Disclaimer: Ils sont pas à moi, tant mieux pour eux
Remerciements: A Lulu, sans qui cet OS serait resté à la place qu'il mérite (au fond de mon ordi). Vous savez sur qui lancer les pierres :p
A Grenadine, pour sa patience, pour avoir rendu ce texte lisible en éradiquant mes nombreuses fautes. Merci ma Dine *___*
A Artoung, pour sa gentillesse et son soutien (même si t'as vraiment mauvais goût ma belle fée :p)
A Sean, parce que c'est elle
Note du champi: Cet Os n'est pas de ma faute! Il n'aurait jamais du paraitre devant vos yeux et je m'en excuse, disons que je suis faible (le chantage c'est le MAL). J'espère qu'il vous distraira au moins un peu ^^ Et bonne chance :p
Lumen
J'étais
dans l'herbe, assis en tailleur, comme l'élève trop sage que je
n'avais jamais été. Ma baguette à la main, les yeux sur le
château, le fixant sans le voir. Surtout sans le voir. Sa silhouette
rassurante me semblait alors la plus atroce des hypocrisies.
Je ne
savais pas ce que je faisais là. Je ne le sais toujours pas. Je
fuyais quelque chose. La peur je crois. Et je m'étais laissé
tomber au milieu du parc quand je m'étais aperçu que je ne
pourrais pas la semer.
Quand j'ai entendu cette démarche empressée, ces pas décidés mais discrets, je n'ai pas eu besoin de réfléchir ou de me retourner pour te reconnaitre. Cette révélation m'aurait effrayé un autre jour. Elle ne m'a tiré qu'un sourire désabusé.
« Qu'est ce que tu fais
là Potter ?
- J'ai peur du noir. »
Je ne comprenais pas, j'étais déstabilisé par cette réponse totalement surréaliste digne de Lovegood. J'ai dû hausser un sourcil car, même si je n'ai presque plus aucun contrôle sur ce tic étrange, il t'avait tiré un sourire fin, réprimé. Juste un frémissement, à la commissure des lèvres, qui indiquait clairement que tu retenais un rire ou un sarcasme moqueur. Pour ne pas me blesser peut être, ou pour préserver la trêve étrange qui flottait dans l'air. Mais tu te retenais, et durant un instant j'ai eu envie de te frapper, de faire voler en éclat cette réserve prudente que tu nous imposais et qui nous allait si mal.
Tu tu as désigné mes
mains d'un geste négligent du menton et en baissant les yeux, j'ai
fini par comprendre que tu faisais allusion au lumos qui brillait
faiblement au bout de ma baguette. Ce n'était rien qu'une petite
sphère tremblotante, d'une luminosité fantomatique plus
angoissante que rassurante, mais elle perçait l'obscurité du
parc. Je l'ai éteint immédiatement, elle m'était soudain
insupportable.
Tu t'es crispé. Je m'en suis aperçu malgré
la pénombre. Ton dos s'est raidi, tes poings se sont fermés et
contractés en un spasme. Mais pourtant ton visage ne s'est pas
froissé d'un soupçon d'angoisse, conservant cette expression
lisse et songeuse. Quand avais tu finis par t'habituer à la peur
au point de ne même plus y prêter attention ?
Je me déteste pour la culpabilité qui m'a submergé, pour avoir été incapable de réfléchir à autre chose qu'à une façon de rallumer avec naturel cette satanée baguette. Je n'y suis pas parvenu, et je crois que je n'ai jamais exprimé autant de haine dans un sort que je n'en ai mis dans ce petit « lumos ». Tu n'as pas ri de ma défaite, tu t'es seulement détendu visiblement. Dans le cas contraire je crois que je serais vraiment devenu violent.
«
Qu'est ce que tu fais dehors en pleine nuit alors ? »
J'avais
attaqué, pour te faire oublier ma faiblesse plus que par
curiosité.
« Je ne voulais pas déranger mes
amis. Ils étaient tous très occupés.
- Erk. Je suppose que tu
fais allusion à la belette et son castor se disant adieu de la moins
biblique des façons ?
