Fandom: DOGS
Auteur: Kris MADness
Genre: General, Sci-Fi, Angst, Doom
Pairing: none
Disclaimer: Tout appartient à Shirow Miwa, même le canapé et la télé, alors c'est dire.
Note de l'auteur: Second chapitre, bonne lecture.

Thème musical: Nine Inch Nails - Discipline

Titre: Bullet 2 - Naoto Fuyumine


« Nous fuyions quelque chose. Je n'ai jamais pu me souvenir quoi, après cela, après le traumatisme que m'a laissé la sensation de déchirement. Le visage de mes parents, je l'ai oublié également. Comme tout ce qui s'était passé avant cette nuit-là.

La seule chose dont je me souviens, c'est ton visage à l'expression qui m'avait à l'époque tellement intriguée, et les mots que tu avais alors prononcés. Veux-tu vivre? »

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Dieu s'est moqué de moi.

Même après ta mort, l'expression qui avait accablé ton visage cette nuit-là reste une énigme. Je sais que tu ne me détestais pas, et je sais que je t'ai détesté sans légitimité. Tu avais simplement pensé qu'ainsi, j'aurais une raison de m'accrocher à la vie, comme le chien vile et rancunier que j'étais. Tu as accepté ma haine, sans aucune autre raison.

Mais qu'aurais-je fait si je t'avais tué sans savoir?

Parfois, je lève les yeux vers les cieux éternellement gris, et je ne peux m'empêcher de me demander si Magato est là, quelque part. Si c'est le cas, j'attends le jour de notre prochaine rencontre avec impatience. Je lui dirai combien tu le méprisais, sans doute, et je le transpercerai de ma lame. De ta lame. Je me ferai le vengeur de ton âme bafouée, et le prix de son sang poisseux remboursera la perte de ta présence. Papa…

Dieu s'est moqué de moi.

Je me souviens d'un après-midi, aussi gris que tous les autres, que j'avais passé à m'entraîner avec Magato. Tu étais sorti. Je n'appréciais pas réellement Magato, alors je n'avais eu aucun scrupule à me jeter sur lui, arme au poing. Et si je l'avais tué à ce moment-là, je crois que je n'y aurais pas accordé d'importance.

Quand j'y pense, je ne savais jamais où tu allais.

En évitant un des coups de Magato, je m'étais mal réceptionnée et sa lame m'avait entaillé la joue assez profondément. J'en avais hurlé de rage. Et lorsqu'il avait bloqué mon assaut du plat de son katana, sans aucun effort et en réprimant un bâillement moqueur, j'avais vu rouge. J'aurais attaqué avec l'intention de le tuer à ce moment-là, mais les mots qu'il avait prononcés m'avaient complètement tétanisée.

Aujourd'hui encore, un goût âcre m'emplit la bouche lorsque j'y repense, et je n'admet pas qu'il ait pu avoir raison ce jour-là. Dieu m'a punie, sans doute. A l'époque j'ignorais misérablement ce que pouvait être un syndrome de Stockholm, et quand j'en avais appris le sens, c'est avec un rire froid et aiguisé comme mon sabre que j'avais répondu à Magato.

« Jamais. »

C'est tout ce que j'avais dit à ce moment-là.

Aujourd'hui, ce syndrome aberrant est la punition que Dieu a choisi de m'infliger. Mon châtiment divin. Il s'est moqué de moi, tu sais, et aujourd'hui encore il se rit des malheurs qu'il m'inflige. Je hais Dieu tout autant que je hais le meurtrier de mes parents.

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« La vérité, que personne n'avoue, c'est qu'une fois les illusions enfuies, on passe sa vie à souffler sur le miroir aux regrets. Mais toujours la buée s'efface. » (1)

Lorsque tu m'avais récité ces mots comme une vérité inexorable, j'avais su que j'en comprendrais le sens un jour, bien malgré moi. Et lorsque ce jour était arrivé, le miroir dont tu me parlais m'avait éclaté en pleine figure sans que je n'ai le temps de réaliser. Tu étais mort.

