ? Il savait Masaki magnanime, compréhensive, c'était une femme charmante et polie, mais Ichigo pouvait parfois être cassant et son caractère de cochon pourrait bien gâcher la situation. Enfin, il s'était convaincu que c'était pour cela qu'il lui avait demandé de venir : pour l'empêcher de faire une bêtise.

Il inspira profondément avant d'entrer dans le café, dont il n'aperçut qu'à peine l'enseigne. Grimmjow se tenait derrière lui et tous deux entrèrent dans le petit espace climatisé qui sentait le café en grains. Mais Ichigo n'était pas vraiment venu là pour goûter les spécialités. Ses yeux balayèrent activement le petit café quand il entendit des chaises racler le carrelage blanc immaculé sur sa droite. Deux personnes, un homme et une femme se levèrent en l'observant.

Il eut alors l'impression que son regard s'était flouté, et son cœur lui faisait un mal de chien. Incapable de bouger, il reste là à observer le couple à l'autre bout de la pièce. L'homme était mince et grand, ses longs cheveux argentés tombaient de chaque côté de son visage et son sourire sincère éclairait son visage pâle. A ses côtés, Ichigo la reconnut immédiatement. De longs cheveux châtains avec quelques reflets roux, des yeux ambrés semblables aux siens et un visage angélique qui était souriant.

Personne ne bougea pendant quelques secondes. Ukitake Jyuushiro tenait la main de sa femme dans la sienne quand elle se tourna vers son mari et lui laissa quelques mots tout bas avant d'avancer vers Ichigo. Le rouquin chercha instinctivement la main de Grimmjow à côté de la sienne, ses doigts se refermant un moment sur le vide avant de trouver sa main, chaude et rassurante.

Il leva ses yeux sur le visage de son amant, et celui-ci lui adressa un sourire rassurant qui bizarrement lui donna le courage qui lui manquait.

Quand Masaki s'arrêta devant son fils, enfin à quelques mètres de lui, Ichigo avait du mal à la regarder dans les yeux. Jaggerjack s'immisça presque immédiatement entre eux pour s'occuper des présentations. Certes, elles n'étaient pas nécessaires mais il avait très justement pensé qu'il fallait qu'il soit ce lien entre eux, comme Ichigo le lui avait demandé depuis le début de cette idée de rencontre.

_Bon bin… Ichigo voilà enfin ta mère : Ukitake Masaki. Et Masaki, voilà ton fils : Kurosaki Ichigo.

Masaki retourna un sourire à Grimmjow, un sourire reconnaissant et plein d'espoir. Ichigo lui, s'était crispé et ne parvenait même plus à penser à ce qu'il pouvait bien dire ou faire. Il reste muet et stoïque face à cette femme qu'il n'avait jamais connu et qui pourtant lui avait donné la vie. Elle était belle, bien plus qu'il ne l'aurait jamais imaginé et un instant une pensée plus comique qu'autre chose le frappa : son père… il comprenait pourquoi il avait craqué pour elle ! Mais elle… avait-elle vraiment aimé son père, cet être rustre, sombre et un peu trop sérieux ?

_On va s'asseoir, Ichi ? Proposa bientôt Jaggerjack en tirant sur sa main.

Le rouquin hocha de la tête pour affirmer vivement et ils suivirent tous deux Masaki qui reprit place à côté de son mari. Ukitake se montra plus que cordial et tendit une main aux deux amants et les salua avec la même émotion :

_Je suis très content, dit-il avec un sourire sincère, contente et honoré, Kurosaki Ichigo.

Le jeune homme se contenta de lui rendre son sourire et s'assit face à sa mère, Grimmjow à ses côtés prenant place face à Jyuushiro. Pendant quelques instants le silence le plus total régna, enfin cassé par le serveur qui leur demanda ce qu'ils désiraient boire.

Après concertation, et un vague hochement de tête d'Ichigo quand Grimmjow lui demande « café ? » ils commandèrent tous les quatre des expressos et repartirent dans un silence plutôt désagréable. Jaggerjack remua sur sa chaise et se racla la gorge en cherchant désespérément un moyen d'emmener ces deux-là sur le sujet de la conversation.

_Vous travaillez avec Urahara Kisuke ? Entreprit de débuter Jyuushiro avec la même volonté que Grimmjow.

Ichigo hocha de la tête, toujours incapable de former le moindre mot.

_Ça doit être très… très enrichissant. L'agence Urahara est en plein développement, j'en entends beaucoup parler. De quoi vous occupez-vous en particulier ?

Son regard intéressé se posa sur le visage du fils de sa femme avec délicatesse et Ichigo déglutit, sentant la main de Grimmjow se poser sur sa cuisse en signe de soutien. Et il parvint enfin à sortir les premièrs mots de l'après-midi :

_Je m'occupe du recrutement avec lui, répondit-il d'une voix sans ton qu'il ne reconnut pas comme étant la sienne. C'est… très intéressant. Je participe au développement de l'agence et j'ai envie de m'engager dans ce travail.

_C'est très bien, très bien, affirma-t-il, tournant son visage vers Masaki qui confirma avec un hochement de tête.

_Je suis tellement contente que tu ne sois pas garde du corps, lâcha-t-elle soudain en posant une main sur celle de son fils. Je… je pense que c'est bien, ce que tu fais.

