Coucou,

Après une (trèèès) longue absence, me voici une dernière fois pour clore cette histoire. Bon, comme vous l'aurez remarqué surement, la motivation m'a abandonnée depuis déjà bien longtemps, mais une promesse est une promesse (Sachant que j'ai commencé ce chapitre en … Juillet ! Oui Oui !)

Que ce fut laborieux ! J'ai conscience que j'entre dans la catégorie « fanficteuse capricieuse », donc merci à tous de m'avoir suivie, soutenue, encouragée et surtout supportée !

Merci aussi d'avoir supporté sans broncher mes déballages de vie pas toujours intéressants, mes blagues pas drôles, et surtout mes playlists souvent étranges …

Cela fait maintenant près de deux ans que j'ai lu les ouvrages de Stephenie Meyer, j'ai fini par m'en lasser, et je crois qu'il est temps pour moi de passer enfin à autre chose. Peut être qu'à l'occasion je reposterai un OS par-ci par-là, mais pour ce qui est des fictions complètes sur Twilight, c'est terminé. Et puis, en ce moment, je suis bien plus intéressée et passionnée par Harry Potter que je ne l'ai jamais été par Twilight (Comment ça je suis de mauvaise foi ?!)

Ce fut un plaisir de pouvoir lire vos réactions, et vous communiquer mon travail. Ca m'a permis également de faire de très belles rencontres, et rien pour cela, ça en valait la peine.

Merci infiniment à toutes et à tous.

Gudulette/Laure.

Précisions :

Enaira : « La verte Erin » est un vieux surnom populaire donné à l'Irlande. Un peu comme quand on parle de « L'Hexagone » pour la France, « La Grosse Pomme » pour New York, ou « Le pays du Soleil Levant» pour le Japon. Te voilà « éclairée ».

Glow : Il s'agit d'une erreur de ma part. Ce n'est pas Symphonica mais mais l'Orchestre Symphonique de San Francisco. Voilà. Ca reste quand même une des plus belles balades que je connaisse.

Playlist :

- Numa Numa Iei, par O-Zone (Parce que quand on voyage, avoir des mecs qui dansent sur les ailes de l'avion, c'est rigolo !)

- Truly, Madly, Deeply, par Savage Garden

- Golden Brown, par The Stranglers

- Heart in a Cage, par The Strokes

- Trahison, par Vitalic

- Sing for the moment, par Aerosmith & Eminem

- Hoodoo, par Muse

- My Mistakes were made for you, par The Last Shadow Puppets

- Denia, par Manu Chao

- A Brand New Place, par Hooka Hey

- Landing in London, par 3 Doors Down

- Our Last Summer, par Abba

****

Les voix s'élevèrent, et les propositions, aussi farfelues qu'irréalisables, fusaient de toutes parts. Je fus amusée de constater que malgré l'adversité et les situations difficiles que la famille traversait, la joie d'être ensembles ne les quittait jamais très longtemps. Mais déjà je ne les entendais plus, mes paupières alourdies eurent enfin raison de moi, et je m'endormis, le cœur un tout petit peu plus léger, la tête callée sur les genoux d'Edward.

Chapitre 15 - La Dolce Vita

Deux jours à peine après notre arrivée, nous repartîmes en direction de Dublin pour prendre l'avion vers l'Italie.

Edward, Emmett, Alice et Esmé avaient profité du temps dont ils disposaient pour mettre au point un plan afin d'intercepter Irina lorsqu'elle arriverait à l'aéroport de Rome pour saisir sa correspondance en direction de Florence. Carlisle et Kate quant à eux s'étaient attelés à rapporter dans les moindres détails le chantage d'Irina pendant des années, et les raisons pour lesquelles, aujourd'hui elle se dirigeait vers la demeure des Volturi. La tâche fut plus ardue que Kate ne l'avait imaginé, car elle eut le plus grand mal à faire admettre à Tanya que leur sœur ait pu se livrer à de tels agissements et aussi longtemps. A grand renfort de patience et de palabres, Kate et Carlisle réussirent à lui faire entendre raison. Il fut alors convenu d'un rendez-vous à Rome, afin que le reste du clan de Dénali vienne récupérer Irina une fois qu'elle aurait été stoppée, et qu'il l'escorte sous bonne garde pour son voyage retour vers l'Alaska.

Carlisle ne craignant pas de coup d'éclat de la part d'Irina en plein milieu de l'aéroport de Rome, il jugea inutile la présence du clan de Dénali en renfort avant la fin de l'opération qu'ils s'apprêtaient à mener.

Une fois le plan mis au point et répété à de multiples reprises, chacun put vaquer à ses occupations librement jusqu'au départ du cottage. Les deux jours s'écoulèrent paisiblement, entre ballades dans les montagnes, veillées au coin du feu ou courses de vitesse dans les chemins boueux. Ils en profitèrent pour aller chasser, se relayant pour que je ne reste pas seule pendant que la famille se nourrissait des quelques moutons à tête noire qui paissaient dans les environs. L'atmosphère était si détendue que j'en avais presque oublié que trois jours plus tard nous nous apprêtions à aller à la rencontre de celle qui avait failli causer la perte du Docteur Cullen, et que du succès de cette mission découlait le sort de la famille, ainsi que le mien. Plusieurs fois mon esprit avait été assombri d'hypothèses alarmantes. Si les Cullen n'arrivaient pas à trouver Irina dans la foule qui se presserait à l'aéroport ? Si elle arrivait à échapper à leur vigilance ? Si elle se doutait de quelque chose ? Si elle changeait de plan ? Et pourquoi était-elle si longue à rejoindre Volterra ? Dans ces moments là, seul Edward avait le don de m'apaiser. Il m'assurait que si elle changeait d'avis, Alice le verrait immédiatement. De même qu'Alice ne tarderait pas à avoir des visions de l'issue de cette mission. Bien que je trouvasse qu'il faisait un peu trop confiance aux visions de sa sœur, je décidai de me fier à ses paroles. Donc pour l'instant, nous avions simplement l'air d'une famille « ordinaire » en vacances …

La traversée retour du pays vers Dublin se fit sans le moindre incident, le médecin et son épouse ouvrant la voie dans une grosse cylindrée semblable à la notre. Nulle crevaison cette fois, mais un ciel noir et menaçant nous escorta tout le trajet, comme pour nous rappeler où nous nous trouvions, en ces terres de légendes et d'Histoire, où les croyances et la folie des hommes avaient fait couler le sang pendant des siècles*. Les heures sombres qui nous attendaient au bout de notre périple me parurent, un court instant, bien dérisoires.

