Disclaimer : Les personnages ne m'appartiennent pas et les textes appartiennent à leurs auteurs respectifs. Je les remercie de m'avoir autorisée à les traduire.
Le mot de l'auteure : Une grande partie de ces fics proviennent des Sirius/Remus Games 2008 sur LiveJournal. Je ne sais pas encore combien j'en traduirai au total : si la série vous plaît, je vous conseille de vous mettre en Story Alert. Le rating, sauf exception, ne devrait pas dépasser
Le tout est dédié à MissJaD et Alana Chantelune, deux formidables traductrices de SiryMoony.
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Titre : Amid a Crowd of Stars
Auteure : Forest Rose
Note : R/S Games 2008, Team Post-Hogwarts. Le poème étudié par Harry est « When You Are Old » de William Butler Yeats, le grand poète irlandais (1835-1939). Yves Bonnefoy en a donné une traduction pour le recueil de Gallimard/Poésie mais elle est un peu loin du texte. Je l'ai donc, ahem, retraduit en même temps que la fic.
Dans une foison d'étoiles
- Raaaah !
Le petit bureau qu'on avait rapproché de la cheminée résonna sèchement quand Harry jeta sa plume dans un accès de frustration. Sirius tressaillit à ce bruit qui l'arrachait à ses pensées, mais Remus leva la tête avec un sourire amical et une légère pression de la main sur le bras de Sirius pour calmer ce dernier.
- Un problème, Harry ?
Harry soupira, enfonçant ses doigts dans ses mèches noires. « Ce fichu devoir pour les Etudes Moldues. Mme Burbage nous a demandé d'analyser un poème ! Quel intérêt ? »
Remus reprit son marque-page sur le bras du sofa, le glissa à l'intérieur de son livre et mit celui-ci de côté. « Oh, je suppose qu'elle a ses raisons même si elles ne t'apparaissent pas d'emblée. Ton enseignante cherche peut-être à vous montrer que Moldus et sorciers ne sont pas si différents, du moins dans la façon dont ils réagissent à ce qui les entoure par la pensée ou le sentiment. »
- Ouais, c'est plus ou moins ce que dit Hermione. Mais elle a déjà fait son devoir et celui de Ron, et elle ne veut pas faire le mien parce qu'elle a déjà fait celui d'Arithmancie la dernière fois, et...
Harry s'interrompit en rougissant, soudain conscient qu'il s'adressait à son ancien professeur, mais Remus se contenta de rire tout bas en échangeant un regard amusé avec Sirius.
- Ah, je me rappelle avoir conclu un arrangement similaire quand j'étais élève. J'espère qu'elle te facture un nombre adéquat de chocogrenouilles, le taux de change a dû monter depuis mon temps.
Harry eut un large sourire et James leur apparut soudain à la lueur du feu, animé par le rire.
- Non, elle veut des caramels de chez Honeydukes. Ceux au chocolat, de préférence.
Remus gloussa « Ah, certaines choses ne changeront jamais. » Il se leva du canapé et vint lire par-dessus l'épaule de Harry. « Oh, Yeats. Je vois ce qui a poussé Charity à le prendre comme sujet d'étude : il a écrit plusieurs poèmes fascinants. »
Devant le regard pour le moins dubitatif de Harry, sa bouche trembla de rire. « D'accord, il faut savoir les prendre. Tu veux un coup de main ? »
Le visage du jeune garçon était l'image même du soulagement. « Oh, Prof... Remus, ce serait fabuleux ! Ça ne t'ennuie pas ?»
- Non, pas du tout.
Remus approcha une chaise du bureau et s'assit près de Harry, parcourant rapidement de ses yeux bruns les lignes brèves qui étaient des vers.
- Méfie-toi, Harry ! (La voix de Sirius monta des profondeurs du sofa où il s'était pelotonné, ses pieds sur les genoux de Remus.) Il va te réclamer des chocolats de gré ou de force avant que tu aies le temps de dire ouf.
- Certainement pas. (Le visage de Remus exprimait une dignité blessée mais ses yeux étincelaient d'humour.) Harry est un élève appliqué, la star de sa promotion, pas un jeune potache trop rebelle ou trop flemmard pour rédiger ses devoirs tout seul.
- Ha !
Sirius brandit un coussin d'un geste menaçant puis le laissa retomber. Son visage endurci s'adoucit en voyant son filleul pencher sa tête brune sur ses livres, tout près des cheveux déjà grisonnants de Remus.
Quand vous serez vieille et grise, assoupie,
Dodelinant devant l'âtre... prenez ce livre
Et lisez lentement, et rêvez à la douce lueur
Qu'avaient jadis vos yeux aux grandes ombres.
La voix chaude de Remus prêtait une intonation lente et retenue aux strophes qu'il lisait à voix haute, et les yeux de Sirius se firent plus sombres en le contemplant à la lumière chaude du feu.
