Titre : Pinkuna Ichigo.

Auteur : Patpat.

Source : Gravitation.

Pairing : Shindou Shuuichi / Yuki Eiri.

Rating : M.

Genre : UA, Humour, Romance, OOC, Lime et Lemons.

Disclaimer : Je ne possède pas Gravitation, ni ses personnages hélas. Mais l'histoire vient de mon cerveau dérangé et Miri ainsi que la plupart des élèves du lycée en sont également issus.

Notes : Voici le chapitre 5. Ca avance doucement mais sûrement, en tous cas il va y avoir du rebondissement entre notre PopStar travestie et notre blondinet renfrogné. Pour savoir ce que je vous ai mitonné de croustillant, vous n'avez qu'à lire.

Dialogues en gras. Pensées en italique.

Chapitre 5 : La demoiselle aux rubans...

Shuuichi avait passé le jour qui avait suivi son petit malaise au lit, à dormir aussi profondément qu'une marmotte en hiver. Lorsque Maiko avait appris l'évanouissement de sa "cousine", elle s'était aussitôt précipité à son chevet, la suppliant de rentrer avec elle le temps de deux ou trois jours. Mais Shuuichi avait catégoriquement refusé. Après tout, il n'était pas à l'article de la mort ! Seulement un peu fatigué.

Cependant, le chanteur avait un peu paniqué lorsqu'il s'était réveillé à l'infirmerie. En effet, il avait aussitôt compris que l'infirmière l'avait certainement ausculté et avait donc découvert son petit secret de transformiste. Mais quel soulagement cela n'avait pas été d'apprendre que Murakami Kumiko était déjà au fait de sa situation grâce à la claire-voyance de Seguchi. En revanche, il s'inquiétait un peu quant à Yuki. C'était lui qui l'avait conduit à l'infirmerie en le portant dans ses bras. Et s'il avait "senti" quelque chose en le touchant ? Si c'était le cas, il n'en avait rien montré lorsqu'il était venu chercher Shuu pour la ramener à sa chambre à la demande de Murakami-san.

Depuis ce jour, Shuuichi évitait consciencieusement de se retrouver seul avec le blond ou même de croiser son regard. Il espérait remettre une certaine distance entre eux mais l'enjeu s'avérait plus difficile que prévu dans la mesure où Eiri, lui, semblait au contraire vouloir se rapprocher. Shuuichi ne comprenait vraiment pas pourquoi cependant. C'est vrai, quelle raison pousserait un mec comme Yuki Eiri à devenir ami avec quelqu'un ? Qui plus est quelqu'un qu'il ne supportait que difficilement ? Peut-être qu'il se sent seul, songea Shuuichi en se coiffant les cheveux en ce matin du Vendredi 14 Mars. Il fronça les sourcils en se fixant un instant dans le miroir.

Mais qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? Pourquoi je m'inquiète de savoir si Yuki se sent seul ou pas ? C'est pas mes affaires ! s'exclama-t-il en s'adressant à son reflet dans le miroir de sa coiffeuse dans sa chambre au dortoir.

Avec une moue agacée, il finit de se démêler les cheveux avant de les attacher en deux courtes tresses à l'indienne comme Maiko le faisait souvent.

Finalement, ça me va plutôt bien les cheveux roses, je trouve, marmonna Shuuichi pour lui-même en se regardant un instant, admirant l'effet de sa coiffure.

Il sourit en remarquant qu'il avait tellement pris l'habitude de parler avec une voix plus féminine qu'il conservait cette voix-là même quand il était seul et qu'il se parlait à lui-même. C'est alors que son téléphone portable sonna et vibra sur son chevet. Jetant un coup d'oeil à l'ID sur l'écran externe, il reconnut le numéro de Yoshiki alors il décrocha.

Moshi moshi ? demanda-t-il en décrochant.

Salut Shuu-chan ! Je t'appelle pour t'informer que c'est moi qui viendrai te chercher demain matin à la sortie des cours pour t'emmener chez NG, d'où on ira au plateau de tournage du clip de "Skid Mark".

Tu ne me demandes même pas comment je vais, espèce d'ingrate ?! fit remarquer Shuu en prenant un air faussement outré.

Ingrate ? Est-ce que je te dois quelque chose ? s'enquit la jeune femme de son habituelle voix innocente et douce.

Euh... Non, pas que je sache, répondit le chanteur en faisant mine de réfléchir. Mais dis-moi, pourquoi c'est toi et pas Hiro ou K qui viendras me chercher ?

Hiro sera sur le chemin du retour de Kyoto puisqu'il y est allé pour voir sa mystérieuse petite amie. Sakano-san et Suguru seront à l'aéroport pour y récupérer la patronne puisque Seguchi-san l'a faite venir pour qu'elle joue en guest star dans le clip. Et K voulait venir en personne mais je me suis dit que ce serait moins risqué si une personne plus discrète et moins fêlée - comme moi par exemple - venait te récupérer. Enfin si tu préfères K, je peux toujours -

Non, non ! s'empressa de dire Shuuichi avec véhémence. Je suis bien content que ce soit toi qui viennes, Yosh !

Dans ce cas, on se retrouve samedi dès midi. Mais ne traîne pas, hein ! Seguchi-san et la patronne détestent avoir du retard dans leur planning, tu le sais bien.

Oui, je sais surtout que ce sont des maniaques... Bon, à samedi Yosh !

Bye bye ! s'exclama joyeusement la batteuse avant de raccrocher.