Nous atterrîmes à l'aéroport de Rome en milieu d'après midi sous un soleil doux de printemps. Le temps de trouver des taxis pour toute la famille et de nous organiser, l'après-midi touchait presqu'à sa fin lorsque nous nous arrivâmes à destination de notre périple. Esmé avait réservé une suite dans un hôtel face au pont Saint-Ange, à quelques pas de la Sainte cité du Vatican. L'idée incongrue qu'une bande de vampires puisse prendre ses quartiers si près de ce haut lieu de la Chrétienté me fit sourire, mais l'endroit était magnifique et le choix de la madone du clan Cullen me parut d'un naturel évident, compte tenu de ses gouts pour l'Histoire et l'architecture.

Rapidement, la suite luxueuse où nous nous trouvions prit des allures de quartier général. Les trois chambres meublées et décorées avec raffinement dans le pur style baroque italien attenantes au vaste salon furent réparties immédiatement par Carlisle. Emmett, Alice et Kate se virent attribués la plus spacieuse, Edward et moi, récupérâmes la plus excentrée, et Carlisle et Esmé s'installèrent dans la dernière, la plus petite de toutes. Il s'agissait là d'une formalité sans grand intérêt pour eux, si ce n'était d'accorder un peu d'intimité à qui en aurait besoin. Seul le choix de la chambre que nous occuperions, Edward et moi, fut motivé par des raisons de tranquillité, afin que je puisse bénéficier d'un peu de calme pour dormir loin du tumulte de la famille.

Dès la nuit tombée, après que chacun se soit prélassé tantôt dans un bain moussant, tantôt sous une douche brulante, nous quittâmes notre repère pour aller arpenter les rues pavées de la capitale italienne. Au détour d'une des nombreuses ruelles étroites quadrillant la ville, Edward et moi nous arrêtâmes dans un petit restaurant afin que je puisse diner, tandis que les autres continuèrent à flâner dans le quartier. Les rires d'Emmett résonnèrent longtemps contre les parois hautes des immeubles colorés après qu'ils nous aient laissés. Edward, en guide touristique consciencieux se chargea de me faire découvrir la gastronomie locale. M'adressant un clin d'œil, il commanda une pizza au jambon de Parme pour moi, et des Bruschettas pour lui dans un italien parfait. Il était amusant de l'observer jouer les fins gourmets alors qu'il n'avait probablement jamais dû gouter le moindre plat italien de son existence humaine. Lorsque notre commande arriva, j'engloutis avec avidité les mets devant moi, ne cherchant pas même à cacher que j'étais affamée. Même si je ne l'avais pas été, la pizza était la meilleure qu'il avait été donnée de gouter, et c'eut été un péché que d'en laisser une miette. Edward me contemplait d'un air insondable partagé entre sérénité et suspicion. Commençant à me sentir mal à l'aise, je tentai d'une façon plutôt malhabile de détourner son attention.

- Edward, comment crois-tu que ça va se passer ? Demandai-je d'un air faussement détaché.

- Quoi donc ?

- Et bien, tu sais, l'arresta … la rencontre avec Irina.

- Bien. Forcément.

- Comment peux-tu en être si sur ? Alice n'a encore rien vu … J'ai peur que ça tourne mal …

- Je n'ai pas besoin des visions d'Alice pour savoir qu'il n'y aura aucun problème. Irina va se retrouver face à cinq vampires, dont trois au moins sont plus rapides, plus forts et plus doués qu'elle. Elle est peut-être folle, mais elle n'est pas stupide.

- Et si elle se doutait de quelque chose et qu'elle change d'avis au dernier moment ?

- Si elle changeait d'avis ? Répéta Edward amusé. Cela voudrait simplement dire qu'elle a retrouvé la raison et que nous sommes venus ici pour rien. En résumé, que nous sommes hors de danger.

- J'aimerais être aussi confiante que toi. Cette femme risque de faire basculer nos vies …

- Arrête Bella ! Me coupa Edward sèchement.

Il planta son regard ambré dans le mien. Son visage s'adoucit immédiatement comme s'il regrettait son soudain emportement.

- Je ne te ferais jamais courir le moindre danger, tu le sais ? Reprit-il d'une voix tendre. Je ne permettrai à personne de nous séparer à nouveau, ni même d'essayer. Aies confiance en moi. Aies confiance en nous tous. Nous ne voulons pas plus que toi que cette histoire se termine mal. Nous savons parfaitement ce que nous faisons.

- Pardon, murmurai-je en baissant les yeux.

- Regarde-moi ma chérie. Tu sais que je tiens à toi plus que tout au monde … Comprends simplement que si tu es d'une fragilité extrême au milieu de nous, ce n'est en revanche pas notre cas.

J'hochai la tête doucement, rassurée par la voix envoutante de l'homme qui venait de poser sa main glacée sur la mienne.

- Si Irina change d'avis, Alice le verra immédiatement, sois-en certaine. Et si nous ne l'arrêtons pas à Rome, nous l'arrêterons ailleurs. Nous avons la chance de disposer de dons particuliers dans notre famille, ce qui nous donne un net avantage sur elle. De plus, elle a fait l'erreur de nous sous-estimer, ce qui nous donne un autre avantage sur elle. Nous savons ce qu'elle veut, mais elle, elle est persuadée qu'elle est en train de nous berner. Elle ne se doute pas un instant du comité qui va l'accueillir quand elle arrivera ici. Crois-moi, cette furie n'a pas plus de chance de poser un jour un pied à Volterra que de nous filer entre les doigts à son arrivée à l'aéroport.

