Salut à tous ! Aujourd'hui, la suite ! Et la fin. Mais ne nous attardons pas plus que cela, je vous laisse lire tranquillement.
Quelque part dans centrale, 24 décembre, 23h09
Edward se tendit de tout son être, ne pouvant plus retenir le cri de douleur qu'il s'efforçait de ravaler depuis un bon moment déjà. Mais ce n'était décemment plus possible de faire abstraction de la souffrance qui le tenaillait. Au diable sa fierté, la promesse qu'il s'était faite de ne pas hurler pour le bon plaisir d'Envy. Ce n'était plus tenable.
Il voulait que cela s'arrête. Maintenant. Que la brûlure dans son dos se calme, qu'il ouvre finalement les yeux et se retrouve à l'hôtel, dans son lit chambre 17, avec son frère près de lui et un petit déjeuner de roi sur la table. Que toute cette foutue journée de merde ne devienne plus qu'un rêve éphémère et qu'on le laisse enfin tranquille.
Oh oui, comme il en avant envie.
Mais son cauchemar éveillé ne semblait pas vouloir s'arrêter de sitôt. C'est dur de dire à un gamin de cesser de jouer avec ses cadeaux de Noël pour aller manger. Et le jouet ici, c'était lui.
Il s'écroula sur le sol avec un râle sanglant, crachant, toussotant, sa joue reposant désormais sur le béton froid et rugueux de l'entrepôt. Envy l'avait détaché pour plus de maniabilité et éviter de salir sa si jolie chaise en fer blanc. Edward avait eu raison de ne pas s'enfuir en courant. Il n'aurait pas pu faire trois pas. Il n'avait pas fait trois pas d'ailleurs, avant de s'abattre comme une carcasse morte sur le sol gris, les jambes coupées, incapable de bouger.
Gémissant, le blond essaya tant bien que mal de se redresser. Sa main mutilée le faisait souffrir, sa vision se troublait et les contours de conteneurs se noyaient dans un rouge noirâtre écœurant. Ses côtes cassées le rappelèrent à l'ordre et il poussa un nouveau hurlement, lorsque les lanières du chat à neuf queues mordirent sa chair avec un claquement sec. Des zébrures apparurent sur son dos à nu, le brûlant comme de l'acide.
Envy le toisait de haut, un immense sourire cruel plaqué sur les traits, une joie et une extase sans pareille au fond de ses pupilles verticales. Il tourna autour du blond en sautillant comme un enfant, agitant dans sa main, son fouet impressionnant.
_ Je ne m'en lasserais jamais, confia-t-il à l'Alchimiste au sol, rampant et gémissant, tentant de ravaler ses larmes. Franchement, c'est pas le plus beau son du monde ? Il est sympa mon nouveau jeu, hein ?!
L'homonculus n'était pas seulement ravi : il était excité comme une puce, comme un gamin avec son cadeau. Ce qui le rendait bien plus dangereux qu'avant.
Le brun devait bien se l'avouer torturer son Chibi était particulièrement jouissif. C'était presque mieux que le massacre d'Ishbal. Presque… Envy voulait que ce soit mieux que le massacre d'Ishbal. Il voulait que ce soit grandiose, magistral, histoire qu'il s'en souvienne encore dans quelques centaines d'années. Evidemment, si Edward n'y mettait pas un peu du sien, ils n'allaient pas aller bien loin. Quel chieur alors, il lui gâchait son Noël.
Pas gentil.
Le maniaque s'arrêta dans une pirouette, la tête renversée dans un angle impossible, le corps arqué, fixant le petit corps blond et bien amoché à ses pieds. Qui ne bougeait plus.
_ Ah ben non alors ! S'exclama-t-il en se redressant avec une moue mécontente. Tu vas pas me claquer entre les pattes maintenant !
Il se pencha un peu, étudia le visage tordu par la douleur de sa proie à l'agonie. Derrière ses yeux clos et sa respiration sifflante, Edward luttait contre l'évanouissement. Bien que tomber dans les pommes maintenant était sans doute la meilleure solution pour échapper à toute cette horreur.
Mais qui sait ce que lui ferait l'homonculus si jamais il perdait effectivement connaissance ? Ce dernier semblait d'ailleurs heureux, particulièrement satisfait que son adorale petit alchimiste ne soit pas encore passé de l'Autre Côté. Il allait pouvoir jouer encore un peu. D'un revers de main, il gifla le plus jeune, le sortant bien malgré lui de sa torpeur. Edward papillota un instant et gémit, souhaitant plus que tout retourner dans les ténèbres moites qui l'avaient accueilli un bref instant, le coupant pour un temps de la monstrueuse réalité.
_ Alors ? Redemanda le brun. C'est pas la plus belle des symphonies ? Mmmh ? Je suis bête ! T'as peut-être pas entendu ! Je vais recommencer juste pour toi.
Les lanières en cuir lacérèrent le dos autrefois blanc, du jeune blond. Il poussa un nouveau cri de douleur, s'arquant sur le béton, sa main laissant une trace sanglante sur le parterre. Il retomba en avant, son front heurtant le sol avec un son mat, le souffle court et les nerfs à vif.
_ Non, non, non ! Fit Envy, de nouveau joyeux, faisant siffler au-dessus de sa tête le chat à neuf queues. Ça va pas du tout ça mon p'tit Ed ! Allez, fait un effort et recommence-moi ça en ré mineur je te prie.
Un sifflement sinistre, qui retentit dans tout le hangar, suivit par un autre hurlement, plus marqué cette fois ci, plus profond. Envy tendit l'oreille puis sourit. Un grand sourire carnassier.
_ Ben tu vois quand tu veux ! Lança-t-il à la forme gisant qui rampait à ses pieds, couverte de sueur et de sang.
