Il se réveilla avec l'étrange sentiment d'avoir une boule de pétanque dans la poitrine. Les événements de la veille lui revinrent en mémoire et il eut l'impression que la boule s'alourdissait encore un peu.

Des doigts, surgis de nulle part, caressèrent sa joue, l'apaisant instantanément. Seulement alors, il remarqua que son oreiller était dur et froid.

- Calmes-toi. Tout va bien.., fit une voix qu'il entendait raisonner dans les profondeurs de ce qui lui servait de coussin.

Le jeune homme releva la tête et plongea dans deux gouffres.

« Il paraît que le noir n'est pas une couleur. Je n'en étais pas sûr. Cependant, la nuit, le ciel est noir, de cette couleur indéfinissable entre le bleu abyssal de l'océan et le violet, mélange du rouge sang et du noir mort. Peut-être ne la considère-t-on pas comme une couleur car elle est infinie ? Pourtant, elle teinte les iris qui me regardent. Et il m'est évident qu'ils ont une couleur, troublante.

Il faut que je détourne les yeux, sinon je vais m'y perdre, pour l'éternité. A moins que ne je sois déjà perdu ?… »

Il soupira et déclara :

- J'aimerais aller jusqu'à la salle de bain.

Séverus commença à passer ses bras autour de son corps, mais Harry l'arrêta :

- Non. En marchant.

« Indépendance. Je veux la retrouver car elle est synonyme de liberté.

Guérison. Je veux guérir, et vite, pour qu'ils n'aient plus à s'occuper de mon infirmité, pour que je ne sois plus un fardeau. Pour que je ne voix plus dans leur regard à quel point je suis différent. »

Le vampire était sur le point de protester mais, face à la détermination qu'il lut en son calice, il ravala ses mots.

Le jeune homme s'assit, ses pieds à quelques centimètres du sol, puis il tendit sa main et l'agrippa à la colonne du lit. Il se hissa debout et il lui sembla être la dernière feuille d'automne, qui se raccroche désespérément à sa branche, comme si sa chute marquait le début l'hiver. Mais elle vacille, léchée par le vent de décembre.

Lorsque le monde cessa de tanguer autour de lui, il tourna la tête vers Séverus, qui s'était levé et avait les muscles bandés, prêt à bondir s'il lâchait prise.

- Je crois que je vais tout de même avoir besoin d'un peu d'aide… murmura-t-il.

- Je le crois aussi.

Le vampire se rapprocha de lui, glissa son bras derrière sa taille et Harry abandonna son pilier de bois pour se cramponner à ce corps de marbre.

Ce fut long. Le plus dur fut les quelques marches. Quand la salle de bain ne fut plus qu'à quelques mètres, il crut hurler de bonheur, mais sa respiration difficile ne le lui permit pas. Enfin, il s'adossa à la porte, soulagé et essayant tant bien que mal de rattraper son souffle qui l'avait lâchement abandonné. Mais il n'y arrivait pas. « Au pied mon souffle ! »

« Il va faire une crise. »

Soudain une main se posa sur sa mâchoire, l'emprisonnant, et des lèvres prirent possession des siennes. Il ouvrit la bouche et sentit une bouffée fraîche lui être insufflée. Harry inspira profondément, puis l'air lui fut retiré : expiration. Inspiration. Expiration. Le vampire dictait le rythme ; lui respirait, enfin. Au bout d'un moment, Séverus retira ses lèvres et posa son menton sur la tête du jeune homme, pour se calmer. Ce dernier constata :

- Merci. Vous avez retrouvé mon souffle, j'en étais incapable.

- Tu y arriveras, petit calice.

A ce surnom, Harry rit doucement. Ils restèrent un moment silencieux, profitant l'un de l'autre, puis Harry les rappela à la réalité :

- Y arriverais-je un jour, à cette fichue salle de bain ?

Le vampire se détacha et ils sentirent tout deux un vide désagréable mais Harry était déterminé à voir. Il s'engouffra dans la pièce, ferma la porte, s'avança jusqu'au miroir et, les doigts tremblant, enleva les boutons de sa chemise. Après s'y être repris à plusieurs fois, il la laissa glisser à terre, dévoilant sa poitrine.

« Cela ne se voit pas. Il n'y a pas de différence.

