Et un petit dernier pour la route, léger comme une mousse au citron. Merci à toutes celles qui ont reviewé ce triptyque, je ne pensais vraiment pas avoir autant d'échos pour ce pairing insolite. Mais je vous rassure, ma prochaine fournée de traductions sera du Sirius/Remus...

3. Un été verdoyant

(« A Green Summer » de Diana Williams)

Juillet était un mois cher au cœur de Severus. Ses élèves faisaient place nette ainsi qu'un bon nombre de collègues, laissant le Château aux mains de ceux qui savaient l'apprécier. Lui, par exemple. La rentrée était trop éloignée pour qu'il se tracasse à planifier ses cours ou achalander l'Infirmerie en potions. Non, il avait enfin du temps pour lui, pour vaquer dans son laboratoire et avancer ses travaux de recherche, au lieu de le dilapider en retenues, conseils de classe et soutien psychologique aux chers petits, ou autres fadaises.

Surtout, il avait Albus. Rien. Qu'à. Lui.

A eux, les grasses matinées au lit, à se repasser la Gazette par-dessus les plateaux du petit-déjeuner. Et s'ils finissaient par mettre de côté le journal... et les plateaux... pour... oh, pour autre chose, c'était encore meilleur.

A eux, les promenades digestives sur les terres de l'Ecole et dans la Forêt Interdite. Et si Albus réclamait de temps à autre un passe-temps frivole du style pique-nique, lui-même montrait une patience d'ange lorsque Severus battait les buissons à la recherche de matières premières pour potions. Chacun son vice.

A eux, les soupers intimes dans les appartements d'Albus (quand il persuadait Severus d'oublier ses potions le temps d'une partie d'échecs ou d'une conversation) ou les siens (quand il sautait un repas au milieu de ses recherches et qu'Albus le traînait devant la cheminée où l'attendait un bon petit dîner).

A eux, le temps des nuits. Les longues nuits de paresse, où il faisait bon s'effleurer et s'embrasser et se câliner et se réconforter. Les nuits de folie, où Albus s'emparait de lui avec la vigueur d'un homme rajeuni. Les nuits d'entente cordiale, où ils se blottissaient l'un contre l'autre, tout au plaisir de leur intimité.

Bref, juillet était le mois préféré de Severus.

Jusqu'à ce que L'AUTRE arrive pour tout gâcher.

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L'AUTRE, c'était Benedict Bergemont, un ancien camarade d'études d'Albus qui avait « fait le détour » par Poudlard pour congratuler le Directeur après sa victoire sur Voldemor et non, non, il ne voulait surtout pas déranger ce cher Albus... Severus songea, sardonique, que Bergemont avait trouvé bien pratique d'émigrer à l'époque où « cher Albus » se mettait en quête d'alliés, mais il se mordit la langue et garda ses pensées pour lui.

Il n'est pas sûr du reste qu'Albus aurait réagi, attendu qu'il était occupé à se mettre en quatre pour « Benny » et « bien sûr que tu vas rester un petit moment à Poudlard, pas question de te laisser repartir comme ça, et tu connais notre professeur Snape ? Severus, Benny est un Maître des Potions lui aussi, vous allez vous trouver toutes sortes d'atomes crochus. »

Severus tordit la bouche. « Je n'en doute pas », dit-il froidement. Une chose était sûre, Benny et lui possédaient un atome crochu en la personne d'Albus Dumbledore pour qui ils éprouvaient tous deux un intérêt flagrant. Et Severus était résolu à ce qu'on lui passe sur le corps avant d'accéder à celui de son ami.

Notez qu'une option alternative était de passer sur le corps de Benny. En appuyant très fort.

Sans paraître remarquer la froideur de Severus, Albus entraîna son camarade vers ses pénates, où il comptait l'installer avant de lui faire faire le tour du propriétaire. Severus grinça des dents : ils avaient prévu une petite excursion à l'Allée de Traverse pour récupérer un ingrédient rarissime (Severus), refaire des stocks de sucrailleries (Albus) et terminer la soirée dans un de leurs restaurants favoris. Programme relégué aux limbes par l'arrivée de Benny.

Severus passa l'après-midi dans son atelier à rater un chaudron de pimentine, expédia un plateau devant sa cheminée et rampa jusqu'à son lit froid et désert.

Il fut réveillé au plus noir de la nuit par un bruissement d'étoffe et le contact de cinq orteils glacés contre sa jambe. « Albus, nom de nom ! » glapit-il en frissonnant avant de lancer un sort calorifique sur les draps.

Albus gloussa en appuyant ses lèvres non moins glacées contre la nuque de son ami. « Navré, Sev. Fait un peu frisquet au Pôle Nord, même à cette époque de l'année, mais Benny connaît un petit boui-boui... »

Severus se retourna sur le côté pour mieux scruter Albus et son visage s'assombrit. « Tu es ivre. J'ose espérer que tu n'as pas transplané dans cet état déplorable. »

Albus re-gloussa et l'embrassa, et Severus put sentir l'alcool sur ses lèvres. « On a peur que je me désartibule, cher petit ? »

- Non, je suis heureux de constater qu'il y a un dieu pour les ivrognes.

Albus re-re-gloussa et l'embrassa un peu plus longuement cette fois. « Tu sens le thé et le pain d'épice et tu m'as terriblement manqué. Oh, et je suis passé prendre ta commande chez Slug et Jiggers. »

Ces mots surent apaiser suffisamment Severus pour qu'il laisse Albus prendre avec sa personne certaines libertés, celles qu'il était résolu en début de soirée à lui interdire une semaine au bas mot. Après tout, le repentir d'Albus semblait sincère, c'était un champion des libertés en tout genre et Benny ferait sans doute sa malle le lendemain.