C'est donc avec des nouvelles de ses amis que Shuuichi commença sa journée. Fin prêt, il prit son sac, enfila son manteau et sortit de sa chambre en la verrouillant derrière lui pour rejoindre sa classe. Aussitôt hors de sa chambre, il était redevenu la gentille et frêle petite Shimizu. Arborant un sourire ultra-bright pour afficher sa bonne humeur du jour, elle fit tranquillement son petit bout de chemin jusqu'au bâtiment principal. A peine eut-elle le temps d'arriver à son casier pour y laisser son manteau et ses livres pour les cours de l'après-midi qu'un garçon vint l'aborder.

Il n'était pas vraiment attirant avec sa poussée d'acné et à en juger par sa taille, il devait encore être en classe de Seconde. Il était également assez maigrichon et portait un appareil dentaire. En gros, tout sauf un critère de beauté. C'est pour ça que je remercie Dieu chaque jour d'avoir fait de moi une superstar et d'avoir mis à ma disposition les meilleures esthéticiennes et maquilleurs du monde ! songea Shuuichi, reconnaissant de n'avoir jamais ressemblé à ce pauvre garçon. Ne commence pas à être méchant, Shuuichi, se réprimanda-t-il aussitôt. Il est sûrement très gentil.

Bonjour Shimizu-sempai, dit le garçon d'un air timide et mal-assuré.

Bonjour, répondit la demoiselle sur un ton hésitant, ne sachant pas trop ce que ce gamin attendait d'elle.

Je... Euh... Aujourd'hui c'est, euh... Le White Day tu sais et... Enfin, je voudrais... Si tu veux bien... Le ruban...

Un ruban ? Quelle ruban ? demanda Shuu, qui avait du mal à saisir le sens de la conversation.

Et bien... Aujourd'hui les garçons, ils offrent des rubans blancs tu sais, et... Enfin, est-ce que tu... Tu voudrais bien accepter le mien ?

Shuu fronça les sourcils. Décidemment, il avait manqué beaucoup de choses en partant si longtemps aux USA... Il se souvenait vaguement d'une histoire de distribution de rubans au début du printemps et qu'en en acceptant un, on s'engageait à quelque chose... Mais à quoi ?

Mmh, je veux bien prendre ton ruban mais --

C'est vrai ?! s'enthousiasma le garçon en sortant un ruban blanc crème de sa poche.

Oui mais d'abord j'aimerais connaître ton nom et --

Je m'appelle Ki--

On s'en fout, gronda une voix que Shuu très bien.

Yuki venait d'arriver derrière le pauvre garçon, laissant tomber une main lourde de menaces sur ses petites épaules de gringalet. Le regard noir du blond le fit déglutir bruyamment. Un sourire mêlé de gêne et de terreur s'étira lentement ses lèvres, révélant les bagues et les fils qui recouvraient ses dents. Eiri haussa un sourcil dubitatif ; malgré sa dégaine de troll, ce môme avait eu le cran d'adresser la parole à Shuu et de lui demander de sortir avec lui. Il a dû se troncher à l'absinthe pour se donner du courage, se dit-il distraitement.

Alors, qu'est-ce que t'attends pour t'barrer ?! fit Yuki.

Le garçon hocha aussitôt la tête en signe d'approbation et prit ses jambes à son cou. Le blond et sa camarade de classe le regardèrent détaler comme un lapin jusqu'à ce qu'il disparaisse au détour d'un couloir. Puis Eiri se tourna vers Shuu, lui adressant un regard plein de reproches.

T'étais vraiment prête à accepter son ruban ? T'es folle ou quoi ?!

Et toi, qu'est-ce qui t'a pris de l'agresser comme ça ? répliqua la demoiselle.

Je l'ai pas agressé ! Je lui ai juste dit de partir.

Tu lui as foutu la pétoche de sa vie, oui !

Sentant qu'il commençait déjà à perdre patience, Eiri prit une profonde inspiration avant de dire le plus calmement possible :

Je te signale que si tu acceptes le ruban d'un garçon ça veut dire que tu comptes sortir avec lui. Alors au lieu de me faire des reproches, tu devrais plutôt me remercier de t'avoir évité la torture de te trimballer avec le goblinoïde comme petit ami.

Shuu voulut répondre mais resta silencieuse. Dans le fond, Yuki n'avait pas tort mais il aurait quand même pu agir avec moins de méchanceté avec ce pauvre garçon. Ce n'était pas de sa faute s'il était aussi peu attirant. Peut-être bien que dans un avenir proche il allait devenir un super étalon !

La tirant de ses pensées, Shuu sentit la main de Yuki se refermer sur son poignet et la tirer en direction de leur salle de classe. Se laissant docilement emmener, la fille aux cheveux roses ne put s'empêcher de remarquer combien son cœur battait fort. Pourquoi palpitait-il comme ça ?... Après tout, il ne fait que me tenir par la main. Ou plutôt, il ne fait que me trainer derrière lui en me tirant par le poignet...

Lorsqu'ils arrivèrent ensemble dans la classe, toujours accrochés l'un à l'autre, tous les regards se tournèrent vers eux. Les conversations enjouées se transformèrent en murmures indiscrets, piquant la curiosité de l'innocente Shuu-chan. En revanche, Yuki lui n'y prêtait absolument aucune attention. Il se doutait déjà du contenu de ces messes basses ; forcément, leur "couple" faisait jaser. Tenant toujours la demoiselle par le poignet, ils passèrent devant Kouga et son regard furieux puis devant l'expression envieuse et jalouse d'Usami, Eiri accompagna Shuu jusqu'à sa place. Peu à peu, les conversations reprirent comme si de rien n'était.