Pourtant, je le sais. C'est mon poumon gauche. Celui sous mon cœur. Bien sur, ma cage thoracique est indemne. Cette cage, dont mes os sont des barreaux, a laissé s'échapper son oiseau. Il s'est envolé mais a abandonné un endroit vide. Vide et douloureux. »

- Harry…

Le vampire se tenait dans l'encadrement de la porte qu'il n'avait pas entendu s'ouvrir, noyé dans ses pensées.

- Je souffre, n'est ce pas ? finit-il par demander en baissant les yeux pour ne plus voir son reflet.

- Oui. « Tu as mal, au plus profond de toi. Dans ton corps, comme dans ton esprit. » Pomfresh m'a donné une pommade pour apaiser la douleur. Mais il faut que j'enlève ton bandage… fit le vampire en s'avançant vers lui.

« Enlever le bandage. Montrer mon dos. Montrer les cicatrices des coups. »

- Non.

Le jeune homme referma ses bras autour de son torse en signe de protection et s'éloigna rapidement.

« Je ne veux pas qu'il les voit. Je ne veux pas qu'il découvre cela.

Pourquoi ? N'as-tu toujours pas confiance en lui ? N'est-il pas la personne en laquelle tu veux faire le plus confiance ?

J'ai confiance en Hermione et Ron, je ne leur ai jamais dit pour autant.

Mais Hermione l'a sûrement deviné. Et Ron a du les voir dans les vestiaires. Pourtant, ils n'ont jamais fait aucun commentaire. Je leur en suis reconnaissant.

As-tu peur de leurs réactions ? De sa réaction ?

Oui, j'ai peur. Quelle lâcheté, n'est-ce pas ? Pourtant, je ne peux l'empêcher. Que pensera-t-il de moi quand il découvrira que je me suis laissé battre ? Pire, que je me suis laissé battre par des moldus ? Mais surtout, lui montrer, c'est l'accepter comme réel, c'est le voir moi-même, c'est me rendre compte de la monstruosité de mes cicatrices, de la monstruosité de mon corps, de ma monstruosité.

Alors, ne regarde pas. Montres-lui, mais ne regardes pas. »

Au bout d'un silence tendu, Séverus s'avança d'un pas. Le jeune homme n'esquissa aucun geste, mais ne recula pas non plus : il le regarda simplement, résigné. En quelques enjambées de plus, il fut près de lui et il le souleva dans ses bras. Face au visage interrogateur que levait son calice, il s'expliqua :

- Pas ici.

Harry hocha la tête : « Pas ici, pas devant le miroir. »

Puis il le porta jusqu'à la salle principale et le déposa sur le grand canapé de cuir noir.

« Les carreaux bleutés de la fenêtre jettent sur ma peau la lueur blafarde de la lune. Ma peau qui a toujours été si blanchâtre me semble blême sur ce tissus noir.

Comment peut-il continuer à me regarder, moi qui suis si pâle, si maigre ?… »

« Sa peau blanche se détache sur le canapé noir, comme si elle cherchait à apporter la lumière au cuir ténébreux. Léger, fragile et irréel, il ressemble à un ange.

Ne disparaît jamais mon ange. Rappelles-toi, tu m'appartiens. Pourtant, même si je t'ai enchaîné à moi, j'ai l'impression que cette règle ne s'applique pas à toi : le calice m'appartient, Harry ne m'appartiendra jamais. »

Il commença à dégrafer le bandage : il avait besoin de le toucher, de le sentir réel. De son côté, le jeune homme avait les mains crispé et fixait la fenêtre, comptant silencieusement les losanges, pour ne pas voir la cicatrice sur sa poitrine, le regard de Séverus sur ses cicatrices… La dernière bande alla s'échouer sur le sol, il ferma les yeux : sa vue s'était brouillée de larmes et Séverus le détailla, pendant un moment qui lui parut interminable.

- Tes cicatrices sont belles, Harry. Elles disent ton courage, ta ténacité.

- Ne dites pas cela. Votre Marque est une cicatrice et vous la détestez.

- Oui, je la déteste car ce qu'elle raconte m'est douloureux. Cependant, elle me rappelle que je ne dois jamais oublier ce passé, car il fait partie de moi, car jamais je ne devrais refaire les mêmes erreurs.

