Van pénétra le premier dans l'antre obscure qu'avait révélée l'entrée du souterrain découverte par Gadès. La grande trappe située au sol et dissimulée derrière un bloc de pierre fendu, s'était ouverte sans résistance, dévoilant une volée de marches qui descendaient dans l'obscurité la plus complète.

Munie d'une torche qui peinait à repousser les ténèbres, Van parvint cependant à distinguer les contours du couloir dans lequel il semblait se trouver. Allen le suivait de près, ainsi qu'une partie de la troupe qui avait débarquée dans ce lieu hors du temps, les autres gardant l'entrée.

Le bruit de leurs pas et de leurs respirations déchiraient le silence qui régnait dans ce qui ressemblait trop à un tombeau …leur tombeau ?

Les parois du tunnel étaient lisses, munies par endroit de renforcements en métal…le tout semblait presque neuf… Rien à voir avec l'antique monument qui asseyait son écrasante présence à la surface. Les contrebandiers auraient-ils établi si loin de tout une cache pour leur butin ? Pourquoi prendre la peine d'en dissimuler l'entrée alors que s'ils redoutaient que quelqu'un vienne fouiner par ici, ils ne se seraient jamais installés près des vestiges imposants du temple ?

Soudain Van sentit la main d'Allen le retenir.

Sans dire un mot, ce dernier indiqua du menton la zone que sa propre torche éclairait. Ne voyant rien de particulier, il interrogea des yeux le visage sombre du chevalier. Lorsque leurs regards se croisèrent, Van comprit instantanément qu'il avait manqué quelque chose de crucial. Intrigué et surtout alarmé par l'air grave qu'affichait Allen, il examina la paroi plus attentivement.

Dans les ombres mouvantes et hypnotiques que la flamme créait sur le panneau métallique, Van distingua enfin ce qui avait arrêté son ami … des glyphes étaient discrètement gravées … des glyphes qu'il reconnut sans mal car elles évoquaient douloureusement les souvenirs d'un ancien ennemi… Zaïbacher…

Il s'agissait sans doute possible de l'écriture de l'empire déchu.

Comment croire à une coïncidence quand la magie noire de Zaïbacher pouvait expliquer tout ce qui leur échappait jusqu'à présent ?

Tout s'embrouilla soudain dans l'esprit de Van… non … rien ne collait … essayait-on de l'atteindre en enlevant Merle ? Mais pourquoi toutes ces autres jeunes femmes qui n'avaient semblait-il aucun lien entre elles ou avec lui ? et tous les sorciers de l'empereur avaient été décimés ou emprisonnés des années auparavant …

Le sang glacé par ce que cela pouvait signifier, Van échangea un regard éperdu de colère et de peur avec Allen. S'il y avait bien quelqu'un qui pouvait comprendre ses craintes, c'était bien lui…Sa sœur Serena avait été victime de la barbarie des sorciers de Zaïbacher. Qu'allait-il arriver à Merle si ses soupçons se confirmaient ?

Les mâchoires crispées, Van réalisa soudain avec horreur que la présence d'Hitomi pouvait avoir un lien avec tout cela…

Le prince dragon fut brusquement tiré de ses sombres pensées… Allen le secouait par les épaules afin de l'aider à se ressaisir.

Van maudit sa faiblesse.

Il adressa un regard contrit à son bras droit et ami. Les traits tirés, le chevalier hocha brièvement la tête, offrant sans un mot sa compréhension et son soutien.

Plus résolut que jamais Van s'enfonça dans le couloir, serrant fermement sa redoutable épée dans sa main .

Allen suivit le roi de Fanélia dans les entrailles de ce qui ne pouvait être qu'un ancien complexe de Zaïbacher. Aucun d'entre eux ne pouvaient lire cette écriture, mais tous songeaient aux sorciers de l'empire. Qui d'autres auraient été construire pareille installation ici ? Zaïbacher avait bien des choses à cacher… et que ces secrets puissent être encore liés à l'antique peuple Atlante ne présageait rien de bon.

Allen songea avec amertume qu'il aurait préféré affronter les contrebandiers à 1 contre 3 plutôt que d'avancer en aveugle dans les brumes cauchemardesques d'un passé qui aurait dû être définitivement révolu…

Le couloir semblait interminable.

Allen pouvait sentir la tension qui animait chacun des hommes qui le suivait. Il avait lui-même le sentiment oppressant d'être une proie prise au piège.

Van s'arrêta brusquement, intiment à tous de se figer.

Tous ses sens en alerte, Allen scruta l'obscurité devant eux en retenant son souffle. Après d'intenses et longues secondes, il s'apprêtait à demander à Van ce qui l'avait alerté, quand il cru soudain entendre un gémissement.

Loin devant, résonnant faiblement dans l'espace confiné du souterrain, quelqu'un pleurait.

Ce sinistre et ténu souffle de détresse sembla épaissir l'obscurité autour d'eux. Un frisson parcourut Allen qui raffermit sa prise sur son sabre.

Hélas son impulsif souverain s'élançait déjà au devant de ce qui pouvait être un piège, et Allen n'eut d'autre choix que de le suivre en empêchant quelques jurons bien sentis de franchir ses lèvres.

Après une rapide course le long de la paroi droite du couloir, Allen parvint à rattraper Van qui s'était arrêté à l'angle droit que formait brusquement le tunnel. Le chevalier serra fermement le bras de Van dans l'espoir de lui faire comprendre qu'il fallait agir avec plus de prudence, mais le jeune roi l'ignora, concentré sur le silence qui les entourait comme un étau.