Je lui souris. Sa logorrhée avait eu l'effet escompté. J'étais plus rassurée et plus confiante que jamais.

- Et quand bien même elle nous échapperait, continua-t-il sur un haussement d'épaule désinvolte, elle n'ira pas à Volterra à pied ! Avec notre odorat, notre vue et ma vitesse, si elle réussit à filer, la rattraper ne sera qu'une question de minutes.

Il me lança un clin d'œil complice comme celui qu'il m'avait adressé lorsqu'il avait pris notre commande, et se leva pour aller régler la note.

Quelques instants plus tard, nous déambulions lentement le long des boutiques d'antiquités et de confiseries qui égrenaient les ruelles pittoresques du cœur historique de Rome. L'air de la nuit était doux, et les badauds qui profitaient du charme nocturne de la ville étaient encore nombreux, riant et discutant joyeusement autour de nous. Edward avait passé son bras autour de mes épaules. Je me sentais en sécurité. Aimée et protégée du monde auprès de cet adonis, dont la beauté rivalisait avec la perfection des statues antiques ornant les quatre coins de la ville.

Cependant, après quelques minutes de flâneries en silence, un malaise entre Edward et moi s'était insinué. C'était la première fois depuis plusieurs jours que nous nous retrouvions seuls tous les deux, et l'absence totale d'une tierce personne détournant notre attention révéla de façon douloureuse le poids de certains non-dits, et d'un ressentiment naissant entre nous. J'hésitai quelques instants, ne sachant trop si je devais rompre le silence, ni ce que je devais dire. Le devais-je vraiment d'ailleurs ? Est-ce que la morosité d'Edward n'était pas uniquement le fruit de mon imagination ? Finalement, je décidai que le mieux était d'en avoir le cœur net.

- Je suis désolée, murmurai-je en regardant fixement la pointe de mes chaussures.

Je sentis son corps se raidir et son bras se crisper légèrement autour de mes épaules.

- Désolée de quoi Bella ? Répondit-il après un bref instant d'hésitation.

- De … De ce qu'il s'est passé, enfin … heu … en Alaska … Enfin, tu sais bien … Avec Emmett … Bafouillai-je penaude.

- Ah ça …

Il se tut. La tâche s'annonçait plus ardue que je ne l'avais imaginé. Je me sentais terriblement honteuse, et son absence quasi-totale de réaction me le révéla encore plus cruellement.

- Je suis sincèrement navrée, Edward. Je ne voulais pas … enfin si … non ce n'est pas ce que je voulais dire !

J'avais conscience que plus je tentais de me justifier, plus je m'enfonçais. Je sentis mon visage me bruler, et je compris qu'Edward attendait de voir jusqu'où j'irais avant de parler. Il ne voulait pas me faire le plaisir d'intervenir, ce qui se serait révélé trop secourable à son gout.

- J'avais trop bu, et j'ai dérapé, repris-je après avoir inhalé une longue bouffée d'air. J'ai réalisé trop tard ce que j'avais fait. Je suis désolée, je sais que je t'ai fait du mal. Je n'aurais jamais dû … Je suis méprisable, et tu as raison de m'en vouloir …

- Je ne t'en veux pas, coupa-t-il sèchement.

- C… Comment ?

- Je ne t'en veux pas. Mais oui, tu m'as fait du mal.

- Je suis désolée, répétai-je d'une voix lamentable, consciente que mes excuses étaient bien maigres. Tu … Tu devrais m'en vouloir … Après ce que j'ai fait. Je suis impardonnable ! Si tu savais comme j'ai honte de moi …

- Je le sais. Et c'est amplement suffisant pour que je ne t'en veuille pas, Bella.

Il s'arrêta de marcher, et m'attira légèrement sur le côté de la ruelle pour nous écarter du flux incessant de touristes.

- Ecoutez-moi bien Isabella Swan, reprit-il d'une voix tendre en replaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille. Je te mentirais si je te disais qu'apprendre que tu as sauté sur mon frère pendant mon absence m'a enchanté. C'est un fait. Mais, personne n'est infaillible, et je pense que tout le monde a droit à l'erreur au moins une fois …

- Edw …

- Chut, souffla-t-il en posant délicatement son index froid sur mes lèvres. Je sais exactement tout ce qu'il s'est passé, et comment cela s'est passé. Je l'ai vu dans les pensées d'Alice, mais également dans celles d'Emmett. Tu avais bu, et tu n'étais pas toi-même. Je l'ai bien compris. L'alcool n'excuse pas tout, certes. Mais je sais également l'effet que produit Emmett. C'est un homme séduisant, charismatique et protecteur … et j'étais loin … je comprends qu'il ait pu exercer une attraction sur toi. Même malgré lui … même malgré toi. J'ai conscience de ton amour pour moi Bella, mais tu restes humaine, et parfois tes pulsions échappent à ton contrôle. Je crois que ça ne serait pas arrivé si j'étais venu avec vous dès le départ. Mais c'est ainsi … La seule chose qui compte, c'est que je suis persuadé que tu n'aimes que moi. Oui, le macho en moi est dingue de jalousie que tes lèvres se soient posées sur celles d'un autre, mais le gentleman comprend que ça n'est finalement pas si grave que ça. Mon ego a été un peu bousculé, mais ça me rappelle aussi que rien n'est jamais acquis, surtout pas l'amour, et que je dois me battre pour le garder.

Il se tut et m'adressa le sourire que j'aimais tant, celui qui mettait à bat tous mes remparts systématiquement. Plaquant son corps de marbre contre le mien, il posa délicatement sa bouche de velours sur la mienne, et m'offrit le baiser de l'armistice.

