Les charmes discrets de la vie (extra) conjugale.
Chapitre 1 :
Même légèrement avachi dans un fauteuil de cuir bordeaux, les jambes croisées et l'allure désinvolte, Draco Malfoy respirait la dignité.
Son visage pâle, rehaussé par une mèche blonde qui barrait nonchalamment son front, contrastait avec sa cape gris perle et lui conférait presque un air angélique, en l'absence du rictus méprisant qui venait habituellement fleurir sur ses lèvres.
Evidemment, un tel qualificatif ne pouvait s'appliquer à lui, le fils de Lucius Malfoy.
Aux yeux d'un bon nombre de gens, il restait le fils du diable ; et même s'il avait nié et renié sa soi-disant allégeance au mage noir, la moitié des membres du Ministère s'était insurgé de sa nomination au poste d'Auror, trois ans auparavant.
Jamais il ne l'avouerait, mais ce souvenir l'affectait encore profondément aujourd'hui.
Tout en sirotant sa Bièraubeurre, il repensa, non sans ironie, à l'époque où son père l'enjoignait à être fier de son nom.
S'il savait désormais, qu'appartenir à la prestigieuse lignée des Malfoy, issue d'une illustre famille de Sang-Pur, relevait presque de la tare, il en aurait succombé de honte ! Mais peut-être était-ce préférable au sort qui l'attendait ?
Bien que dépourvu d'affection à l'égard de son géniteur, il songeait non sans pitié à la peine qui le guettait.
Son paternel croupissait dans une cellule d'Azkaban depuis près de quatre ans et recevrait le Baiser du Détraqueur dans six; quant à sa mère –trop heureuse d'échapper à la sentence- elle s'était empressée d'épouser un ancien amant, espérant que son nouveau patronyme suffirait à effacer ces années sombres…
Il émit un petit rire amer à cette idée, et bu une longue gorgée du liquide doré comme pour chasser ses pensées désagréables de son esprit.
Ses yeux se perdirent dans les reflets changeants qui dansaient sur les murs lambrissés d'acajou et il se rappela soudainement la raison de sa présence en ce lieu assez chic.
Immédiatement, un sourire moqueur se profila sur ses lèvres fines, et le voile de tristesse qui obscurcissait ses prunelles bleues s'envola instantanément.
Même s'il se demandait encore ce qui avait bien pu le pousser à intercepter cette lettre, Draco ne faisait pas assez cas de sa conscience pour qu'il écoute cette dernière - qui lui intimait d'aller rendre la lettre à son propriétaire –ou mieux encore, de l'apporter à son destinataire original, Powle Douglass, un de ses collègues.
« Un Auror, rien que ça ! C'est qu'elle n'a pas mauvais goût la Granger ! » pensa-t-il en relisant le parchemin qu'il avait détourné le matin même.
Bonjour Powle,
Ton message m'est parvenu il y quelques instants à peine. A vrai dire, ta proposition me flatte ! J'avoue que je serai ravie de te retrouver au Lys d'Or, vers dix-huit heures ce serait parfait pour moi.
Bien à toi,
Hermione.
Il suivit avec une étrange attention les courbes fluides de son écriture. Ainsi l'ancienne miss je-sais-tout avait jeté son dévolu sur son collègue. Non pas que cela le dérange, après tout, il lui suffisait de s'exposer une soirée dans un lieu branché pour être sûr de ne pas finir la nuit seul ; privilège dont peu pouvait se vanter !
Qu'avait-il donc à faire d'une Gryffondor d'origine moldue ?
Il esquissa un sourire ironique en réponse à ses propres pensées : il y a cinq ans, il l'aurait traité de Sang-de-Bourbe sans ménagement et se serait même offusqué qu'un Sang-Pur comme Douglass puisse s'intéresser une seconde à un rat de bibliothèque.
Non, Draco avait bel et bien changé ; et même si l'éducation qu'il avait reçue laissait immanquablement des traces, il n'était plus franchement convaincu de la supériorité des races pures. Et puis, avec la paranoïa qui sévissait au sein du Ministère, mieux valait s'abstenir de traiter inférieurement les sorciers d'origine moldue : un mot de travers et l'on vous prenait pour un Lord Voldemort en puissance.
Mais alors pourquoi était-il là ?
Pour le simple plaisir de la revoir ?
Non, il l'avait croisé deux trois fois depuis la fin de la guerre, et s'ils avaient échangé quelques paroles de convenance dépourvues de chaleur –mais peut-être pas de sincérité- ils n'avaient manifesté à aucun moment le désir de se revoir.
Etait-ce pour tenter d'avoir une fille qui lui avait fait l'offense de résister à son charme légendaire durant leur scolarité ?
Non plus. A l'époque, attirer les regards d'une Sang-de-Bourbe l'aurait rempli d'un mélange d'indifférence et de dégoût - n'est pas aristocrate qui veut !
Etait-ce alors pour se changer de la compagnie des filles, à la beauté superficielle et à l'intelligence toute relative qui peuplaient généralement son lit ?
À question délicate, réponse subtile - et dans ce cas précis, le silence était sans doute la meilleure alternative.
Draco fronça les sourcils : même si l'honnêteté ne l'étouffait pas (après tout, il n'était pas un Gryffondor) ce n'était pas dans sa nature de repousser des évidences.
Voilà trois ans qu'il enchaînait les conquêtes d'un soir et les aventures sans lendemain ; suffisamment longtemps pour qu'il en soit lassé et qu'il recherche une véritable relation.
A bientôt vingt-trois ans, il souhaitait une liaison sérieuse avec une femme qui soit assez futée pour ne pas se laisser corrompre par les multiples préjugés qui couraient à son propos ; qui ne l'aime pas seulement pour son physique à damner ou sa fortune ; et qui accessoirement, n'aurait pas honte de devenir une Malfoy un jour.
Bien entendu, Granger n'avait absolument rien à voir avec ce besoin de stabilité affective.
Il était ici simplement pour jouir d'un duel verbal, pour la provoquer, pour se rassasier de son malaise et de sa potentielle colère.
Hors de question qu'il s'entiche d'une Gryffondor!
La fréquentation abusive de ce genre d'énergumènes était reconnue comme nocive pour la santé mentale ; et il avait déjà dépassé sa dose avec Potter qu'il côtoyait plusieurs fois par semaine -et pour cause, il était son chef de service !
Que voulez-vous, depuis que le Survivant avait réussi à débarrasser le monde magique de Voldemort, personne ne pouvait se passer de son intervention, et en toute logique, il avait été nommé à la tête du service des Aurors.
Passée l'humiliation suprême d'être continuellement sous les ordres de Potter, Draco avait fini par digérer la nouvelle et s'en accommoder.
D'ailleurs, leurs rapports s'étaient un peu détendus au fil des missions, et ils parvenaient désormais à rester plusieurs heures dans la même pièce sans s'entretuer.
Sa réflexion fut interrompue par le tintement simultané d'une clochette et du carillon de l'horloge.
Il risqua un coup d'œil vers l'entrée et aperçut une silhouette féminine qui se détachait à contre-jour.
S'il n'avait pas entendu une voix horriblement familière demander si un certain « Powle Douglass » s'était présenté, il n'aurait sans doute pas reconnu Granger. En même temps, il n'y avait qu'elle pour être aussi ponctuelle, se morigéna-t-il.
Avec un clin d'œil complice en direction du ciel printanier, et un sourire narquois à peine dissimulé, il tourna son fauteuil de façon à ne rien perdre des déboires de Granger.
En espérant que ce début vous ait plu?
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Ilda