La première nuit où Dean rejette ses propres couvertures, et rejoint le lit voisin du sien, il ne réfléchit pas.

Ou refuse de réfléchir.

Qu'importe les circonstances, il tend souvent plus vers l'instinctif que le raisonnement – pourtant conscient que la méthode n'est pas toujours la meilleure. Pas qu'il soit idiot ou dépourvu de tout sens logique.

Loin de là.

Mais prendre le temps de se poser des questions, quand un choix évident se présente ou qu'une situation n'en nécessite pas le besoin, peut entraîner sur une pente glissante.

Cette fois-ci n'en faisant pas exception.

Sam sursaute violemment, alors qu'il relève la couette qui le couvre, son corps souple glissant derrière le sien autant que lui permet l'étroitesse de la couche. Enfin, si son petit frère voulait bien se pousser un peu, il ne serait pas contre.

« Dean ? »

Le murmure est teinté d'un mélange d'incrédulité et de surprise coupable.

« Qu'est-ce que tu fais ?

- D'après toi ? »

Il referme le nid de coton sur eux tandis qu'il entend le léger reniflement de son cadet qui semble fuir soudainement sa présence. Mais le chasseur ne l'entend pas de cette oreille, le rattrapant en silence par la taille pour le ramener contre lui.

« Mais... ? Glapit presque le plus jeune dans un chuchotement étranglé.

- Chut Sammy, lui intime simplement son grand frère. Dors. »

Parce que son aîné se trouve dans son dos, parce que la pièce est plongée dans la pénombre et parce que sentir son souffle chaud sur sa nuque et l'étau protecteur de son bras sur sa hanche n'est pas chose inconnue, il dépose finalement les armes.


La deuxième nuit, Sam se réveille dans un sursaut incontrôlé, haletant et malade de terreur.

D'abord perdu, il ne réalise pas tout de suite que son frère vient de se lever, se déplaçant rapidement pour se matérialiser à ses côtés. Dean garde le silence mais ses gestes parlent pour lui, alors qu'il s'incruste à nouveau dans ses draps, calant son corps tiède contre le sien dans une étreinte réconfortante.

Les années ont beau avoir passées, il existe des habitudes qui même parfois rouillées, restent inchangées.


La troisième nuit, le plus jeune ne s'entend pas gémir dans son sommeil, son cauchemar connu de lui-seul refusant de le libérer.

Il ne se voit pas bouger, se retourner encore et encore dans son lit, pas plus qu'il ne peut distinguer la silhouette de son frère aîné se mouvoir dans le noir.

Quand ce dernier le prend dans ses bras, l'incitant malgré lui à nicher son visage peint en un masque troublé au creux de sa gorge, il ne sent pas non plus le baiser tendre et maladroit déposé sur son front.

Pourtant, avec lenteur, il faut bien l'avouer, Sam finit par se calmer, sa respiration commençant doucement à redevenir un souffle apaisé.


Quand il se réveille le lendemain matin, il n'est pas surpris de trouver le lit désert, bien que le chasseur ne doute pas un seul instant que le plus âgé s'y est invité durant la nuit, tuant patiemment et pour quelques heures le mal qui le pourrit depuis maintenant un mois.

Ils n'en parlent cependant pas, continuant la chasse pour l'un et la reprenant pour l'autre. Bien-entendu l'idée première n'a pas changée mais comme le lui a déjà fait remarquer Dean. Pour retrouver l'ordure qui a concrétisé à foutre sa vie en l'air par les deux bouts, ils doivent d'abord faire de même avec leur père.

Sam sent néanmoins le regard de son frère sur lui quand il lui donne l'impression d'être perdu dans ses pensées. Tout comme il remarque la légère inclinaison de sa tête, alors qu'il se réveille d'un énième cauchemar sur le siège avant de l'impala, où il ne s'est pourtant pas vu partir.

Ce dernier ne lui demande d'ailleurs plus si ça va, reportant simplement son attention sur la route.

