Disclaimer : Tout appartien Rowling.

Note de l'auteur : Bonjour à tous ceux qui ont eu le courage de venir lire un nouveau chapitre de cette interminable fanfiction ! Je la finirais peut-être dans dix ans, qui sait ? Je dois encore m'excuser pour le temps d'attente… Je ne trouve jamais le temps de me plonger dans cette histoire que j'adore, je suis sincèrement désolé. En tout cas, pour ceux qui veulent continuer les aventures d'Harry et Snape, voilà un nouveau chapitre, et un autre arrive bientôt. Je remercie infiniment les lecteurs qui m'ont suivi jusqu'à maintenant. Merci pour votre patience et votre bienveillance ! J'espère que ce chapitre vous plaira ! N'hésitez pas à me faire savoir ce que vous en pensez. Bonne lecture !

Après la tempête, vient le beau temps ?

Chapitre 17 : Le retour du père ?

Quelques jours s'étaient passés avant qu'Albus Dumbledore ne fasse une nouvelle visite au Square Grimmauld. Depuis la dernière crise du jeune Harry Potter, les journées s'étaient déroulées selon la même routine. L'adolescent avait refusé de quitter sa chambre, avalant une potion calmante matin et soir, et ne prenant la parole que lorsqu'elle était strictement nécessaire. Même les mots doux de Molly Weasley n'avaient pas réussi à le convaincre de sortir du lit. Il s'était peu à peu détendu en compagnie de ses deux meilleurs amis, mais il conservait une intense rancœur envers les adultes.

Il était difficile de discerner si cette haine était véritablement sincère ou si elle n'était qu'un mécanisme instinctif de défense. Harry se demandait parfois pourquoi il perpétuait cette vengeance. Il lui arrivait même d'oublier pourquoi exactement il leur en voulait, comme si son corps parlait à sa place. Il avait l'impression que la mémoire de son corps venait de se réveiller. Comme si sa chair, qui avait été trahie, réclamait vengeance à la place de sa raison.

Ils avaient pourtant tous essayé de le raisonner. Mme Weasley avait essayé de l'amadouer avec des gâteaux. Lupin avait essayé de lui parler en ami. Même M. Weasley avait essayé, un soir, de le convaincre qu'il était vain d'en vouloir à ceux qui nous veulent du bien. Tous, sauf Snape. Depuis le dernier matin où il l'avait vu, le maître des potions avait fait le mort. Les potions calmantes qu'il lui destinait étaient amenées par Mme Weasley à son réveil et au coucher. C'est tout ce qu'Harry voyait encore de lui.

Le professeur était devenu un de ces fantômes qui hantaient Harry toutes les nuits. Sauf que Snape n'était pas celui qu'Harry cherchait à fuir. C'était Snape qui fuyait Harry. L'adolescent admettait volontiers à ses amis qu'il était plus que ravi de l'absence du maître de potions. Mais la vérité n'était pas aussi simple. Bien-sûr il détestait Snape. Et pourtant. Pourtant il ne pouvait s'empêcher de l'appeler vainement dans son sommeil. Pourtant il ne pouvait s'empêcher d'espérer que ce fut le sombre professeur qui allait lui apporter son petit-déjeuner. Autant il voulait le détester, autant il voulait le retrouver. Si son corps voulait le tuer, son cœur voulait l'aimer.

Au quatrième soir depuis la dernière crise, Harry était trop abruti par la potion calmante et les ronflements réguliers de Ron pour entendre le directeur de Hogwarts passer le seuil de la maison. Alors que tous les enfants dormaient, les adultes s'agitaient dans la cuisine. Et pour la première fois depuis ces dernières semaines, le sujet crucial n'était pas le retour de Voldemort et son armée de mangemorts, mais le jeune Harry Potter. Dès que Dumbledore poussa la porte de la cuisine, les émotions fusèrent. Molly sanglotait dans une manche de sa robe pendant que Lupin se rongeait les ongles. Seul Snape paraissait encore plus calme et distant que d'habitude. En vérité, il était plutôt amorphe que calme. Alors que Molly installait quatre tasses de thé fumant sur la vieille table, Dumbledore les interrogea du regard, inquiet.