Quelque peu décontenancée par l'attitude de tout le monde, Shuu haussa les épaules, mettant ça sur le compte du White Day. Elle laissa tomber son sac à côté de sa chaise et s'assit à son bureau quand Yuki se pencha sur elle et murmura à son oreille :

N'accepte aucun ruban jusqu'à ce soir.

Shuu rougit sur le coup mais le ton autoritaire, voir limite impérieux de Yuki lui déplut grandement.

Je n'aime pas qu'on me dise ce que je dois faire ou non, répondit Shuuichi à voix basse.

Eiri le regarda dans les yeux, sans ciller, et avec une sincérité que le musicien ne lui connaissait pas, il répondit tout bas, de façon à peine audible même à une si petite distance :

S'il te plait, n'accepte aucun ruban jusqu'à ce qu'on se voie ce soir. Je dois discuter avec toi.

Et sans trop réfléchir, Shuuichi acquiesça d'un signe de tête.

D...D'accord.

Satisfait par la réponse de la jeune fille, Yuki laissa se dessiner un petit sourire aux coins de ses lèvres et le cœur de Shuuichi manqua un battement, ses joues s'enflammant encore davantage. Mais qu'est-ce qui me prend, bordel ! s'exclama-t-il intérieurement en plaquant ses mains sur ses joues brûlantes comme pour empêcher le blond de remarquer son embarras. Evidemment, c'était trop tard. Yuki se régalait déjà de voir quel effet il produisait sur la belle et prude Shimizu. Avec une expression à mi-chemin entre la fierté et la moquerie, il se redressa et la gratifia d'une pichenette affectueuse sur le bout de nez du bonbon rose avant de regagner sa place.

De son côté, Akira qui avait vu la scène en détail et avait même pu entendre - plus ou moins en tout cas - la requête de Yuki, mit la main dans sa poche pour en tirer un ruban blanc. Il le fixa un instant, et jeta un coup d'œil en direction de Shuu. Puis avec un sourire amer, il le rangea. Il aurait aimé l'offrir à la demoiselle car son cœur battait secrètement pour elle, mais Yuki semblait s'intéresser à elle. Il connaissait le blond depuis la Seconde et ne l'avait jamais vu aussi profondément attiré par quelqu'un. Jusqu'à présent, il s'était contenté de prendre les filles pour les jeter aussitôt, mais Shuu était la première avec laquelle il se donnait vraiment de la peine. De toute façon, c'est à Shuu de voir si elle acceptera ses sentiments. Puis à long terme viendra le moment où Yuki découvrira tout. Quand il saura ce que je sais, on verra bien si ses sentiments sont si sincères qu'il le prétend ou bien s'ils s'arrêtent aux apparences, songea le jeune homme en se retournant vers le tableau juste à temps pour voir entrer leur professeur.

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Le White Day ? Une vraie folie ! Shuuichi ne pouvait plus faire un pas dans les couloirs sans voir une fille recevoir un ruban. Il y en avait même qui, comme lui, étaient victime de harcèlement. En effet, il s'était vu offrir une bonne douzaine de rubans rien que dans la première partie de la matinée. Après 11h, il avait cessé de compter. Les garçons semblaient presque tous désespérés de trouver une copine. Bien sûr, il y en avait certains qui, sûrs de leur charme ou bien trop sérieux pour se préoccuper de telles coutumes, se contentaient d'observer les choses avec une attitude cool et détachée. Et puis il y avait aussi les heureux élus qui avaient déjà une petite amie et lui offraient un ruban pour la forme et le plaisir de la voir s'extasier devant ce petit morceau de satin immaculé.

Shuuichi regrettait presque d'avoir promis à Yuki de ne pas accepter de ruban. C'est vrai, s'il avait accepté le premier, il ne serait pas en ce moment même en train de refuser les avances du garçon qui lui faisait face, un sourire aux lèvres et un ruban blanc à la main. D'un autre côté, il ne se voyait vraiment pas sortir avec le premier idiot venu. D'ailleurs, il ne se voyait tout bonnement pas sortir avec un mec. Après tout, il en était un lui-même ! Mais les autres ne sont pas censés le savoir, lui rappela une petite voix à l'arrière de sa tête.

Après avoir gentiment mais proprement remballé le pauvre garçon qui était venu lui offrir son cœur sous forme de ruban blanc, le chanteur reprit son chemin en direction du réfectoire. Mais qu'est-ce qui m'a pris d'accepter la demande de Yuki ? Et puis d'ailleurs, pourquoi il m'a demandé un truc pareil ? Qu'est-ce qu'il veut me dire de si important ? Et c'est en se posant ces questions que la pire idée au monde lui vint à l'esprit. Et si Yuki avait remarqué la ressemblance entre Shuu et Shuuichi ? Et s'il avait fait le rapprochement ? Oh my God ! s'emballa le musicien, limite paniqué.

Lorsqu'il reprit ses esprits, il se trouvait à l'entrée du réféctoire et ses yeux croisèrent aussitôt ceux de Yuki, assis un peu plus loin en train de manger en compagnie de quelques camarades de classe. Il soutint longuement son regard avec ses iris dorées et perçantes. Sentant ses joues rougir de nouveau, Shuuichi déglutit difficilement. Pris d'un soudain accès de panique, il se retourna dans l'intention de partir en courant, quitte à sauter le déjeuner.

