Ma première fic NCIS. Après les fics Harry Potter et Supernatural, il fallait bien que j'écrive sur une autre de mes séries favorites.
Je n'arrive plus à me souvenir d'où m'est venue cette idée mais elle me trottait trop dans la tête pour ne pas la mettre sur papier. S'il fallait vraiment la placer quelque part, je dirais dans la saison 5.
Les personnages principaux sont Gibbs et Tony mais pas de slash.
Bonne lecture !
La Peluche
Il y avait des soirs où s'abrutir sur son bateau lui apparaissait comme une preuve de lâcheté. Leroy Jethro Gibbs posa son rabot. Il avala une gorgée de sa flasque de whisky. Pour se donner du courage. Ce n'était pas un jour anniversaire, enfin une nuit vu qu'il était près de deux heures du matin. Pas la date de son mariage avec Shannon, de la naissance de Kelly ni de leur mort. Pas même le soir d'une affaire qui aurait remué en lui le moindre souvenir. L'affaire qu'ils venaient de conclure concernait une histoire de jalousie et de mari trompé. Rien à voir donc. Ce qui signifiait que c'était un bon jour pour mettre le nez dans les cartons.
Gibbs soupira. Cela faisait des années que Shannon et Kelly étaient mortes et il n'avait toujours pas terminé de trier leurs affaires. Après leur mort, il avait tout jeté pêle-mêle dans des cartons, les avait enfermés dans le grenier et avait balancé la clé dans un égout. Pas exactement le comportement qu'on lui connaissait. Que diraient ses agents s'ils apprenaient ça ?
Après sa démission du NCIS et son retour, il avait fait sauter le cadenas du grenier à coups de hache. Honnêtement, il avait tendance à virer quelque peu excessif quand cela concernait sa femme et sa fille. Il y avait des choses dont on ne se remettait jamais…
Les jours, ou plutôt les nuits, où il s'en sentait la force, Gibbs se rendait dans le grenier et ouvrait un carton. Sa première idée, le premier jour, avait été de faire le tri une bonne fois pour toute, jeter ce qu'il y avait à jeter, donner ce qui pouvait encore servir et, peut-être, garder deux ou trois souvenirs. Cela avait été un échec complet. Quand il avait ouvert le premier carton, une vague de souvenirs l'avait submergé. Il avait sorti les objets un à un, les avait caressés des yeux et des mains pendant des heures avant de les remettre dans le carton et de le refermer. Plusieurs mois s'étaient écoulés avant qu'il n'en ouvre un deuxième. La même chose s'était produite mais il avait mis moins de temps pour s'occuper du troisième carton. Désormais, il était, en moyenne, à deux ou trois cartons par semaine. Mais il remettait toujours les objets dans leur écrin de carton qu'il scellait à la tarlatane.
Gibbs s'aperçut immédiatement que le carton de cette fois-ci contenait des affaires venant de la chambre de Kelly. C'était les cartons les plus difficiles. Il y avait quelque chose d'insupportable à se trouver devant des vêtements et des jouets qui avaient subitement cessé d'être utilisés non pas parce que leur propriétaire avait grandi mais parce qu'elle était morte.
Gibbs sortit les poupées avec lesquelles Kelly avait tellement joué. L'une portait une petite robe blanche avec des nœuds roses. Une robe exactement identique à la robe préférée de Kelly. C'était Shannon qui avait cousu la robe de poupée sous le regard sérieux de Kelly. Il y avait les figurines en porcelaine de danseuses et de chevaux que Kelly collectionnait. Il y avait des dessins…
Il extirpa du fond du carton une vieille peluche en forme de chien. Kelly avait adoré cette peluche et Shannon et lui avaient eu bien du mal à la convaincre de ne pas la traîner partout. Ce n'était pourtant pas une peluche exceptionnelle. Un chien aux longues oreilles, en toile à carreaux roses et verts et bourré d'ouate. Les circonstances dans lesquelles Kelly avait reçu cette peluche était certes un peu particulières mais tout de même. L'attachement de Kelly pour la peluche était peut-être dû aussi au mystérieux donneur…
Kelly avait à peine six ans et c'était la première fois qu'elle partait en voyage scolaire. A peine cinq jours mais Shannon n'avait cessé de s'inquiéter pendant toute la durée du séjour de leur fille loin d'eux. Et comme pour lui donner raison, la veille du retour, en fin d'après-midi, l'institutrice de Shannon avait appelé. Il y avait eu un accident. Kelly était à l'hôpital. Rien de grave mais s'ils pouvaient venir…
C'était la première fois, mais pas la dernière, que Gibbs conduisait aussi rapidement. Ils avaient parcouru les quatre cents kilomètres qui les séparaient de leur fille en moins de trois heures.