« Mais enfin, que se passe-t-il ? » demanda-t-il, alors que le silence ne se brisait toujours pas.

« Potter sait. » répondit placidement Snape.

Un regard en direction du maître des potions suffit au directeur pour comprendre de quoi il parlait.

« Et maintenant, il nous déteste ! Il sait que nous lui avons toujours menti à propos de ses parents ! » s'écria la petite sorcière, des sanglots dans la voix.

« Molly, ne pleurez pas. Il finira par comprendre, j'en suis certain. » rassura le directeur. « Mais comment diable a-t-il appris ? » demanda t-il, inquiet.

« Il a trouvé la guitare de Lily dans le grenier. Vous savez bien quel sort a été jeté sur l'instrument. Il est le seul avec moi à avoir pu la toucher. Il voulait comprendre. Et je lui ai tout expliqué. » expliqua froidement Snape, le regard dur.

« Que voulez-vous dire par « tout », Severus ? » l'interrogea Dumbledore, anxieux.

« Par tout, je veux dire tout. » répondit Snape, fixant le vieil homme dans les yeux.

« Il a pu toucher la guitare. » dit pour lui-même le directeur. « Est-ce qu'il sait… ? » demanda-t-il en relevant la tête vivement.

« Que je suis peut-être son père ? » le coupa froidement Snape.

Avant qu'il n'ait eu le temps de poursuivre, le bruit d'une tasse brisée se répercuta violemment dans la pièce.

« Que… Quoi ?! » s'étrangla Mme Weasley, les yeux écarquillés.

« Vous n'aviez pas encore compris, Molly ? » demanda doucement Lupin. « Severus était avec Lily à cette époque. On ne sait ce que l'amour et la peur d'une mère peuvent sur un enfant à naître, mais il est fort probable que la puissance de la magie de Lily ait protégé son fils du déshonneur et de la honte. » lui expliqua gentiment le loup garou.
« Oh mon dieu ! Et dire que je n'y ai jamais pensé… Harry… » soupira la petite sorcière. « Est-ce qu'il sait ? » s'inquiéta-t-elle avec angoisse.

« Que son père est peut-être l'horrible maître des potions ? Non. Mais cette petite je-sais-tout de Granger a compris. Il ne reste plus qu'à compter les jours avant qu'elle ne lui dévoile ce qu'elle sait. » répliqua Snape, laconique.

« Ne crois-tu pas qu'il serait de toute façon préférable qu'il sache toute la vérité maintenant ? Nous lui avons assez menti jusqu'à aujourd'hui. » conseilla Lupin.

« Nous redoutions tous le jour où il découvrirait la vérité qu'a tenté de cacher Lily, et ce n'est finalement pas une mauvaise chose qu'elle ait enfin éclatée. Evidemment j'aurai préféré que cela se déroule dans d'autres circonstances pour Harry. Mais je crois que Remus a raison Severus, il est peut-être temps qu'il sache tout. » concéda Dumbledore.

« Albus, vous n'avez pas vu combien il est fragile en ce moment ! Je ne suis pas sûre que cela soit bon pour lui de savoir que James, le seul qu'il estime encore, n'était peut-être pas son père… » s'écria Molly.

« Elle a raison, Albus. Potter veut ma mort à l'heure qu'il est. Je ne pense pas qu'il serait ravi d'apprendre que son pire ennemi pourrait être son père. » souligna Snape.

« Au contraire, je pense que ce qu'Harry désire plus encore que votre mort c'est un père bien vivant. » répliqua le vieux sorcier.

« Vous n'avez pas l'air de réaliser l'état dans lequel l'ont mis ces révélations, Albus. » poursuivit Snape. « Si vous ne voulez pas que votre protégé meurt d'une crise cardiaque, il vaudrait mieux lui éviter cette vérité. » finit-il par ajouter.