- Bien, Harry. Que penses-tu de cette première strophe ?
Harry fit une petite grimace. « Oh, c'est chouette. Je veux dire, les mots sonnent bien quand tu les lis comme ça, mais je ne pense pas que ça va suffire comme remarque. On est censé expliquer en quoi le poème montre ce que le type ressent pour cette bonne femme, et il ne parle pas vraiment de ses sentiments. Il lui ordonne de lire un bouquin, genre. »
- Mmmm... (Remus tapota sa plume contre sa joue, pensif.) Tu as raison, il n'évoque pas directement son amour. Mais regarde bien ce qu'il dit, ce que ses mots sous-entendent.
Harry eut l'air surpris. « Ben, il lui dit qu'elle est vieille. Tu parles d'un romantique... »
- Oui, si tu penses au romantisme version Pieddodu, avec les petits cœurs et les roses rouges. Mais réfléchis une minute. Est-ce qu'il l'aime encore même absente ? Même vieillie ? »
- Ou...i, dit lentement Harry en pesant les mots du poème. Sinon il ne penserait plus à elle, non ?
- Précisément, dit Remus. Pour vouloir être avec quelqu'un, vieillir près de lui, il faut l'aimer pour de bon. Il n'est pas avec elle en ce moment mais tu sens combien il voudrait l'être ? Assis près du feu, à ses côtés ?
- Et ce petit passage sur ses yeux ? (Le visage de Harry reflétait sa compréhension grandissante.) Des yeux cernés d'ombre, c'est pas vraiment ce qu'on loue dans un poème, non ? Ou alors c'est qu'elle a un secret, une tristesse cachée, genre. Il faut vraiment qu'il l'aime pour s'en apercevoir, hein ?
- Mmm. (Le regard de Remus se perdit dans les profondeurs du salon tandis qu'il répondait à Harry.) L'ombre, la peine sombre... ont leur beauté propre. On ne vieillit pas sans connaître la douleur. Aimer quelqu'un, c'est l'aimer avec ses ombres et ses peines.
Un long moment, on n'entendit plus que la plume de Harry grincer doucement et le feu craqueler dans l'âtre. Puis Harry lui-même, à voix basse dans la pièce silencieuse : « Tu veux bien lire la suite ? »
Combien vous aimèrent à vos heures de grâce,
Aimèrent votre beauté d'un amour feint ou vrai,
Mais un seul homme aima votre âme pérégrine,
Et les chagrins d'un visage voué au changement.
Harry écoutait intensément la calme récitation. Il reprit la parole en hésitant, le front plissé par la réflexion.
- Donc... beaucoup de gens l'ont aimée, autrefois ?
- Beaucoup de gens ont aimé ce qu'ils voulaient voir en elle. (Remus hésita, puis désigna le premier vers de sa plume.) Tiens, ce passage sur ses « heures de grâce ». Ça te fait penser à quoi ?
Harry se concentra un moment. « Un peu... un peu comme quand tu attrapes le vif d'or et toutes les filles veulent te parler à la sortie du match ? Ou... » (Une ombre glissa sur son visage.) « Ou comme Cédric, qui est devenu populaire du jour au lendemain quand il a été élu par la Coupe de Feu ? »
- Quelque chose de ce genre. (La voix de Remus s'était faite plus feutrée et il tendit la main, hésitant, la laissant reposer brièvement sur le bras de Harry avant de poursuivre.) Tout comme ici, regarde, quand il mentionne sa beauté. Oui, elle est belle, c'est une évidence, tout le monde le sait, mais lui, ce n'est pas ce qui compte vraiment pour lui. Regarde ce vers. Ce qu'il chérit, ce sont « les chagrins d'un visage voué au changement ».
- Je ne te suis plus. Il aime qu'elle ait de la peine ? Il voudrait qu'elle soit triste ?
- Non, oh non. Mais le chagrin a laissé sa... marque. Il confère une autre beauté, qui est encore de la beauté. Je... il l'aime envers et contre tout ce qu'elle a pu voir, ou faire, peut-être même à cause de ce qu'elle a fait, de ce que reflète son visage altéré. Ça te paraît toujours absurde ?
- Non, je vois. C'est un peu comme si... comme si les chagrins en question faisaient désormais partie de la personne, quoi qu'elle fasse ?
Remus sourit, le regard fixé sur les flammes.
Harry se pencha à nouveau sur son parchemin, le grattant fébrilement de sa plume pour annoter le poème en marge. Sirius restait immobile, les observant de ses yeux cernés dans la lumière du feu. Remus croisa son regard et la lumière souligna les fils d'argent de ses cheveux, et ils restèrent ainsi jusqu'à ce que Harry reprenne la parole.