Mais les choses auraient été bien trop simples s'il avait juste pu s'enfuir. Non, il fallait qu'il se prenne quelqu'un en pleine face, et pas n'importe qui... Non ! Il fallait que ce soit cet abruti de Kouga. Ce fils à papa fit un sourire charmeur à Shuu-chan puis la pris par la main et l'entraina à l'extérieur de la cantine, dans le couloir principale. Là il s'arrêta et lui fit face. Toujours avec ce sourire bouffi d'orgueil, il prit la main de la jeune fille qu'il tenait toujours, l'ouvrit et y mis un ruban blanc. C'est précisément à ce moment que Yuki arriva dans le couloir. Il avait vu Shimizu se faire entrainer à l'écart par Kouga et il avait tout de suite compris ce que le garçon avait derrière la tête. Mais le spectacle de sa jolie Shuu-chan tenant entre ses doigts fins le ruban de ce mufle lui serra le cœur et lui retourna l'estomac. Elle avait dit qu'elle n'accepterait aucun ruban, se dit-il amèrement. Pourquoi en avait-elle un dans la main alors ? Et surtout, pourquoi celui de Jun ?!

De son côté, Shuuichi réagit enfin. Il leva un regard abasourdi vers Kouga avant de jeter le ruban au sol comme s'il s'était agi d'un échantillon particulièrement virulent de la peste bubonique. Et sans vraiment s'en rendre compte, ni même avoir envie de la refreiner, sa véritable personnalité reprit le dessus. Shuuichi Shindou n'allait sûrement pas laisser ce bouffon se la péter parce qu'il avait réussi à mettre de force un ruban dans la main d'une innocente jeune fille. Alors tout en faisant attention à garder sa voix fluette de jeune demoiselle, le chanteur s'écria :

Désolé mais le ruban poisseux d'un porc comme toi ne m'intéresse pas le moins du monde ! Tu peux le prendre et te le foutre bien profond parce que moi en tout cas, j'en veux absolument pas ! Tu me dégoutes !

Sur le coup, Kouga ne savait pas quoi répondre mais très vite il se reprit. Fou de rage et mort de honte, il attrapa Shuu par le poignet en serrant avec force.

Pour qui tu te prends pour me parler sur ce ton ? Ca va pas dans ta petite tête d'idiote ou quoi ?!

Eiri avança aussitôt pour aider Shuu mais il n'en eu pas vraiment le temps. Faisant preuve d'une force surprenante, la demoiselle donna un puissant coup de pied dans le ventre de Kouga puis lui fit une prise digne des plus grands karateka. En moins de dix secondes, ce gros boulet de Jun se retrouva les quatre pattes en l'air sous les regards médusés et moqueurs des dizaines d'élèves que leur petite esclandre avait attirés.

Désolée, macaque, mais je suis une jument qui ne se laisse monter que par un étalon ! Garde ça à l'esprit la prochaine fois que tu te sens d'humeur poétique. Quant à ton ruban, tu es si désespéré de t'envoyer une fille que le seul moyen que tu aies trouvé pour t'en mettre une dans la poche c'est d'en forcer une à prendre ton morceau de nylon basse qualité. Si je portais ce truc, je ferais sans aucun doute une crise d'urticaire. Manque de bol pour toi, je ne suis pas aussi fragile et crédule que j'en ai l'air.

Malgré la douleur qui semblait encore se faire ressentir, Kouga se releva et jeta un regard meurtrier à la demoiselle qui ne se laissa pas démonter le moins du monde. Au contraire elle ricana et lança d'un air mauvais qui surprit tout le monde, Eiri et Akira les premiers :

Tu joues les gros durs mais vraiment tu me fais plus pitié qu'autre chose. Et tout ça parce que ton "papa" est le directeur tu profites de sa position pour te faire respecter. A travers lui tu te venges sur les élèves qui te résistent, comme Yuki par exemple, qui se prend des retenues pour des motifs plutôt bancales. Mais tu vois, le petit cadeau que tu m'as laissé dans la salle de musique le mois dernier, et maintenant ta façon plus que romanesque de me proposer de sortir avec toi, tout ça me sort par les yeux ! A choisir, je préfèrerais encore sortir avec le boutonneux de ce matin, lui au moins il était gentil !

Qui, moi ? demanda le garçon en question, surpris et heureux d'être mentionné ainsi par la jolie Shimizu.

Mais tout le monde l'ignora et Shuu se contenta de retourner à la cantine en dépassant Yuki, Serizawa et ses autres camarades sans même leur adresser un regard.

Tu me le paieras Shimizu ! lança Kouga - apparemment c'était tout ce qu'il avait trouvé à répondre.

C'est bien le cadet de mes soucis ! répliqua la jeune fille en disparaissant parmi la foule, sans même se retourner.

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Après la déclaration de guerre ouverte de Shimizu à Kouga, plus personne n'avait osé adresser un mot à la jeune fille qui paraissait de très mauvaise humeur. De même que Kouga avait semble-t-il passé ses nerfs sur ses amis du club de Judo. Résultat, les cours de l'après-midi s'étaient déroulés dans une ambiance assez lourde et tendue.

Finalement, lorsque la journée s'acheva, Shuu se hâta de ranger ses affaires et partit en direction des dortoirs sans même prendre le temps de dire au revoir à ses amis. Ca ne lui ressemblait pas d'agir comme ça et Kira, Rikku et Akira s'inquiétaient beaucoup. Ils avaient en effet compris de part les allusions que leur amie avait faites à midi, que les problèmes entre elle et le délégué de la classe remontaient à pas mal de temps déjà. Pas étonnant qu'elle ait pété un câble et l'ait ridiculisé ainsi... Mais du coup, sa réputation de petite fille sage et douce avait éclaté en morceaux.