A l'hôpital, on leur avait dit que Kelly était tombé d'un arbre, qu'elle s'était cassé le bras mais qu'à cause d'un grave accident de voiture qui avait eu lieu dans la soirée, il n'avait pas encore été possible de la plâtrer. On lui avait donné des anti-douleurs, mis une attelle et désormais, elle attendait dans la salle d'attente, seule car l'institutrice avait été obligée de retourner précipitamment à la colonie où il y avait eu il ne savait quel problème. Gibbs avait tout d'abord été furieux d'apprendre qu'on avait laissé sa fille, son petit bébé, toute seule et il parcourut les couloirs de l'hôpital sans se soucier de quiconque. Mais il s'arrêta brusquement à la porte de la salle d'attente.
La pièce était presque vide. Seule deux personnes s'y trouvaient, semblait-il depuis un certain temps. Une petite fille aux longues tresses blondes et un adolescent d'une quinzaine d'années ou un peu moins.
La petite fille, sa petite fille, pleurait, recroquevillée sur sa chaise. Elle paraissait si jeune, si fragile… L'adolescent s'approcha d'elle, il semblait revenir de la petite boutique de l'hôpital, une masse de tissu dans la main. Il s'agenouilla devant Kelly. Aucun des deux n'avaient remarqué Gibbs, toujours immobile dans l'encadrement de la porte, l'oreille aux aguets.
« Il ne faut pas pleurer, dit le garçon, doucement. Tu as mal ?
Kelly avait secoué la tête.
_ Mes parents ne sont pas là.
_ Je suis sûr qu'ils vont bientôt arriver. En attendant, voilà quelqu'un pour te tenir compagnie. »
Il tendit la boule de tissu qui se révéla être un chien à carreaux roses et verts.
« C'est pour moi ? demanda Kelly d'une petite voix pleine d'espoir. »
L'adolescent hocha la tête, récoltant un grand sourire de la fillette qui sécha ses larmes d'un revers de la main et serra la peluche contre son cœur.
Gibbs observa plus attentivement l'adolescent. Il portait un blouson de cuir noir, un jeans sombre et déchiré mais manifestement de grande marque, de même que ses grosses bottes de motard. Il se rappelait avoir vu les mêmes vêtements dans une boutique quelques jours plus tôt et s'être horrifié devant le prix astronomique, surtout pour des vêtements déjà déchirés ! Le garçon était châtain mais des mèches rouges et noires parsemaient sa chevelure relevée en piques. Il portait un anneau à l'oreille et un autre au sourcil. Bref, il avait tout l'attirail du gros dur mais l'air doux qu'il présentait à la fillette cassait son allure de petite frappe.
Gibbs sentit la présence de Shannon derrière lui aussi entra-t-il dans la pièce pour rejoindre sa fille. Aussitôt qu'il l'eut aperçu, le garçon se redressa et s'écarta, un air de défi et de suspicion sur le visage.
« Papa ! Maman ! s'écria Kelly en lui sautant dans les bras. »
Une infirmière parut alors que l'adolescent s'éloignait, un drôle d'air que Gibbs ne parvint pas à déchiffrer sur le visage.
« Monsieur, madame, nous allons nous occuper de votre fille…
_ Il était avant moi, avait déclaré Kelly d'une voix claire. »
Une bouffée d'affection submergea Gibbs pour sa petite fille chérie. Il jeta alors un regard vers l'adolescent et remarqua enfin les marques. Il semblait avoir été passé à tabac. Son visage était blême partout où il n'était pas bleu, il boitait légèrement et gardait son bras droit plaqué contre son torse sans que Gibbs ne puisse deviner si c'était parce que son bras était cassé ou si c'était ses côtes. Peut-être bien les deux.
« Je crois qu'en effet ce jeune homme à la priorité. Kelly ne souffre pas et nous ne sommes pas pressés… »
L'adolescent fronça les sourcils, apparemment surpris.
« Le docteur va s'occuper de vous, répéta l'infirmière en pinçant les lèvres.
_ Mais… commença Gibbs, Kelly toujours dans ses bras.
_ Venez. Quant au garçon, ne vous inquiétez pas pour lui. Il s'est mis lui-même dans cette situation. On le connaît bien ici… »
Le médecin était très professionnel et très gentil avec Kelly, lui expliquant clairement ce qu'il allait lui faire. La petite fille se laissa sagement examiner et plâtrer.