- Il y a de ça, as-tu ri
- Répugnant
-
Honnêtement, j'essaye de ne pas mettre trop de détails sur ce qui
se passe derrière les rideaux du lit de Ron. Heureusement que Mione
maîtrise à la perfection les sorts de silence. Ce n'est pas le
cas de Seamus et Dean »
Il m'a fallu quelques secondes
d'intense concentration pour remettre des visages sur ces prénoms.
Et quand finalement je me suis souvenu de ces deux sangs de bourbes
toujours derrière toi, j'ai du avoir l'air vraiment choqué car
cette fois tu as laissé échapper un sourire malicieux. Un sourire
de gosse, un sourire que tu avais souvent il y a des années, des
siècles, avant que la guerre ne vienne pervertir le jeu.
Je ne
savais qu'il était possible d'être si vieux à seulement dix
sept ans.
« Ils sont ensembles ?
- Non. J'étais
pourtant persuadé qu'ils allaient se déclarer ce soir, mais quand
je suis parti, ils se tenaient juste la main et ils discutaient de
football -un sport moldu. Il semblerait qu'on n'ait plus le temps
de construire autre chose…
- Tes copains sont des abrutis
Potter
- Un peu parfois »
Et pourtant. J'aurais voulu te
dire que je comprenais.
Car je comprenais tu sais.
Je
t'aurais raconté le regard de noyé de Blaise et celui de Théo
qui, pour la première fois, avait perdu son éternelle neutralité
pour laisser place à un gouffre qui m'avait terrifié. Je t'aurais
murmuré leurs regards déjà morts dans leurs corps trop vivants. Je
t'aurais décris leurs silhouettes imbriquées, comme s'ils
espéraient qu'on ne parviendrait jamais à les séparer au matin,
s'ils parvenaient à s'emmêler suffisamment. Je t'aurais
rapporté cette conversation à propos de crins de licorne dans les
potions de stabilité, tellement dérisoire, comme pour compenser
l'intensité de ce qu'ils exprimaient dans chacun de leur
silence.
Mais à quoi bon. Tu ne m'écoutais déjà plus. Tu fixais le lac, toujours songeur et sans trace tangible d'angoisse ou de tristesse. J'ai laissé mon regard déraper sur le lac, mais je n'ai pas su voir ce qui retenait ton attention. Pour une fois, l'eau était belle, plus argenté que noir. Elle reflétait avec une perfection écoeurante ce ciel sans étoile, miroir liquide où ondulait doucement la lune. Pour notre dernière nuit, j'aurais aimé la voir pleine et grandiose, là où son pouvoir atteignait son apogée et déclenchait marées et transformations monstrueuses. J'aurais aussi aimé une nuit noire, totalement, pour oublier que l'aube devrait bien arriver à un moment ou un autre. Mais nous n'avions droit qu'à un misérable croissant, ridiculement banal. J'avais l'impression que du haut de son écrin de nuage cette caricature de lune se moquait ouvertement de nous.
J'aurais
aimé trouver quelque chose pour accrocher mon regard dans le
paysage, mais malheureusement rien n'est parvenu à m'empêcher
de t'observer. Après tout, c'était la dernière fois, j'en
avais bien le droit non ? J'aime à penser que oui.
La
luminosité était définitivement trop faible, et j'ai lutté pour
ne pas m'approcher de toi. Je te devinais en ombre chinoise, ombre
claire finement ciselée sur la pénombre de la nuit. Tes cheveux en
bataille, éternelle insulte capillaire, tes longs cils fournis,
l'arrondi démesuré de lunettes démodées, un nez fin, la courbe
douce d'une mâchoire. Naturellement, avec une facilité qui me
terrifie encore, j'ai retracé à l'aveuglette tes pommettes,
hautes et saillantes, ton menton carré et la fameuse cicatrice,
blanche sur une peau halée.
Je ne voyais pas tes yeux, et ça me
dérangeait profondément. Je ne sais pas si on te l'a déjà dit
Potter, mais quand on ne voit pas tes yeux tu ressembles à une
poupée de cire. Un peu trop bronzée peut être, un peu trop belle
dans son imperfection. Mais sans vie réelle. Bel automate, mais
automate quand même.