Instinctivement, et sans penser que son geste pourrait la blesser, Kuroaki retira sa main de celle de sa mère précipitamment et chercha sous la table la main de Grimmjow. Il la serra entre les siennes puis sembla réaliser ce qu'il venait de faire en voyant le visage de sa mère se refermer d'un seul coup.

Son cœur s'emballa et il prit conscience qu'elle devait faire des efforts astronomiques. Il était tout naturel qu'il en fasse également, non ?

_Je… suis désolé, articula-t-il en baissant les yeux. Je pensais être prêt…

Le serveur choisit ce moment pour apporter leurs cafés et Grimmjow et Jyuushiro se précipitèrent ensemble pour payer l'addition. Leurs pourparlers cordiaux débutèrent doucement, leur donnant une bonne occasion de laisser les deux presque inconnus seuls et en tête-à-tête.

_Je comprends, Ichigo, dit-elle d'une voix douce avec un sourire. Je comprends que ça doit être dur pour toi. Ça l'est aussi pour moi, mais je… je suppose que ça doit être différent. Nous ne nous connaissons pas encore, mais si je suis venue aujourd'hui c'est pour avoir la chance de te connaître. Grimmjow me dit tellement de bien de toi. J'ai envie de découvrir quel homme tu es, et que je sois fière d'avoir un fils comme toi.

Ichigo sentit sa respiration s'emballer à son tour, et ses yeux s'encombrer de larmes épaisses. Pourquoi lui disait-elle des choses tant profondes, il allait éclater en sanglots ! L'émotion était forte soudain, et il chercha sans y penser la main de Grimmjow qui n'était plus là. Il tourna rapidement sa tête vers la chaise vide à ses côtés puis chercha son amant des yeux. Ce dernier était au comptoir avec Jyuushiro et ils avaient finalement décidé de les laisser seuls. Ichigo se sentait vraiment trop seul, justement il ne s'était pas préparé à ça. Masaki remarqua son trouble et saisit cette chance pour aborder un autre sujet :

_Je suis aussi contente de voir que tu es bien entouré. Que tu es heureux. Grimmjow est un homme bien…

_Mph… Pourtant ça n'a pas vraiment bien commencé entre nous, répondit-il presque sans penser à qui il s'adressait. Ce n'était pas… enfin, papa était un peu entre nous. C'est compliqué.

_Isshin ?

Il acquiesça d'un signe de tête en la regardant dans les yeux pour la première fois. Il ignorait s'il pouvait aborder ce sujet avec elle, et pourtant à l'évocation du père de son enfant, Masaki étira un sourire tendre plein de nostalgie, mais elle n'ajouta rien d'autre. Et ce fut ce qui frappa Ichigo. Il comprenait ce qu'elle faisait : elle le laissait parler, mener la conversation et trouver les sujets qu'il désirait, afin de ne pas le brusquer. S'il engageait la conversation c'était bien qu'il désirait échanger avec elle, et cela lui convenait. Masaki pencha sa tête sur le côté légèrement et prit sa tasse en mains pour souffler sur le liquide odorant brûlant.

Ses yeux s'égarèrent sur la vitre du café, et elle détailla la rue et ses passants. Ichigo se demanda ce qu'elle pouvait bien avoir en tête, peut-être était-elle comme lui : elle redoutait ses questions, ses réactions, ses mots ? Certainement.

_Est-ce que…, commença-t-il et elle retourna immédiatement ses yeux sur lui, est-ce que je peux vous… vous poser des questions ? Sur mon père ? Si vous ne voulez pas…

_Non, non, s'empressa-t-elle de dire en secouant la tête, reposant sa tasse. Tu as tous les droits. Tu as le droit de me demander ce que tu désires. Je n'ai jamais été correcte avec ton père, je souhaite l'être au moins avec toi. Je sais bien que cela ne rachètera jamais mon comportement du passé, mais j'espère au moins pouvoir soulager ma conscience. Tu dois me trouver égoïste…

Elle cacha son visage entre ses mains et Ichigo fronça ses sourcils :

_Je… je ne sais pas, avoua-t-il. Papa m'a beaucoup raconté… presque tout. Est-ce que… est-ce que vous l'aimiez ? Vous l'avez aimé ? Pour de bon ?

Elle releva le visage et ses yeux s'étaient humidifiés, ils brillaient mais aucune larme ne tomba sur ses joues. Elle posa son menton au creux de ses mains et lui sourit à nouveau :

_Oh oui. Beaucoup. J'avais peur de ce que je ressentais pour lui.

Ichigo se mordit la lèvre en attendant qu'elle en dise plus, mais elle était visiblement pudique. Les efforts qu'elle faisait pour lui parler de son père étaient considérables et il comprit combien elle prenait sur elle. Il voyait bien que sa démarche était sincère et honnête, et il ne pouvait que l'admirer pour cela.