Yuki s'apprêtait à rattraper la demoiselle dans le hall du bâtiment principal. Il devait admettre que celle-ci marchait plutôt vite quand elle était énervée. La voir ainsi en colère l'amusait beaucoup, il la trouvait même encore plus jolie. C'est dans le parc qu'il parvint enfin à la rattraper.

Oy ! Shimizu !

Mais au lieu de s'arrêter, celle-ci accéléra le pas ; elle n'était visiblement pas d'humeur à parler... Peut-être avait-elle tout simplement oublié sa promesse faite le matin-même. Il dût l'attraper par le bras pour la stopper.

Hé ! T'as oublié qu'on devait discuter ou quoi ?!

Shuu s'arrêta brusquement, se retourna avec agacement et se libéra de l'emprise de blond.

Pourquoi tous les mecs au Japon pensent-ils que les filles sont à leurs bottes ?! C'est quoi ce bordel ! En plus ils se la pètent tellement qu'ils refusent de tenir la main à leur copine dans la rue ! Les filles sont quoi à vos yeux, bande de mufles ?! Des potiches ?!

Arrête de passer tes nerfs sur moi, ok ! répliqua Yuki.

Je-Je ne passe pas mes nerfs sur toi ! Je--

Mais après quelques balbutiements, la jeune fille se tût et détourna le regard. Pendant un moment, tous deux gardèrent le silence et finalement, Shuu lança d'un ton qui se voulait naturel et désinvolte :

Puisque tu es là, porte mon sac et ramène-moi à mon dortoir.

Elle lui tendit son sac-à-dos et le fixa avec un regard déterminé, attendant qu'il le prenne. Eiri, de son côté, se dit que s'il voulait mettre sa camarade de bonne humeur pour pouvoir mettre son plan à exécution, il valait mieux pour lui d'accéder à sa requête sans broncher. Il prit donc le sac dans sa main gauche pour faire contrepoids avec le sien qu'il portait en bandoulière du côté droit. Ensemble, ils commencèrent à marcher puis au bout d'une ou deux longues minutes, Shuu dit :

Je crois que j'ai effrayé tout le monde aujourd'hui. Ils doivent penser que je suis une espèce de schizophrène dissimulatrice... que je leur ai caché ma véritable personnalité de psychopathe ultra-agressive. Mais je crois que le comportement de Kouga m'a vraiment mise en colère et --

T'as eu raison. Personnellement, je pense que tu as bien fait de le remettre à sa place.

Vraiment ? s'enquit la jeune fille, son visage s'illuminant aussitôt.

Un petit sourire s'étira sur ses lèvres pulpeuses et Yuki se sentit soulagé. Il avait visiblement beaucoup de facilités à la faire réagir, que ce soit dans le bon ou le mauvais sens. Laissant le silence s'installer de nouveau entre eux, Eiri prit son courage à deux mains. Depuis quand il me faut du courage pour parler à une meuf ?! s'insurgea-t-il intérieurement, sans pour autant laisser paraître quoi que ce soit sur son visage lisse. Depuis quand ? Depuis qu'il avait rencontré Shuu-chan. Dès le premier jour, le premier instant, il avait eu toutes les peines du monde à agir naturellement avec elle. Ou peut-être se comportait-il trop naturellement au contraire, n'hésitant pas à agir impulsivement à son contact alors qu'auprès des autres il se contentait d'afficher une façade indifférente.

Finalement, il se décida et commença à parler :

En fait, je préfère les filles comme toi. Dommage qu'il y en ait si peu.

Intéressée, Shuu demanda :

Qu'est-ce que c'est censé vouloir dire ? C'est une sorte de compliment ou un truc comme ça ?

Un truc comme ça, oui. Pour dire vrai, c'est ma façon de te dire que... que j'aimerais...

De son côté, Shuuichi se sentait quelque peu troublé. Ce grand dadet de Yuki commençait à bégayer. Non, impossible. A moins qu'une averse de grenouilles n'ait été annoncée par le dernier bulletin météo et qu'il ait commencé à neiger en Enfer... songea le chanteur en fronçant les sourcils, la tête légèrement penchée sur le côté, comme un chiot qui ne comprend pas tout à fait les ordres de son maître.

Me regarde pas comme ça, s'il te plait, dit Eiri, cessant son balbutiement.

Cette façon si mignonne qu'avait la jeune fille de le regarder lui faisait perdre ses moyens - si on considère que je suis toujours en pleine possession de mes moyens malgré mes bégaiements de gamin.

Comment "comme ça" ?

Comme ça, là, avec tes yeux de chaton.

Pris au dépourvu par la remarque de son camarade, Shuuichi se mit à rougir légèrement ; suffisamment en tous cas pour sentir ses joues chauffer. Ce fut à son tour de bégayer, cassant tout le mythe de la rock star mondiale qu'il incarnait.

T-T-Tu... Tu trouves que j'ai... des yeux de... chaton ?

Bah... Enfin... Bon laisse tomber. Ce que je voulais dire c'est que...

Mais là encore, il était incapable de le dire clairement. Quand il s'était répété la scène dans la tête, il n'avait pas eu l'air aussi empoté. Le blond décida donc de prendre le taureau par les cornes ; il s'arrêta net, déposa le sac de Shimizu et fourra sa main dans sa poche pour en tirer un ruban d'un blanc immaculé qu'il mit avec rudesse et sans plus d'explications dans les petites mains douces de la demoiselle. Bouche bée, voir carrément choquée, il lui fallut un temps pour percuter. Finalement, la jeune fille aux cheveux fuchsia se ressaisit et dit :

C'est un ruban.

