The last one ! =D Vous êtes prêts ? Ne vous inquiétez pas, je ne pense pas qu'il y ait une raison de verser des larmes =). C'est un peu court, je l'avoue, mais je suis assez contente de ce dernier chapitre et de la fic en elle-même, car j'ai assez bien négocié la fin qui est toujours une étape délicate dans la rédaction d'une fic ou d'une histoire et, surtout, parce que j'ai su m'en tenir à ma première idée malgré le fait que beaucoup de temps se soit écoulé entre les premiers chapitres et les deux derniers.
Bref, je vous souhaite une bonne lecture pour ce dernier chapitre de Noir Sang ! Enjoy !
Noir Sang
5. La Vie
Hôpital privé de Meltokio
Pourquoi ? Pourquoi fallait-il encore une fois qu'il survive aux êtres chers qui rejoignent l'au-delà ? Le monde n'avait aucune logique, aucune morale. Sans distinction, il prenait la vie des jeunes et des innocents, des gens de bien, généreux et aimants. Et lui, le monstre, l'abomination de la nature qui avait traversé cinq millénaires et dont les mains étaient couvertes de litres de sang, survivait à chaque bataille et à chaque coup du sort. Le monde était douleur et agonie sans fin. On lui avait pris sa femme, son fils, même ses parents et ses plus proches amis. Jusqu'à le dépouiller de la moindre parcelle d'humanité que le temps lui avait laissée.
Là, au fin fond du Temple de l'Obscurité, plus proche que jamais des ténèbres, sa volonté avait presque failli. Klès Baïdjen, envoyé par la noirceur-même du monde, lui avait tendu la main. Il aurait pu les ramener à la vie. Anna et Lloyd pourraient être à ses côtés à cet instant. Ils auraient souri en le voyant ouvrir péniblement les yeux, aveuglé par la lumière stérile de sa chambre d'hôpital. Mais Kratos était seul, seul avec sa solitude, comme à chaque fois qu'il battait des paupières.
Yuan, appuyé sur une canne, boitillant, et ses assistants, Hellen et Ygra, venaient régulièrement lui rendre visite. Une fois par jour, ils lui parlaient. Le Séraphin lui remémorait des épisodes du passé pour tenter de lui rendre le sourire, râlait sur son état et la canne dont il pouvait à peine se passer et se moquait gentiment de Kratos. Mais rien n'y faisait, le mercenaire fixait, presque sans ciller, le mur blanc devant lui, aucun mot, ni aucun sentiment ne parvenait à percer la carapace de glace qui le tenait. Lui-même ne faisait rien pour rejoindre le monde des vivants, pour se réconcilier avec la vie après son combat contre les Baïdjen.
Plus tard, Yuan confia son angoisse à ses amis.
- J'ai peur, lâcha-t-il dans un soupir.
Hellen et Ygra baissèrent la tête.
- Il n'a plus la force de vivre et il se laisse mourir.
Ses mains se crispèrent sur la tasse de café qu'il tenait et le Séraphin jura. L'entretient s'arrêta là et tous trois sombrèrent dans leurs pensées.
Pourtant, un jour, quand Yuan entra dans la chambre, le coeur lourd à l'idée de passer plusieurs heures à contempler la silhouette immobile et le visage exsangue de son plus cher ami, il trouva Kratos habillé, debout devant la fenêtre. Le mercenaire ne broncha même pas quand son ami appela son nom. Après une minute de silence complet, il se firent enfin face.
- Je vais aller sur la tombe d'Anna. Il faut aussi préparer une cérémonie pour Lloyd. Ce n'est pas parce que son corps a disparu qu'il ne doit pas recevoir de rites funèbres.
Le Demi-Elfe déglutit, en pleine confusion.
- Oui, biens sûr, tu as raison. Tu... tu veux que je t'accompagne ?
- Non, ce ne sera pas utile.
Kratos passa à côté de lui, le visage fermé, le regard sombre.
- K... Kratos !
Forêt d'Isélia
La neige crissait mollement sous les bottes de Kratos. On était en décembre, il faisait un froid mordant et la neige recouvrait tout le paysage de son épais manteau blanc. Mais le Séraphin ne pouvait plus sentir les flocons se poser et fondre sur sa peau, ni le vent piquant qui lui tirait des larmes salées. Son corps était éteint, comme une machine, et son coeur était trop sec et plein d'amertume pour goûter à la beauté de l'horizon.