_Pour moi, tomber amoureuse de ce genre d'homme… Je n'étais pas vraiment le genre de femme qui aime les hommes costauds, fiers et… et presque machos. Non, je préférais les hommes courtois et polis, intelligents et qui me considéraient comme une reine. Certes, Isshin m'a traité comme une reine pendant qu'on a été ensemble, c'est-à-dire peu de temps… J'avais honte, terriblement honte de m'être servie de lui pour écrire cet article. Je savais très bien que jamais il ne me pardonnerait alors j'ai fui. Pendant des jours, des semaines j'ai pleuré, j'ai regretté pendant des années même après ta naissance, tout ça…

_Vous avez regretté ma naissance ?

_Oh non, non ! Rétorqua-t-elle en se penchant en avant pour prendre ses mains dans les siennes. Ce n'est pas… ce n'est pas ce que je voulais dire. Pour moi, ta naissance était la réalité, la réalisation de ce que je n'avais pu faire : rendre possible mon amour avec Isshin. Tu étais le symbole de ce que je n'avais pas pu accomplir. C'était la première fois que je ne parvenais pas à réussir quelque chose… J'en avais honte, comme je te l'ai dit.

Elle humidifia ses lèvres pendant quelques instants et observa les yeux de son fils. Comme si elle y cherchait une pointe de jugement, de colère ou d'appréciation. Elle sembla ne rien y trouver car elle poursuivit :

_Il faut… Je veux que tu comprennes. Je connaissais Jyuushiro depuis longtemps quand je l'ai revu aux Etats-Unis deux jours après mon arrivée. Nous nous sommes rapprochés, il a été mon ami, mon soutien, et tout naturellement nous… nous nous sommes encore plus rapprochés. Isshin a toujours cru que… qu'il n'avait été qu'une sorte de transition, un homme qui ne comptait pas dans ma vie. Mais tu pourras demander à Jyuushiro. J'étais une épave quand il m'a revue, c'est plutôt Jyuushiro qui a été une transition, pour m'aider à oublier Isshin.

Ichigo hocha la tête, lui faisant comprendre qu'il avait saisi son explication.

_Pourtant, je n'aurais imaginé qu'il puisse faire ça… Quand j'ai découvert qu'il t'avait enlevé à la maternité j'ai bien cru que j'en mourrais de chagrin.

_Pourquoi ne pas avoir accouché aux Etats-Unis ? Pourquoi être revenu ici et… ? Pourquoi n'avoir jamais cherché à me reprendre, à… à… ?

_Je voulais que tu viennes au monde sur la terre de mes parents, de ma famille et puis celle d'Isshin aussi. Je voulais que tu vives ici. J'ai voulu te reprendre, bien sûr. Une mère normalement constituée ne laisserait pas son enfant loin d'elle… Mais Isshin était tellement… méchant, vil et quand je voyais comment il se battait pour toi, il m'a menacé, il m'a dit des horreurs, mais je ne pouvais raisonnablement pas lui en vouloir. Alors j'ai baissé les bras. Je pensais que si tu vivais avec lui, que tu avais ton père près de toi tu serais heureux. Tout petit garçon a besoin d'un papa fort, sur qui se reposer, sur qui prendre modèle. Et je n'ai pas eu tort, regarde-toi aujourd'hui… dans les pas du grand Shiba Isshin.

Les yeux d'Ichigo s'écarquillèrent et ses pupilles se dilatèrent. Il crut pendant un court moment avoir mal entendu mais à mesure que les secondes passaient et que le visage de sa mère changeait d'expression il comprit qu'il avait bien entendu.

_Oh… Pardon, je pensais qu'il te l'aurait dit…, chuchota-t-elle en secouant la tête, ne sachant où se mettre. Tu…

_Shiba ? Comme… comme la famille Shiba ? La famille de gardes du corps ? Shiba Kaien et… et Shiba Kukaku ?

_Oui, répondit-elle en acquiesçant d'un coup de tête.

Elle soupira en fermant les yeux et Ichigo se recula sur sa chaise. Shiba. Shiba. Alors, même le nom de famille de son père, même son nom de famille était un mensonge ?

_Non, je t'en prie, ne le vois pas comme ça… Quand je me suis mariée, et que j'ai changé de nom, ton père a pensé… enfin, il a pensé de lui-même que le nom Kurosaki ne devait pas mourir. Il ne s'est jamais vraiment entendu avec sa famille, et il portait son nom comme un poids dans ce métier. Un métier qu'il a été obligé de faire, tout le monde chez les Shiba est garde du corps, de père en fils. Ses cousins et sa cousine, Kaien, Kukaku et Ganju ont tous embrassés cette vocation. Lui aussi, par dépit je pense. Alors il a préféré te donner ce nom et a lui aussi choisi d'en changer et de partir pour Karakura. J'ignore si c'est la meilleure chose qu'il ait faite mais quand je l'ai appris j'étais tellement contente… J'y ai vu une preuve d'amour, qu'il ne m'avait pas oublié malgré tout ce qu'il m'avait dit et fait. Je suis fière que tu portes mon nom, Ichigo.

Il ne sut vraiment comment réagir face à cette énième révélation, mais elle n'était certainement pas la plus importante. Il ferma les yeux et déglutit lentement en tentant de se reprendre et de se concentrer. Il avait enfin sa mère devant lui et c'était vraiment tout ce qui importait. Il se sentait soulagé quelque part, même si il éprouvait encore une nervosité palpable. Elle était belle, gentille et prête à tout pour lui plaire, de ce qu'il en avait observé. Elle faisait attention à ses réactions, s'enquérait de son regard dès qu'elle lui livrait des informations importantes. Non, elle se souciait vraiment de lui et avait envie de le connaître.