Edward releva un peu la tête, lui lançant un regard féroce et déterminé. Lui montrer qu'il n'abandonnerait pas. Qu'il ne lui ferait pas ce plaisir. Qu'il lutterait, même en souffrant le martyr.
Quand il disait que c'était vraiment une conne, cette fierté de merde.
_ Allez, encore un dernier pour la route, après on change de jeu. De toute façon, y a plus la place…
X.X.X
La porte de l'entrepôt sortit de ses gonds avec un bruit assourdissant. S'abattant comme une masse sur le ciment avec un « glong » sonore, elle souleva des gerbes de poussière et de limaille de fer, dévoilant les profondeurs obscures et puantes du bâtiment. Roy Mustang, dans son fier costume de renne, fit un pas en avant, la main levée, les doigts crispés, prêt à faire tout sauter si jamais cela était nécessaire. A ses côtés, Riza Hawkeye fouillait la pénombre des yeux, son 9mn pointé devant elle, sondant les alentours de son canon en acier. Alphonse, légèrement en retrait, s'avança un peu dans le hangar, faisant grincer les articulations métalliques qui composaient son corps.
Son frère n'était pas ici. Il le sentait. Il le savait.
Sous ses yeux ne s'étalaient que des cartons vides à moitié pourris, des outils et machines déglingués que l'on avait relégués au rang de simples morceaux de ferraille, bons pour la casse. Les seuls êtres vivants à part eux entre ses murs brillants d'humidité n'étaient que les rats et les araignées. L'armure poussa un semblant de soupir, ne pouvant verser les larmes qui lui montaient pourtant aux yeux.
Sept entrepôts, et toujours le même résultat. Toujours le même silence, cette absence de vie. Riza abaissa son arme et Mustang sa main, tout aussi convaincu qu'Alphonse que le Fullmetal ne se trouvait pas là. Ils l'auraient senti sans ça. Ils auraient perçu sa présence.
Tout ce qu'il y avait ici était déjà mort.
_ MERDE !
Le cri de rage de Mustang résonna dans les allées vides du vieux hangar. De peur de rater un éventuel indice, ils arpentèrent les lieux sans grand espoir. Le brun dû se retenir pour ne pas exploser.
Sept entrepôts. Sept, et toujours rien ! Il n'en pouvait plus, sentait qu'il n'allait pas tarder à craquer devant son impuissance. S'il devait réussir une chose de bien dans sa vie, c'était celle-là. Il devait retrouver Edward. C'en était devenu vital. Autant pour sa crevette que pour lui.
Parce que la vie sans ce chieur de première au grand cœur, ce n'était même pas envisageable.
Marchant d'un pas lourd le long des allées sombres et glauques, Roy Mustang se surpris à penser ce genre de choses. Mais il fallait avouer qu'il avait fini par s'y attacher, à sa petite teigne. Et le savoir piégé quelque part lui était tout bonnement insupportable.
Qu'avaient donc fait ces enfants pour récolter autant de malheur ? Ils avaient bravé les interdits par amour et s'employaient corps et âmes pour réparer leurs erreurs. Plus que quiconque, ils méritaient de réussir leur quête, de terminer leurs vies paisiblement dans leur charmante campagne natale. Ils méritaient d'être heureux, enfin.
Alors pourquoi le destin semblait les avoir pris en grippe ?
Le brun s'arrêta en soupirant, sachant que chercher ici ne servait à rien. Ils perdaient du temps, ils perdaient trop de temps. Et dieu seul savait ce que vivait Edward en ce moment. La vision furtive du petit blond agonisant dans son sang lui fit serrer les dents et il secoua la tête, comme pour chasser cette idée. Il avait promis de veiller sur eux, d'être là en cas de besoin. Il tiendrait cette promesse coûte que coûte. Il retrouverait Edward vivant. Il ne l'abandonnerait certainement pas. Il ne le laisserait pas en arrière.
Quelque part au fond de lui, Roy se sentait coupable. Pas seulement pour ne pas avoir réussi à tenir correctement ses paroles, mais pour une raison plus ancienne. Pour le fait tout simple que c'était lui, Roy Mustang, avec sa soif d'ambition, qui avait poussé Edward à rejoindre l'armée.
Bien sûr, il avait eu pitié de ce pauvre mioche lorsqu'il l'avait vu à Resembool. Bien sûr, cela lui avait fait de la peine et sur le coup, il avait éprouvé pour ce gamin une grande tristesse. C'était tout d'abord pour cela qu'il lui avait proposé de devenir un chien à la botte de l'armée. Pour l'aider à réaliser son rêve, celui de retrouver le corps de son petit frère, la seule personne qui comptait à ses yeux. Pour l'aider à retrouver ce bonheur qu'ils avaient perdu. Bien sûr, il y avait eu de ça. Mais également de l'envie. Envie qu'on le regarde, qu'on le considère comme un homme important. Il avait eu envie de briller aux yeux de ses supérieurs pour leur avoir ramené un Alchimiste de douze ans, surpassant la moyenne. Ça faisait bien dans son dossier. Evidemment, c'était aussi à sa carrière qu'il avait pensé en proposant à Edward Elric de rejoindre leurs rangs.
Il en avait honte maintenant. Véritablement honte.
On ne demande pas à un enfant de le suivre dans cet enfer.
Alors, c'était en grande partie à cause de lui qu'Edward se retrouvait coincé avec un homonculus fou. S'il ne l'avait incité à devenir Alchimiste d'Etat, s'il ne l'avait pas mis sur le devant de la scène, le présentant comme un petit génie qu'il avait été cherché dans un coin paumé… Edward ne serait sans doute pas en danger de mort à l'heure qu'il est. Il serait chez sa grand-mère avec sa petite mécanicienne blonde et son frère. Certes, il serait sans doute malheureux, certes, il s'en voudrait sûrement de la bêtise qu'il avait commise par amour. Mais il serait en sécurité, loin de l'armée et de ses magouilles, loin de ces hommes corrompus qui gouvernaient le pays. Il serait vivant.
