Samantha n'y tint plus. Quittant son matelas, elle s'approcha en douceur de Moira et tenta de voir par-dessus l'épaule de la Pitchoun, mais celle-ci retourna précipitamment son parchemin en lui lançant un regard réprobateur qui n'effaçait en rien son amusement.

─ Qu'est-ce que tu mijotes ? interrogea Samantha.

─ Qu'est-ce que tu me montres ? répondit la Pitchoun, ravie.

Samantha réprima un grognement. Elle avait pensé que pincer les fesses d'Evans constituerait un petit exploit pour Moira, qu'elle n'exigerait rien en retour d'une chose pendant au moins une semaine, mais l'appétit de la Pitchoun semblait insatiable.

Trois jours avaient passé depuis la découverte du cadavre de Rusard. Les foudres n'avaient eu aucune conséquence grave : Alexia et Sidonie s'étaient présentées être de farouches défenderesses lorsque les éclairs avaient pris les Serpentard pour cibles, et Moira n'avait pas manqué de raconter l'intervention de Potter pour empêcher Damarcus de foudroyer la Pitchoun et les Gryffondor.

L'assassinat du concierge était encore sur toutes les lèvres, et Dumbledore recherchait quelqu'un pour le remplacer. Hélas, les candidats n'étaient pas nombreux, d'autant que les élèves avaient prévenu les parents sur les évènements et que, inévitablement, La Gazette du sorcier s'était emparée de l'affaire et l'avait affichée en une de son édition, le lendemain du meurtre.

Pour la première fois depuis qu'elle y était entrée, Samantha sentait un profond malaise habiter chaque étudiant. Poudlard n'était plus ce cocon de sécurité qui rendait le collège de sorcellerie si agréable et la petite appréhension qui planait sur tout le château paraissait faire les affaires des trouble-paix les plus discrets. Les étudiants ne voulant pas quitter leur salle commune, craignant bêtement d'être assassinés à chaque coin de couloir, les plus courageux sortaient et étaient parfois victimes de mauvais coups de leurs ennemis.

Aussi contrariante que Moira fut, cependant, elle restait fidèle à elle-même avec ses chantages. Par un curieux hasard, c'était précisément le comportement de la Pitchoun qui rassurait le plus Samantha. Il semblait qu'une partie de son cerveau lui affirmait que rien n'était à craindre tant que Moira resterait telle qu'elle était au quotidien.

─ J'embrasse Aurelia sous tes yeux, dit Samantha.

Moira afficha son éternel air choqué, mais Samantha la connaissait trop bien pour savoir que rien ne pouvait choquer la Pitchoun.

─ D'accord, se réjouit Moira. Couches-toi, c'est top secret !

Samantha obéit, bien qu'il n'y eût personne dans le dortoir à part elles. Aurelia avait décidé de guetter la moindre activité des garçons de Serpentard, et Sidonie paraissait consacrer sa soirée à patrouiller en secret dans le château grâce à son étonnante faculté de « voyage d'ombre ».

Les révélations de Sidonie avaient à la fois stupéfié et impressionné Samantha. Que Sidonie soit une sorte d'anomalie de la nature ne la dérangeait pas outre mesure, mais ses capacités magiques avaient l'air tellement génial qu'elle en ressentait presque de la jalousie. Moira était la plus envieuse, bien sûr : grâce aux pouvoirs de Sidonie, elle pourrait accomplir la moitié de ses missions poudlardiennes ! Mais la sulfureuse brune avait refusé d'aider la Pitchoun.

Baissant les yeux sur le parchemin que Moira retournait, Samantha remarqua qu'il s'agissait d'une très longue liste de défis en tous genres.