- Je t'aime, murmurai-je lorsque nos lèvres se décollèrent enfin.

- Je sais.

Nous nous remîmes en marche doucement pour aller rejoindre le reste de la famille. Le cœur léger et apaisé, je lui pris la main et y déposai un baiser sur le dos, savourant la douceur de sa peau diaphane.

- Une dernière chose, mon amour, dit Edward d'un ton enjoué en reposant son bras autour de mes épaules.

- Oui ?

- Jure-moi de ne jamais parler de ça à Rosalie ! Aucun de nous ne serait assez fou pour le faire, et si par malheur elle venait à l'apprendre, les Volturi à côté d'elle auraient l'air d'un bisou sur la joue !

- C'est amusant, Emmett m'a dit exactement la même chose.

- Je te crois volontiers ...

Le lendemain, je m'éveillai à l'aube. Dans le salon de la suite, les Cullen ainsi que Kate étaient installés dans les grands canapés en soie claire et semblaient plongés dans une vive conversation. Ils parlaient si vite et si bas que leur lèvres frémissaient à peine en un bourdonnement dont je ne saisissais pas la moindre bribe. Je mesurai encore une fois les efforts qu'ils faisaient lorsqu'ils se donnaient la peine de parler normalement dans l'unique but que je les comprenne. Quand ils me virent sur le pas de la porte, tous se turent et tournèrent vers moi des visages radieux.

- Bonjour Bella, entonna joyeusement Esmé. J'espère que nous ne t'avons pas réveillée.

- Non, non, ne vous inquiétez pas, répondis-je d'une voix encore engourdie par le sommeil.

- Alice a fait monter un petit déjeuner pour toi, il est sur la table.

Je distinguai derrière elle le plateau argenté posé sur une table antique en acajou qu'elle pointait négligemment du doigt. J'hochai la tête reconnaissante.

- Prépare-toi vite, gazouilla la voix claire d'Alice. Nous avons un super programme pour la journée !

J'haussai un sourcil interrogateur et fis demi-tour en direction de la salle de bain. Une bonne douche, voilà ce dont j'avais besoin pour me réveiller et me remettre des émotions de la veille au soir.

Une demi-heure plus tard, lavée, coiffée, habillée et rassasiée, je me lovai dans les bras d'Edward sous les regards tantôt amusés, tantôt attendris des vampires aux yeux d'or. L'odeur exquise de sa peau et de ses cheveux m'enveloppa, et j'écoutai avec joie et espoir le programme qui avait été décidé pendant mon sommeil.

Une heure plus tard, nous nous séparions devant l'hôtel. Carlisle, Edward, Kate et Alice partirent en direction de l'aéroport pour repérer les lieux et établir les points stratégiques et le rôle de chacun lorsqu'Irina descendrait de l'avion le lendemain matin. Esmé et moi montâmes, quant à nous, dans un taxi en direction du centre historique de Rome. La mère du clan Cullen tenait à tout prix à me faire découvrir les merveilles antiques de la cité. Le forum romain et le Colisée. « Il serait impardonnable et simplement honteux que tu viennes à Rome et que tu ne vois ces merveilles de l'Histoire de notre civilisation » avait-elle scandé tandis que je protestais de ne pouvoir accompagner les autres à l'aéroport. Face à sa détermination, je n'avais pas osé contester plus longtemps. Et puis, après tout elle avait raison. C'aurait été vraiment dommage, d'autant plus que ma présence à l'aéroport n'aurait été d'aucune utilité, et plus gênante qu'autre chose. Edward avait insisté pour qu'Emmett nous accompagne. Ne se faisant pas prier très longtemps, il semblait manifeste qu'Emmett préférait aller gambader au milieu des ruines antiques et des italiennes que de se « fader » une demie journée de repérage dans une aérogare avec son père et son frère. La lueur de malice qui brillait dans les yeux d'Edward lorsqu'il avait formulé cette injonction n'avait absolument rien d'innocent. « Pour votre sécurité, il vaut mieux qu'Emmett soit avec vous » avait-il avancé. Mais quelle sécurité ? Que risquions-nous puisqu'Irina n'arrivait que le lendemain ? Je compris qu'Edward m'adressait un clin d'œil. Il voulait me montrer qu'il me faisait confiance, et à la fois se moquer de moi, en me faisant passer l'après-midi avec son frère. Un pied de nez à peine voilé. Voulait-il me tester ? Ou tout simplement se venger sachant parfaitement que cela me mettait mal à l'aise ? Je ne répondis pas à cette petite perfidie et chacun sembla s'accommoder parfaitement de la répartition des groupes.

Ainsi, après une demi-heure de rodéo dans un taxi italien lancé à toute allure, je descendis pantelante du véhicule, sous l'hilarité d'Emmett. Lui paraissait avoir plus qu'apprécié la conduite « sportive » du chauffeur.

- Ca c'est du pilotage digne de ce nom ! S'écria Emmett en payant l'homme. Je comprends mieux pourquoi les Volturi n'ont jamais voulu quitter l'Italie !

Devant nous se dressait le Colisée. Magistral, ancestral et écrasant. Le monument haut d'une cinquantaine de mètres se découpait dans le ciel grisâtre, menaçant et imposant le respect dû à son âge et à son histoire. Même Emmett plongea dans un silence contemplatif face à ce témoignage d'un autre temps.

Aux pieds du Colisée une foule de touristes se pressait en un flux que même le ciel chargé ne semblait réussir à réfréner. Comme dans toutes les grandes capitales de cette planète, des marchants de souvenirs et babioles diverses avaient installé leurs étalages de fortune aux quatre coins du parvis cerclant la base du monument. De-ci de-là, des hommes vêtus de costumes de gladiateurs ou de centurions romains de mauvaise facture erraient en quête de touristes prêts à dépenser quelques euros pour une photo à côté d'eux. L'ensemble de ce petit monde s'agitant aux pieds du géant de pierres, indifférent, donnait l'image d'une vaste fourmilière où grouillait la vie sans discontinuer.