Car l'était-il encore ?
Roy serra les poings, rageur contre lui-même, manquant de s'étouffer sous l'angoisse qui l'étreignait et la honte qui l'envahissait.
_ Il n'y a personne ici mon Colonel, lança soudain la voix de Hawkeye, un peu plus loin devant lui, le tirant de ses pensées.
Respirant à fond, il revint près de la large porte et consulta rapidement son plan, cochant une croix sur l'entrepôt qu'ils venaient en vain de fouiller.
Edward et Alphonse avaient commis une erreur par amour, par envie, par désespoir, et tentaient de la réparer du mieux qu'ils le pouvaient. Parfait.
Lui aussi.
X.X.X
Edward poussa un faible grognement et se laissa aller contre le conteneur dans son dos. Envy avait fini de faire joujou avec son chat à neuf queues et l'avait appuyé là, le temps qu'il trouve un nouveau passe-temps. Le contact froid du métal sur son dos à vif lui faisait du bien, diminuant la sensation de brûlure qu'il éprouvait et la pénombre fraîche –qu'il avait maudit des heures plus tôt— lui permettait de ne pas voir la face de cauchemar de son tortionnaire. Et ça, ce n'était pas plus mal.
Si le silence était de rigueur autour de lui, Edward savait parfaitement qu'il était loin d'être seul. Tapi dans le noir comme une bête à l'affût, Envy se tenait tout près de lui. Il le sentait. Sans le voir, sans même l'entendre, il parvenait à distinguer sa présence muette, assis sur un conteneur non loin de lui. La malveillance qui émanait de sa personne aurait alerté n'importe qui.
L'homonculus était en effet perché sur une de ces caisses de transports immenses, n'ayant pas besoin de lumière pour y voir clair. Et il voyait parfaitement la petite chose avachie comme une loque à quelques mètres de lui. Il sourit dans le noir. Il avait des idées. Encore pleins d'idées. Des tas. Mais il savait qu'il devait faire vite, très vite et trier cette foule d'idées en pagaille qui se pressaient dans son esprit tordu. Les autres n'allaient certainement pas mettre bien longtemps avant de découvrir son refuge et de lui gâcher son Noël. Il ferait en sorte de gâcher le leur. Juste pour le plaisir.
_ T'es bien silencieux, mon p'tit Ed.
_ Je ne suis pas petit, répondit faiblement le blond, dans un sursaut. Entendre sa voix surgir de nulle part était angoissant.
Un éclat de rire lui répondit.
_ Vous les humains, êtes vraiment étranges. De vrais imbéciles. Vous êtes si facilement influençables, à croire que vous n'avez pas de cerveau. Tiens, c'est une bonne question. Peut-être devrais-je vérifier…
Edward sentit une sueur glacée couler le long de son front, glissant dans son cou alors qu'il entendait l'autre bouger dans l'obscurité. La vision furtive d'Envy en tenue de chirurgien lui glaça le sang.
_ J'ai envie de parler un peu Chibi-chan.
_ C'est pas réciproque…
_ Tu vois, j'ai vraiment rien contre toi. Mais le fait que tu sois son fils suffit à me donner la nausée. C'est pour ça que j'ai l'intention de te tuer.
Edward garda le silence. Il la connaissait, la raison de cette rancœur meurtrière. Son enfoiré de père. A croire qu'il ne pouvait rien faire de bien dans sa vie de merde celui-la. D'abord Envy, ensuite leur mère, puis eux…
C'était à cause de lui qu'il était là, attendant sa mort sans pouvoir agir sur le cours du temps.
_ Je le déteste aussi je te signale. Répliqua-t-il. Peut-être que coopérer avec son pseudo demi-frère allait le faire sortir de là ? Même s'il en doutait fortement.
Qui ne tente rien n'a rien, non ?
_ Et alors ? Je me fiche bien de savoir que tu le détestes. Qui ne le haïrait pas de toute façon ? Et ce n'est pas ce point commun qui va te faire sortir d'ici.
Et merde. Edward s'agita un peu, mal à l'aise, tentant de chercher une position un peu plus confortable. Ce qui n'est pas chose aisée quand on a le dos en feu, la main en charpie, plusieurs côtes de fêlées et un bras en moins. Tant qu'à faire, il fallait rajouter la fièvre, due à ses multiples blessures, qu'il sentait poindre sous son crâne palpitant. Si jamais il parvenait, par il ne savait quel miracle, à sortir vivant de ce bourbier, il en serait quitte pour prendre un abonnement à l'hôpital du QG.
_ Tu m'as l'air nerveux Ed, susurra l'homonculus, toujours perché sur son conteneur, n'ignorant pas que sa charmante petite victime allait de plus en plus mal à mesure que passait le temps. T'as trop chaud ?
L'intéressé grogna de colère mais se garda bien de répondre. Le silence reprit ses droits pendant plusieurs minutes, ou heures, il était difficile de faire la différence maintenant, et fut de nouveau brisé par le palmier.
_ Je me demande comment il va réagir, lorsqu'il apprendra la nouvelle. Lança-t-il, un brin songeur, comme s'il réfléchissait.
_ Comme le reste, il s'en foutra éperdument. Tu perds ton temps si tu espères le toucher en me prenant en otage.
_ Je ne t'ai pas pris en otage, je t'ai gentiment convié à une réunion familiale pour fêter Noël. Et je ne parlais pas d'Hohenheim.
Edward ne comprenait pas.