─ En réalité, Logan Mirves, il est complètement cinglé, murmura la Pitchoun d'un air conspirateur. Il prétend que rien ne lui est impossible alors, j'ai dit que je lui préparerai plein de défis pour voir si c'est vrai. Alexia, elle en a déjà trouvé plein, mais ils sont un peu bizarres ses défis. Par exemple, elle défie Logan de faire un bisou à Aurelia et de lui dire qu'elle devrait en faire à Alexia pour se venger. Et elle a mis la même chose pour Sidonie, toi et moi…

Moira hocha la tête d'un air désabusé, comme si elle ne comprenait pas comment on pouvait donner des défis pareils à quelqu'un. Samantha, cependant, s'en amusa : la Pitchoun ne paraissait pas s'être aperçue que, d'une manière ou d'une autre, Alexia s'inspirait d'elle.

─ Elle essaie de se mettre dans ta peau, c'est tout, expliqua Samantha. La prochaine fois, tu lui diras exactement ce que tu aimerais qu'elle trouve comme défis. Et Sidonie ? Elle n'était pas censée t'aider à trouver quelques idées ?

─ Siii ! approuva la Pitchoun d'un ton joyeux. Pour le moment, elle parcourt le château pour essayer de voir s'il se passe quelque chose. Comme ça, quand elle rentrera, je saurai avant tout le monde qui a fait quoi dans la soirée ! Les Poufsouffle, elles seront bientôt vertes de rage de voir que je possède des potins qu'elles n'ont pas !

Samantha sourit. L'une des missions poudlardiennes, l'une des rares qu'elle connaissait en fait, était précisément d'égaler les Poufsouffle dans leurs commérages et l'aptitude étonnante qu'elles avaient à récolter des informations hors de leur salle commune. Bien sûr, Samantha en connaissait au moins une d'elles capable de donner de sa personne pour parvenir à ses fins, mais les autres n'étaient pas moins efficaces.

─ Je vais aider Sidonie, déclara la belle brune.

─ Oh, chouette ! se réjouit Moira.

─ Et si je croise Evans, je lui dit que tu es adorable, promit Samantha.

Moira rayonna. Il était assez déstabilisant, même pour Samantha, de constater combien la Pitchoun tenait à la préfète-en-chef et chacune des attentions que la Gryffondor pouvait lui accorder. Malgré la rivalité entre Serpentard et Gryffondor, cependant, Samantha ne doutait plus un seul instant qu'Evans fut la meilleure chose qui soit arrivée à Moira. Elle s'inquiétait seulement de la réaction de la Pitchoun si Evans finissait par s'attacher à un garçon… mais est-elle seulement attirée par les garçons ? ajouta mentalement Samantha.

Quittant le dortoir pour laisser Moira réfléchir tranquillement, Samantha descendit l'escalier, traversa la salle commune en adressant un bref signe de main à Aurelia, puis elle sortit du cachot de sa maison pour se lancer à la recherche de Sidonie. L'assassinat de Rusard avait considérablement chamboulé les mesures de sécurité, et les septième année en profitaient : Dumbledore, en effet, avait autorisé tous les septième année à parcourir le château à n'importe quelle dans le cadre de patrouilles.

Bien évidemment, les septième année à patrouiller étaient très rares. Certains profitaient seulement de cette nouvelle liberté pour sortir de leur salle commune, tandis que d'autres destinaient cette nouvelle possibilité pour préparer leurs méfaits. Aussi Samantha sortit-elle sa baguette magique dès qu'elle eut franchi la porte de la salle commune car, au fil des trois dernières années, elle-même avait eu le temps de se faire quelques ennemis parmi les victimes de leurs vengeances, à Aurelia et à elle.

─ Salutations, serpent rampant en jupe !

Samantha sursauta légèrement et se retourna. Déconcertée, elle mit quelques secondes à réaliser que ses yeux ne la trompaient : un ours géant et rose lui faisait véritablement fausse, une main levée dans un signe de paix. Mais il est complètement taré, ce mec ! s'exclama-t-elle, incrédule, tandis que Ford relevait la grosse tête d'ours souriant pour pouvoir s'adresser à elle directement.

─ Qu'est-ce que tu fais là ? s'étonna Samantha. Tu veux te faire défoncer ou quoi ?

Si Ford ne pouvait prétendre s'être un jour attiré la colère d'un Serpentard, son étrange personnalité et son accoutrement ridicule l'élevaient presque immédiatement au rang de « taré à maltraiter » dans le crédo de certains Serpentard.