_Je… je crois qu'on devrait laisser le reste pour plus tard, tenta-t-il en souriant avec un peu de mal. Mais j'aimerais qu'on se connaisse plus. Je veux vraiment que vous fassiez partie de ma vie.

_Alors pour cela, débuta-t-elle avec un large sourire de bonheur, tu vas devoir commencer par me tutoyer.

Il échappa un petit rire et hocha la tête, sceptique :

_Désolé. Je ne savais pas vraiment comment… enfin comment aborder la conversation avec vous… avec toi, pardon.

La tutoyer était encore trop étrange et il étira une petite grimace qui la fit glousser :

_Nous irons à ton rythme, je ne t'oblige à rien du tout. Je vais te donner mon numéro de portable. Je repars demain à New-York, expliqua-t-elle en sortant de son sac à mains une carte professionnelle. Tiens… Tu pourras m'appeler.

Elle lui tendit la carte avec un sourire aimant et Ichigo la remercia en constatant que trois numéros y figuraient : un numéro professionnel, un numéro de portable personnel, et un autre numéro, celui de son domicile.

_J'ai… j'ai aussi un petit cadeau pour toi, reprit-elle en fouillant dans son sac.

Ichigo releva les yeux vers elle et sembla tout à coup mal à l'aise. Un cadeau ? Et lui qui n'avait rien prévu du tout !

_Ce n'est pas grand-chose, souffla-t-elle en lui tendant deux billets d'avion et un petit carnet de voyage. Tu pourras venir quand tu le souhaiteras.

Ichigo prit les billets en main en la remerciant du bout des lèvres puis étudia avec attention son présent. Les deux billets d'avion étaient à destination de la Thaïlande, et la date de départ pouvait être choisie ultérieurement. Il observa les billets avec attention puis retourna son regard sur sa mère :

_La… la Thaïlande ?

_Nous y avons une maison là-bas, très belle, sur la plage. Une villa qui est bien trop grande pour nous deux. J'avais pensé que tu aimerais, toi et Grimmjow bien sûr, y passer quelques vacances. Nous pourrions nous y retrouver et passer plus de temps ensemble. J'aimerais que tu acceptes.

Le visage de Kurosaki s'illumina et il sourit de toutes ses dents. C'était un superbe cadeau, une magnifique attention ! Un voyage en Thaïlande chez sa mère, et tous frais payés en plus ? Il n'allait pas dire non !

_Wouah… c'est… c'est trop, je…

_Je t'en prie, accepte…

Elle avait l'air tout autant sincère. Et puis la perspective de pouvoir passer des vacances dans la villa de sa mère ne serait qu'une occasion excellente pour la connaître mieux. Il était certain que ça ne pourrait que lui faire du bien, elle lui paraissait être quelqu'un de bien. Il n'avait certainement pas compris toutes ses motivations ni tout compris concernant le passé de ses parents mas il apprendrait avec le temps. Le temps était son allié et avec son père comme avec sa mère, ce serait au fil du temps qu'il apprendrait à les comprendre, à les connaitre et à accepter ce passé compliqué.

Il hocha la tête pour lui faire comprendre qu'il acceptait et la remercia, quand une main se posa sur son épaule. Grimmjow se pencha vers lui :

_Il est presque 14h… T'vas être en retard.

_Oh oui, t'as raison, bafouilla-t-il en regardant sa montre. Je dois y aller, je travaille dans pas longtemps.

Masaki se contenta de se lever en guise de réponse et lui sourit en hochant la tête :

_Même si ce fut court, je suis heureuse d'avoir fait ta connaissance, Ichigo.

Il se leva à son tour et elle fit le tour de la table pour se retrouver devait lui. Naturellement, elle se pencha en avant et lui donna une accolade timide mais tendre. Surpris, le rouquin resta un peu dépourvu devant ce geste affectif auquel il n'était pas encore habitué et finit par lui rendre son étreinte en souriant.

_Moi aussi, avoua-t-il. Nous aurons plus de temps… en Thaïlande ?

_Certainement, assura-t-elle en se reculant. J'espère que vous pourrez y venir tous les deux très vite. Et appelle-moi quand tu le souhaites.

_Merci.

La mère et le fils se séparèrent, échangeant un nouveau sourire complice. Ichigo avait bien conscience que sa mâchoire lui faisait mal, à force de sourire de cette façon. Il avait même l'impression de sourire bêtement et craignait que sa mère ne le prenne mal mais en réalité il ne pouvait tout simplement pas empêcher ses maxillaires de s'étendre de cette manière. Ce sourire ne quitta pas son visage du reste de la journée, Urahara crut même qu'il avait consommé quelque drogue euphorisante.

Il ne vit pas venir la fin de cette journée, et au moment de quitter l'agence de Kisuke, il s'aperçut qu'il avait été sur un petit nuage toute la journée. La candeur de sa mère, sa gentillesse et sa bienveillance avaient agi sur lui comme une potion magique et il n'avait pas l'intention de laisser cet effet de bonheur retomber comme un drapeau en berne. C'était bien la première fois qu'il ressentait cet état euphorisant et il rentra presque chez Grimmjow en trottinant joyeusement, comme une gamine rentrant de l'école.