Dis moi Potter, cette nuit, est ce que tes
yeux brillaient encore de cet espoir insensé, fougueux et
irrationnel, entre colère et passion ? Pétillaient-ils encore de
cette confiance absurde en l'homme, en la victoire, en la vie ? Ou
avaient ils fini par se ternir ? Dis moi Potter, cette nuit
était-elle parvenue à tuer ce qu'une vie de guerre avait échouée
à briser, à dissoudre définitivement les restes de l'enfant
maigre et émerveillé que j'ai appris à regretter ?
Je voudrais le savoir. Ca me hante un peu tu sais.
Tu avais forcément dû sentir mon regard sur toi, percevoir mon analyse méticuleuse et frustrée, mais tu t'y es soumis docilement. Une nouveauté, encore, tu n'avais jamais été adepte de la passivité avant. Je n'ai jamais été adepte de la nouveauté. Tu as fini par te retourner, doucement. Je ne voyais toujours pas tes yeux et ma main me démangeait de ne pouvoir lever ma baguette au niveau de ton visage.
« Potter, si tu es venu me faire un petit laïus comme quoi j'ai fait le mauvais choix, tu peux te barrer, Théo et Blaise s'en sont déjà chargés. Ta conscience peut être soulagée, tu as tout fait pour me faire passer chez les gentils, mais il est trop tard pour moi.
-Tu le penses vraiment ?
-Le soleil se lève dans à peu près trois heures. Des dizaines de mangemorts accompagnés du seigneur des ténèbres vont arriver, et Poudlard va se refermer sur nous comme une botruquière. Le camp dont au moins un membre restera debout aura le droit de revendiquer le château comme sien. Oui, je pense que là il est trop tard pour beaucoup trop de choses Potter…
-Tu penses vraiment que tu as fait un choix ? Je ne vois pourtant pas une personne de notre génération qui puisse vraiment s'en vanter. Ron et Hermione me suivent et s'apprêtent à mourir pour moi, par pure amitié. Neville se bat pour oublier les murs d'une chambre à sainte mangouste tapissée de papiers de bonbons. Dean et Seamus préfèrent prendre le risque de mourir en résistants qu'en tant que sangs de bourbe. Ginny veut faire ses preuves, et ne voit qu'une occasion parfaite de réaliser ses projets. Tu suis tes parents et dix sept ans d'éducation. Nous avons tous nos raisons, et je pense que personne n'est autorisé à les juger.
-Je ne te connaissais pas cette tolérance pour les mangemorts Potter. Tu te fous de moi c'est ça ?
-Je hais les mangemorts pour ce qu'ils font. Je les tuerais dans quelques heures car ce sera eux ou moi, et que je me refuse à connaître le monde qu'ils veulent créer. Mais je ne suis pas naïf au point de me convaincre qu'ils suivent tous par fanatisme. Tu n'as jamais été ce genre là.
-C'est un bien beau discours Potter, digne de ton amie castor de bibliothèque. Mais dis moi, que fais tu de ceux qui combattent par conviction ? Blaise et Théo ont bravé leurs familles, leur sang et des années de conditionnement pour rejoindre votre camp, pour défendre leurs opinions. Dis moi Potter, quelles excuses trouves tu à tous ceux qui ne parviennent pas à accomplir ce que deux adolescents ont fait ?
- Pourquoi me positionnes-tu d'office en avocat du diable ? Je ne suis pas bien placé pour ce rôle Malfoy… Tu sais, il faut avoir connu le rire de son père, sa fierté lors de l'achat de sa première baguette pour juger celui qui se refuse à la lui brandir entre les deux yeux. Il faut avoir connu les bras de sa mère, son parfum et son amour pour juger celui qui se refuse à combattre aux côtés de ceux qui seront ses meurtriers. Il faudrait ne jamais avoir causé la mort d'innocents pour survivre pour pouvoir juger celui qui choisi de faire de même. Je n'ai aucun droit de te condamner Malfoy et crois moi, cette simple pensée m'écœure.
-…Je crois surtout que c'est la chose la plus traumatisante qu'il m'est été donnée d'entendre….