_ Comment ça ? Demanda-t-il, la bouche pâteuse. Il avait bien trop chaud pour que cela soit naturel et bien trop soif pour laisser présager quelque chose de bon.
_ Je parlais de ce cher Mustang bien entendu, déclara le timbré avec un reniflement dédaigneux, notant toutefois dans un coin de sa tête que les humains étaient moins vifs d'esprit lorsqu'ils avaient de la fièvre.
Edward comprenait encore moins, et la fièvre n'y était pas pour grand-chose. Quel rapport avec Mustang ? Il était vraiment perdu, cet emplumé mal peigné n'avait décidément aucune logique. Il parlait de son père et l'instant d'après, de son supérieur ? Qu'est-ce qu'il ne tournait pas rond chez lui ?
Question stupide tout, évidemment. Néanmoins, le fait qu'il parle de Mustang intriguait notre petit blond.
_ Tu sais que je déteste ce type presque autant que toi et Hohenheim ? Reprit Envy comme si de rien était. Il m'énerve, toujours à se fourrer dans nos pattes. On ne peut jamais être tranquille avec un mec pareil sur le dos.
Le Fullmetal ne pouvait s'empêcher d'être d'accord avec lui sur ce point-là. Il trouvait qu'il était souvent d'accord avec son demi-frère en ce moment, et ça ne lui plaisait pas vraiment pour tout dire.
_ Mais j'ai découvert un truc génial à son sujet. Tu vois, je fais d'une pierre trois coups en quelque sorte. Voir même plus si tu comptes toutes les personnes qui se font un sang d'encre pour toi. C'est quoi ton secret nabot ? Pourquoi est-ce qu'ils s'inquiètent tous autant pour ta petite personne alors que tu ne commets que des erreurs ?
Envy sourit doucement. Il adorait discuter avec ses proies avant de jouer avec. C'était une des parties qu'il aimait le mieux, outre le fait de torturer ladite victime et le moment de la mise à mort. Bien douloureuse.
Mais cette espèce de torture psychologique… c'était à se tordre de rire. Les voir changer de couleur, se mettre à pleurer, hurler, implorer le pardon des autres et nia nia nia. C'était vraiment trop drôle. Et avec Ed, cela promettait d'être grandiose. Ce gosse avait tellement de choses à se reprocher que c'en était presque trop facile.
Pas grave, il s'amuserait quand même.
Il descendit de son perchoir et se laissa tomber sur le sol avec souplesse, n'émettant qu'un bruit feutré au moment de l'atterrissage. Il se mit à déambuler devant le blond qui, s'il ne le voyait pas, le sentait nettement se balader à quelques pas de lui.
_ Tu vois, j'ai bien vite compris que cet idiot brun tenait beaucoup à toi.
Même dans le noir, il vit parfaitement la bouche d'Edward s'ouvrir un grand coup sous le choc. Mustang, tenir à lui ? C'était la meilleure de l'année celle-là. Ce type ne pouvait pas le blairer, et c'était réciproque. Il lui faisait sans cesse des remarques, sur sa taille, sur la façon qu'il avait de foncer sans réfléchir, sur la manière dont il écrivait, d'horribles petites pattes de mouches guère lisibles et autres joyeusetés de la sorte. Bref, on ne pouvait pas dire que l'on tenait à quelqu'un alors qu'on passait le plus clair de son temps à lui maintenir la tête sous l'eau comme le faisait le Colonel avec lui. Envy était décidément trop con.
_ T'as l'air surprit, Ed.
S'il était surpris ? Ah, ben ça c'était le moins qu'on puisse dire. Il était plus que choqué et stupéfait en réalité. Totalement dans les vapes. La fièvre aidant, bien entendu.
Parce que Mustang n'avait jamais tenu à lui, n'est-ce pas ? Cette espèce d'enflure en uniforme faisait tout pour le rabaisser, ne cherchait jamais à l'écouter ou bien à l'aider. Il ne le considérait que comme un subordonné gaffeur et chiant au possible. Rien de plus, rien de moins, et dans un sens, c'était très bien.
Edward n'avait aucune envie de s'attacher plus que ça à cet homme qu'il méprisait lui aussi. Mustang était seulement un moyen pour atteindre son but, rien d'autre. Un simple moyen.
Alors pourquoi est-ce qu'il avait soudain envie que cet abruti le trouve et vienne le sauver ? Pourquoi cela lui faisait mal, de songer qu'il pouvait effectivement s'inquiéter pour lui ?
_ Donc je le fais souffrir en même temps que toi, continua le brun, guilleret, en sautillant. Je sais qu'il s'en veut. Terriblement, j'en suis persuadé. Sous ses airs de « je me fous de ce qu'il peut arriver à mon équipe », il est aussi pathétique que les autres. Mais je crois que le plus drôle, ce sera quand il comprendra que j'en ai pas fini avec lui.
_ Qu'est-ce que tu veux dire ? Aboya le blond, ayant brusquement peur de saisir la portée de ses paroles.
_ Le problème avec toi, c'est que tu as tellement l'habitude d'avoir mal et de t'en prendre plein la tronche que ça n'en devient plus très intéressant.
_ …
_ Pour te faire souffrir comme il faut, il faut que je te culpabilise. Si toi tu es devenu plus ou moins insensible au fait que l'on te fasse du mal, c'est pas le cas des autres. Et c'est là que ça devient amusant.
Edward ne dit rien. Il le sentait venir, le plan tordu et malsain, que seul un cerveau aussi dérangé que le sien pouvait concevoir. Il sentait aussi que ça n'allait pas plus plaire du tout.
_ A ton avis, comment va-t-il réagir quand j'irai pendre sa charmante petite camarade blonde ? Ou bien ce que dira ton frère, lorsqu'il verra que votre mécanicienne s'est malencontreusement prit une étagère sur le crâne ?