Isélia n'était pas loin. Depuis qu'il avait été enfermé, le village était devenu un lieu de pèlerinage. Des gens y venaient des quatre coins du monde pour prier sur la tombe de l'élue de la régénération. Mais cet endroit revêtait une valeur différente et toute particulière pour le Séraphin. C'était à Isélia que reposait le corps de sa défunte épouse, Anna, et c'est à ses côtés qu'allait bientôt être érigée une stèle pour Lloyd, disparu, victime des mages noirs Klès et Solana Baïdjen.
Depuis son combat contre Klès, deux semaines s'étaient écoulées, deux semaines durant lesquelles Kratos avait soigné ses blessures. Seules celles qui avaient lacéré son coeur ne daignaient pas se fermer.
Seul, il avançait sur le sentier qui traversait les bois, tel une ombre sur le paysage blanc.
Malgré l'apparente confusion du Séraphin, ses souvenirs étaient intacts. Il se remémorait parfaitement la voix à laquelle il s'était accroché comme à un fil d'Ariane. Au plus profond de lui, il était certain qu'Anna l'avait appelé, l'avait prié de ne pas abandonner la vie et, à cet instant encore, il sentait sa présence, comme un papillon voletant autour de lui. La sensation était à la fois si proche et si ténue qu'il l'imaginait disparaître au moindre geste vif.
Cette sensation fugitive se fit de plus en plus forte, de plus en plus proche et palpable, jusqu'à ce que...
Au milieu du sentier, le mercenaire pilla net, envoyant une gerbe de neige sur le mirage, à ses pieds, qu'il avait cru apercevoir. Il s'accroupit lentement et dégagea un peu la neige, révélant une tache rouge sombre sur le sol immaculé. Non, ce n'était pas rouge, c'était noir, noir sang. Il l'effleura du bout des doigts et se redressa d'un bond, comme secoué par un électrochoc. Les taches de sang se suivaient comme une piste et s'enfonçaient dans les bois. Sans attendre, Kratos s'élança, le coeur en vrille.
Après une interminable demi-heure de recherches, il découvrit, enseveli sous un amas de poudreuse, le corps inanimé de son fils.
- Lloyd ! Cria-t-il.
Il dégagea l'adolescent de la neige et prit son visage glacé entre ses mains. Il était vivant. Inconscient, mourant, mais vivant. Il portait à peine quelques haillons durcit par la glace et sa peau bleuie par le froid lui arrachait des spasmes de terreur. Il défit son épaisse cape de laine et emmitoufla Lloyd dedans, frictionnant ses bras et son dos dans l'espoir de recevoir le moindre signe de vie. Son visage livide avait déjà la teinte de la mort, avec ses joues creusées, ses yeux enfoncés dans leurs orbites et ses cheveux sombres gelés et plaqués sur ses tempes et son cou.
- Lloyd ! Lloyd ! Je t'en prie, dis-moi quelque chose ! Ouvre les yeux !
Mais le jeune Séraphin resta là, inerte dans ses bras.
Kratos se leva, portant son fils moribond dans ses bras, et s'élança sur le sentier qui menait à la ville.
Hôpital d'Isélia
- Uh... Eh...
Lloyd gémit en ouvrant les yeux. Son père se précipita à son chevet.
- Lloyd !
Mais l'adolescent referma aussitôt les paupières et sombra à nouveau dans un sommeil agité. Les doigts de Kratos serrèrent la barre métallique qui entourait le lit jusqu'à ce que ses jointures blanchissent.
- Ca va aller, le rasséréna Yuan. Les médecins ont certifié qu'il n'y avait pas à s'inquiéter. Avec son Cristal du Cruxis, il est bien plus résistant que la moyenne.
Le Demi Elfe, dans l'embrasure de la porte, s'appuyait sur sa cane, encadré d'Hellen et d'Ygra. Les deux plus jeunes parlaient à voix basse dans le dos de leur patron.
- Pfff, je le préférais quand il était sous morphine, souffla Ygra dans l'oreille d'Hellen.
La jeune femme pouffa et Yuan vira au rouge.
- Je ne veux plus jamais entendre parler de ça ! Explosa-t-il.
Ses assistants éclatèrent de rire. Kratos leur fit les gros yeux à tous.
- Silence...
Les trois Renégats quittèrent la pièce à pas de loup pendant que Kratos reprenait sa place au chevet de Lloyd. L'adolescent le fixait de ses iris carmin. Le Séraphin sentit une larme couler le long de sa joue. La maigreur du garçon avait creusé ses joues et sa peau pâle et translucide semblait sur le point de se déchirer sur ses os saillants. Son visage exsangue, vidé de toute vie, remuait lentement alors que ses yeux s'habituaient à la lumière.