L'odeur qui s'égarait encore sur le manteau que tu m'avais donné se mêlait désagréablement à celle de ton sang, comme j'étais assise près de toi, recroquevillée en silence.

Désespérément, j'ai tenté d'échapper à cette vérité écarlate qui s'étalait à ma vue. J'ai tenté misérablement de la dissimuler et j'ai soufflé mes illusions sur le miroir de mes regrets, mais toujours la buée s'évanouissait, telle la fuite du Temps, grinçante et tout aussi inexorable.

J'ai toujours détesté les miroirs.

Les miroirs qui me renvoyaient cette image écœurante de ce corps malingre et balafré que j'avais en horreur. Le miroir brisé qui m'avait un jour dévoilé une expression que je croyais ne jamais voir sur ton visage. Tous les miroirs qui me révélaient des aspects de toi que je ne voulais pas connaître de peur qu'ils n'amoindrissent ma haine. J'ai toujours détesté les miroirs, car les vérités qui s'y reflétaient étaient trop blessantes, trop humiliantes. Trop douloureuses.

Si j'avais compris ton regard, ce jour-là à travers ce miroir brisé, serais-tu toujours vivant aujourd'hui? Parfois, quand ça ne va pas si bien que je le voudrais, je regarde cette lame noire que tu m'as laissé en héritage, et je me plais à le croire.

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J'ai toujours ton manteau. Ton odeur s'en est allée depuis longtemps, mais malgré tout, je sais que tu veilles sur moi, et que tu accompagnes chacun de mes pas. Je ne sais pas si tu aurais approuvé certains de mes choix, mais si je veux la retrouver, je dois prendre le risque de te déplaire. Comme j'ai déplu à Dieu en laissant ma haine me guider.

Aujourd'hui je sais où chercher, et j'entrevois la fin de ma quête de vengeance. Je ne sais pas s'il s'agit encore d'un des tours que Dieu se plaît à me jouer, et je ne sais pas si encore une fois je serai déçue. Peut-être se rira-t-il à nouveau de moi? Quoiqu'il en soit, c'est « en bas » que je trouverai celle que je cherche.

J'avance d'un pas résolu à travers les artères grouillantes de la ville souterraine, glanant comme je le peux des informations utiles. Elles sont rares, et je dois souvent faire appel à ton sabre pour les obtenir, faute d'argent. Peut-être devrais-je devenir informateur moi aussi? Une moue dubitative se peint sur mes lèvres. Chasseur de prime, peut-être. Cela me conviendrait dramatiquement mieux.

J'arrive en vue de la bouche de métro qui me ramènera à la surface, et mon pas s'accélère légèrement. Si je veux des réponses, je sais que c'est dans cette église mal fréquentée que je devrai chercher, au risque de déplaire un peu plus au Seigneur en semant la pagaille dans sa maison.

Un léger souffle d'air frais balaie un instant mes cheveux et je ne peux m'empêcher de sourire. Tu avais l'habitude de poser ta main sur ma tête, comme ça, pour me calmer lorsque je m'emportais trop. A l'époque, je ne comprenais pas comment les mains qui avaient tué mes parents pouvaient être capables d'un geste si humain. Il me semble aujourd'hui que c'était de la tendresse mêlée de regrets qui transparaissait dans l'impassibilité que tu tâchais d'afficher dans ces moments-là.

Dieu s'est moqué de moi.

Tu étais apparu lorsque plus rien ne me raccrochait à la vie, là au milieu des corps éventrés et exsangues de mes parents.

« Veux-tu vivre? »

Aujourd'hui encore, je me le demande…

END


(1) Extrait de La Martyre de l'obèse, Henri Béraud.

Je n'apprécie pas réellement Naoto, même si je dois bien avouer que pour un personnage féminin, elle n'est pas détestable. Oui mais voilà, elle me rebute un peu tout de même. On ne se refait pas...
Quoiqu'il en soit, j'espère que cela vous aura plu. Le chapitre à venir concernera Badow, puis on gardera Mihai pour la fin.

Kris.