_ JE T'INTERDIS DE LES TOUCHER !
Le hurlement traversa le hangar jusqu'à présent calme et se répercuta à l'infini sur les murs de béton. Edward haletait, tendu, tremblant de tous ses membres alors qu'une terreur sourde grandissait dans son ventre et envahissait tout son corps.
Il se fichait bien de souffrir, de mourir à la rigueur, tant que les autres ne risquaient rien. Il se fichait d'y laisser sa peau, tant que les autres, tout ceux qu'il connaissait, qu'il aimait, étaient en sécurité. Mais lui… Envy…
L'homonculus éclata de rire devant sa peur et son angoisse.
_ Tu t'inquiètes de leur sort alors que tu te trouves dans une position peu enviable. Est cela que vous appelez compassion ? Ou amour ?
_ T'as pas intérêt à leur faire le moindre mal ! Je…
_ Tu quoi ? Coupa le brun en s'approchant si brusquement de lui qu'Edward sursauta. Qu'est-ce que tu pourras bien me faire, dis-moi ? Dans ton état, la seule chose qu'il te reste, c'est mourir comme un chien.
Il se redressa et le toisa, ses yeux luisant dans la pénombre comme deux billes.
_ T'as pas compris que tu ne peux rien faire ? T'as pas compris que le maître, c'est moi ? Je vais te tuer. Tu vas mourir et ensuite, je m'occuperais de tous tes petits copains. Je terminerais par ton frère et ton abruti de supérieur. Ils les verront tous mourir. Les uns après les autres. Sans qu'ils ne puissent rien y faire. Et toi. Toi, tu sais tout ça. Et tu es aussi impuissant qu'eux. Tu vas mourir en sachant que tu ne pourras pas les sauver.
Edward poussa un feulement de rage et tenta de lui décocher un coup de pied. Envy l'évita sans peine et le gifla, presque blasé, le projetant à un ou deux mètres de là. L'alchimiste sentit le goût fade du sang envahir sa bouche et celui, plus amer, des larmes qu'il versait bien malgré lui.
Il pleurait parce qu'il avait mal, parce qu'il souffrait. Il pleurait parce qu'il avait peur, terriblement peur. Il pleurait parce qu'il se savait impuissant à tous les protéger. Parce qu'il allait mourir. Mourir en sachant la vérité. Et cela, plus que la douleur, plus que la peur, le déchirait de l'intérieur.
_ Alors dis-moi, qu'est-ce que ça fait maintenant, de connaître la Vérité ?
Envy éclata de rire. Comme un fou, un dément, il se tordit en deux, se tenant les côtes tant il trouvait la situation hilarante. Edward pria pour qu'il s'étouffe, fasse honneur au proverbe.
Mourir de rire.
Mais un homonculus dépasse bien trop souvent les lois de la physique. Un peu trop au goût du blond, qui sentait le désespoir le gagner. L'abattement se substituer à l'envie de vivre. Envie de lutter.
Envie de mourir. D'oublier. De laisser tomber.
Envy se redressa, tout sourire, pour contempler sa proie qui tremblait de rage et de chagrin dans son coin alors que lui jubilait plus que jamais. Il poussa un soupir faussement soulagé et posa ses mains sur ses hanches.
_ Il fait chaud ici tu ne trouves pas ? Que dirais tu d'un petit rafraîchissement ? Mmmh ?
Ni une, ni deux, le palmier bondit comme un danseur près de son conteneur où se trouvait encore la caisse à outils ensanglantée. Il se pencha, dos à l'Alchimiste qui sentait qu'une fois de plus, il n'allait pas aimer.
Pendant que l'autre s'affairait à il ne savait trop quoi, il tenta le tout pour le tout. Fuir. Loin, le plus vite possible. Attraper son bras qui gisait tristement à quelques mètres de lui et coller la rouste du siècle à cet emplumé. Lui faire payer chacune de ses paroles au centuple, lui faire ravaler ses menaces, remballer ses idées folles.
Le tuer, s'il le pouvait.
Et il éprouverait plus que de la simple satisfaction en accomplissant ce geste.
Mettant à profit ce qu'il lui restait de forces, Edward se traîna un peu en avant. Son corps était lourd, pesant, un véritable fardeau qu'il maudit intérieurement. Inonda de jurons mentaux lorsque la douleur se réveilla dans son épaule. Fulgurante, elle traversa son dos en une longue décharge de souffrance et il se mordit les lèvres jusqu'au sang pour ne pas hurler. Ne pas alerter le malade derrière lui, qui racassait dans son coin tout en chantonnant.
Si Envy chantonnait comme un enfant en bas âge, ce n'était certes pas un bon présage.
Méprisant la souffrance qui irradiait de son membre, il s'avança de quelques centimètres. Sentit la sueur qui lui coulait sur la peau se glacer instantanément lorsque le pied de son demi-frère se posa sur son dos, le plaquant sans aucune douceur sur le sol rugueux.
_ Alors ? Interrogea-t-il d'une voix basse, chargée de haine et de colère, se penchant à son oreille. On tente de se faire la malle ?
Il appuya vigoureusement son talon dans le creux du dos du blond, tournant et insistant jusqu'à lui en tirer des cris de douleur.
_ T'as voulu jouer au plus malin, hein ? Lança-t-il en même temps que son pied dans le flanc du blond qui gémit et cracha une flopée de sang, manquant de s'étouffer. Une côte de brisa.
_ T'as cru être plus rusé que moi ? C'est ça ?
Nouveau coup de pied, nouveau hurlement, nouvelle côte.
_ T'es vraiment pitoyable. Tu mérites même pas de vivre espèce de larve.