Nous passâmes une partie de la matinée et du début de l'après-midi à arpenter les gradins du Colisée, audio-guide vissé à l'oreille. Dans un silence religieux nous écoutions les explications et anecdotes d'Esmé qui semblait en connaître plus long sur l'histoire romaine que les romains eux-mêmes.

- Foutue caillasse ! Rugit Emmett lorsqu'il fit chuter son appareil photo tout neuf sur les pavés insensibles de l'arène**. On n'a pas idée d'être aussi dur !

Les cris agacés d'Emmett tandis qu'il essayait de réparer l'objectif de son appareil, dégradant son état plus qu'autre chose, ne manquèrent pas d'attirer les regards curieux des visiteurs sur nous.

- Et puis c'est quoi cette camelote made in Taïwan ?! Ca résiste à rien ! Continua-t-il en secouant vivement l'objet qui émettait à présent un cliquetis inquiétant.

Ses cris se muèrent rapidement en gémissements navrés, et Esmé reprit son exposé après lui avoir juré sur la tête de tous les membres de la famille et de leur descendance qu'elle lui en offrirait un nouveau dès qu'ils trouveraient une boutique.

A la visite du Colisée succéda celle du forum antique. Emmett continuait à râler, imperturbable, sur la perte de son appareil et des « superbes clichés qu'il aurait pu faire ».

Cependant la mauvaise humeur du vampire se craquelait rapidement lorsqu'il voyait une jolie touriste passer à sa hauteur. Il n'était pas rare de l'entendre alpaguer « la ragazza », le regard appréciateur, entre deux temples en ruine dans un italien à couper au couteau.

- Hey, ne me regarde pas comme ça ! La drague c'est le sport national ici ! S'exclama-t-il face au regard lourd de sens que lui jeta Esmé. Moi, je m'adapte ! Considère ça comme une tentative d'immersion approfondie dans la culture locale ! Je m'instruis vois-tu !

- Je suis certaine que Rose appréciera également tes efforts pour t'imprégner de la « Culture locale », répondit Esmé en mimant de ses doigts des guillemets invisibles.

- Ce que Rose ignore ne peut pas lui faire de tort ! Conclu-il d'un air entendu.

Au milieu de l'après-midi, postés sur la Piazza di Venezia devant le parvis du Vittoriano***, édifice monumental dominant la ville, nous attendîmes que Carlisle, Alice, Kate et Edward nous rejoignent. Ce dernier nous adressa un regard circonspect lorsqu'il nous vit Emmett et moi. Après une demi-journée de marche et de piétinements devant les arcs, obélisques, temples et colonnes divers, mes jambes étaient pétrifiées, et mes chevilles hurlaient qu'on les achève. Tant est si bien qu'Emmett me voyant tordre les pieds et grimacer de douleur pour continuer à avancer avait eu pitié de moi et m'avait faite grimper sur son dos pour me soulager un peu. A présent, ma posture me mettait mal à l'aise devant Edward, qui s'était bien gardé de formuler la moindre remarque, sachant et savourant la gêne que son silence m'inspirait. Je me laissai donc glisser du dos salvateur d'Emmett, mais dès que mes pieds touchèrent le sol, la douleur m'arracha un gémissement, attirant les regards interrogateurs de tous.

- Je vais prendre le relai, lança Edward d'un ton faussement enjoué. Il y a encore plein de choses à voir, et manifestement Bella est incapable de mettre un pied devant l'autre !

J'obéis, reconnaissante, à Edward et me hissai sur son dos enroulant mes bras autour de la peau lisse de son cou, ses cheveux soyeux caressant doucement mon visage.

- Merci, murmurai-je à son oreille, alors que son odeur enveloppait chaque parcelle de mon corps.

Après une brève discussion nous nous décidâmes pour la visite du Panthéon à quelques pas de là, et nous mîmes en marche joyeusement, tandis que derrière moi, Emmett racontait avec force de détails pour la troisième fois à Alice et Kate comment son appareil photo avait sauté de ses mains pour se suicider sur les dalles du Colisée.

Le Palazzo Venezia, le Panthéon, la Piazza Navona et ses fontaines, l'église Sainte-Agnès en Agone, la Piazza del Popolo, la fontaine de Trévi, la Piazza si Spagna, et bon nombre d'églises se succédèrent à un rythme effréné. Chahutés par des hordes de touristes, bousculés par les groupes d'hommes d'affaires romains, tourmentés par le vrombissement des voitures, les interpellations véhémentes des restaurateurs, et les hurlements des sirènes des carabinieri, nous refermâmes la porte de la suite avec soulagement en milieu de soirée, savourant le calme enfin retrouvé. Sans autre forme de procès, je m'écroulai sur le lit tentateur, et m'endormis immédiatement d'un sommeil profond. Lorsque j'émergeai de sous mes couvertures, j'avais perdu toute notion du temps. Une fente entre les rideaux encore tirés laissait filtrer un rayon de lumière, m'indiquant que le jour était levé depuis plusieurs heures. Je pris une douche rapidement et m'habillai avant de rejoindre tout le monde dans le salon. Ma surprise fut de taille quand je n'y vis qu'Esmé, confortablement installée sur l'un des divans. - Bonjour Bella, lança-t-elle en levant le nez du magasine qu'elle feuilletait. Tu as bien dormi j'espère ? - Bonjour Esmé. Oui, très bien. - Formidable ! Ton petit déjeuner t'attend si tu as faim. - Où … où sont-ils tous ? Demandai-je, en sentant le doute poindre dangereusement. Elle leva un sourcil stupéfait, comme si ma question était la dernière chose qu'elle s'attendait à entendre. - A l'aéroport bien sur ! Tu n'as tout de même pas oublié la raison pour laquelle nous sommes ici ? Irina doit déjà être arrivée à l'heure qu'il est. Je sentis un poids douloureux me tomber dans l'estomac. Après les deux jours féériques que je venais de passer, l'arrivée d'Irina sonnait comme un rappel à la réalité beaucoup trop brutal pour moi. Toute l'angoisse qui m'avait animée lors de notre cours séjour en Irlande, et que j'avais reléguée dans un coin de mon esprit comme un détail désagréable, me revint en quelques secondes. Le temps de réaliser l'énormité de la situation. - Qu … quoi ? Bafouillai-je. Esmé me regarda à nouveau comme si je venais de lui annoncer que j'avais vu le Pape en chemise hawaïenne.