« Vous allez vous occuper du garçon dans la salle d'attente maintenant ? »
Gibbs vit alors le médecin plisser le front, l'air contrarié.
« C'est très gentil de ta part de t'inquiéter pour les autres et je suis sûr que tu es une petite fille très sage. Mais ce n'est pas le cas de ce garçon. Ce n'est pas quelqu'un de bien. Tu ne devrais pas t'approcher de lui.
_ Il est gentil ! clama Kelly, les sourcils froncés.
_ Vous devriez vraiment vous méfier de ce garçon, ajouta le médecin, s'adressant à Shannon et Gibbs. On ne peut pas lui faire confiance… »
Shannon et Gibbs échangèrent un regard. Certes, le genre de l'adolescent n'était pas celui d'un enfant modèle mais il avait réellement été très gentil avec une petite fille inconnue. Et si c'était un manipulateur, Gibbs voyait mal ce qu'il pouvait gagner à offrir une peluche à une fillette. Il jeta donc un regard froid au médecin avant de sortir avec sa femme et sa fille.
A peine sortie de la salle d'auscultation, Kelly lui échappa pour se précipiter dans la salle d'attente. L'adolescent s'y trouvait toujours, assis dans un coin, l'air renfrogné. Kelly se précipita vers lui.
« Regarde ! Ils m'ont mis un plâtre rose ! »
Elle s'appuyait sur le bras blessé du garçon. Gibbs le vit grimacer mais l'adolescent resta silencieux et ne chercha pas à éloigner Kelly. Il força même un sourire.
« C'est un très joli plâtre.
_ Il est assorti avec mon chien, tu vois ? »
Kelly avait refusé de lâcher la peluche, même quand le médecin avait insisté pour pouvoir la plâtrer plus facilement.
« Eh ! Tu veux signer mon plâtre ? Tu seras le premier. Dis-oui, s'il te plaît !
_ Je n'ai rien pour écrire…
_ Papa ! »
Gibbs s'approcha et tendit un stylo à l'adolescent, croisant un regard vert qui semblait hésiter entre surprise et insolence. Quoi qu'il en soit, le sourire qu'il avait affiché devant Kelly disparut et tout ce qu'il présenta à Gibbs fut un visage fermé et indifférent.
Il peina à inscrire quatre lettres sur le plâtre, manifestement gêné par son bras blessé.
« Tony, déchiffra Kelly. Je peux appeler mon chien comme ça ? »
Le garçon hocha la tête, peinant à dissimuler sa fatigue.
« Tu as très mal ? »
Le garçon secoua la tête.
« Ce n'est presque rien, mentit-il. Qu'est-ce qu'il pourrait bien arriver à un garçon comme moi ? »
Kelly sourit, rassurée, si innocente encore.
« Viens Kelly, il est temps de rentrer à la maison… »
Gibbs se souvenait encore très bien de l'adolescent. De ses yeux verts, de son sourire et de son attitude qui se voulait assurée et insolente. Le visage tuméfié était encore parfaitement dessiné dans son esprit. Familier. Gibbs sursauta. Beaucoup de choses lui étaient familières chez l'adolescent. Etait-ce possible ? N'avait-il pas plutôt associé à ce garçon inconnu les traits plus jeunes de son agent, par une association d'idées due à la similitude du prénom ? Mais il n'avait jamais vu aucune photo de Tony jeune… Et si on lui avait posé la question, il n'aurait jamais imaginé ce type de vêtements sur lui. On ne pouvait pas dire que Gibbs s'était beaucoup intéressé au garçon ce jour-là, trop préoccupé par l'état de Kelly. Mais plus il y repensait, plus les traits et l'attitude du garçon lui étaient familiers. Ce serait une drôle de coïncidence tout de même et Gibbs ne croyait pas aux coïncidences. Il devait en avoir le cœur net !
Le lendemain matin, arrivé le premier au NCIS, comme à son habitude, Gibbs installa la peluche sur son bureau, bien en vue.
Ziva puis McGee arrivèrent. L'un après l'autre, ils regardèrent la peluche avec une attitude plus effarée et inquiète qu'autre chose. Mais aucun des deux n'osa faire la moindre remarque. Le seul qui pourrait l'oser, qui devait l'oser, n'était pas encore arrivé. Comme d'habitude. Mais Gibbs espérait une autre sorte de réaction…
Tony sortit de l'ascenseur avec une bonne dizaine de minutes de retard. Un de ces jours, il faudrait vraiment que Gibbs s'interroge sur le fait qu'il permettait à Tony des choses qu'il n'accepterait d'aucun autre agent. Tony aperçut immédiatement la peluche et Gibbs vit un sourire moqueur se former sur ses lèvres. Jusqu'à ce qu'un pas de plus vers son bureau lui fasse changer d'expression. Gibbs observa le phénomène avec grand intérêt. En moins d'une demi-seconde, le visage de Tony était devenu presque translucide, son sourire s'était affaissé et son regard s'était noyé. Puis il avait croisé le regard de Gibbs et son visage avait à nouveau changé.