- Lloyd...
La gorge du mercenaire était si serrée qu'il pouvait à peine articuler quelques mots.
- Tu es enfin réveillé.
- Uh... papa ? C'est bien toi ? …
- Oui, Lloyd, je suis là.
- Nous sommes... morts ?
Kratos avança une main et caressa les cheveux de son fils.
- Non, nous sommes en vie.
Lloyd déglutit avec difficulté et des larmes apparurent aux coins de ses paupières.
- Alors, ça veut dire que tu es revenu, que tu es venu me chercher, pas vrai ?
Le Séraphin acquiesça, se penchant pour poser ses lèvres sur le front de l'adolescent.
- Je ne te quitterai plus jamais, mon fils, plus jamais.
- Promet-le.
- Je te le promet.
Kratos se rassit sur la chaise à proximité du lit et Lloyd lui raconta comment il avait survécu.
Après l'avoir vidé de son sang, les Baïdjen, qui ne soupçonnaient pas la résistance du jeune Séraphin, s'étaient débarrassés de lui en jetant son corps inerte dans le fleuve le plus proche. Entre la vie et la mort, Lloyd avait laissé ses pouvoirs d'Ange prendre le dessus, ce qui, en temps normal, était extrêmement dangereux et avait été un des facteurs de la folie de Mithos. A moitié conscient, dans un état second, il était revenu à Isélia, sans savoir combien de temps s'était écoulé depuis qu'il avait quitté Klès et Solana. Il s'était alors machinalement dirigé vers la tombe de sa mère et avait fini par s'écrouler dans la neige, là où Kratos l'avait trouvé quelques heures plus tard.
Le Séraphin s'autorisa un soupir soulagé. Son fils était vivant.
Mais quelque chose avait changé depuis a dernière fois. Certes, en autant de siècles, il était tout à fait normal d'évoluer, ou en tous cas de changer, surtout après ce qu'il avait vécu, mais cet éclat dans le regard de l'adolescent, sans qu'il n'ose l'avouer, avait quelque chose d'inquiétant. Il y avait entre eux une distance qu'il n'avait jamais perçue auparavant et le Séraphin était effrayé.
Depuis qu'il avait retrouvé Lloyd et appris qu'il était hors de danger, il avait imaginé des retrouvailles chaleureuses et le sourire immense de Lloyd, qui riait après avoir effleuré la mort. Il n'y avait rien de cela dans l'Ange qui était allongé à un pas de lui.
Lloyd était froid. Son regard était de glace et il n'y avait plus aucune trace du garçon exubérant qu'il était autrefois.
« J'ai peur, pensa Kratos, car Mithos m'a rendu le même regard après la mort de sa soeur ».
Les yeux de Lloyd, rouges comme des rubis, profonds comme l'océan, fixaient sur lui des pupilles noires et insondables.
Base renégate de Triet
- Yuan ! S'exclama furieusement Hellen en lui mettant sa canne entre les mains.
- Rha ! Je n'ai pas besoin de ça !
La jeune femme lui fit les gros yeux.
- Yuan...
- Oui, c'est bon, ça va !
Bon gré mal gré, le Séraphin saisit l'objet en ronchonnant et claudiqua jusqu'à sa chaise.
- Salut ! Lança joyeusement Ygra en entrant dans le bureau, suivi de Kratos et Lloyd.
- Ah, enfin ! J'ai plein de travail pour vous ! S'écria le Demi Elfe en bondissant instantanément de son siège.
Kratos s'avança, son fils à ses côtés, et eut une mimique amusée.
- Du travail ? Je pensais plutôt qu'on pourrait prendre des vacances.
Il se tourna vers l'adolescent.
- Pas vrai, Lloyd ? Ca te ferait du bien un peu de soleil et de bon air.
Le mercenaire tendit le bras et le posa sur les épaules de son fils. Ce dernier leva les yeux vers lui, l'air perdu.
- Ca va aller, Lloyd. Je suis là maintenant, je prendrai soin de toi.
Se penchant vers lui, il embrassa son front, puis lui caressa les cheveux.
- Tout va s'arranger.
« Je ne ferai pas deux fois la même erreur, pensa Kratos, surtout pas avec toi, je t'aime trop pour ça, mon fils. »
FIN
C'est fini ! J'espère que cette petite fic vous a plu ! Et... euh... voilà, c'est fini. Je n'ai rien à ajouter, j'attend vos commentaires =).