- Voyons, tu sais bien que son avion arrivait à 10h30 ! Et puisqu'il n'est pas loin de 11h15, elle doit déjà être en train de se demander ce qu'il lui arrive …

- Vous êtes sure ?

- Oui, Alice a eu une vision dans la nuit. Donc je suppose qu'ils ne devraient plus être loin de l'hôtel.

- Pourquoi vous ne m'avez pas réveillée ?

- A quoi bon ? Tu dormais comme un bébé, et te réveiller n'aurait servi qu'à t'inquiéter et te faire passer une matinée à tourner en rond ici. Il valait donc mieux que tu récupères tranquillement pour être en forme pour notre retour à Forks.

- Oui … vous avez surement raison. C'est juste que … hum … que j'aurais aimé les accompagner. Je me sens inutile ici.

- Bella, dit Esmé d'une voix douce après un court moment de silence. Tu n'aurais pas été plus utile là bas. Moi non plus d'ailleurs. Enfin, je ne veux pas dire que tu es inutile, mais ils avaient besoin de toute leur liberté d'action, et te savoir là-bas les auraient inquiétés. Ils auraient passé leur temps à te surveiller et à faire attention qu'il ne t'arrive rien. Comprends-tu ? Ce n'était pas contre toi, ni pour te mettre à l'écart …

- Bien sur, répondis-je maussade.

Comme pour ponctuer son argumentaire, le téléphone d'Esmé sonna, mettant fin à la conversation. Je guettai avec appréhension ses réactions, mais son visage semblait figé. Après quelques secondes à peine, elle raccrocha.

- Ils seront là dans vingt minutes, peut-être moins, dit-elle visiblement soulagée.

Je sentis toute tension quitter mon corps aussi surement que si Jasper m'avait envoyé une de ses fameuses vagues d'apaisement. Je m'installai à table pour déjeuner. Déchiquetant négligemment mon croissant, je ne quittai pas Esmé des yeux. Elle avait ouvert son téléphone et ses doigts s'activaient dessus si vite que je ne les distinguais plus.

- Tanya, c'est Esmé … Ca y est, elle est avec eux … Oui … elle va bien rassure-toi … Dans deux heures, Carlisle veut parler avec elle avant … Tout à fait, à notre hôtel.

Elle raccrocha le téléphone, et je souris sur ma tasse de café en comprenant qu'Esmé avait volontairement parlé de façon audible pour moi.

Alors ça allait s'arrêter là ? Je repensai aux trois dernières semaines que je venais de passer, et au périple incroyable dans lequel les Cullen m'avaient embarquée … à moins que ce ne soit moi qui les y ai embarqués ? Les soirées à la villa, à chercher le sens de la photo de Carlisle et Carmen, à faire des hypothèses plus rocambolesques les uns que les autres, les coups de sang d'Edward, qui s'était révélé plus qu'il ne l'aurait voulu pendant ces quelques semaines, le départ pour l'Alaska, l'Abbaye de Dénali et sa vue qui m'avait glacée jusqu'au sang, le récit incroyable du passé de Carmen, la dispute de Rosalie et Emmett, notre « dérapage » dont les conséquences s'étaient avérées miraculeusement moins dramatiques que je ne le craignais, et puis la fuite d'Irina … l'aveux de Carmen, l'enfant immortel, le cottage en Irlande, le chantage dont Carlisle avait été victime pendant des décennies, les trois jours où je m'étais sentie plus que jamais membre à part entière de cette famille heureuse et unie, … et je me trouvais à présent assise dans la suite d'un somptueux hôtel à Rome devant ma tasse de café fumante attendant que celle qui avait causé tant de mal et tant de peur à la famille d'Edward franchisse le seuil de la porte. Tout cela parce que lors d'une promenade dans les bois avec Emmett, je m'étais montrée trop curieuse. Qu'en aurait-il été si je n'avais pas séché les cours cet après-midi là ? Est-ce que l'histoire de Carlisle serait revenue à nos oreilles ? Surement. Mais quand ? Combien de temps ses enfants auraient-ils mis pour comprendre que quelque chose n'était pas normal ? Tout cela était totalement incroyable. Les choses avaient pris une tournure et une ampleur dont je n'aurais jamais pu soupçonner les conséquences. Comment avais-je pu ne pas totalement perdre pied avec la réalité ? Ou bien, était-ce que je fréquentais ces êtres « hors-norme » depuis si longtemps qu'ils semblaient justement être devenus la « norme » à mes yeux ? Qu'allait-il se passer à présent ? Je n'osais croire que les Cullen seraient véritablement hors de danger malgré l'interception à temps d'Irina. Comment Carlisle comptait-il assurer le silence de celle qui avait prouvé au fil des années sa démesure et sa jalousie ?

La porte de la suite s'ouvrir à la volée m'arrachant à mes réflexions. Je me levai d'un bond comme un diable sortant de sa boite. Edward et Kate entrèrent les premiers dans la pièce, les yeux sombres et le visage fermé. Derrière eux suivaient Carlisle tenant d'une poigne ferme le bras d'Irina dont les traits, étrangement, ne trahissaient aucune émotion. Enfin, Emmett et Alice, fermant la marche, pénétrèrent à leur tour en silence. Carlisle, qui n'avait pas prononcé le moindre mot, se dirigea vivement vers la première chambre devant lui, entrainant dans son sillage Irina. Il claqua la porte derrière lui, et la tension qui s'était brusquement emparée de la pièce à leur arrivée retomba aussi brutalement. Edward adressa un hochement de tête rassurant à Esmé qui avait également bondit en les entendant.