Quand il referma la porte de l'appartement derrière lui, la voix de Grimmjow lui parvint de suite aux oreilles. Elle provenait du salon et paraissait forte et claire. Il s'empressa de retirer ses chaussures et observa son amant debout devant la baie vitrée, son téléphone à l'oreille et une main sur la hanche. Peu importait la manière, il avait envie de partager sa joie de vivre avec lui et s'aventura dans la pièce pour se coller contre son dos et entourer son torse de ses bras.

Grimmjow sursauta, puisqu'il ne l'avait pas entendu rentrer ni vu entrer dans la pièce. Et il poursuivit sa conversation, se laissant entrainer dans le balancement tendre qu'Ichigo initia en le serrant dans ses bras :

_Bien sûr, ça m'pose aucun problème. Faudra juste savoir quand et où ? Dit-il d'une voix courtoise.

Il stoppa ses mots pendant quelques instants hochant la tête vivement :

_Ça me va, aucun problème pour moi. J'aurais b'soin d'le rencontrer quand même mais bon... Ah, d'accord. Bon j'essaierai d'avoir ses coordonnés pour communiquer avec lui. Juste par conscience professionnelle...

A ces deux mots, Kurosaki haussa les sourcils et écouta un peu plus attentivement encore sa conversation, la joue collée contre le dos musclé. Grimmjow était-il en contact avec un client ? Ça semblait être un appel téléphonique professionnel, la façon dont il parlait laissait entendre qu'il ne s'adressait pas à un vulgaire ami...

_J'peux vous envoyer mes références évidemment... Mais sans rien vous cacher, si vous cherchez des recommandations malheureusement... Oui, j'ai démissionné. Mais pour des raisons personnelles et non professionnelles... Quoi ? Ah... Je... Non, j'étais pas au courant. Ah... Non, mes anciennes clientes sont restées fidèles à Yamamoto alors... J'pense pas qu'elles me donneraient des recommandations...

Et pendant que Jaggerjack faisait les cent pas dans la pièce, sa sangsue restait scrupuleusement accrochée à lui. Ichigo ne le lâchait pas d'une semelle quitte à bientôt s'attirer les foudres de son amant. Il écoutait religieusement la personne qui se trouvait à l'autre bout du fil et tentait désespérément de se sortir de la pince étouffante où les bras d'Ichigo le retenait. Prenant le jeune homme de court, il se retourna violemment dans sa direction, ses sourcils bleus gravement froncés et son visage passablement agacé. Il fit signe au jeune homme de le laisser respirer et de s'asseoir dans le canapé. Ichigo s'exécuta tournant vers lui des yeux interrogateurs :

_Non, il m'a pas vraiment engagé en fait... Il... Non, pas encore.

Ichigo colla une main à côté de sa bouche et lui souffla :

_Dis que t'es engagé chez Urahara, je t'arrangerai ça ! C'est pas encore officiel mais...

Le turquoise le fit taire avec un grand geste de la main, donnant l'impression de chasser les mouches.

_Ah ? Il préfère ? Dans c'cas, ça m'va aussi. J'suis dispo quasi immédiatement, sans compter bien sûr l'travail d'adaptaton et puis me renseigner auprès de l'ancien détenteur du poste... Oui... Oui, je pense. Quand vous voulez...

Ichigo trouva vite rébarbatif de n'entendre qu'un côté de la conversation, et délaissa Grimmjow pour vaquer à ses occupations. L'appel sembla s'éterniser et il était dans la cuisine, préparant le diner, une tasse de thé à la main quand enfin Jaggerjack daigna se montrer. Il poussa un long soupir en attrapant un verre pour le remplir d'eau fraiche. Le roux l'observa du coin de l'œil ne craignant de devoir essuyer une remontrance salée. Mais il ne se démonta pas pour autant :

_C'était qui ? Demanda-t-il, se voulant presque détaché.

_L'avocat d'Kuchiki.

Ichigo manqua recracher son thé et tourna vers lui des yeux écarquillés :

_Il... il voulait quoi ?

_Apparemment, la p'tite Kuchiki a d'l'influence sur son frère. Il veut m'engager. Il fait peau neuve à son équipe d'garde du corps. Il en veut maint'nant trois, seulement en journée et pour ses déplacements exclusivement. En gros, un job de 8h30 à 12h et pis de 13h à 19h30, ses heures de boulot quoi. Il veut plus d'protection chez lui directement.

Il avala la totalité de sa boisson d'un trait, laissant le temps au jeune homme pour encaisser la nouvelle.

_Donc... ça t'évite le problème de vivre chez lui...

_Ouaip.

Ce qui était un soulagement en soit, admit volontiers Ichigo. Et c'était une bonne nouvelle, une excellente nouvelle même que Grimmjow ait retrouvé du travail et que ce soit auprès de Kuchiki ! Et même s'il était encore un peu surpris, il comprit aisément que Rukia avait agi auprès de son bien aimé Nii-sama, en faisant ce qu'il lui avait demandé. Finalement, Kurosaki hocha la tête et leva sa tasse de thé :

_Bon... Au nouveau garde du corps de Kuchiki ?