- Fous-toi de moi. Que veux tu, depuis que sa couverture d'espion a été éventée, j'ai du passer de longues, loooongues heures à m'entrainer avec Snape. C'est un enfoiré fini, frustré de la vie, le pire des nuisibles hantant le château et ses méthodes pédagogiques sont plus qu'inexistantes. Mais il lui arrive de dire des choses sensées parfois. Rarement. On a pas mal parlé de la guerre, et je dois reconnaitre qu'il est au final l'adulte le plus franc à ce sujet, même si son opinion se borne généralement à « vous êtes un morveux arrogant et égocentrique, digne fils du pire abruti que cette terre ait connu et vous ne méritez pas un millième de la confiance qu'on vous accorde». C'est un connard, mais je ne peux plus me permettre d'ignorer ses propos juste pour ça. Il connait les secrets et les tabous peu reluisants qu'on me cache pour me faciliter les choses, et à présent j'ai besoin de les connaître. Et puis il peut être convainquant quand il le veut…
-Tu as vieilli
-Et oui, nous avons tous muri. Ca doit être un bien quelque part, même si j'ai du mal à voir vraiment où.
-Ce n'est pas ce que je voulais dire, mais c'est vrai aussi »
Je n'ai jamais
tué pour lui Potter.
A ce moment j'aurais voulu te le hurler,
te le prouver par tous les moyens à ma disposition. Car je voyais
que malgré ton discours, tes yeux ne pouvaient faire autrement que
chercher le sang d'innocents sur mes mains.
Tu ne m'aurais pas
cru je pense, c'est pour cela que je me suis tu. Ou peut être
parce que je craignais que tu ne le fasses justement, et que je ne te
trahisse une fois de plus.
Mais c'est vrai tu sais, je n'ai jamais tué. Depuis la mort de Pansy, et la désertion de Blaise et Théo, ses deux éléments les plus prometteurs, le seigneur des ténèbres est devenu prudent. Il sait que beaucoup des jeunes Serpentards me suivraient si je changeais de camp, et il a besoin de tous ses mangemorts. Il sait aussi que mon père me suivrait. Le seigneur des ténèbres le fascine, mais je suis son seul héritier. Et le nom des Malfoy passe avant tout. Jamais il ne prendrait le risque de me voir mourir sans rien faire. Et, plus que la perte d'un de ses vieux mangemorts, c'est celle du trésor Malfoy et de ses trente mercenaires qui l'handicaperait. Il pourrait tuer mon père, mais tout reviendrait alors à mère. Et, aussi étrange que cela puisse paraître, elle le dérange car il ne peut pas la manipuler. Ma mère a hérité de la folie des Black, même si elle ne se devine pas au premier abord, et le seigneur des ténèbres lui-même évite de trop l'approcher. Je me demande parfois ce qu'il a bien pu lire dans sa tête la seule fois où il a usé de légilimencie sur elle. Je pense que je ne veux pas le savoir.
Tu sais, je
devais tuer une moldue, quelques jours après avoir été marqué.
C'était ma première mission et elle s'appelait Sofia. Elle
était belle, de cette beauté rayonnante des femmes enceintes. Je le
sais, car elle me l'a sangloté en me suppliant de l'épargner.
J'ai été incapable de lever ma baguette contre elle et elle a
souri au travers de ses larmes. Et ma tante l'a assassinée dans le
dos, sans aucune hésitation, en bavardant avec Mc Nair qui torturait
son mari. Je n'ai rien pu faire pour les en empêcher.
J'ai
pleuré tu sais Potter, et je t'ai détesté pour ne pas avoir été
là pour les sauver. Pour ne pas être venu me sortir de cette maison
remplie de hurlements et de rires, pour me laisser redevenir une
victime alors que j'avais choisi le camp des bourreaux. Je n'ai
jamais eu l'étoffe d'un héros Potter.
A cet instant, j'ai eu envie de tout te raconter. De t'avouer que je n'avais pas pu la tuer. Qu'elle était moldue mais qu'elle était belle. Qu'elle s'appelait Sofia. Te confier mon plus grand secret, et attendre ton jugement peut être. Ta déception pour l'avoir laissée mourir sans réagir. Ta grimace dégoutée devant cette autre preuve de ma lâcheté. Mais tu aurais su.
« Malfoy ? »
Je n'ai rien dit. J'ai choisi d'être lâche une fois de plus. Et j'avais alors tellement peur que tu t'en ailles, me laissant seul dans le noir avec le souvenir du regard trop clair de Sophia. Je crois savoir pourquoi tu crains l'obscurité Potter.