Edward, percevant mon trouble, vint s'installer doucement sur une chaise près de moi et posa sa main sur la mienne. Le contact froid de sa peau aurait dû m'électriser, mais étrangement, il m'apaisa et m'engourdit. Les questions se bousculaient dans ma tête, j'avais mille choses à lui demander, je voulais tout savoir, tout connaître de ce qu'il s'était passé à l'aéroport. Mais mes lèvres restèrent scellées. Je savais que ce n'était pas le moment. Même s'il n'en disait rien, Edward était concentré sur la discussion dans la chambre à côté, et n'en perdait pas une miette. Les autres non plus d'ailleurs. J'étais la seule à ne pas avoir l'ouïe surdéveloppée. La seule chose que mes tympans réussirent à capter à cet instant, était un silence total, presque assourdissant. Mais les réponses viendraient en temps voulu. Edward me raconterait tout dès que cela serait fini.

A ma grande surprise, il fit exactement le contraire de ce que j'avais imaginé. Il se leva et me signifia la porte d'un signe du menton.

- On sort ? Me demanda-t-il.

- Pardon ? Tu ne veux pas rester avec ta famille ?

- Non, cela risque de durer un peu, et il est inutile de rester ici à s'ennuyer. Allons nous promener tu veux bien ?

Je le suivis sans protester, et nous quittâmes l'hôtel pour les ruelles colorées de la ville. Marchant main dans la main comme un couple amoureux normal, Edward me raconta en détails le déroulement de leur matinée. Comment ils étaient arrivés et avaient attendu plus de deux heures. Comment Carlisle était allé à sa rencontre. Comment elle avait hésité quelques instants lorsqu'elle avait vu Kate et Emmett et qu'elle avait compris que son plan avait été mis en échec. Comment elle avait tenté de s'échapper avant qu'il l'intercepte quelques mètres plus loin avec Alice qui avait vu le coup venir. Comment elle avait tenté de les convaincre qu'elle n'avait pas l'intention d'aller à Volterra. Puis comment ils s'étaient hâtés de rentrer à l'hôtel sans lui donner la moindre explication. Mais en avait-elle besoin ?

Edward m'expliqua également, surtout pour me rassurer, qu'Irina s'était rendue compte, non pas de son erreur, mais du risque qu'elle courrait à vouloir dénoncer Carmen et Carlisle, ce qui serait une sorte de garantie pour eux.

- Alice lui a démontré que toutes ses tentatives, quelles qu'elles soient, seraient mises en échec invariablement, expliqua Edward.

- Comment ça ?

- Et bien, si d'une manière ou d'une autre Irina trouve un moyen que contacter les Volturi, que ce soit en allant à leur rencontre ou en leur écrivant, le simple fait qu'elle décide de mettre son plan en action permettra à Alice de le voir. Et même si elle ne perçoit pas clairement de quoi il s'agit immédiatement, on saura qu'elle prépare quelque chose. D'autre part, à Dénali, elle sera sous la surveillance constante de ses sœurs, mais également de Carmen et Eleazar. Tous les membres du clan de Dénali sont à présent impliqués personnellement dans cette affaire puisque non seulement ils étaient au courant de tout, mais ils ont œuvré de concert pour qu'Irina ne puisse pas avertir les Volturi. Il y a donc un lien tacite entre eux et nous, nous assurant leur coopération permanente. Ils savent tous qu'ils ont autant de chance que nous d'être tués si cette affaire venait à se savoir. Et crois-moi aucun n'en prendra le risque. Donc, au moindre mouvement suspect d'Irina, nous seront au courant, et vice-versa.

- Je vois …

- Elle est totalement cernée, et elle l'a bien compris.

- Tu en es sur ? Comment peux-tu savoir qu'elle ne changera pas d'avis une fois qu'elle sera sortie de cette chambre ?

- Parce que je l'ai entendue. Elle sait qu'elle n'aura plus aucun moyen de contacter les Volturi.

- Dans ce cas, pourquoi est-elle venue jusqu'ici ? Ce que je veux dire, c'est qu'elle vous connaît tous depuis suffisamment longtemps pour savoir que vos dons l'auraient forcément empêchée d'arriver jusqu'à Volterra.

- Et bien, je pense, enfin maintenant je sais, que sur le moment, elle n'a pas réfléchi. Elle est partie sur un coup de tête, prise de panique quand elle a compris que vous alliez tout découvrir. Cependant, elle n'a jamais cru un seul instant que Carlisle pourrait révéler la façon dont elle le faisait chanter. Ca ne lui a même pas traversé l'esprit tant elle était certaine de son emprise sur lui.

- Pourtant, Carlisle nous a bien dit que le soir où il a brisé son bureau, il venait de lui dire qu'il refusait de continuer à lui obéir …

- Non, Bella, tu as mal écouté. Il a dit que ce soir là il lui avait opposé un refus. Pour la première fois il venait de lui dire « non ». Mais à aucun moment il ne lui a dit qu'il allait parler de ce qu'elle lui faisait subir depuis des années. De toute façon, je pense que même s'il lui avait dit ça, elle ne l'en aurait pas cru capable. Pour elle, cela faisait des dizaines d'années que ce jeu sordide fonctionnait, et il n'y avait pas de raison que cela change. Elle devait penser que s'il avait voulu en parler, il l'aurait fait bien avant d'avoir une famille et une situation établies. Elle savait également que sa fierté et sa peur de perdre les personnes qui lui étaient les plus précieuses étaient une assurance pour elle de son silence.

- Il a parlé pourtant.