─ Je recherche Logan Mirves, répondit Ford d'un ton cérémonieux, afin de procéder à la transaction, comme nous l'avions convenu la semaine précédente.

Samantha haussa les sourcils. Mirves avait parlé avec Ford ? Il lui avait demandé de trafiquer quelque chose avec lui ?

─ Je ne sais pas où il est, indiqua Samantha. Il est rarement dans la salle commune…

─ C'est regrettable, admit Ford d'un ton indifférent. Mais soit, serpent rampant en jupe ! Nous allons procéder autrement. En échange de la livraison que tu te chargeras de faire, je te confectionnerai ton costume préféré pour Halloween !

─ Je ne me déguise jamais à Halloween, dit Samantha.

Elle eut cependant une petite idée :

─ Par contre, si tu laisses Evans à Moira, je me charge de la livraison, ajouta-t-elle.

─ Marché non conforme, déclara Ford. Ce costume est censé me permettre de tripoter les fesses de Lily quand elle se précipitera sur moi pour me faire un câlin ! Ta requête est rejetée, serpent rampant en jupe.

Apparemment, le Serdaigle paraissait convaincu que la vue d'un ours rose géant encouragerait Evans à lui sauter dans les bras. Cette pensée laissa Samantha légèrement désorientée, qui envisageait de plus en plus sérieusement de quitter Poudlard avant que tous ces tarés ne la rendent cinglée…

─ Je livre son machin à Mirves, alors, dit-elle. Rien en échange.

─ Serpent rampant en jupe, ta grandeur d'âme t'honore !

Il plongea l'une de ses grosses pattes de poils roses dans une poche aménagée et en sortit un tout petit flacon contenant un étrange liquide noir. Samantha le prit en fronçant légèrement les sourcils. De quoi s'agissait-elle, elle l'ignorait, mais elle s'était attendue à ce que le Serdaigle lui donne un costume…

Lorsqu'elle releva la tête, Ford s'était volatilisé. Etonnant de la part d'un idiot déguisé en ours géant et rose, mais le fait était là : il avait quand même réussi à s'éloigner sans qu'elle le remarque. Glissant la fiole dans une poche, Samantha se promit de la donner à Moira pour qu'elle puisse la transmettre à Mirves tout en le faisant chanter.

Accédant au rez-de-chaussée, Samantha marqua un temps d'arrêt en se demandant où pouvait bien être Sidonie. Grimpant dans les étages, elle les parcourut les uns après les autres, à la recherche d'une trace de la splendide brune. Lorsqu'elle atteignit le quatrième niveau, cependant, son amie lui sortit très vite de l'esprit lorsqu'un éclair de lumière rouge se fracassa contre le mur, jaillissant du couloir adjacent.

L'espace d'un instant, Samantha songea à rebrousser chemin. Non pas qu'elle ait eu peur de tomber à nouveau nez-à-nez avec un homoncule, mais elle n'était pas vraiment d'humeur à se battre. Reprenant son chemin, elle bifurqua dans le couloir d'où avait surgi le sortilège et constata qu'elle n'avait pas eu une mauvaise idée : le nouveau Potter était acculé par trois Poufsouffle apparemment déterminés à lui en faire voir de toutes les couleurs. Samantha en conclut aussitôt que ces trois Poufsouffle étaient les mêmes qui s'étaient attaqués à Adhara Black.

Brandissant sa baguette magique, Samantha décocha un trait rougeâtre dans le dos de Bobby Jones, qui s'effondra aussitôt en arrière. Ses deux acolytes ne remarquèrent pas tout de suite sa mise hors-service, ce qui profita à la Serpentard pour stupéfixer Alan Mereside. Potter para de justesse un sort de Timothy Croll et parvint, enfin, s'en débarrasser.

Transpirant, le Gryffondor posa ses deux mains sur ses genoux pour reprendre son souffle, puis il leva les yeux sur Samantha quand celle-ci s'arrêta devant lui.