«
Quoi Potter ?
-On va mourir hein ?
-Ca me parait inévitable.
Surtout pour toi.
-Enfoiré
-Assez de mots doux Potty, Weasel
va être jaloux
-Laisse ce pauvre Ron en dehors de ça, lui n'a
pas intérêt à ne serait ce qu'être blessé, ou je jure qu'il
le sentira passer. Toi par contre…Eh bien, disons que j'ai
toujours adoré te voir mourir »
Les mots auraient pu être
anodins. Mais il y avait ce sourire, que je connaissais trop bien. Je
pensais que, jusqu'au bout, aucun de nous deux n'y ferait
allusion. C'était du passé non ? Ca n'était rien d'important
n'est ce pas ?
Mais comme une clé, il a suffit de retrouver
cette expression perdue depuis trop longtemps pour rouvrir notre
boîte de Pandore.
Juste ce sourire amer, celui d'une reddition
trop fière sur ton visage encore brouillé par le sommeil. Nu entre
mes draps.
Tu es beau nu, j'aurais aimé avoir le courage de te
l'avouer.
Mais ça n'était rien Potter, je te l'ai
suffisamment martelé ce matin là. Et ceux qui ont suivi. Ca n'était
rien, rien d'important, rien du tout, rien que la peur, les
hormones, la guerre. Juste deux adolescents perdus au cœur de
l'horreur, n'ayant plus rien à perdre et que la haine avait
entrainés un peu trop loin.
Tu n'avais pas le droit d'en
parler Potter. Mais tu étais visiblement décidé à utiliser toutes
les armes à ta portée. J'aurais réagi de la même façon, je ne
peux pas critiquer. Mais tu n'aurais pas dû.
C'était
derrière moi tout ça, depuis longtemps. J'avais oublié l'image
de ma peau marquée contre la tienne. Ton regard terrorisé, brisé,
comme si tu étais celui qui afficherait désormais à même ton
corps une éternelle preuve d'esclavage. J'avais oublié le
contact doux du drap enroulé sur mon bras pour ne plus voir l'encre
noire ramper sur mon poignet. J'avais oublié tes ongles enfoncés
dans ma peau, tes sanglots silencieux dans mon cou et le goût de tes
larmes sur ma langue. J'avais oublié un baiser fantôme, un
renoncement qui nous ressemblait si peu et le bruit discret d'une
porte que tu t'étais même refusé à claquer. J'avais oublié
le manque qui ronge comme de l'acide, le froid glacial de mes draps
et les doigts qui se referment dans le vide au creux de la nuit.
Tu
vois Potter, je ne me souvenais plus de rien.
Ou si peu.
Mais
il n'a fallu qu'une phrase pour que tout me revienne. Je ne te
savais pas si cruel Potter. Ou plutôt, je l'avais oublié
aussi.
Cette première nuit sans douceur, le soir de la mort
de Lupin. Le goût du sang et de l'alcool, à la lueur d'une lune
encore presque pleine dont tu détournais les yeux avec rage.
D'autres nuits, quelques semaines plus tard, pour des coïncidences
sans importance. Par frustration. Pour le plaisir, un peu. Et le
hasard, qui faisait de mieux en mieux les choses, presque chaque
nuit, de plus en plus régulièrement. Plus vraiment d'excuse, plus
le temps.
Ton sourire sur le seuil de ma porte, cette
autodérision latente alors que tu cédais le premier. La lueur de
triomphe dans ton regard en me trouvant adossé au mur face à
l'entrée de ta tour.
Ton odeur qui imprégnait mes draps et le
goût de ta peau. Ton odeur après un vol en balai sous la pluie,
métallique, sauvage et affolante. Ton corps trop souple, vierge de
toute blessure, sur lequel la guerre ne semblait pas avoir de prise.
Tes gémissements bas et tes soupirs rauques, si doux qu'ils
résonnent parfois encore à mes oreilles. Les griffures, les
morsures et les insultes murmurées, le mal que l'on se faisait
pour avoir bonne conscience. Le plaisir, balayant tout. Tes yeux. Toi
roulé en boule le matin, râlant pour ne pas se lever. Ta silhouette
de dos, nue sous ma douche, se retournant lentement avec un sourire
moqueur. Ta main dans mes cheveux, la mienne sur ton ventre. La peau
douce de ton cou et de ta nuque. Ton rire parfois. Tes grimaces
exaspérées souvent.