Et si le plus jeune fils de John n'est pourtant pas dupe, il a également conscience que son aîné ne l'est tout autant. De ses vannes dont il a le secret, à l'éclat de ses yeux verts, Sam sait qu'il sait.

Et inversement.

Mais d'un accord tacite qu'aucun des deux ne désire biser, ils en gardent le silence, ne souhaitant ni l'un ni l'autre y poser des mots.


La quatrième nuit, de fatigue ou autre chose, Sam se voit offrir l'oasis qu'il n'espérait plus, savourant inconsciemment le sommeil sans douleur qui lui est accordé.


La cinquième nuit, ses yeux sont secs mais bien ouverts, fixant un point invisible dans la noirceur de la chambre.

Il entend Dean ronfler doucement à deux mètres de lui et une pointe douloureuse l'empêche brièvement de respirer.

Le désir de retourner des années en arrière quand il avait encore le droit de se blottir dans l'étreinte rassurante de son grand frère sans avoir besoin de se poser de questions se fait soudainement sentir, alors que plus que l'absence de Jess, la perte de ce droit lui donne envie de pleurer.

Ça ne dure qu'une seconde, mais son souhait égoïste lui revient brutalement en plein visage, et Sam clôt les paupières à s'en faire mal, avant de presque jeter son visage dans l'oreiller, hurlant en lui-même.


La sixième nuit, Dean n'attend pas d'entendre des sanglots étouffés ou les plaintes caractéristiques d'un cauchemar pour se coucher à ses côtés.

Il a simplement remarqué les cernes trop grandes sous ses yeux bleus, et les traits de son beau visage tirés de fatigue nerveuse et physique.

Une éternité après que son petit frère lui ait fait de la place autant qu'il l'a pu, il perçoit le frémissement qui le parcoure de la racine des cheveux, à la pointe des orteils au toucher chaste de ses lèvres sur l'arrière de sa tête.

« Désolé. » Souffle sincèrement le chasseur.

Il ne pensait pas le réveiller aussi facilement, réalisant avec un temps de retard que si la détente abandonnée de son corps et sa respiration régulière traduisaient un sommeil apaisé, il n'en était pas moins léger.

Mais Sam ne lui en tient rigueur, occupé qu'il est à calmer son rythme cardiaque.

L'espace d'un court instant, il s'est rappelé la dispute qui a précédé son départ pour Stanford et ce qui a par la suite suivi. Il se souvient également de cette chaleur dans ses reins, ce parfum de luxure et d'interdit sur leurs peaux, ce désir viscéral dans ses veines pour finir par l'explosion de lave incandescente.

L'apogée d'une jouissance à l'état brut.

Comment un simple baiser innocent, a-t-il pu rouvrir la porte de souvenirs enfouis au plus profond de sa mémoire, quand le simple contact de leurs deux corps n'a pas eut cet effet ? Loin d'avoir la réponse, le cadet déglutit difficilement alors qu'il sent l'envie lointaine et pourtant familière faire écho au passé.

Bon Dieu.

Il ferme les yeux, cherchant à se rappeler comment respirer quand une pensée sournoise s'insinue malgré tout dans son esprit, envoyant des ondes chaudes dans chaque cellule de son être.

Il le veut.

Du plus profond de ses tripes, il le veut maintenant et tout de suite.

Alors Sam envoie lentement son bassin en arrière, n'occultant pas le hoquet de surprise qui résonne dans les ténèbres de la chambre. Son coeur battant à présent la chamade, il réitère son geste, une fois, deux fois, trois... La main calleuse de Dean se pose d'autorité sur sa hanche, le stoppant dans son mouvement.

Quand il s'avance à son tour, le plus jeune sent son érection contre sa croupe, électrifié malgré lui par l'attouchement. La paume chaude qui reposait encore sur taille se déplace, laissant une traînée brûlante sur l'épiderme douce sur laquelle elle glisse pour finalement passer outre l'élastique du boxer.