Jaggerjack lui lança un sourire en coin, radieux, mais un peu aussi sadique et copia son geste avec son verre d'eau vide. Les deux hommes se sourirent puis le bleuté posa son verre sur la table et attrapa l'autre par la taille, le soulevant du sol.

_Oh !

Ichigo poussa une réclamation, étouffée bientôt par un rire quand Grimmjow le fit tourner dans les airs, après l'avoir hissé un peu plus haut encore. Le rouquin prit appui sur les épaules carrées et ne put s'empêcher de vivre sa joie. Il était heureux pour lui bien évidemment, car cette nouvelle annonçait un tournant majeur dans leur relation. Maintenant qu'ils possédaient tous deux un travail ils pouvaient rester dans cet appartement, puisque Grimmjow ne serait pas amené à vivre chez Kuchiki. Ils pouvaient donc faire des projets, peut-être même déménager qui sait, ou remeubler l'appartement. Ichigo voulait lui aussi donner une petit touche personnelle à l'intérieur de Jaggerjack qu'il avait connu comme une sorte d'hôtel de secours au début de sa carrière chez Yamamoto, puis comme havre de paix depuis quelques temps.

Oui, il avait envie de s'investir pour eux, dans leur relation. Surtout que cet appartement était maintenant chez eux, et plus seulement chez Grimmjow. Et c'était déjà un formidable pas en avant, pensa-t-il en se perdant dans les lagons des prunelles de son amant. Enfin amant, ils étaient bien plus que cela maintenant il le savait. Leurs sentiments étaient au-delà de tout ça, après tout ce qu'ils avaient vécu ensemble... Il voulait croire qu'il avait enfin trouvé le bonheur qu'il avait toujours cherché depuis sa plus tendre enfance.

Il se sentait bien, il se sentait chez lui. Après tant de galère, de questionnements, d'hésitations, de refus et de déceptions il pouvait enfin tirer un trait sur tout ça. Il avait l'impression d'avoir enfin atteint le bout de ce tunnel et entamait un chemin plus ensoleillé, plus agréable, et il s'y plaisait.

Là, entre ses bras, ses yeux dans les siens, il l'embrassa tendrement et fit naître un nouveau sourire sur le visage du bleuté. Il lui rendit ce sourire sans hésitation et lui souffla :

_Dis-moi que t'es heureux autant que je le suis, Grimmjow.

_Je l'suis m'sieur. Très heureux, lui répondit-il avec un clin d'œil complice.

C'était tout ce qu'il avait besoin d'entendre.


D'après Rukia, son frère désirait rester à Madagascar pour encore trois semaines, ce qui laissait à Grimmjow le même temps libre en attendant que son nouveau patron ne rentre de vacances. Bien entendu, vu le caractère imprévisible de Byakuya, il avait convenu qu'il fallait mieux prévenir que guérir et donc se tenait prêt à tout moment si jamais le noble avait soudain envie de revenir au Japon, sans prévenir personne. Enfin, comme le lui avait dit Ichigo dans ce cas précis, comment pourrait-il le savoir si son patron était rentré, sans que Byakuya ne l'en informe en personne ?

_Bin parce que..., avait-il ronchonné en avalant deux sushis en une seule bouchée. Parche que y'aura bien des chournalistes qui vendront la mèche !

Kurosaki avait levé les yeux au ciel mais avait consenti à ne pas le contrarier. Pour lui, ces trois semaines étaient du pain béni ! Urahara et lui avaient terminé les entretiens d'embauche pour l'agence, et ils avaient plutôt été contents d'eux. Pas mal d'anciens gardes du corps de chez Yamamoto avaient posé leur candidature mais malheureusement Ichigo n'avait pas pu tous les prendre. Il avait accepté d'engager Abaraï Renji par pure courtoisie envers Rukia, puis s'était renseigné pour savoir si Hystugaya et Matsumoto étaient encore sous contrat avec Yamamoto. Malgré la perte de vitesse notable de l'agence du vieil homme, il avait conservé de bons éléments et de bons clients, ce qui après tout ne faisait qu'équilibrer le marché. Ichigo n'y voyait pas d'inconvénients.

Satisfait de son travail et ayant ensuite passé quelques jours avec Yoruichi pour apprendre les rudiments de la comptabilité, il avait reçu la visite de personnes bien particulières, envoyées par son père. La famille Shiba s'était présentée chez Urahara et il avait ainsi rencontré les trois cousins de son père : Kukaku tout d'abord, fière et femme de poigne. Elle l'avait impressionnée par sa capacité à en faire trop et à boire comme un homme. Ganju ensuite, véritable soumis à sa soeur, lui était apparu comme un homme costaud en apparence mais bien discret en société, malgré le fait qu'il le connaissait déjà auprès de Byakuya. Quant à Kaien, beau jeune homme qui avait les traits de son père, lorsqu'il était jeune, il lui apparut comme quelqu'un de respectable et de respectueux ainsi que d'un honnête garde du corps. Le roux ne put s'empêcher de lui révéler qu'il avait dû avouer à Byakuya son petit secret.