« Est-ce que ce n'est pas toi qui a peur de ce que cette vérité pourrait faire de toi, Severus ? » demanda doucement Lupin.

Ils eurent alors tous l'occasion de voir le visage blafard du maître des potions rosir vivement avant de se crisper dangereusement.

« Il est évident que l'idée d'avoir Potter comme fils ne m'enchante guère. Mais, aussi impensable soit-il, je pense d'abord au gamin. » répliqua rageusement Snape.

« C'est vrai, Albus. Harry ne va pas bien du tout. Il refuse de nous adresser la parole, s'enferme dans sa chambre et ne quitte pas son lit. Je suis très inquiète pour lui. » ajouta Molly.

« Je comprends votre inquiétude à tous les deux. Mais je crains qu'il ne soit trop tard pour penser à cacher la vérité à Harry. Il a le droit de savoir que son père est certainement toujours en vie. » persista Dumbledore.

« Peut-être que James était vraiment son père ! » insista la petite sorcière, incapable de voir en Harry la descendance de Snape.

« Molly, ne soyez pas naïve. Vous savez, aussi bien que nous, que Lily n'éprouvait que de l'amitié pour James. Et lui-même le savait. Et vous aussi, vous le savez Severus. » ajouta le directeur à l'adresse du professeur avec un regard appuyé.

Snape se contenta de lancer un regard las au directeur. Dumbledore comprenait l'inquiétude collective concernant Harry, mais il était évident que cette histoire ne concernait véritablement qu'Harry et Severus. Pourquoi avait-il fallut qu'ils gardent tous le secret aussi longtemps ? Il aurait dû savoir que cela finirait mal. Et pourtant il avait pensé à Voldemort avant Harry. Il avait préféré conserver son espion plutôt que d'offrir un père au jeune sorcier. Aujourd'hui, c'était son devoir de réunir cette famille qu'il avait lui-même empêché de construire.

« Molly, Remus, je crois que nous avons assez fait d'Harry et de Severus des sujets politiques. Ils méritent l'un et l'autre de retrouver leur histoire particulière. Peu importe quelle sera la décision de Severus, nous devons le laisser décider par lui-même. Je comprends votre inquiétude pour Harry, mais il me semble temps de laisser à Severus et à Harry leur liberté. » annonça-t-il calmement.

Molly ouvrit la bouche vivement, mais la referma aussitôt. Elle savait que Dumbledore disait vrai. Ce n'était pas son rôle d'interférer dans l'histoire personnelle d'Harry et de Severus. Même si elle ne pourrait sans doute jamais s'empêcher de considérer Harry comme son propre fils.

« Remus, je crois qu'Harry te fais assez confiance pour que tu lui parle. Il mérite une autre version de l'histoire. Une version qui sera sans doute moins rude que la tienne, Severus. » conseilla le vieil homme.

Remus approuva d'un signe de tête, même s'il avait du mal à croire en son pouvoir d'orateur face à Harry ces temps-ci. Mais il devait admettre qu'en tant qu'ami proche de James, il devait sa propre vérité au garçon.

« Severus, si nous allions boire une dernière tasse de thé au salon ? » invita doucement le directeur.

Snape, que la discussion semblait avoir abruti, releva la tête machinalement. Alors que le directeur suivait deux tasses de thé volant dans les airs en direction du salon, le maître des potions lui emboîta le pas, chancelant.

Après qu'ils se soient installés sur les fauteuils élimés du salon, Dumbledore remarqua finalement les traits tirés de son collègue. Les yeux de Snape étaient cernés de noir, ses pommettes étaient particulièrement saillantes et son dos, habituellement si droit, croulait sous le poids du souci.

« Vous n'allez pas bien, Severus. » murmura le directeur.

Snape comprit que ce n'était pas une question. Il devait vraiment avoir une tête à faire peur. Jamais en dix-huit ans, malgré les fatigantes années d'espionnage, Dumbledore n'avait affirmé qu'il n'allait pas bien. Et le vieux sorcier avait raison, encore.