Il sursauta en sentant les doigts froids enduit d'un baume suivant ce rail de chemin de fer gravé sur sa peau. Puis les doigts sortir du sentier battu, partant à la découverte de sa poitrine, traçant de grands cercles qui lui arrachèrent des frissons. Séverus retira un à un ses doigts et n'es laissa plus qu'un, contact entre eux deux.

- Harry, je veux te faire l'amour…

La voix était un peu rauque. Un peu vibrante aussi.

« Vois-tu, Harry, je n'ai jamais fait l'amour. J'ai couché avec des corps. Mais avec toi, c'est différent. Tout est différent. Car je t'aime. Et j'ai tellement peur de te salir. Et j'ai tellement peur de te faire mal. Saurais-je me contrôler ?… » « Il veut me faire l'amour. Pourtant, il a vu mon corps, il a vu mes cicatrices… Serait-ce possible que je ne le dégoûte pas ?…

Je lui appartiens, pourtant il me le demande. Donc je peux refuser. Mais en ai-je vraiment envie ?

Je ne l'ai jamais fait, il le sait. Il serait mon premier, mon seul. Car je ne pourrait supporter que quelqu'un d'autre me touche. Pourtant Malefoy m'a touché.

Plus jamais. »

- Oui, s'il vous plaît, murmura-t-il maladroitement.

« Tu es si pur. Si doux. Si beau. »

- Gardes les yeux fermés.

Les doigts se remirent en marche. Une autre main entra dans la danse, le faisant sursauter. Il aimait moins celle-ci car elle profitait que son attention soit fixée sur l'autre pour surgir et le prendre au dépourvu.

- Tu trembles, lui fit remarquer Séverus.

- Mais je vous fais confiance…

Le vampire s'installa au dessus de lui, faisant exprès d'envelopper son visage de son haleine fraîche. Harry se calqua automatiquement au rythme de ce souffle et Séverus eut un sourire satisfait.

- Calmes-toi. Tout ira bien.

- J'ai déjà entendu cela quelque part… marmonna le jeune homme.

L'homme se pencha à son oreille et susurra :

- Laisses-moi faire… Tout ira bien.

- Vous vous répétez.

Il lui mordilla le lobe de l'oreille et le jeune homme se mordit la lèvre pour retenir un gémissement :

- Je veux t'entendre, laisses-toi aller.

« Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, cela fait bien longtemps que mon corps n'est plus qu'une poupée de chiffon dans vos bras… »

Ce fut la dernière pensée cohérente qu'il eut. Le vampire ne répondit rien, mais sa langue descendit vers le cou de son calice, endroit qu'il savait particulièrement sensible. Ce dernier gémit doucement. Les mains de Séverus descendirent prendre les siennes et les levèrent au dessus de sa tête. Harry ne résista pas et garda sagement les yeux fermés bien qu'il ait la très nette impression de déjà vu : sa première morsure… L'homme observait sa réaction et, voyant qu'il s'abandonnait à lui, il lui fit la promesse silencieuse :

« Tu vas m'appartenir, mais d'une tout autre façon que lorsque je te mord. Et cette fois, tu n'auras pas mal. »

Une main posée sur celles de son calice, l'autre alla se loger sur ses hanches, faisant tressaillir le jeune homme. Sa langue n'était pas en reste et descendait vers le téton gauche autour duquel elle tourna un bon moment. Il n'était plus qu'un bouton de chair lorsqu'elle daigna le laper. Harry sentit sa température corporelle grimper de quelques degrés. Maintenant, il en était certain, sans le contact avec la peau froide du vampire, il se serait enflammé : il se consumait. Les lèvres glacée enveloppèrent son téton, l'aspirant légèrement et il lui sembla avec soulagement qu'un peu de cette chaleur brûlante lui était pompé. Séverus sentait le cœur d'Harry battre sous ses lèvres, comme s'il l'embrassait. Lui, son cœur ne battait plus, mais il l'avait depuis longtemps donné au jeune homme.

- Séverus… parvint à chuchoter celui-ci.

- Je sais : tu es incandescent…

Harry ne répondit rien mais hocha la tête. Le vampire releva le buste et fit glisser sa chemise au sol, dévoilant son torse sculpté aux yeux fascinés de son calice. Ce simple regard l'excita plus qu'une caresse et il s'allongea lentement sur lui. Sa tête était posée sur sa clavicule et il entendait sa jugulaire battre. Quel son apaisant. Un de ses bras s'était glissé sous la taille fine, serrant ce corps chaud contre lui, tout en veillant à ne pas l'étouffer, tandis que l'autre jouait avec l'élastique du pantalon du jeune homme. Enfin elle franchit cette barrière et alla effleurer la toison d'Harry qui frémit. N'y tenant plus, il empoigna la hampe dressée et tout deux se tendirent. Il resserra sa prise sur la taille de son calice et celui-ci agrippa l'accoudoir du canapé de cuir noir.