Et cette porte que tu n'as pas claquée.
Ton indifférence, comme une blessure cuisante et impossible à
guérir. Ta haine de nouveau, renaissant de ses cendres à force de
la chercher avec acharnement. Ta haine qui me faisait revivre en me
tuant, car elle ne déraperait plus. Car tu ne te perdrais plus entre
mes bras.
Tu n'aurais pas dû Potter. Nous étions parvenus à enterrer cette erreur, l'exhumer n'a fait que nous détruire un peu plus. Je te déteste pour ça aussi.
« Malfoy ?
-Hm
?
-J'ai menti. Je ne veux pas que tu meures.
-Ca me touche
merci Potty. Je dirais ça à tes amis quand ils me planteront une
baguette entre les deux yeux. Je suis sûr qu'ils y seront très
sensibles.
-Tu ne pourrais pas te planquer dans un coin juste pour
quelques heures ?
-Tiens tiens Potter, on essaye de démobiliser
les troupes adverses ? C'est sournois, même de ta part.
-Mais
bordel Malfoy, pourquoi tu ne te comportes soudain plus comme le
connard de Serpentard égoïste que tu es alors que, pour une fois,
c'est utile ! Si tu combats tu vas mourir, tu t'en rends compte ?
Des septièmes années, il ne doit bien y avoir que Zabini et Nott
qui n'espèrent pas tomber sur toi dans quelques heures pour te
régler ton compte !
-Et toi ?
-Je préfère ne pas y penser.
Je ne veux pas envisager d'avoir à faire ce choix.
-Hésiter sur un champ de bataille te tueras plus surement qu'un
impardonnable Potter. Ne commets pas cette erreur.
-Vas te faire
foutre. Je ne veux pas que tu meures.
-Moi non plus Potter, moi
non plus… »
Tu avais l'air tellement frustré, tellement désespéré. C'était donc pour cela que tu étais venu. Pour me convaincre de fuir, de vivre. Tu es un abruti Potter, tu le resteras jusqu'au bout.
« Soyons honnêtes une minute Potter. Nous
savons tous les deux que c'est dans le camp du seigneur des
ténèbres que j'ai le plus de chances de survivre. L'ordre du
phénix va combattre à presque un contre deux.
-C'est
possible…
-Et fuir reviendrait à mourir de toute façon. Je
préfère encore mourir de la baguette de Granger, Weasel ou de
Blaise. Car tu te trompes, il le ferait. Il m'aime, mais il me
tuera sans hésiter s'il me croise, car il aime encore plus Théo.
Il tuera tous ceux qu'il considérera comme un danger pour lui, et
crois moi sur parole, vous avez hérité d'un grand combattant.
-N'y a-t-il donc aucune autre solution ?
-Tu en vois une toi
?
-…Je te déteste
-Je sais »
Il y a eu un silence hésitant, qui s'est étiré durant de longues secondes avant que tu ne finisses par reprendre la parole d'une voix vacillante. La peur commençait à te rattraper, et cela me terrifiait.
« Je
sens que je vais regretter beaucoup de choses tout à l'heure,
devant Voldemort.
-Du genre ? Ne pas m'avoir dit à quel point
tu admirais ma façon de jouer au quidditch et m'avoir avoué qu'en
réalité tu triches depuis six ans pour me vaincre ?
-Tu voles
comme un crapaud atteint d'arthrite, fais toi une raison. Non, des
choses moins précises-et plus réalistes. Voir vieillir Ron et
Hermione. Connaitre le couple formé par Dean et Seamus. M'acheter
une maison. Devenir parrain. Faire un voyage en Roumanie pour
observer les dragons dans leur environnement naturel. Dire droit dans
les yeux à Snape qu'il est un con fini, et essayer de travailler
pour de bon les potions. Ne jamais avoir lu l'histoire de Poudlard…
»
Tu t'es ensuite tourné vers moi, attendant calmement mes
moqueries. Ou attendant que je te réponde.