Mais l'homme ne lui en avait pas voulu. Il s'était contenté de sourire en indiquant que le destin en avait décidé ainsi et que de toute façon, son amour pour Hisana n'aurait pas pu rester éternellement secret.

Bien loin de comprendre les motivations de cet homme, Ichigo fit connaissance avec eux. Il apprit que c'était sur demande d'Isshin son père, que les trois frères et sœurs étaient venus le rencontrer. Et le jeune homme se sentait enfin appartenir à une vraie famille, un sentiment encore inconnu de lui mais qui lui donnait des ailes. Tout à coup, tous ces gens qui venaient vers lui, lui offraient de l'aide, un soutien et qui désiraient faire partie de sa vie... C'était un chamboulement qu'il avait du mal à avaler encore un peu, puisqu'il contrastait beaucoup avec ce qu'il avait vécu au début de sa carrière.

La famille Shiba pesait son poids dans le milieu des gardes du corps. Et Kukaku, en tant que tante éloignée du jeune homme et ainée de la fratrie, lui offrit son aide et même un poste de garde du corps s'il le voulait. Elle lui assura qu'elle pouvait trouver tout ce qu'il souhaitait.

_Non, merci, avait-il répondu avec un sourire poli. Tout ce que j'aimerais, c'est que Kaien-san reste chez Urahara. Ça me ferait plaisir.

Ou comment placer ses intérêts professionnels dans une conversation familiale ! La rumeur voulant que Kaien soit sur le point de quitter Urahara, Ichigo s'était donc empressé de lui demander cela, comme un service. Ce qui lui avait valu, après un sifflement admiratif de Kisuke, l'approbation toute neuve d'une Yoruichi étonnée. Garder un Shiba dans son agence, et en gagner un autre - en la personne de Ganju, fraichement renvoyé par un Byakuya qui n'était pas prêt de pardonner à sa famille - avait fait de l'agence Urahara une attraction visiblement à la mode. Et les clients arrivaient en masse pour demander les services de ses gardes du corps.

Son premier coup de maître valut à Ichigo une petite augmentation et quelques vacances bien méritées.


Deux jours plus tard, Ichigo et Grimmjow se tenaient dans le hall de l'aéroport Narita, leurs bagages en main. Ils avaient profité de l'absence de Byakuya et donc de l'inactivité de Grimmjow pour pouvoir prendre le vol offert par Masaki vers la Thaïlande. Ichigo ayant obtenu lui aussi des congés bien gagnés, il avait très vite prétexté ces jours de vacances pour consommer le cadeau de sa mère.

Isshin les avait accompagnés, dans sa superbe voiture de fonction - une berline allemande noire - et observait le panneau d'affichage du grand hall en fronçant les sourcils.

_Pas de reatrd pour votre vol apparemment, commenta-t-il en regardant sa montre. Au moins c'est ça de prit !

_Oui... Je n'ai pas trop envie de faire poireauter maman à l'aéroport de Bangkok, répondit Ichigo en hochant légèrement la tête ses yeux rivés sur le numéro de son vol.

Grimmjow s'était éclipsé pour aller acheter de quoi grignoter, et de quoi lire pendant le vol. Ils avaient convenu tous les deux, en accord avec Masaki et Jyuushiro qu'ils se retrouveraient à l'aéroport de Bangkok, le couple de garçons arrivant de Tokyo, et le couple formé de sa mère et de son mari arrivant de New-York une heure et demie avant eux. Pour Masaki, attendre son fils à l'aéroport n'était pas un problème et elle s'était même enthousiasmée de le savoir si prompt à vouloir passer du temps avec elle.

Ichigo était naturellement excité par la perspective de ce voyage, et Isshin à ses côtés avait l'impression de retrouver le petit garçon de dix ans dont il n'avait jamais vraiment profité. Le père et le fils choisirent d'aller s'asseoir plus loin, et Isshin posa une main chaude sur la cuisse de son fils en pinçant ses lèvres :

_J'espère que tu profiteras bien, fils. C'est une opportunité géniale... Et puis faire connaissance avec ta mère...

_Je sais...

Ichigo avait demandé à son père une sorte d'approbation avant d'accepter ce voyage. Il ne voulait plus jamais se brouiller avec lui, et encore moins ne pas lui dire les choses. Plus de secrets entre eux, plus de cachotteries ! C'était la nouvelle règle dans la famille Kurosaki. Enfin... la famille Shiba plutôt. Mais Isshin y avait vu là une chance incroyable pour son fils d'apprendre à mieux connaître sa mère et son mari, il ne pouvait absolument pas lui refuser cela. Il en avait même été plus heureux que prévu, surprenant son fils par sa réaction enthousiaste.

_Je suis vraiment content que tout se soit arrangé entre nous, fils. Et entre toi et Grimmjow, poursuivit-il avec un souirre. Et entre toi et ta mère aussi... Entre toi et la terre entière en fait !

Il arracha un rire timide à son fils avec cette réplique et le laissa répondre :

_Faut dire que j'ai tellement eu la poisse au début... Ça ne peut que mieux aller maintenant. Oh ! Tu es au courant ? Kensei va venir nous rejoindre quelques jours en Thaïlande, histoire de nous tenir compagnie. J'ai vraiment envie de le revoir... J'espère juste que Grimmjow ne fera pas trop sa tête de cochon à cause de ça...