─ On dirait bien que nous sommes quittes, commenta-t-elle d'un ton satisfait.

─ Ouais, reconnut le Gryffondor en se redressant. Ils sont tenaces…

Samantha eut un sourire goguenard.

─ Un mois que tu es ici et tu ne connais toujours pas le trio le plus vicieux de Poudlard ? ricana-t-elle. Ouais, ils sont tenaces, entêtés et sacrément malins, en plus d'être pervers. Rêve pas, Potter, ils seront toujours sur ton dos tant qu'ils ne t'auront pas fait mordre la poussière, d'autant que ce n'est pas tous les jours qu'ils réussissent à approcher Adhara. Ils l'ont mauvaise, très mauvaise, et je n'ose même pas imaginer ce qu'ils te feront quand ils t'auront mis la main dessus.

─ Merci, je suis rassuré, répliqua Potter d'un ton détaché.

─ Tiens, puisque je te tiens, tu n'aurais pas vu Sidonie ou Alexia ?

Potter haussa légèrement un sourcil.

─ Alexia était avec Lily quand je les ai croisées, mais j'ai pas vu Farrell, avoua-t-il.

Samantha hocha la tête et repartit à la recherche de Sidonie, sans un mot pour Potter, qui ne semblait de toute façon pas en attendre. Empruntant la direction de la bibliothèque, au cas où la magnifique brune aurait choisi d'inspecter cet endroit, elle trouva non seulement Sidonie, mais également Alexia, tout près d'une tapisserie qu'elle savait dissimuler un passage secret.

─ Et là, il lui a tripoté les fesses, racontait Alexia d'un air émerveillé. Lily, elle a rien dit, mais elle n'a pas voulu que je lui tripote les fesses si je n'avais pas un costume d'ours géant !

Elle afficha une petite moue déçue absolument irrésistible et à laquelle Samantha remédia d'un gros baiser affectueux sur la joue du petit bout de femme.

─ J'espère que tu n'étais pas toute seule avant de croiser Sidonie, dit Samantha.

─ Non, répondit Alexia d'un ton rayonnant. Sidonie nous a croisées quand je demandais à Lily de me laisser lui tripoter le popotin.

─ Eh bien, on va te raccompagner jusqu'à ta salle commune, maintenant, déclara Samantha. Ce n'est pas prudent de te promener dans le château avec Evans comme renfort, Choupinette. Et ne laisse pas Moira te confier des missions, tu vas finir aussi obsédée qu'elle.

Alexia pouffa de rire et se laissa docilement raccompagner jusqu'au couloir menant à sa tour. Après un câlin très chaleureux administré aux deux Serpentard, le petit bout de femme s'éloigna gaiement vers sa salle commune et disparut derrière le portrait de la Grosse Dame.

─ Qu'est-ce que tu fais hors de la salle commune, au fait ? demanda alors Sidonie tandis que toutes les deux s'éloignaient.

─ Je m'ennuyais, mais il faut que je te montre quelque chose.

Elle sortit aussitôt le petit flacon contenant le liquide noir et le montra à Sidonie, qui l'examina sous tous les angles en fronçant légèrement les sourcils. Débouchant finalement la fiole, elle en renifla très prudemment le breuvage et plissa les narines.

─ C'est de l'alcool, indiqua-t-elle en refermant le bouchon. C'était une boisson très chère, il y a mille ans, et dont la recette était très jalousement gardée par son créateur. Où est-ce que tu as eu ça ?

─ C'est Ford qui m'a donnée ça pour que je le transmette à Mirves… mais pourquoi Mirves aurait-il besoin de Ford pour obtenir de l'alcool ?

Sidonie haussa les épaules et lui rendit le flacon.

─ En tout cas, Mirves va se retourner le cerveau avec une dose pareille, affirma-t-elle. Dans le village où j'ai étudié, le pub en vendait et, la seule fois où j'en ai pris, j'ai été incapable de me souvenir de ce qu'il s'était passé par la suite. Et crois-moi, j'avais la moitié de ça dans mon verre.