« Non, je ne vais pas bien, Albus. Je n'aurai jamais dû dire la vérité au gamin. Il va au plus mal à cause de moi. » répondit-il sincèrement.

« Il est normal que ces révélations l'ait secoué. Son monde idéal s'est écroulé. Mais vous pouvez être certain qu'il préfèrera vivre dans un vrai monde que dans un idéal. Laissez-lui du temps, Severus. » le rassura le directeur.

« La dernière fois que je vous ai vu, vous m'avez dit de lui laisser du temps. Assez de temps s'est écoulé maintenant, Albus. Il va terriblement mal. Et ce n'est pas seulement à cause de moi. Granger m'a avoué qu'il voyait des fantômes. » répliqua doucement le maître des potions. « Il ne peut ni dormir, ni rester éveillé sans potion calmante. » ajouta t-il, clairement inquiet.

« Des fantômes ? » demanda le directeur, intrigué.

« Je n'ai pas pu en savoir plus, Potter refuse de parler à quiconque à part ses amis. Et je ne veux pas le voir. J'ai assez fait de dégâts. » répondit Snape, en baissant la tête.

« Severus, vous êtes le seul qui ai jamais réussi à l'apaiser… Pourquoi le fuir ? Est-ce que vous pensez que vous pouvez vous fuir vous-même en l'évitant ? » demanda le vieux sorcier.

« Je ne serai plus jamais capable de l'apaiser, Albus. Maintenant qu'il sait, je suis un traitre à ses yeux. Et c'est peut-être vrai. » répondit Snape, amer.

« Ne dites pas de bêtises. Vous n'avez jamais trahi votre amour, c'est vous qui avez été trahi par la société. Mais vous savez aussi bien que moi qu'en fuyant Harry, c'est là que vous trahirez votre amour. »

« Il faut que vous m'aidiez, Albus. Je ne sais pas quoi faire. Potter est pire que mille Voldemort à mes yeux. Vous savez aussi bien que moi que les relations personnelles ont toujours été mon pire ennemi. » lui avoua le maître des potions, dépassé.

« Vous devriez déjà penser à l'appeler Harry plutôt que Potter. Parce qu'il n'a peut-être jamais été un Potter. Et il ne sera jamais qu'un Prince, si seulement vous le voulez. » lui conseilla son vieil ami.

« Vous pensez vraiment que cela va l'aider de savoir qu'il est… » commença Snape, n'osant prononcer les mots « mon fils ».

« Cela ne peut que le sauver, Severus. Je comprends qu'il soit très fragile en ce moment. Il doit faire face à des démons que vous et moi ne connaîtrons sans doute jamais. Il a connu des pertes irréparables. Mais, je crois que seul un père peut vous sauver de ces démons là. Parce que le plus grand démon qu'Harry ait à affronter est la solitude, vous le savez. » répondit Dumbledore.

« C'est peut-être d'un père dont il a besoin, mais ce n'est pas de moi. » dit Snape, se rappelant la scène de la vérité. « Vous n'avez pas vu sa haine lorsque je lui ai dit la vérité sur Lily. Vous n'avez pas vu comme il a perdu le contrôle. Il n'était plus lui-même, Albus. Il n'était que colère et vengeance. Je n'avais jamais vu un enfant dans cet état de rage. » ajouta-t-il, clairement inquiet.

« Je vais passer le voir demain matin. Je veux essayer de comprendre par moi-même. Peut-être que nous faisons face à une nouvelle invention de torture mentale de la part de Voldemort. Et dans ce cas, ce n'est pas seulement d'un psychomage dont nous aurons besoin. » dit le directeur avec un regard en coin vers son ami fatigué.