_Oh je crois qu'il la fait déjà ! Plaisanta son père en haussant les sourcils.

Ichigo savait qu'il avait raison. Quand il avait annoncé la nouvelle à Jaggerjack ce dernier avait pris la mouche, jouant les jaloux et avait refusé de lui adresser la parole pendant une heure. Presque ! Kurosaki avait trouvé ça plutôt touchant et s'était dès lors acharné à lui chercher des noises - gentiment et amoureusement - à propos de sa mauvaise humeur. Il savait qu'en fait il avait confiance en lui, que Kensei ne changerait en rien ce qui se passait entre eux. Il voulait juste marquer un peu plus son territoire et se rebeller. Un Grimmjow qui ne se rebellait pas, n'était pas vraiment un Grimmjow !

Sa propre pensée fit sourire le jeune roux. Il poussa un soupir puis observa son père qui avait attendu le moment propice pour lui parler d'une chose importante :

_J'ai besoin de ton avis, fils, commença-t-il en joignant ses mains. J'aimerais enfin tirer un trait sur ce passé, sur cette escroquerie, tout ça... Je... Je pense qu'il faut mieux oublier cette histoire. Je veux l'enterrer pour de bon, la laisser derrière moi, tu comprends ?

Ichigo fronça les sourcils et se demanda où il voulait en venir. Il crut un instant que son père voulait jouer les héros : aller trouver la police et leur dévoiler toute l'histoire, mais ça serait un véritable suicide. Non seulement il se mettrait en danger, mais en plus il pourrait se retrouver en prison ! Il retint sa respiration en étudiant le visage de son père, calme et plus sérieux que d'habitude :

_Je vais peut-être contacter Yamamoto, lui demander de tirer un trait sur tout ça. De faire détruire les preuves et de mon côté... Je ne sais pas... Tout l'argent que j'ai gagné, je pense le reverser intégralement à une association.

Les yeux noirs d'Isshin balayèrent le visage de son fils en y cherchant une approbation quelconque mais Ichigo était sous le choc. Et il avait choisi ce moment-là pour tout lui dire ?

_Papa... Tu crois... tu crois vraiment que ça te redonnera bonne conscience ? Je veux dire, tout ça est derrière toi. On a réussi à faire les paix tous les deux, ne gâche pas tout en faisant une bêtise. Laisse Yamamoto là où il est, laisse-le. Il ne prendra jamais le risque de dévoiler tout ça, il perdrait tout. Quant à verser de l'argent à une association... je trouve que c'est une excellente idée. Même si ça ne pourra jamais effacer tout ce que tu as fait, je serai encore plus fière de toi.

Non, personne ne peut être parfait. Tout le monde a sa part de mystère, son côté sombre comme on l'entend dire souvent. Mais tout le monde a aussi ses instants de bienveillance, où il aide les autres où il aime son prochain. Tout le monde est noir et blanc. On a tous notre part de méchanceté, gratuite ou pas, personne ne peut se revendiquer entièrement bon ou entièrement mauvais. Et Ichigo l'avait comprit depuis longtemps. Il était fait ainsi, et les hommes qu'il aimait étaient faits ainsi : son père, Grimmjow. Et même sa mère.

La vie est tellement longue qu'on ne peut pas toujours bien se comporter. Parfois, le chagrin, l'ennui ou la folie nous ouvre les portes du mal, de la malhonnêteté, mais a-t-on besoin de se racheter pour autant ? S'interrogea le rouquin en observant Grimmjow revenir avec un sac plein de sucreries à grignoter pendant le vol. Notre conduite passée induit-elle que l'on doive se racheter, aux yeux des siens ou aux yeux de la société ? Si bien sûr, nos crimes ne sont pas d'une gravité sans précédent et en restant si possible dans la limite du légal.

Est-ce que nos erreurs passées nous empêche de prétendre au bonheur ? Et doit-on juger ceux qu'on aime pour leur comportement passé, pour ce qu'ils ont fait pour nous, que ce soit en bien ou en mal ? Peut-être Ichigo aurait dû le faire, peut-être pas. Mais le plus important était de ne pas regretter et de vivre l'instant présent. N'était-ce pas ce que ce cher Grimmjow Jaggerjack lui avait tant répété au début de leur relation ?

Ichigo resta assis là, à observer les deux hommes de sa vie discuter de tout et n'importe quoi. Il était heureux de pouvoir faire partie de leur univers, de pouvoir observer leurs visages, heureux, mécontents, surpris et parfois un peu émus. Ces émotions elles, n'étaient pas chiquées. Elles étaient vraies, et peu importait vraiment ce qu'ils avaient pu faire avant qu'ils ne les connaissent, il savait que leurs visage eux ne lui mentiraient jamais. Ils faisaient partie de sa vie maintenant, et il n'avait pas l'intention de les laisser s'éloigner.

Le passé les avait rapprochés, et à présent le futur leur tendait les bras.


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Merci également à toutes celles et ceux qui ont lu cette fanfic !

Et à bientôt pour de nouvelles aventures ! :D (Pour les synopsis de mes fanfics en projets, visitez mon profil ^^)