J'ai préféré le
silence. Car ce n'est pas ce futur idyllique d'une amitié solide
qui me tourmente encore. Tu sais Potter, Théo et Blaise seraient
bien assez de deux pour compter leurs cheveux blancs. C'est une
vision bien plus dérangeante, bien trop déplacée, qui sera mon
seul regret.
J'aurais aimé connaître le grand Auror,
l'avocat, le ministre, voir ce que pouvais donner un esprit de
sacrifice aussi stupide dans cette société pourrie et agonisante.
J'aurais voulu te voir t'escrimer à essayer de redresser seul la
barre, et observer avec fascination ton acharnement à pousser seul
le rocher de tous. J'aurais aimé rester ton écueil personnel, te
voir chavirer et, peut être, te tendre la main une seconde fois.
J'aurais voulu connaître l'adulte qui t'écrase depuis déjà
trop de temps.
J'aurais aimé te voir au saut du lit, avec ton
beau visage chiffonné par le sommeil, un café devant toi et un chat
sur les genoux, la gazette à la main.
J'aurais voulu te
connaître en paix, j'aurais voulu nous découvrir sans guerre.
J'aurais voulu plus de rides, plus de combats, plus de temps,
plus de nous. Plus.
Tout cela je ne te l'ai pas dis non plus
Potter. A quoi bon. Car tu sais Potter, je sais que cela me
poursuivra toujours si je survis, si toi tu ne le fais pas.
Les
mangemorts parlent constamment d'un monde meilleur construit sur
les ruines d'un monde dégénéré. J'ai du mal à comprendre.
Comment le monde pourrait il être meilleur si tu n'y es plus ?
Dis-moi Potter, comment le monde pourrait il même continuer
d'exister si tu disparais ?
« …Et j'aurais aimé partager ta vie, même un peu. Autrement qu'en tant que souvenir. »
Tu t'es reculé légèrement, comme pour m'empêcher de
commettre un geste malheureux. Ce n'était qu'un constat plat,
sans aucun sous entendu à court terme. Tu craignais sûrement que je
l'interprète mal et que je tente de t'approcher. Tu me connais
un peu trop bien Potter.
Si tu savais à quel point j'ai mal de
ne pas avoir pu te toucher une dernière fois.
Mais nous n'avions
plus le temps n'est ce pas ? Il était trop tard pour autre chose
qu'une simple discussion entre vieux ennemis. Trop tard pour
espérer rattraper mes erreurs.
« Je pense que je t'aurais laissé faire Potter. Je pense même que j'aurais accepté que tu t'y incrustes durablement »
Tu m'as souri, encore une fois. Tu étais calme, et je l'aurais été autant que toi si je n'avais pas dut combattre l'envie viscérale de vérifier si tu frissonnais toujours quand on t'embrassait dans la nuque. Mais nous nous étions dit tout ce qu'il y avait à dire et, déjà, la nuit s'éclaircissait.
Quand tu t'es levé, cette douce nuit de juin est soudain devenue glaciale. Tu souriais toujours, et c'était la dernière fois que je t'avais à moi. Je crois n'avoir jamais eu de réflexion aussi absolue, ni plus atroce que celle là, qui m'a frappé en te voyant tourner les talons.
Mais tu es parti quand même. Comme ça, sans un mot. Sur un sourire.
Je
déteste ta façon de tourner les pages sans bruit Potter. Je
préférerais des hurlements, des larmes et des coups. Mais il n'y
a que ce silence, cette solitude étouffante et la certitude que tu
ne fais que laisser la situation en suspend, encore une fois.
Me
laissant le choix.
Je n'ai jamais été doué pour les choix tu
le sais, j'ai déjà donné la mauvaise réponse à cette porte
fermée avec douceur. Pourquoi penses-tu que je réussirais mieux
cette fois ? Pourquoi te choisirais je en risquant la mort ? Je ne
suis pas stupide Potter, tu devrais le savoir depuis tout ce temps.
Je ne suis pas courageux.
-
Je suis toujours assis dans l'herbe. Au dessus de la forêt noire, le soleil s'est levé depuis quelques heures. Je ne savais pas que les aubes étaient si détestables. Je n'ai pas bougé depuis ton départ tu sais. Même quand j'ai senti les défenses de Poudlard s'évaporer, même quand j'ai entendu cette multitude de transplanages.