- Et son « âme pérégrine » ? Il veut dire quoi, là ?
- Tu sais ce que c'est qu'un pélerin ?
- Quelqu'un qui se lance dans un voyage... oh, c'est comme avec cette histoire de chagrins, non ?
- Oui, on peut dire ça. Son âme est partie en voyage. Pas un vrai voyage, mais chez certains d'entre nous, l'âme et l'esprit ne se laissent pas entraver par des liens et c'est ce qu'il veut dire ici. Et c'est pour ça qu'il l'aime. Tu vois, il fait son portrait, comme ça il peut laisser parler ses sentiments pour elle.
- Oui, je vois ça maintenant. (Harry souligna quelque chose sur son parchemin.) Mais la dernière strophe n'est pas évidente.
- Voyons voir. (Remus attira le parchemin à lui et lut à voix très basse :)
Penchez-vous sur les chenets rougeoyants.
Murmurez, un peu triste, que l'Amour a fui
Pour arpenter les montagnes tout là-haut
Et cacher son visage dans une foison d'étoiles.
- Et là, je ne comprends plus, dit Harry, le front ridé sous l'effort. S'il l'a aimée, aimée tant que ça, pourquoi la quitter ? Après tout ce qu'il raconte, il a cessé de l'aimer, d'un seul coup, tout bêtement ?
A l'entendre, Harry avait pris fait et cause pour la dame anonyme et Remus sourit, un peu triste.
- Non, je ne crois pas que ce soit ce qu'il dit. Je crois que quand il dit que l'Amour a fui... je crois... que c'est de lui qu'il parle.
Remus se tut un moment, relisant les vers, puis il dit doucement :
- Tu vois, là il dit qu'il arpente les montagnes et qu'il cache son visage dans une foison d'étoiles. Comment aurait-il pu l'oublier ? (Il respira profondément.) Je crois qu'il essaie de l'oublier coûte que coûte, en s'entourant d'autres biens, tout en sachant qu'il n'y arrivera jamais.
- Il a pris la fuite parce que sa peine à lui, c'était de se rappeler ?
- Oui.
La voix de Remus était étrangement rauque et il observa un long silence avant de tourner la tête vers Harry.
- Un amour comme celui-là, on ne s'en sort pas. On ne devrait même pas tenter de s'en sortir.
- Mmm...
Harry se courba de nouveau sur son parchemin avant de relever les yeux. « Merci, Remus. Ça paraît beaucoup moins absurde, vu comme ça. Je suis sûr que j'arriverai à rédiger l'explic demain. »
- Pas de problème, Harry. Et maintenant... au lit ?
- Je suppose... (Harry empila ses livres sur le bureau et reposa sa plume.) Je vais juste bavarder un peu avec Ron et Hermione d'abord. Ron va être hyper jaloux quand je lui dirai que tu m'as aidé !
Remus rit. « Oh, je me laisse facilement corrompre ! »
Harry lui sourit en retour. « Je ferai passer le message ! Merci encore, Remus, et bonne nuit. Bonne nuit, Sirius. »
Il referma la porte derrière lui sans un regard pour le salon et lorsqu'il monta l'escalier en courant, son tapage masqua un autre bruit plus doux, celui d'un homme retraçant ses pas sur l'épais tapis, puis le grincement discret des ressorts lorsque le sofa se creusa sous le poids d'un second corps.
SB – RL – SB - RL
- Tu as rédigé tout le plan de ton explic ? (La voix d'Hermione trahissait un brin d'incrédulité.)
- Hé oui ! (Celle d'Harry n'était pas peu fière.) Avec un petit coup de main de notre professeur apprivoisé. (Il se tut un moment, plongé dans ses pensées.) Pauvre Professeur Lupin. Il adore ce poème, ça s'entend. Faut croire qu'il a aimé quelqu'un très fort autrefois. Je me demande qui...
Ron et Hermione échangèrent un regard.
- Comment ça, mon vieux, « qui » ?
- Ben, c'est clair qu'il ne peut pas être avec elle, qui qu'elle soit. Il passe tout son temps ici avec nous.
- Il passe tout son temps ici avec Sirius, Harry.
Cette fois Hermione parlait d'une voix neutre, mais elle épiait visiblement Harry.
- Avec... ?
- Euh... on croyait que t'étais au courant, mon pote...
- Oh.
Et Harry se concentra un moment.
- Oh... mince alors !
- Ça te dérange ? demanda Hermione en le considérant avec une certaine anxiété.
En bas, il pouvait entendre Remus parler de sa voix nette et mesurée et Sirius éclater de rire en réponse. Il se rappela la voix de Remus tandis qu'il parlait du poème et des émotions contenues dans le poème, et soudain il se sentit sourire, lui aussi.
- Non, Hermione. Non, ça ne me dérange pas du tout.
FIN