Puis les pleurs étouffés résonnèrent à nouveau, bien plus proches.

Van s'élança dans le couloir, mais Allen le prit de vitesse, et vint se placer devant lui pour l'obliger à ralentir son approche. Bientôt ils purent distinguer à l'aide des torches, les contours d'une arche en pierre ouvragée, répliques miniatures des piliers majestueux qui soutenaient le toit du temple dehors. L'arche encadrait une ouverture dans un mur de pierres blanches qui fermait le couloir.

Les pleurs venaient indubitablement de l'obscurité qui s'étendait au-delà. Et Allen aurait mis sa main à couper qu'il s'agissait de ceux d'une femme…

Retenant Van de s'engouffrer précipitamment dans l'ouverture, Allen fit signe à ses hommes d'encercler le passage et de surveiller leurs arrières. Arme au poing, chacun s'exécuta en silence, avec une efficacité sans faille née de leur longue expérience commune au combat.

Allen se plaça contre un des montants de l'arche, Van sur ses talons. Alors seulement il fit résonner sa propre voix :

- « Qui va là ? » lança-t-il aux ténèbres.

Les pleurs cessèrent brusquement. Mais aucune réponse ne vint.

- « Nous ne voulons aucun mal ! Répondez ! » insista le chevalier.

Alors les pleurs redoublèrent et une plainte déchirante leur parvint :

- « Allen ? Allen c'est bien toi ? »

Sans plus attendre Van s'élança au-delà de l'arche en brandissant sa torche et s'écria fébrilement :

- « MERLE ! Merle où es-tu ? »

Allen s'apprêtait à lui emboîter le pas lorsque le cri de Merle l'arrêta sur le seuil de la pièce que la lumière des torches ne parvenait à délimiter :

- « NON ! Reculez ! »

Pleurant de plus belle, Merle reprit difficilement son souffle et enchaîna :

- « N'avance pas maitre Van je t'en supplie … » dit-elle plaintivement.

- « Merle dis moi ce qu'il se passe ! Où es-tu je ne te vois pas ! » s'exclama Van en tendant la torche dans toutes les directions.

- « Il faut partir maitre Van, ne reste pas là c'est un piège… » gémit-elle au désespoir.

- « Je ne pars pas sans toi ! » s'écria Van avec rage.

Sans tenir compte de l'avertissement de la jeune femme chat, il s'avança dans les ténèbres. Allen sentit un frisson glacé lui parcourir l'échine lorsqu'il vit enfin les contours de ce qui ce trouvait devant eux.

Une stèle de pierre noire se dressait au centre de ce qui devait être une gigantesque pièce à la façon dont les voix résonnaient dans ce vide obscur… La même stèle que celle qu'ils avaient découvert dans les précédentes ruines… mais d'une dimension bien plus impressionnante. Allen peinait à en voir les contours car elle semblait absorber la lumière de la torche de Van au lieu de la réfléchir sur sa surface lisse… elle devait bien faire 3 fois la hauteur d'un homme. Le langage étrange du peuple maudit était également gravé sur toute la surface du mystérieux artefact.

- « Van je t'en prie... » fit Merle des larmes plein la voix « Va-t-en, sauve toi ! »

- « Tout va bien maintenant, je vais te libérer ! »

- « NON ! Ne t'approche surtout pas de moi ! » s'écria-t-elle de plus en plus alarmée.

- « Pourquoi ? » s'exclama Van au supplice.

La torche de Van révéla soudain la silhouette de la jeune femme chat. Elle était enchaînée à un pilier juste à droite de l'étrange stèle noire.

Allen s'apprêtait à empêcher Van de se précipiter au devant de son amie lorsque Gadès le prit par l'épaule et éclaira les ténèbres à gauche de l'arche… des corps sans vie étaient affalés contre le mur…le chevalier distingua au moins 3 hommes. Gadès et lui échangèrent un regard sombre, lorsque tout à coup des cris et des bruits de pas précipités retentirent dans le couloir d'où ils venaient :

- « VAN !... VAN ! »

Van ne parut pas entendre ces appels et se dirigea résolument vers Merle.

Mais Allen et ses hommes reconnurent avec stupeur la voix essoufflée d'Hitomi qui leur parvint juste avant qu'elle ne surgisse en trombe dans la pièce où ils se trouvaient.

- « VAN ne t'approche pas de la stèle ! » hurla-t-elle à plein poumon, se précipitant vers lui en lâchant la torche qu'elle tenait.

Van se retourna vivement, et Allen eut le temps d'entrevoir son regard surprit et emplit d'inquiétudes, avant que la stèle noire ne se mette à luire d'une aura éblouissante qui l'obligea à protéger ses yeux.

Le cri déchirant de Merle retentit tandis que la lumière aveuglante les engloutissait et les réduisait tous à l'impuissance.

Et aussi brusquement qu'elle était apparue, elle s'évanouit...

Allen ouvrit prudemment les yeux, et mit un certain temps à accommoder sa vue à la faible luminosité des flammes de leurs torches.

Merle pleurait doucement, comme à bout de force, mais elle semblait indemne.

La torche de Van brûlait non loin d'elle, à même le sol.

Allen balaya du regard l'ensemble de leur groupe hébété, et réalisa avec horreur que Van et Hitomi avait disparu…