Excellente analyse, répliqua Eiri qui, sur le coup, ne savait pas réagir autrement qu'avec froideur.

Pourquoi ?

Et pourquoi pas ? Après tout, tu m'as offert des chocolats pour la Saint Valentin, non ?

C'était de simples pokkii ! Et puis, je te les ai donnés parce que tu avais été gentil avec moi et tout...

Légèrement frustré de voir que les choses ne tournaient pas exactement comme il l'avait prévu, Eiri se passa une main dans les cheveux.

Ecoute, je sais que toi et moi, on a nos moments : parfois on se crêpe le chignon, et d'autres fois on s'entend plutôt bien. Je te l'ai jamais dit mais je te trouve... mignonne.

Cette fois totalement perdu et ne sachant absolument pas quoi répondre à ça, Shuuichi se contenta de fixer Yuki, serrant inconsciemment le ruban au creux de sa main. Il n'est quand même pas en train... de me dire que...

Si je te donne ce ruban c'est pas seulement en remerciement pour les pokkii. Tu peux pas t'imaginer combien ça me tape sur les nerfs de voir tous ces mecs te tourner autour, Kouga plus que les autres. Tout ça parce qu'en fait je... je voudrais que tu sois ma copine.

Le chanteur regarda son camarade de classe avec un air ahuri, clignant plusieurs fois des yeux comme pour s'assurer que le Yuki Eiri qui lui faisait face était bien le même qui l'avait traité il n'y avait pas si longtemps encore de thon obèse et flasque. Et aujourd'hui, ce même gars lui faisait une déclaration d'amour, persuadé que Shuu était une fille. Que devait faire le chanteur ? Il ne pouvait décemment pas accepter ! D'abord parce qu'ils étaient tous les deux des garçons, puis parce que le secret de sa double personnalité allait à coup sûr éclater au grand jour. Pourtant, le musicien avait le cœur serré à la simple idée de rejeter le séduisant blond. Juste au moment où on commençait à bien s'entendre... Pourquoi fallait-il qu'il me dise tout ça ?! Maintenant, plus rien ne sera comme avant, songea Shuuichi avec regret.

Puis, une idée germa dans sa tête. Et si Yuki était... gay ?! A cette simple perspective, le jeune garçon travesti fut pris d'une irrésistible envie de rire. Pourtant, vu que la situation ne s'y prêtant guère, il dut s'abstenir. La priorité restait de donner une réponse à Eiri. Mais laquelle ?

Du côté du blond, rien n'allait plu. Les jeux étaient faits, le reste dépendait exclusivement de Shimizu. Lui qui aimait tout contrôler se sentait complètement désarmé. Pourquoi fallait-il que cette fille complètement imprévisible soit celle qui régnait en impératrice sur son cœur ? Et surtout, depuis quand avait-il un cœur ? Honnêtement, il n'en avait jamais vraiment eu conscience jusqu'à maintenant. Il adressa un regard déterminé à la jeune femme, près à accepter le verdict, même si au fond de lui il priait Bouddha pour une réponse positive.

Je suis désolée, répondit finalement Shuu. Je... Il y a plein de choses que tu ignores à mon sujet et --

C'est bon, j'ai compris, la coupa Eiri. Tu peux le jeter si tu veux, ajouta-t-il en parlant du ruban avant de simplement s'éloigner en prenant la direction du dortoir des garçons.

La mine triste et le cœur profondément peiné - plus qu'il ne s'y attendait en réalité - Shuuichi regarda Yuki partir et disparaître dans la pénombre du couchant. Si seulement il y avait un moyen pour que les choses soient plus simples... Il ne voulait vraiment pas blesser le blond et pourtant, c'était évident que sa réponse l'avait plus touché plus que ce que son visage éternellement beau et froid voulait bien montrer.

Un peu plus loin, dissimulé derrière un arbre, Usami Ayaka avait observé l'ensemble de la scène. Si elle n'avait quasiment rien entendu de la conversation, ce qu'elle avait vu lui avait amplement suffit pour comprendre que si Shimizu et Yuki étaient un jour sortis ensemble, le fait que la jeune fille refuse le ruban montrait bien que tout était fini. Avec un sourire malsain, elle s'éloigna elle aussi, en direction de la sortie principale du lycée, laissant la demoiselle rentrer seule jusqu'à son dortoir après avoir ramassé son sac. Mais ce qu'Ayaka avait manqué, c'était bien le moment où Shuu avait délicatement mis le ruban blanc comme neige dans la poche de son manteau bleu.

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Shuuichi n'avait pas dormi de la nuit. Sa dernière conversation avec Yuki la veille l'avait hanté au point même qu'il avait appelé son amie Miri aux Etats-Unis pour lui demander conseil. Evidemment, la blonde plantureuse avait préféré ne pas s'en mêler. "Si je ne connais pas le mec en question et les détails de votre relation, je ne peux pas te dire quel profil adopter avec lui. Demande plutôt à Maiko ou Hiro, eux ils en savent sûrement davantage et seront à même de te conseiller comme il faut" avait-elle répondu en gardant un ton détaché. A dire vrai, le jeune chanteur l'avait appelée alors qu'elle était en plein milieu d'une réunion. Cela-dit, il s'estimait assez chanceux : si n'importe qui d'autre lui avait téléphoné tandis qu'elle était en briefing postproduction, elle lui aurait raccroché au nez après l'avoir incendié de grossièretés toutes plus blessantes et rabaissantes les unes que les autres. Shuuichi était sans aucun doute le chouchou de la jeune femme.