Il jeta un regard dédaigneux sur l'amas de chair gargouillant qui se trouvait être son demi-frère de transmutation.
Puis un sourire des plus beaux lui fendit le visage. Il se pencha sur Edward et le redressa.
_ Allez, dit-il, presque… gentil. On va pas se fâcher le jour de Noël tout de même. Bois donc un coup avec moi, mon frère.
Les yeux mi-clos, soufflant et luttant contre l'évanouissement, le blond se sentit redressé, le bras de l'homonculus dans son dos lui servant de dossier. S'il le contact de sa peau froide avec la sienne avec quelque chose d'apaisant pour les brûlures qui s'étalaient largement sur son dos, il ne pouvait s'empêcher de trouver ça répugnant, et aurait voulu fuir à des kilomètres de là. Il ne put même pas murmurer sa protestation et son dégoût pour l'infâme créature. Ne put que fermer hermétiquement la bouche en sentant la surface froide d'un verre se presser contre ses lèvres.
Ne pas boire ce truc. Surtout, ne pas le boire.
Envy ne l'entendit pas de cette oreille. Il le cala contre le conteneur le plus proche et attrapa ses joues entre son index et son pouce.
_ Bois donc, ça te fera le plus grand bien.
Il força le plus jeune à ouvrir la bouche avec brutalité. Edward rejeta la tête en arrière et se débattit comme il le put. Ils luttèrent ainsi quelques secondes, à peine, avant que l'homonculus n'ait le dessus et coince à moitié l'Alchimiste sous son poids. Edward sentit le verre venir percuter ses dents qu'il serra aussitôt, terrifié. Le brun grogna de frustration devant ses efforts inutiles pour reculer l'échéance et le frappa violement sur la joue.
Le souffle à moitié coupé, Edward dut ouvrir la bouche pour cracher sa dent un peu plus loin. Envy en profita et lui vida le contenu de son verre d'un trait, alors qu'il tentait de tout recracher.
S'il avait pu ou voulu ouvrir les yeux, il aurait sans doute vu le sourire triomphant qu'affichait l'autre, profondément heureux.
Ne pas boire, ne pas boire.
Lorsqu'Envy lui referma la bouche et qu'il manqua de s'étouffer, Edward fut contraint de tout avaler. Et le regretta vite. La douleur lui transperça la gorge, coupant net son hurlement. Comme un couteau aiguisé.
Pire que du poison.
Verre pilé.
X.X.X
Havoc écrasa sa cigarette d'un geste machinal et jeta un discret coup d'œil à son paquet qui dépassait de sa poche avant de pousser un petit soupir triste. Il venait d'entamer le deuxième de la soirée et celui-ci promettait de se vider tout aussi rapidement que le premier. Il fumait énormément lorsqu'il était angoissé.
Et Dieu savait qu'il l'était. Qu'ils l'étaient tous.
Il se redressa un peu, se passant la main dans les cheveux et échangea un regard peiné avec le Lieutenant Hawkeye, non loin de lui, qui abordait cette même expression.
Ils étaient tous sur les nerfs. Mais lui l'était encore plus. Il était clair qu'après cette histoire, il lui serait impossible de prétendre qu'il se fichait éperdument du sort du Fullmetal.
Le Colonel serra une fois de plus le poing, se retenant de tout faire flamber tant il était à cran. Et même ça, c'était peu dire. Il était pire qu'à cran, il avait dépassé le stade de la simple angoisse et n'était pas loin de la crise de nerfs en puissance. Pas loin de désespérer. Pas loin de renoncer.
Il se reprit, refoulant les larmes qui étaient insidieusement venues se glisser dans ses yeux de nuit et se passa une main sur le visage, rageur. Ils avaient passé tout Centrale au peigne fin. Tout ! Ils avaient fouillé entrepôts et vieux locaux désaffectés, caves abandonnées et autres sous-sols glauques à souhait. Ils avaient retourné tout Centrale pour découvrir une bande de dealers, quelques coins macabres ayant visiblement servis à autre chose que de simples fêtes entre amis, des caches de marchandises, des stocks qu'ils croyaient perdus, soigneusement rangés au fin fond d'un hangar.
Et pas une seule trace d'Edward.
Comme s'il s'était volatilisé. Comme s'il était…
Roy Mustang se retint de hurler de colère et de frustration.
Près de lui, ses hommes le regardaient, peinés, tourner en rond comme un fauve en cage. Ils étaient tous dans ce même état d'abattement qui succède à la peur et à l'échec. Et savaient, sans pour autant vouloir l'avouer, qu'ils ne pourraient pas le retrouver. Qu'il était sans doute trop tard à l'heure qu'il était.
Même Alphonse finissait par y penser. Debout un peu à l'écart des autres, il leva sa grosse tête vers le carillon de l'église qui annonçait maintenant minuit moins deux. Il aurait aimé sentir son cœur se serrer. Aurait aimé pleurer, crier, se laisser tomber à genoux et s'arracher les cheveux.
Il ne pouvait pas même soupirer.
Se contenta de fixer les aiguilles gigantesques de cette horloge noire qui semblait annoncer la fin de tout espoir encore vivant.
_ Nii-san…
Il jeta un coup d'œil en biais à la foule de militaires qui se tenait sur les marches, assis pour certains, debout et figés pour d'autres, attendant en silence dans la nuit froide un signe de leur supérieur. Signe qui ne venait pas, tant l'homme ne savait plus que faire. Alphonse leur était reconnaissant pour l'aide qu'ils avaient apportée, et il ne les tenait pas pour responsables de cet échec cuisant. Il aurait été trop égoïste de penser ainsi. Ce n'était pas de leur faute, ils avaient fait ce qu'ils avaient pu. Fouiller Centrale était déjà compliqué, et il avait eu tellement peu de chance pour que son frère s'y soit encore trouvé…
Qu'allait-il faire maintenant ? Seul, sans Edward, la vie n'avait plus aucun sens. Ne méritait plus d'être vécue. Ils s'étaient promis de rester ensemble et voilà qu'il se retrouvait abandonné par celui qu'il aimait le plus au monde.