« Vous voulez l'obliger à apprendre l'occlumencie à son âge ? Avec moi ? Vous pouvez être sûr qu'il va me haïr pour de bon, Albus. »

« Je sais que vous pensez ne lui être d'aucun secours, Severus. Mais je suis absolument certain que si quelqu'un dans ce monde peut aider Harry, c'est vous. Bien-sûr qu'il vous déteste, vous avez détruit ses illusions. Mais à travers cette colère c'est vous aussi qu'il réclame. Vous êtes le seul à qui il peut se raccrocher aujourd'hui, Severus. Et malgré sa colère, je suis sûr qu'il le sait lui-même. » répondit Dumbledore, doucement. « Je sais aussi que c'est vous qui avez peur aujourd'hui, mon ami. Vous avez peur de ne pas être à la hauteur du père que vous auriez dû être toutes ces années. Vous avez peur de souffrir de l'amour d'un enfant. Mais si Harry a besoin de vous aujourd'hui, c'est vous qui en avez encore davantage besoin. » l'assura doucement Dumbledore, le regard bienveillant.

Snape ne savait plus quoi répondre au vieil homme. Comme d'habitude, il avait raison. Oui, il avait peur. Alors qu'il avait fait face au danger de l'espionnage et aux tortures de Voldemort, il avait peur d'un enfant aujourd'hui. Mais ce qu'il craignait davantage, c'était lui-même. Il n'était pas sûr de pouvoir survivre à l'amour cette fois-ci. Il n'était pas sûr de pouvoir gérer et digérer la douleur du refus, encore une fois. Il avait peur d'aimer, parce qu'il avait peur du jour où il ne serait plus aimé. Comment un enfant d'à peine 1m55 pouvait-il constituer une telle menace ? Comment avait-il pu baisser sa garde au point de laisser son cœur s'amollir face aux yeux de cet enfant ?

« Severus. » l'interpella doucement le directeur en voyant son collègue perdu dans ses pensées. « Je sais que vous avez peur. Et je sais que ce qui arrive aujourd'hui est en partie de ma faute. Je vous ai privé de l'amour pendant trop longtemps. Laissez-moi aujourd'hui vous aider à le retrouver. » lui murmura le vieux sorcier.

« Je veux qu'il voit un psychomage, Albus. Je n'ai pas les armes pour l'aider. Et je ne veux pas lui dire une autre vérité tant qu'il ne sera pas prêt à l'entendre. » exigea le maître des potions.

« Je vous promet que je trouverai le meilleur psychomage de Grande-Bretagne, Severus. Mais, croyez-moi, il serait grand temps que vous arrêtiez de vous cacher derrière vos potions calmantes. Il a besoin de vous plus que d'un étranger. » répondit le vieux sorcier.

Avant que Snape n'ait eu le temps de répliquer, Dumbledore se leva de son fauteuil dans un grincement.

« Je vais coucher ici cette nuit. Je veux voir Harry avant de partir demain matin. Et je reviendrai dans la journée, dès que j'aurai trouvé un bon psychomage, prêt à prêter le serment inviolable. Personne ne doit savoir qu'Harry est ici. » dit sérieusement le directeur. « Vous devriez vous coucher Severus. Prenez des forces pour Harry. Parce que même si ne saurons peut-être jamais de qui il est, vous êtes le père dont Harry a besoin. » ajouta t-il en fixant son regard doux dans celui de son ami.

Lorsque le vieux sorcier quitta le salon, Snape se sentit s'affaisser sur son fauteuil. Il était épuisé. Il avait l'impression qu'on venait de frapper son cœur avec une massue. Lui qui avait toujours su garder son sang-froid, lui qu'on appelait volontiers le vampire, se sentait fiévreux. Les mots de Dumbledore résonnaient dans sa tête. Il était « le père dont Harry avait besoin ». Il resta assit un long moment, ne trouvant même plus la force de bouger ses membres alourdis. C'est Lupin qui dû le réveiller de sa torpeur.

« Severus ? Est-ce que ça va ? » l'apostropha le loup-garou en entrant dans la pièce. Il n'avait jamais vu Snape dans cet état. Renfermé sur lui-même, la tête dans les mains, le sorcier paraissait alourdit de tous les poids du monde. Lupin avait toujours eu l'habitude de voir Snape digne et fier. Jamais le sorcier n'avait vu la chauve-souris dépassé par ses émotions comme ce soir.