Quand les doigts agiles se referment sur son membre raide, Sam ne retient pas le gémissement qui poussait contre ses lèvres. Il apprécie les caresses qui suivent, s'embrasant davantage à mesure que le plaisir afflue en lui par vagues.

Le plus jeune retrouve les sensations d'antan, s'y abandonnant presque totalement tandis qu'une autre envie se fraye un chemin à travers le brouillard de plénitude qui les enveloppe. Aussi sa main droite vient se poser à son tour sur le poignet de son grand frère, l'imitant quand il l'empêche de continuer. Avec un mélange de douceur et d'impatience, le jeune chasseur ondule à nouveau contre lui, murmurant dans la pénombre:

« S'il te plait. »

Derrière lui, Dean se fige un instant.

Et retire sa main pour ôter le sous-vêtement encombrant d'un geste pourtant mesuré. Aidé de son cadet, il se redresse juste pour le faire glisser le long de ses grandes jambes, le laissant ensuite choir au sol sans plus sans préoccuper. Il fait de même pour lui, en profitant pour dévêtir également leurs torses, ne souhaitant aucune barrière de tissus entre eux.

Puis il revient contre le dos de Sam, embrassant tendrement sa nuque alors que ce dernier lui saisit la main pour porter deux de ses doigts à sa bouche.

Ça n'était pas prévu.

La langue joueuse s'enroule autour de ses phalanges, les humidifiant au mieux.

Ça n'est pas censé arrivé.

Ce qui semble être une minute plus tard, le plus jeune se mord la lèvre quand un premier doigt franchit lentement un seuil encore inviolé.

Mais ça va tout de même se passer.

Avec une patience infinie, Dean le prépare, toutes ses pensées uniquement tournées vers les réactions de celui dont il va bientôt faire sien. Quand les heures auront passées, quand la nuit aura fait place à une nouvelle journée, il sait qu'il y repensera.

Bien malgré lui, il reverra ces nuits où il n'a cherché qu'à consoler son petit frère comme il le faisait des années auparavant, quand Sam était encore pleinement Sammy.

Son Sammy.

« Dean... »

L'appel le grise sans le vouloir, lui donnant néanmoins le signal. Ignorant son envie maintenant douloureuse, il se place correctement et plonge dans cet étroit fourreau avec la même lenteur que précédemment.

Nom. De. Dieu.

Une fois complètement enchâssé au plus profond de sa chair, l'aîné ferme les yeux, prenant sur lui pour rester immobile et ainsi permettre à son frère de s'habituer à sa présence.

Il n'a jamais été doué avec les mots. Il ne sait jamais comment aborder un sujet épineux alors même que la personne se morfond dans un mal qui ne devrait pas être. Et en étant honnête avec lui-même, il a toujours mit un point d'honneur à renforcer sa carapace en béton armée, colmatant la moindre fissure sous une abondante couche de désinvolte et d'humour made in Dean.

Le chasseur n'a certes pas délibérément agit dans ce seul but.

Mais une partie de lui comprend Sam.

Il comprend pourquoi ses nuits sont peuplés de cauchemar, pourquoi un gouffre sans nom lui oppresse la poitrine toujours un peu plus à chaque seconde qui passent et pourquoi il a ce tel besoin de vengeance.

Quand Dean le sent prêt, il commence à se mouvoir, gémissant doucement à son oreille, des milliers de paillettes de plaisir pétillant en lui. Le plus jeune se colle davantage à lui si possible, troublé par cette étrange chaleur qui se propage en lui autant que l'acte qui l'a procure.

Oh... Dieu...

Bientôt, son grand frère accélère ses mouvements et peu à peu, le monde s'arrête de tourner.


La septième nuit, alors qu'il se blottit dans les bras de son aîné, Sam ne cherche pas à cacher ses larmes, pas plus qu'il n'empêche ce dernier de les essuyer.