Seul, enfermé dans une armure de métal, avec pour unique compagnie sa conscience sans cesse en éveil et ses remords.
Et cette sensation dérangeante d'avoir oublié quelque chose d'important.
Il aurait dû le retrouver. C'était sa mission, son devoir en tant que petit frère. Edward insistait toujours pour veiller sur lui, alors que lui-même était incapable de prendre soin du corps qu'il avait encore. Alors c'était lui, Alphonse Elric, qui le faisait à sa place. Ils veillaient l'un sur l'autre comme le faisaient deux frères profondément liés.
Alors maintenant, qui allait-il bien pouvoir protéger?
L'horloge sonna bruyamment le jour nouveau, résonnant lugubrement dans l'air glacé. Comme une marche funèbre. Comme pour pleurer un mort. Comme pour dire…
La lumière se fit soudain dans son esprit.
_ Colonel ! Le QG !
X.X.X
Le nom du monde est souffrance.
Et noir.
Immense, étouffant. Comme pour lui dire que ce qui l'attendait dans quelques minutes n'était pas si loin de la réalité.
Il aurait aimé pouvoir bouger, appeler, pleurer peut être. Il aurait aimé voir, revoir, sentir quelque chose d'autre que l'odeur du sang dans lequel il baignait.
Son sang.
Pourpre, épais, qui formait une large flaque autour de son corps disloqué.
Il sentait sa gorge déchiquetée, son dos lacéré, ses membres brûlés. Le verre sur sa peau, le verre dans sa peau.
Il entendait le sifflement rauque qu'il émettait, sortant de sa trachée perforée. Ressentait les battements frénétiques de son cœur qui tentait de juguler l'hémorragie. Le béton contre sa joue, l'odeur fade et écœurante du sang. La mort qui patientait, tapie comme un monstre sous un lit.
Le méchant croque-mitaine.
Le nom du monde est désespoir.
Il n'avait plus envie de lutter.
Envie d'abandonner, de laisser tomber.
Plus envie de vivre.
Il gémit, rampa sur une dizaine de centimètres. A peine. Avant de se laissait retomber. Sa vision se troubla, la nausée l'emporta. Des éclairs blancs zébrèrent l'espace autour de lui, taches luminescentes qui s'imprimèrent sur ses rétines. Dessinèrent dans la folie qui le gagnait, de vagues visages familiers.
Alphonse Winry Pinako Black-Hayate Riza Roy… tant d'autres encore, qui se succédaient sans cohérence sur l'écran de son esprit. Pêle-mêle d'émotions.
Il aurait aimé pouvoir les protéger, pouvoir les avertir, leur dire… il aurait aimé…
Regrets.
Infinis, sans limites, pour toutes ces choses qu'il n'avait pas pu faire, pas pu accomplir, pas pu réparer. Pour toutes ces promesses qu'il n'avait pu tenir. Trop loin, trop dures.
_ Al…
Le nom lui échappa, faible râle qui résonna au milieu du noir, se perdit dans l'obscurité, seul témoin de sa lente agonie. Fut submergé par le son nasillard du vieux victrola qui laissait défiler sans se lasser, ses chants de Noël.
'Dashing through the snow'
'On a one horse open sleigh…'
Le nom du monde est souvenirs.
Intenses, lumineux, qui le tiraient vers le haut. Qu'il voyait défiler sous ses paupières closes sans chercher à les attraper. Comme une mosaïque de couleurs, un carillon de sons, un flot de sensations, le laissant tremblant et démuni devant leur puissance.
Le nom du monde est solitude.
Il était seul, seul avec lui-même, attendant la mort qui mettrait moins de temps que prévu pour venir le chercher.
Envy l'avait finalement laissé là. Dans le noir et la musique, touche cynique de son cru. Il avait bien joué, il était repu. Ne restait plus qu'à attendre que le temps fasse son office.
Il était seul. Avec ses souvenirs, ses regrets, ses remords, sa douleur.
Douleur qui le transperçait de l'intérieur, le brûlait, consumait ce qui lui restait de conscience. Douleur qui devenait plus forte, aspirait son âme.
Il aurait aimé leur dire… leur dire à tous…
Juste… quelques mots… juste ça…
Al… son petit frère…
…tellement désolé…
Le nom du monde est souffrance.
Le nom du monde est noirceur.
Le nom du monde est…
Est…
'Oh jingle bells jingle bells, jingle all the way…'
X.X.X
La porte du hangar C8 vola en éclats, comme les autres avant lui, et laissa entrer une flopée de militaires, armes au poing. Roy Mustang se précipita au-devant de tout le monde, la rage au cœur et les doigts prêts à claquer sur tout ce qui pouvait ressembler de près ou de loin à un homonculus mal peigné. Le hangar, l'un des plus vieux du QG, était depuis longtemps inutilisé et abritait seulement des conteneurs vides qui prenaient la poussière. Un lieu sombre, glauque, idéal pour servir de repaire à un psychopathe en chef et cacher un corps.
En espérant que ce ne soit pas le cas.
Le Colonel fit quelques pas à l'intérieur. Le noir était complet, on n'y voyait pas à trois mètres et il manqua de se prendre les pieds dans une caisse à outils qui se trouvait là. Baissant les yeux sur l'objet qui avait failli le mettre à terre, il constata avec horreur que la boite de métal était tachée, par-dessus la rouille, de sang coagulé. Il se redressa vivement, cherchant des yeux un quelconque interrupteur susceptible de lui dispenser d'avantage de luminosité que la lueur rouge des veilleuses qui lui brûlaient les yeux et accentuaient les ombres.