Snape se redressa légèrement à l'adresse de Lupin et planta son regard froid dans le sien. Mais il sentait bien que ses yeux n'étaient plus capables d'autant de froideur que d'habitude.

« Tu t'inquiètes pour moi, Lupin ? » demanda t-il pince sans rire.

« Inutile d'être sarcastique, Severus. Oui, je m'inquiète. » répondit Lupin.

« Je suis fatigué de toutes ces histoires, voilà la vérité. J'étais plus tranquille sous le joug de Voldemort. » dit Snape.

« Tu sais, j'ai pensé à notre discussion de tout à l'heure dans la cuisine. Et je crois que Dumbledore a raison. Nous n'avons pas à interférer dans ta relation avec Harry. En fait, nous n'aurions jamais dû le faire. » dit-il, coupable. « Ce que je veux que tu sache aujourd'hui c'est que j'imagine combien la situation doit être difficile et douloureuse. Et si je peux t'aider en quoi que ce soit, je serai là. » ajouta t-il.

« Je ne vais le tuer si c'est ça qui t'inquiète, Lupin. » répliqua Snape, mal à l'aise.

« Je vais lui raconter ce que je sais. La vérité. Et dans ma vérité, tu n'as jamais été quelqu'un de mauvais, Severus. Je veux qu'il sache que tu es quelqu'un de bien. » poursuivit-il, ignorant la remarque inutile du maître des potions. « Cela étant dit, je te souhaite une bonne nuit, Severus. » ajouta le loup garou avant de tourner les talons.

Réveillé par tant de sollicitude, Snape se leva à son tour, préférant s'enfermer dans sa chambre que d'écouter une nouvelle niaiserie. S'il était mal à l'aise de susciter autant de bienveillance, il était surtout agréablement surpris. Soudain il n'était plus seulement l'espion. Soudain il devenait un homme.

Le lendemain matin, alors que la maison était encore silencieuse, Snape s'affairait derrière ses bocaux et ses potions pour préparer la potion calmante d'Harry. Ce matin-là, ses mains n'étaient pas aussi habiles que d'habitude. Ses doigts étaient maladroits, agités de soubresauts inquiets. Cela faisait cinq jours qu'il n'avait pas croisé le gamin. Et cela lui semblait une éternité.

Lorsqu'il descendit à la cuisine, une vingtaine de minutes plus tard, Molly Weasley préparait le petit-déjeuner.

« Bonjour Severus. » dit-elle timidement lorsqu'elle aperçut le grand sorcier.

« Bonjour. » répondit-il laconiquement.

« Tenez. Il doit être réveillé à l'heure qu'il est. Il se réveille toujours trop tôt. » lui dit-elle en lui tendant un plateau de nourriture.

Il saisit le plateau d'une main mal assurée.

« Cela va bien se passer, Severus. » l'assura t-elle. L'inquiétude de Snape ne lui avait pas échappée.

Il tourna les talons, mal à l'aise. En montant les escaliers, il se sentait fébrile. Qu'allait-il bien pouvoir lui dire ? Et est-ce que le gamin allait seulement le laisser parler ?

Arrivé sur le seuil de la porte de la chambre d'Harry et de Ron, il prit une profonde inspiration. Il lui fallait remettre son masque. Il ne fallait pas que le gamin sache. Il ne voulait pas qu'Harry sache combien il était vulnérable. Après quelques minutes, il frappa deux petits coups secs sur le panneau de bois avant d'entrer dans la pièce.

Le soleil envahissait la chambre, mais l'air y était étouffant. Les fenêtres étaient fermées, et n'avaient pas dû être ouvertes depuis un moment. La première chose que Snape aperçut fut la touffe de cheveux roux de Ronald Weasley, en bataille sur l'oreiller. Il dormait encore. Mais lorsqu'il tourna la tête vers le lit d'Harry, il vit que lui ne dormait pas. Et avait-il seulement dormi cette nuit ? Le garçon avait des cernes noirs sous les yeux et ses traits trahissaient une intense lassitude. Lorsqu'il aperçut la présence du maître de potions, plusieurs émotions passèrent successivement sur le visage de l'enfant. D'abord Snape vit de la surprise. Ensuite vint… du soulagement ? Puis arriva la colère.

