Prologue
C'est assez amusant de voir que certains petits gestes du quotidien peuvent faire resurgir les souvenirs …
Ce matin-là, l'elfe de maison étant occupé ailleurs, c'était Lucrecia qui avait dû sortir aller au pain. Il avait beaucoup neigé pendant la nuit et les rues du petit village sorcier de Hollow's Hills étaient recouvertes d'un épais manteau blanc. Personne n'était encore sorti dans sa rue car les trottoirs étaient vierges de toute trace, du moins jusqu'à la place du village.
Le cottage où vivait Lucrecia était un peu à l'écart de la ville, il fallait longer un instant la petite rivière gelée et le cimetière avant de rencontrer les premières maisons qui jouxtaient la place.
Arrivée à la place, il y avait de nombreuses traces sortant des maisons et menant aux quelques boutiques ouvertes.
Lucrecia s'avança jusqu'à la boulangerie et entra. Une petite sonnette annonça son arrivée et soudain tous les regards se tournèrent vers elle. Quand les habitués reconnurent la sorcière, les discussions cessèrent immédiatement. La boulangère adressa un sourire plus poli que sympathique et s'arrêta de servir la vieille sorcière toute ridée pour s'occuper de Lucrecia.
Sur les étals s'alignaient de nombreux pains, plus ou moins gros, des ronds, des allongés, mais un pain était tout seul sur un étal, un peu à l'écart. Et contrairement aux autres, il était posé à l'envers. Ce fut celui-ci que la boulangère saisit et emballa dans un papier brun avant de le tendre à Lucrecia.
Votre pain, Miss MacNair, lui dit-elle brièvement. La même chose pour demain ?
Lucrecia la remercia d'un signe de tête.
Oui, merci , répondit-elle simplement.
Puis la sorcière quitta la boulangerie et elle sut à l'instant même où la porte se refermait que les conversations avaient aussitôt repris.
Elle secoua la tête, faisant voler ses mèches brunes. Ici la mentalité n'avait guère évoluée et ce n'était pas près de changer ! Comme cette stupide manie de mettre le pain à l'écart et à l'envers … le pain du bourreau … mais il fallait quand même avouer une chose, Walden avait droit à son pain gratuit tous les jours ; une contrepartie en quelque sorte mais contrepartie à quoi ?
Songeant à son frère, Lucrecia se dépêcha de rentrer. Elle espérait que Walden serait rentré, mais elle en doutait. Elle marchait dans la neige et sentant un flocon s'écraser sur le bout de son nez, elle leva les yeux vers le ciel totalement gris. Elle se surprit alors à songer au passé. Il neigeait aussi ce jour, lorsqu'elle avait fini par accepter la proposition de son frère et était venue s'installer définitivement chez lui. A tous les deux, la vie ne leur avait pas fait de cadeaux et déjà très proches, ils s'étaient encore plus rapprochés, chacun veillant sur l'autre, l'aidant à panser leurs plaies.
Lucrecia était arrivé devant le petit jardin du cottage. Elle poussa la petite barrière en bois qui en barrait l'accès et s'avança dans l'allée de graviers enneigée. Elle remarqua alors que quelqu'un était déjà passé par là : outre les traces de pas marquant son départ de la maison, une autre paire de pas se dessinait dans la neige, se dirigeant vers l'entrée de la demeure. Lucrecia hâta le pas, son frère était rentré.
La porte du cottage s'ouvrit et Lucrecia s'y engouffra suivie par une bourrasque enneigée. Elle referma bien vite la porte, ôta sa cape et la secoua. Elle se déchaussa et prit sa baguette pour sécher le sol. Puis la sorcière gagna la cuisine. L'elfe était en train de s'affairer à préparer le petit déjeuner. Lucrecia posa le pain sur la table, à l'endroit.
Maître Walden est dans la salle de bains, annonça Piky.
Lucrecia hocha de la tête.
Je m'en doute, répondit-elle.
Puis elle quitta la cuisine et gagna la salle à manger. Le café et le thé étaient déjà servis. Lucrecia s'installa et prit la tasse de thé entre ses mains.
Et de nouveau, elle repensa au passé …