Ensuite commença une douce et lente torture au terme de laquelle il murmura :

- S'il vous plaît…

Il était tiraillé entre appréhension et désir, mais il n'en pouvait plus d'attendre.

- Si je te fais mal, n'essaye pas de me le cacher. Je le sentirais par le Lien.

La main laissa son membre de côté et ses doigts allèrent titiller son anneau de chair. Puis un, plus téméraire que les autres, s'immisça en lui. Ce n'était pas vraiment agréable, mais pas vraiment désagréable non plus. Se sentant sûrement seul, un deuxième doigt le rejoint. Cette fois, il eut mal. Les doigts jouaient en lui. Puis un troisième le pénétra et il ne put retenir un gémissement de douleur.

« Transcendé. De part en part. Comme lors de la morsure. Quoiqu'au cour de la morsure, je n'ai que deux dents à encaisser. Là, il y en a trois. Enfin, selon ce raisonnement, je n'ai qu'un membre à accueillir.

Cependant, les deux dagues me perforent en même temps tandis que les doigts se faufilent de manière successive. Et l'entrée du petit dernier ne m'est pas passé inaperçu… Loin de là… Néanmoins, la douleur est noyé dans le plaisir, non ?…

Douleur. Plaisir. Douleur. Douleur. Douleur. »

- Chuuut, respires. Cela va passer.

« Sa voix. Il faut que je me concentre sur lui. Surtout, ne pas m'enterrer dans la douleur. Séverus. »

Doucement, son calice décontracta puis il se plaça alors entre ses jambes et le pénétra d'un coup car il savait cela moins douloureux. Harry se raidit. Il s'immobilisa, à l'écoute de cette veine qui battait à tout rompre contre son oreille : bam, bam, bam, bam, bam, bam, bam, bam…

« Séverus. Séverus. Séverus. Séverus. Séverus. Séverus. Séverus. Séverus… »

Ses muscles se relâchèrent et le vampire entreprit de débuter de doux coups de rein arrachant des gémissements de souffrance au jeune homme. Harry ne sut quand, mais peu à peu le plaisir s'y mêla. Lorsqu'il fut certain que son calice ne souffrait plus, Séverus se laissa aller à son tour. Ses mouvements se firent plus profonds pourtant ils les amenait toujours plus haut. Ils atteignaient le septième ciel. Enfin, vint l'instant délicieux de la libération et ils crurent s'envoler…

Pendant quelques instants, on entendit seulement sa respiration haletante.

- Harry, calmes-toi… fit le vampire.

Mais il n'y arrivait pas. Ils étaient partis trop haut, si haut que l'oxygène ne comptait plus. Ce manque constant depuis son réveil avait disparut. Alors il voulait rester là, entre le ciel et l'espace, dans les nuages…

- Harry, respires !

Ah, oui, respirer. Cela pouvait être utile. Pour vivre.

- HARRY !

Mais en bas l'attendait Séverus, et le paradis sans Séverus devenait enfer, alors il redescendit.

- Pourquoi t'es-tu arrêté de respirer !?

Pourquoi ? Parce que, là-haut, il était bien.

- Ne. Refait. Plus. jamais. Ça.

Il regarda le visage inquiet du vampire, à quelques centimètres du sien et quelque chose le frappa : c'était cet être qui l'avait fait revenir ; s'il avait été seul, il y serait resté. Mais, maintenant, ils n'avaient fait qu'un. Harry lui avait confié une partie de lui-même. Et, même s'il ne savait pas quoi, il avait reçu en échange. Ils étaient enchaînés et unis. Harry ne serait plus jamais seul, mais il ne serait plus jamais complet sans lui. Alors il se battrait, pour rester en vie, pour rester à ses côtés.

- Nous formons un bien étrange couple, n'est ce pas ? Vous avez deux poumons, mais ils ne respirent pas ; je n'ai qu'un poumon, mais il respire pour deux.

(Fin)