Mais le problème restait entier. Quelle réponse devait-il donner au blond ? Certes les choses n'étaient pas si horribles entre eux mais il était un garçon lui-même alors il ne pouvait vraiment pas accepter. Cependant, Eiri ignorait absolument tout de sa véritable identité, et surtout de son véritable sexe. Cela paraissait donc assez injuste à Shuuichi de devoir rembarrer ainsi un garçon qu'il appréciait en jugeant arbitrairement qu'il n'avait aucune chance... ARGH ! s'exclama intérieurement le musicien en s'arrachant les cheveux. Il tournait invariablement en rond, n'obtenant aucune réponse satisfaisante.

Je dois obtenir un délai, marmonna-t-il pour lui-même en se levant de son lit pour aller à sa salle de bain personnelle et commencer à se préparer. Il acceptera peut-être de me laisser le week-end pour réfléchir, et moi j'en profiterai pour demander leur avis à Maiko, Hiro, Suguru et Yoshiki...

Tentant d'ignorer la boule d'angoisse qui s'était formée au creux de son estomac depuis la veille, Shuuichi se doucha, s'habilla, se coiffa et embarqua son sac de cours, direction le réfectoire pour attraper au passage deux ou trois onigiri en guise de petit déjeuné. Il arriva très vite en classe, les traits légèrement tirés par la fatigue. Comme j'aimerais que ma maquilleuse soit là pour me donner un petit coup de fond de teint, j'aurais l'air plus frais, songea-t-il.

Il eut à peine le temps de jeter le papier cellophane dans lequel les onigiri qu'il avait déjà dévorés avaient été emballés en passant devant la poubelle que ses amies Kira et Rikku vinrent le trouver.

Shuu-chan ! Ca va ? T'es affreuse, s'exclama la première, amusée.

Ca va, ca va... Je suis juste complètement crevée, répondit la demoiselle aux cheveux roses.

Heureusement, on a que la matinée de cours, après c'est le weekend, s'enthousiasma Rikku.

Parle pour toi, se plaignit Shuu. Moi je bosse tous les weekends. Et avec le concert au Tokyo Dome de demain soir, je serais complètement morte lundi.

Oh oui ! On a trop hâte ! Merci de nous avoir donné des places VIP et des badges pour les back stages !

Oui, c'est super sympa de ta part, approuva Kira.

De rien, ça m'a fait plaisir. Et Shuuichi sera content de vous revoir.

Tu veux dire qu'il se souvient de nous ?! demanda Rikku, stupéfaite, en faisant allusion à la fois où Shuuichi et les autres membres de Bad Luck leur avaient signé des autographes à la fin d'une émission télé à laquelle elles avaient participé dans le public.

Bien sûr, affirma Shuu avec un large sourire. Comme il sait que vous êtes mes amies, il me demande souvent de vos nouvelles.

C'est vrai ? Trop cool ! s'exclama Kira en se mettant en mode fan girl, tandis que Rikku trépignait d'impatience à côté en sautillant comme une excitée.

Shuuichi souriait affectueusement ; d'ordinaire, il évitait consciencieusement les fan-girls comme elles. Mais heureusement, déguisé en fille, il n'avait à craindre aucune émeute - du moins, pas d'émeutes de filles. Et puis, elles ne lui semblaient absolument pas dangereuses ou hystériques à outrance. Et surtout, Rikku et Kira lui paraissaient toutes les deux si sincères et attendrissantes, comment pouvait-il ne pas être ami avec elles ?

Bon, le cours va bientôt commencer, je vais m'asseoir, dit-il finalement.

Ok !

On se voit à la pause de 10h !

Et sur ce, les trois copines se séparèrent. Mais à peine Shuu se fut-elle tournée vers le fond de la classe que son regard croisa celui d'un certain grand blond aux yeux perçants. Instinctivement, elle détourna les yeux, rougissant légèrement mais faisant de son mieux pour le cacher en baissant la tête. Tout en faisant de son mieux pour ne bousculer personne, elle rejoignit sa place.

Salut, ça va ? T'as pas l'air d'avoir dormi beaucoup la nuit dernière, fit remarquer Akira sur le ton de la plaisanterie en se tournant vers sa voisine.

Tu es la deuxième personne à me le dire en moins de cinq minutes... Ca se voit tant que ça ?

Oh oui ! rit le garçon de bon cœur. Sinon, en dehors de Kouga, est-ce qu'un garçon intéressant t'a offert un ruban ?

Shuu rougit aussitôt en baissant un peu plus la tête, se triturant les cuticules d'un air stressé.

Plusieurs garçons oui... Mais j'ai refusé...

Pour tous ? T'abuse ! T'aurais pu en accepter un ! s'exclama Serizawa, faisant mine de la réprimander.

C-C'est pas si simple, tu sais...

Accepter un simple ruban ne t'engage pas à grand chose. Bien sûr, le garçon qui te l'offre voudrait que tu sortes avec mais ça peut aussi être pour concrétiser une amitié... Comme quand tu m'as offert des chocolats à la Saint Valentin par exemple, expliqua Akira.

Si c'était juste ça, tu m'aurais offert un ruban toi aussi, rétorqua Shuu.

A cela, son ami ne répondit rien. Il en avait eu l'intention à vrai dire, mais pour lui, la signification du ruban n'aurait pas était un simple geste d'amitié... Voyant que sa réplique avait jeté un froid et que la conversation était close, Shuu commença à sortir ses affaires de son sac, regrettant un peu d'avoir répondu ainsi à son camarade. Mais bien sûr, sa malchance ne pouvait pas s'arrêter là. Ce devait aussi être ce que pensait Usami Ayaka, qui vint se poster devant son bureau immédiatement après être entrée dans la salle de classe.