_ Allez me chercher de la lumière bon sang ! Beugla-t-il à ses subordonnés qui se trouvaient près de lui sans oser bouger. Fuery partit en courant satisfaire sa requête.
S'avançant prudemment entre les énormes caissons de chargement qui s'élevaient çà et là dans l'immense entrepôt, il ne put s'empêcher de se maudire en silence. Il s'en voulait de ne pas avoir pensé plus tôt à venir chercher au QG. Comment aurait-il pu se douter qu'Edward était à deux pas d'eux, piégé dans leur propre camp ? Maintenant qu'il y pensait, évidemment, cela lui apparaissait comme logique.
Envy était le cynisme à l'état pur, alors quoi de mieux que de torturer ses ennemis sous le nez de leurs camarades sans que ceux-ci en aient conscience? Il aurait dû le savoir, le deviner. Il aurait dû le sentir. Si jamais Edward…
Il ne pourrait pas se le pardonner.
A côté de lui, avançant le plus silencieusement possible, Alphonse était dans le même état d'esprit. Comment avait-il pu passer à côté de cela ? C'était pourtant d'une évidence, ça aurait dû lui crever les yeux. Il secoua la tête, chassant les remords, la honte peut être, qui lui envahissait l'esprit. L'heure n'était pas aux regrets, pas maintenant du moins. Il devait trouver Edward. C'était plus qu'une question de vie ou de mort. Plus que…
_ Colonel ! Là-bas, il y a quelque chose !
C'était un militaire blond, qui venait de les interpeller depuis le fond du hangar. Les hommes de Mustang s'étaient déployés dans tout le bâtiment, certains à l'extérieur pour couper toute retraite à un éventuel criminel, les autres arpentant tant bien que mal le hangar, prenant garde à ne pas trébucher dans le noir alors que Fuery à l'entrée, s'escrimait pour rétablir le courant. Mais même sans lumière, le jeune militaire avait réussi à distinguer la silhouette noire et immobile d'un humain, étendu sur le sol à une dizaine de mètres de lui. Et la musique grésillante d'un chant de Noël. Sans perdre une seconde, Roy se mit à courir dans sa direction, le cœur prêt à exploser, Alphonse sur ses talons, Riza non loin, prête elle aussi à intervenir. Ils parvinrent à sa hauteur, avisèrent la forme qui avait alerté ses sens et l'odeur les frappa.
Entêtante, métallique, elle émanait du corps en face deux, coincé entre deux conteneurs dans une position impossible. Roy fit un pas, Alphonse le devança, crissant sur le béton, sans se rendre compte qu'il courait dans un bruit d'enfer pour rejoindre le corps étendu.
Sans se rendre compte que l'espoir qu'il nourrissait encore et l'angoisse qui l'étreignait auraient suffi à tuer un simple humain. Mais Alphonse n'était plus un humain. Qu'une âme attachée à un bout de métal.
Et avec son frère, ils s'étaient promis de retrouver leurs corps ensembles. Il n'avait pas le droit de briser la promesse qu'il lui avait faite. Cela ne faisait pas partie du jeu, pas partie des règles qu'ils avaient fixées tous les deux.
Mais Edward avait toujours été un incorrigible tricheur.
Alphonse n'était plus qu'à quelques pas lorsque la lumière fut enfin rétablie. Inonda la vaste salle de sa couleur éclatante, dissipant les ténèbres et mettant fin au cauchemar.
_ NII-SAN !
Ou accentuant sa réalité.
Envy et Ed, lisent par-dessus mon épaule.
Alors ?
Envy : … sans mentir ?
Sans mentir.
Envy : c'est le meilleur Noël que j'ai jamais passé de ma vie !
^^ Je me doutais bien que ça te plairait.
Envy : si ça me plait ? Mais évidemment ! R'garde moi ça, j'en ai encore des frissons !
Ed* tout pâle* : T'es vraiment une malade. Vous êtes deux malades.
Et c'est pour ça qu'on s'adore. Et vous ? Elle vous plait la fin ? Oui, je suis sadique et oui, ça laisse sans doute un peu sur sa faim. En plus j'avais promis de finir vite et c'est pas le cas…. Je comprendrais très bien que vous soyez un tantinet énervés.
Mais vous pensiez quoi aussi ? Que j'allais vous faire une happy end ? J'ai du mal avec ça, désolée ! Et puis, les plus optimistes peuvent toujours se dirent qu'ils ont tout de même réussi à arriver à temps et qu'Edo se trouve en ce moment même à l'hôpital, bien traumatisé. C'est vous qui voyez en fonction de ce que vous voulez.
Et voila, la fin de cette très joyeuse fic. Et encore, je suis restée très sobre, y a pas tant de sang que ça quand on regarde bien.
Envy *grande moue déçue * : Oh… pas cool.
J'aime torturer les persos, que voulez-vous ? Je tiens à remercier tous ceux qui sont venu lire ceci, et tout particulièrement ceux qui ont eu la gentillesse et la patience de laisser des reviews. Merci encore, et au plaisir de vous retrouver sur d'autres pages, qui sait ?
Naé.
Edit: Avec le recul, je me rends compte que j'y suis sans doute allée un peu fort niveau torture autant mentale que physique. Si je le regrette? Pas du tout! Y a marqué "horror" dans les choix du genre! Allez pas me dire que vous n'avez pas été prévenus! Cela dit, peut être qu'un rating M n'aurait fait de mal à personne...
Et tant que j'y suis: rien de tout ceci n'est à moi, bien entendu: Fullmetal est l'entière propriété d'Hiromu Arakawa. Merci pour votre lecture!