- Oui, il a parlé …

Edward pressa serra ma main un peu plus, et me lança un sourire radieux, comme je ne lui en avais pas vu depuis longtemps. Au détour d'une ruelle, il m'offrit une glace scandaleusement énorme, comme on le ferait avec un enfant qui a eu un gros chagrin.

Lorsque nous revîmes aux abords de l'hôtel après une absence plus longue que prévu, nous aperçûmes Eleazar, Tanya et Kate qui en sortaient, escortant de près une Irina plus penaude que jamais. Celle-ci s'engouffra à l'arrière d'une berline noire aux vitres teintées, suivie de près par Carmen. Eleazar nous adressa un signe de la tête avant de prendre lui-même place derrière le volant.

Tanya et Kate vinrent à notre rencontre pour une ultime étreinte avant le départ.

- Merci, souffla Tanya avant de tourner les talons et de s'installer à l'arrière près d'Irina.

- On se reverra vite, j'espère, dit Kate en nous lançant un clin d'œil.

Quelques secondes plus tard, la dernière portière claqua et le véhicule disparu dans la circulation.

- Ca s'est plutôt bien passé, conclut Edward, tandis que nous nous traversions le hall pour gagner les ascenseurs.

Dans la suite, l'agitation semblait avoir repris ses droits au sein de la famille Cullen. Esmé s'affairait déjà à boucler les quelques bagages que nous avions emportés, tandis que Carlisle paisible admirait le soleil de cette fin d'après-midi illuminer la sculpture magistrale surplombant la façade austère du château Saint-Ange d'une aura orangée.

- ED, BEE ! S'exclama Emmett en nous voyant entrer dans la suite. Si vous aviez vu la trempe monumentale que Tanya lui a collée ! Vous avez raté le clou du spectacle !

- Emmett ! S'écria Esmé amusée. Ca n'a rien de drôle ! Dépêche-toi plutôt, sinon on va manquer le dernier vol pour Seattle.

- Alors c'est tout ? Demanda Edward. C'est fini ?

Tous se turent, comme s'il venait de leur poser un problème métaphysique.

- Oui, répondit Carlisle qui n'avait pas cessé sa contemplation de l'extérieur. Je pense qu'Irina a compris beaucoup de choses aujourd'hui, notamment ce qui a toujours été, … et ce qui ne sera jamais.

Il rabattit les deux pans de la lourde tenture, et se retourna vers nous souriant. Une lueur de malice brillait dans ses yeux.

- On rentre à la maison ?

~ FIN ~

* Un peu d'Histoire et de Culture : S'il est un pays qui a payé cher le prix de la liberté, c'est bien l'Irlande. Au XIXème siècle, elle est officiellement intégrée à la Grand Bretagne (ce qui donne naissance au Royaume Uni). A la fin du siècle, les premiers mouvements autonomistes catholiques apparaissent, séparant le pays entre les partisans du mouvement autonomiste « Sinn Fein », et les partisans « Orangistes » fidèle à la couronne britannique. En 1916, un premier soulèvement des nationalistes à Dublin sera écrasé par l'armée britannique, la répression qui s'en suit sera si sanglante que même l'opinion internationale en viendra à soutenir les nationalistes, permettant par la même occasion à Michael Collins de prendre la tête du mouvement. Le premier « Bloody Sunday » eut lieu à cette période là, le 21 Novembre 1920, où en représailles d'une mission menée par les indépendantistes, l'armée britannique fit irruption pendant un match de football gaélique à Croke Park et tira sur la foule, tuant 14 personnes. En 1921, Michael Collins obtient l'autonomie de l'Irlande du sud lors des négociations du traité de Londres. Cette autonomie donnera lieu à une guerre civile entre les partisans de l'autonomie et les partisans d'une république indépendante. L'indépendance de l'Irlande du sud sera finalement acquise en 1937, tandis que l'Irlande du Nord reste attachée (et encore à ce jour) au Royaume-Uni. (Films très intéressants sur le sujet : « Le vent se lève » de Ken Loach, et «Michael Collins » de Neil Jordan).

L'Irlande du Nord (Ulster) reste, encore aujourd'hui, une province du Royaume-Uni. La période de « Troubles » commence dans les années 60 avec la contestation des catholiques qui réclament une égalité des droits avec la majorité protestante unioniste ainsi que la fin des discriminations. Les manifestations des catholiques furent interdites et réprimées, et les affrontements violents entre catholiques et protestants se multiplièrent. Londres envoya l'armée britannique pour séparer les deux communautés et rétablir le calme. Rapidement, les soldats furent instrumentalisés par le gouvernement en place et les exactions contre les catholiques se multiplièrent. Le deuxième « Bloody Sunday » marqua un tournant dans l'opposition. Le 30 Janvier 1972, lors d'une manifestation pacifique pour les droits civiques à Derry, l'armée britannique tira sur les manifestants, tuant 14 personnes. A partir de là l'IRA vit une recrudescence de ses partisans et orienta sa lutte contre l'armée britannique. Toutes les tentatives pour mettre fin au conflit menées dans les années 70 échouèrent, et il faut attendre 1995 et l'arrivée de Tony Blair à la tête du gouvernement britannique pour voir conclus les premiers accords (de paix) entre catholiques et protestants unionistes. (Films intéressants sur le sujet : « Bloody Sunday » de Paul Greengrass, et « Au nom du père » de Jim Sheridan. Des groupes comme The Cranberries ou U2 ont beaucoup milité pour l'indépendance de l'Irlande du Nord). Et le Président de l'Irlande (Eire)… est UNE Présidente ! Mary McAleese depuis 1997.

** Clin d'œil à mon Athénaïs chérie qui a royalement bousillé son appareil photo en visitant le Colisée.

*** Vittoriano : Monument à Victor-Emmanuel II, de son vrai nom, situé sur la Piazza di Venezia de 135 mètres de haut sur 70 mètres de large surplombant le centre historique de Rome. On le voit de partout, et littéralement il est « monumental » ! Un des trucs les plus impressionnants que j'ai pu voir.