« Alors Boss, on emmène sa peluche au boulot ? se moqua-t-il. »
Seul Gibbs sembla s'apercevoir que le ton était forcé, exagéré. Mais Tony n'était-il pas tout le temps comme ça ?
« C'était à ma fille. Je l'ai retrouvée hier. »
C'était un excellent moyen de mettre fin à la conversation. Après ça, Gibbs savait que plus personne n'oserait dire un mot sur la fameuse peluche. Mais lui était loin d'en avoir fini. Tony allait répondre à ses questions !
Faire en sorte que Tony soit le dernier à quitter le bureau et réussir à se glisser dans l'ascenseur juste avant que les portes ne se referment fut un jeu d'enfant. Bloquer l'ascenseur entre deux étages, une action presque machinale.
« Un problème, boss ? demanda Tony. »
Gibbs pointa vers lui la peluche, accusatrice.
« Quoi ? Oh, désolé pour ce que j'ai dit ce matin. Ah non c'est vrai, ne pas s'excuser. Dés…
_ Tony ! le coupa Gibbs, un peu surpris tout de même de la panique qu'il voyait dans les yeux de son agent. Tu savais ?
_ Quoi ? »
Tony avait réellement l'air de ne pas comprendre.
« Que nous nous étions déjà rencontrés ? précisa Gibbs.
_ Je ne vois pas ce que tu veux dire… commença Tony.
_ Tu connaissais cette peluche. Ne mens pas, ton attitude t'a trahi !
_ Pas avant que tu ramènes cette peluche, finit par réponde Tony, maussade. Tu crois que je me souviens de toutes les fois où je me suis trouvé à l'hôpital ?! »
Tony se tût soudainement, manifestement horrifié d'avoir parlé, et Gibbs tiqua. Il avait été tellement obnubilé par la coïncidence qu'il n'avait pas réfléchi à la raison de la présence de son agent adolescent dans cet hôpital, amoché et blasé.
« Toutes les fois où tu t'es trouvé à l'hôpital ? répéta Gibbs. Est-ce que tu veux dire que… »
La vérité frappa Gibbs de plein fouet. Il n'aurait jamais crû cela. Bien sûr, il avait bien compris que l'enfance de Tony avait été loin d'être idyllique mais jamais il n'aurait pu imaginer… Pas étonnant que son agent soit si doué dans les missions sous couverture. Un vrai comédien.
« Tu auras ma démission sur ton bureau demain matin, dit très vite Tony. »
Quoi ? Gibbs écarquilla les yeux. Qu'est-ce qu'il lui faisait là ? Il n'était pas sérieux, si ? Apparemment, il l'était. Gibbs eut envie de le frapper mais c'était franchement une mauvaise idée.
« Essaie et je te la fais bouffer ! »
Un silence pesant s'installa dans l'ascenseur. Gibbs caressait machinalement la peluche sous le regard perplexe de son agent.
« Les infirmières, les médecins… commença Gibbs. »
Tony soupira, et abandonna le combat.
« Mon père était le plus gros donateur de l'hôpital. Personne n'avait intérêt à lui poser des questions. »
Gibbs hocha la tête, atterré.
« J'aurai dû comprendre. Faire quelque chose ! grogna-t-il. »
Tony lui jeta un regard abasourdi.
« Faire quelque chose ? Bon sang ! En admettant qu'il ne t'ait pas acheté… »
Gibbs grogna, l'air féroce.
« D'accord, il ne t'aurait pas acheté. Mais même ! Cela n'aurait fait que t'apporter des problèmes. Il t'aurait détruit et ta famille avec. Je ne vois pas en quoi ça aurait pu m'aider. Je m'en suis sorti. Seul ! Et c'est très bien comme ça… »
Les deux hommes restèrent à se fixer pendant plusieurs secondes puis Gibbs ré-actionna l'ascenseur.
Alors que les portes s'ouvraient, Gibbs lança :
« Nous n'avons jamais eu cette conversation. »
Tony hocha la tête, fit quelques pas en dehors de l'ascenseur puis s'arrêta.
« C'était une très gentille petite fille, dit-il sans se retourner.
_ Je sais… »