Notre coin de verdure s'est transformé en champs de bataille, et je hais le monde pour ça.
Je te vois à quelques dizaines de mètres
de moi, appuyé contre le mur du château. Les hostilités ne
commenceront pas tant que Poudlard n'aura pas retrouvé son
inviolabilité, tu le sais et tu es bien le seul à garder ton calme.
Granger et Weasley sont à tes côtés, et ils tournent en rond comme
deux lions en cage. Je crois que je n'avais jamais compris qu'ils
avaient vieilli aussi. Pour la première fois, j'apprécie un peu
Weasley alors que je jauge du regard sa haute silhouette. Avec un peu
de chance, il interceptera l'un des nombreux Avada Kedavra qui
pleuvront sur toi dans quelques minutes.
Tous gravitent autour de
toi, inquiets et tendus, et ils sont bien plus nombreux que ce que je
soupçonnais. Pas assez, mais le nombre est tout de même
impressionnant. Certains ne doivent cependant pas dépasser la
cinquième année. Pas encore majeur et déjà là, le visage crayeux
mais le regard décidé. Dis Potter, avons-nous vraiment été aussi
jeunes ?
Dans mon dos, je sens l'arrivée du seigneur des ténèbres. Son aura est si écrasante, étouffante que je m'étonne presque que l'herbe ne s'aplatisse pas sous son poids. Presque. Les mangemorts sont tous là, je sens leur excitation et leur soif de sang sur ma langue. Je peux la gouter et ma marque me brule.
Je suis toujours au sol, les doigts profondément enfouis dans l'herbe. Le crépitement des barrières défensives se remettant en place ne me surprend même pas. Il va falloir faire un choix n'est ce pas ?
Tu te décolles du mur du
château et t'avances de deux pas, les bras croisés dans le dos et
la tête inclinée sur la gauche. Tous se taisent autour de toi et te
fixent alors que tu défies de ta simple présence les mangemorts.
Tu leur jettes au visage ta jeunesse, ta fragilité et leurs
échecs innombrables à t'atteindre. Ils enragent, tu jubiles. Le
seigneur des ténèbres te susurre quelque chose, et malgré la
distance, sa voix de velours liquide flotte dans l'air, arrachant
des frissons involontaires à tous. Sauf à toi. Tu souris, de ce
sourire étrange et crispé, que je suis le seul à connaître comme
un rire contenu.
Tu t'empêches de rire au nez de la mort car,
pour les autres, ce n'est pas sujet à plaisanterie.
Je m'en
fous.
Tu es beau.
Ton sourire les rassure, ils te pensent soudain invincible. Les mangemorts eux même ont l'air mal à l'aise devant cette démonstration d'impassibilité. Mais je le sais Potter moi, je le sais que tu as peur. C'est seulement que tu y es trop habitué pour t'en apercevoir encore. Ne t'inquiète pas, je garderais ce secret pour moi. Reste leur héros, ils en ont tant besoin, et il ne m'intéresse plus depuis longtemps. Permets-moi seulement de garder juste pour moi l'homme effrayé par le noir.
Je jette un œil à ma baguette, et je suis surpris de voir qu'une sphère de lumière faiblarde persiste à briller à son extrémité. Le jour s'est levé pourtant, tu n'en as plus besoin. Tu m'observes et ma baguette reste allumée entre mes doigts.
J'ai peur Potter, je ne veux pas mourir.
Alors
pourquoi est ce que je me demande si tu serais capable d'empêcher
mes mains de trembler ?
Dis-moi Potter, tu es un Gryffondor non ?
Tu voudrais bien m'apprendre comment on devient courageux ? Ca à
l'air facile avec toi tu sais, je suis sûr que je pourrais y
arriver aussi, au moins un peu.
Je me relève, balaye d'un
revers de main les quelques brins d'herbe accrochés à ma veste et
soupire.
La journée va être longue.
J'espère.
Fin
Note du champi: Ben voila, j'avais prévenu hein, rien de transcendant...J'espère que vous avez quand même passé un bon moment (ou, tout du moins, un moment pas trop atroce :p), et merci de m'avoir lu
Temis le champi