Mais non. Ni le lendemain, ni le surlendemain, ni les jours suivants. Bientôt, il y eut presque une semaine que Benny avait surgi entre eux comme une mauvaise herbe. Il était parti pour rester et Severus voyait son ami de moins en moins tandis que coulaient leurs beaux jours d'été. Il fallait attendre la nuit, longtemps après qu'il se fut mis au lit, pour qu'Albus pénètre ses appartements et se faufile à ses côtés. Un soir, pris d'un accès de bouderie, Severus passa la nuit entière dans son atelier sans qu'Albus montre le moindre signe d'inquiétude.

Chez Severus, la colère fit place à l'accablement. Il avait tout compris : Albus ne l'aimait plus.

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Fort de cette révélation, Severus passa l'essentiel du jour suivant aux Trois Balais, à noyer ses chagrins dans l'alcool jusqu'à ce que Rosmerta y mette fin en le traînant à l'étage, dans l'une des chambres, pour y cuver sa cuite. Il avait beau crier sur tous les tons qu'il allait très bien et qu'il était tout à fait en état de rentrer au Château, que c'était son cœur qui était brisé et pas ses rotules, elle se montra ferme. Lorsqu'il finit par entrer dans la chambre, il était curieusement épuisé et ma foi, une petite sieste semblait tout indiquée avant de regagner Poudlard au pas cadencé, boucler sa malle et partir... ailleurs.

Soit, il n'y avait pas vraiment d'ailleurs où il ait envie de se rendre. Mais c'était trop déprimant pour qu'il y réfléchisse à présent. Au lieu de quoi, Severus s'endormit.

Il se réveilla parce qu'une main lui caressait le front et soupira d'aise. C'est ce que faisait Albus quand il avait la migraine, lui caresser le front et les cheveux, éloigner la peine tout doucement — au temps où Albus l'aimait.

- Mais je t'aime toujours, mon cœur.

- Non, tu ne m'aimes pas, murmura Severus au fantôme. C'est Benny que tu aimes à présent.

Albus rit tout bas, comme chaque fois que Severus disait quelque chose d'exceptionnellement stupide. « Tu as tout faux, Severus. Je t'aime, je n'ai jamais cessé de t'aimer toutes ces années, et je suis profondément désolé si je t'ai donné la moindre raison de croire le contraire. »

Severus fronça les sourcils. Il ne voulait pas ouvrir les yeux mais un léger doute le taraudait. « Albus ? »

Un frôlement de lèvres contre les siennes, des lèvres qu'il connaissait. « Oui, mon cœur ? »

Le rouge monta aux joues de Severus. « Je me suis conduit en parfait idiot, hein ? »

- Mais non, dit son ami doucement, et Severus sentit le matelas se creuser tandis qu'Albus se glissait près de lui et l'attirait dans ses bras. C'est moi qui ai été un idiot de te négliger et de t'amener à douter de mes sentiments.

Severus soupira d'aise et se blottit dans la chaleur familière d'Albus, humant le léger parfum de citron qui l'accompagnait. « Je vais avoir une très, très grosse migraine demain matin », confessa-t-il à une barbe blanchie.

Albus gloussa et lui embrassa les cheveux. « Heureusement pour toi, un expert en potions m'a confié un vaste stock d'antidotes à la gueule de bois. Je ne manquerai pas de t'en donner à ton réveil. »

Severus acquiesça et se laissa porter au sommeil dans les bras de son amant.

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- Eh bien, Albus, ce fut un séjour exquis, dit Benedict le lendemain. (Albus, Severus et lui se tenaient sur les marches du perron pour le rituel des adieux.) Il y a bien longtemps que je ne m'étais autant amusé et j'ai adoré revisiter les lieux et les souvenirs de notre adolescence. Je regrette juste que le professeur Snape ait été trop débordé pour un peu de causette. Je me faisais une joie de converser avec l'inventeur de la Potion Tue-Loup et du Véritasérum.

Severus cligna légèrement des yeux. « Pardon ? »

- Vous avez bien de la chance, Albus, dit Benedict, d'avoir un partenaire aussi brillant que séduisant. Je vous souhaite de longues années de bonheur. Et l'an prochain, ce sera peut-être votre tour de me rendre visite... je suis sûr que ma femme serait ravie de vous rencontrer tous les deux.

Avec un dernier signe de tête, Benedict enfourcha son balai et décolla.

Snape le regarda partir bouche bée avant de se tourner vers Albus qui l'épiait de ses yeux pétillants. « Je te l'avais bien dit, Severus : rien à craindre de ce côté-là. Allez viens... je me sens d'humeur à pique-niquer aujourd'hui. »

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Oui, juillet était un mois cher au cœur de Severus. Ses élèves avaient fait place nette ainsi qu'un bon nombre de collègues, laissant le Château aux mains de ceux qui savaient l'apprécier. La rentrée était trop éloignée pour qu'il se tracasse à planifier ses cours ou achalander l'Infirmerie en potions. Non, il avait enfin du temps pour lui, pour vaquer dans son laboratoire et avancer ses travaux de recherche, au lieu de le dilapider en retenues, conseils de classe et soutien psychologique aux chers petits, ou autres fadaises. Du temps pour pique-niquer, étendu sur une couverture, goûtant la chaleur du soleil et des lèvres et des doigts aimants sur sa peau nue.

Surtout, il avait Albus. Rien. Qu'à. Lui.

FIN