« Avant que vous ne disiez quoi que ce soit, P… » commença Snape avant de se reprendre, « …Harry, essayons de ne pas réveiller votre ami par des éclats de voix inutiles. » poursuivit-il en posant le plateau sur la table de nuit du garçon.

Il remarqua qu'une chaise avait été installée près de son lit, comme dans les hôpitaux. Il s'assit, nerveusement. Harry ne disait toujours rien, mais ses yeux lançaient de violents éclairs.

« Je sais que vous me détestez, et c'est votre droit. Mais ces enfantillages ont assez duré. Je vous ai laissé bouder assez longtemps maintenant. Il est hors de question de vous traiter comme un enfant roi davantage. Nous savons tous ici que vous êtes en colère, mais cet enfermement devient ridicule. Dorénavant, si vous voulez manger, vous descendrez à la cuisine comme n'importe quel habitant de cette maison. Et vous reprendrez vos cours, comme les autres. Que cela vous plaise ou non, vous restez l'enfant et moi l'adulte. Est-ce que c'est clair ? » dit Snape avec plus de douceur qu'il ne l'aurait voulu.

« Je ne veux pas vous adresser la parole. Je ne vous adresserai plus jamais la parole. » murmura rageusement Harry, serrant les couvertures dans ses poings. « Vous êtes un monstre. Je vous hais. Je me fous de savoir que vous êtes l'adulte et moi l'enfant. Vous pourrez bien me faire tout ce que vous voulez, je n'arrêterai pas de vous haïr pour autant. Je ne vous respecterai jamais. Jamais. » ajouta l'adolescent avec rage.

« Ne me respectez pas si cela vous chante. Haïssez-moi si vous le souhaitez. » répondit Snape, secrètement blessé. « Tout ce que j'exige de vous c'est l'obéissance. Et je crains que vous n'ayez pas le choix à ce sujet, gamin. » ajouta t-il, menaçant.

« C'est ce qu'on verra. » siffla Harry entre ses dents.

« Oui, vous verrez. Mangez. » ordonna le sombre maître des potions, croisant les bras sur sa poitrine.

Harry eut un petit rire narquois, et imita son professeur en croisant les bras sur son torse. Ils restèrent ainsi quelques minutes, se regardant en chiens de faïence. L'adolescent avait le même sourire en coin que son professeur. La même expression cynique se dessinait sur leurs traits. Mais celle de Snape se défit presque aussitôt. Il se rendit soudainement compte combien le gamin pouvait lui ressembler. Et s'il était vraiment son fils ?

Il se reprit lorsqu'il aperçut une certaine inquiétude dans le regard d'Harry. L'adolescent ne comprenait pas ce brusque changement chez son professeur. Et s'il l'avait vraiment blessé ? Pourquoi ces mots sortaient-ils de sa bouche ? Pourquoi n'arrivait-il pas à contrôler sa colère ? Il avait pourtant été si heureux de le voir arriver jusqu'à lui il y a quelques minutes. Pourquoi devait-il le haïr autant qu'il voulait le sentir près de lui ? Pourquoi ne lui disait-il pas combien il était mal depuis qu'il ne venait plus le voir ?

« Mangez, Harry. S'il vous plaît. » répéta Snape, plus gentiment.

Se sentant soudainement extrêmement vulnérable, Harry prit son assiette et se mit à avaler doucement. Il ne voulait pas manger trop vite. Lorsqu'il aurait fini, Snape partirait. Et une partie de lui voulait qu'il ne parte jamais.

« Vous avez du mal à manger ? » demanda Snape, curieux.

« Un peu. » mentit Harry en rougissant.

« N'espérez pas que je perde patience et que je m'en aille avant que vous ayez terminé votre assiette. Je resterai jusqu'à votre dernière bouchée. » dit le maître des potions.

Harry se disait que, décidément, Snape ne comprenait rien. Mais il ne pouvait pas vraiment le blâmer, lui-même ne comprenait rien à ce qui se passait chez lui. Un jour il avait littéralement envie de tuer son professeur et un autre il oubliait toute colère et rêvait qu'il le prenne dans ses bras. L'adolescent voulait tellement lui pardonner. Il voulait que la colère n'existât pas. Il avait l'étrange sensation que Snape était tout ce qu'il lui restait en ce monde.

« Comment dormez-vous ces temps-ci ? » demanda Snape alors qu'Harry finissait lentement son repas.

« Ca va. » répondit Harry en baissant la tête.

« Molly Weasley m'a dit que vous faisiez encore des cauchemars ? » insista t-il.

« Je n'ai besoin de personne pour dormir ! » répondit rageusement Harry.

« Vous avez besoin de potion. Vous avez donc besoin de moi. » répliqua Snape d'un ton sec.

« Si vous me donnez la recette je peux la faire moi-même. » dit l'adolescent, condescendant.

« Ha ha ha ! » Snape ne put s'empêcher de rire franchement. Il s'arrêta un moment pour vérifier qu'il n'avait pas réveiller Ron. Mais les ronflements réguliers le rassurèrent. « Vous vous empoisonneriez à coup sûr ! » ajouta le maître des potions, moqueur.

« C'est que je n'ai pas eu la chance d'avoir un professeur de potions qui soit très pédagogue. » répliqua Harry, sarcastique.

« Vous avez sans doute raison. » murmura amèrement Snape.

Harry faillit s'étouffer. Snape venait-il d'admettre qu'il était un mauvais professeur ? Venait-il d'avouer une faiblesse ? Le monde risquait de s'écrouler, pour sûr.

« Buvez. C'est votre dernier jour de potion, alors profitez-en. » lui dit son professeur en lui tendant une fiole.

« Quoi ? Mais pourquoi ? » s'écria Harry, clairement inquiet.

« Vous ne pouvez pas continuer à vous accoutumer à la potion. Bientôt vous ne pourrez plus vivre sans. Et je me refuse à faire de vous un drogué. » lui répondit Snape.

« Mais… Je… J'en ai besoin ! » s'éructa l'adolescent, les yeux hallucinés.

« Vous n'en avez pas besoin, Harry. Il faut apprendre à confronter vos démons, et arrêter de les fuir. » lui dit-il calmement, « Vous ne serez pas seul, gamin. Je ne vous laisserai pas seul. » ajouta t-il lorsqu'il vit l'angoisse briller dans les yeux de l'enfant.

Harry savait qu'il aurait dû être en colère. Il savait qu'il aurait dû le rejeter de toutes ses forces, mais il s'en sentait incapable. Il n'arrivait plus à se rappeler son père et la trahison. Tout ce qu'il voyait à cet instant étaient deux bras protecteurs. Il dû se retenir pour ne pas plonger sa tête dans les robes du maître de potions.

« Buvez. » rappela Snape.

Harry eut à peine le temps d'avaler la dernière goutte que Ron se réveilla bruyamment à côté d'eux. Tout à coup, il voulait que Snape soit loin. Il ne voulait pas que ses amis voient combien il était faible. Combien il avait besoin de cet homme.

« Oh. Bonjour, professeur. » dit Ron en apercevant Snape.

« Bonjour M. Weasley. » répondit laconiquement le professeur en se levant de sa chaise. « Le directeur veut vous voir ce matin. Dès que votre discussion sera terminée, je veux vous voir lavé et habillé. Le lit est maintenant formellement interdit en dehors du coucher. Ne me faites pas venir vous chercher, gamin. » menaça Snape d'un ton tranchant en fixant Harry, avant de sortir de la pièce.

« Il est revenu. » dit Ron, ne pouvant s'empêcher de sourire à son ami. Il n'était pas dupe. Personne n'était dupe. Tout le monde dans la maison savait qu'Harry n'attendait que le retour du père.

Chapitre 18