Alors finalement, tu n'as pas accepté le ruban de Yuki ! lança-t-elle haut et fort pour que tout le monde entende, d'un air suffisant et plein de mépris.

Tous les élèves de la classe coupèrent court à leurs conversations et se tournèrent vers la jeune fille aux cheveux roses. La pauvre pouvait même sentir dans son dos les regards brûlants de ceux qui étaient installés derrière elle... Du coin des yeux, elle pouvait voir Eiri qui la fixait. Comme c'était douloureux... Serrant les poings, Shuu se contenta de répondre d'une voix aussi calme que possible :

Je ne vois pas en quoi cela te concerne.

Hmmpf ! Quelle petite égoïste pourrie gâtée tu fais ! Parce que ton cousin est Shuuichi Shindou, tu estimes qu'aucun autre garçon n'a de valeur à tes yeux. T'es vraiment une petite garce sans cœur pour repousser ainsi les avances de tous ces garçons.

Les mots ainsi utilisés comme des armes - autant de flèches lancées pour lui traverser le cœur - blessaient Shuuichi plus qu'il ne s'y serait attendue. Il serrait les poings si fort pour réprimer sa colère qu'il redoutait presque de s'enfoncer les ongles dans la chair et de faire saigner ses paumes. Ayaka, elle, ne mâchait pas ses mots.

De toute façon, depuis que tu es arrivée ici, tu joues les princesses. On l'a tous bien vu hier, avec ta façon de parler à Kouga. Tu les charmes tous comme une petite sainte-Nitouche et après tu les piétines. Et dire que tout le monde ici te met sur un pied d'estale, franchement, t'en vaux pas la peine... J'vois même pas comment tu peux être apparentée à quelqu'un qui a autant de classe que Shuuichi-sama ! A côté de lui, que le monde entier adore, toi tu vas finir par te faire haïr par tous tes camarades de classe ! Enfin, ça ne m'étonne même pas de la part d'une arriviste dans ton genre qui profite de la notoriété de son cousin pour attirer l'attention !

Plus elle en ajoutait et plus Shuu avait du mal à se contenir. Mais là où elle avait définitivement perdu son sang froid, c'était quand Usami avait commencé ses comparaisons avec Shuuichi. Alors c'est ce que tout le monde pense ? Que Shuu ne vaut rien ! On ne m'aime qu'en tant que Shuuichi ? Pourtant, je suis la même personne ! En fait, on n'aime pas ma personnalité. Personne ne m'apprécie vraiment pour ce que je suis... Je ne suis bon qu'à chanter et à plaire. Le reste, on s'en fout ! Des larmes de colère, de déception et de frustration se mirent à glisser sur son visage, emportant avec elles un peu de son fard à paupière et de son mascara. J'aurais dû mettre du waterproof, et surtout... J'AURAIS JAMAIS DU VENIR ICI !!!

On ne veut pas d'une fille dans ton genre ici ! dit Ayaka au même moment.

Et à cet instant, Shuuichi réagit au quart de tour ; se déplaçant si vite que l'ensemble des personnes présentes sursautèrent, il se leva et frappa la jeune fille en face de lui en plein visage. Son bras s'était détendu aussi vivement qu'un serpent qui bondissait sur sa proie, et le craquement sinistre qui s'en suivit fit frémir tout le monde. C'était un coup de poing comme il n'en avait que rarement donné. Et c'était bien la première fois qu'il était dirigé avec tant de hargne vers une fille. En fait, c'était tout simplement la première fois qu'il levait la main sur une fille et ça le terrorisait. Stupéfait par son geste, comme la plupart des gens dans la classe d'ailleurs, il baissa les yeux vers ses mains tremblantes. A ses côtés, Akira se leva lentement et tendit la main vers lui, comme pour le rassurer, mais à peine eut-il effleuré son épaule que Shuuichi le repoussa.

Paniqué, il regarda autour de lui. Les élèves murmuraient, lui adressant des regards curieux et méfiants. Il n'osait même pas se tourner vers Yuki pour voir sa réaction... Face à lui, Ayaka se tenait le nez et il pouvait voir s'échapper d'entre ses mains un filet de sang.

Tu m'as pété le nez ! Salope ! s'exclama-t-elle, avant de fondre en larmes sous le coup de la douleur.

J-Je... balbutia le chanteur, d'une voix grave.

Il se souciait à peine de sa couverture alors il n'avait pas vraiment fait attention à sa voix qui avait gagné en gravité ou aux expressions sur son visage qui n'avait plus grand chose de féminin. Il déglutit difficilement, respira profondément, puis se redressa ; il devait sauver les apparences. Même si les choses avaient tourné de manière chaotiquement différente de ce qu'il avait pu envisager en prenant la décision d'entrer au lycée, il ne devait en aucun cas mettre en péril sa carrière. Parce que c'était précisément ce qui risquait d'arriver si qui que ce soit découvrait sa véritable identité à cause de ce "stupide incident", comme l'aurait nommé Seguchi.

Shuuichi devait garder son calme et récupérer la situation : il essuya d'un revers de main ses joues barbouillées de maquillage pour effacer les dernières traces de ses larmes. D'abord parce qu'il avait promis à Tohma et Miri, et tous ses collègues et amis de faire en sorte que quoi qu'il arrive, il ne se mettrait pas en danger. Et aussi et surtout parce que, maintenant qu'il avait entendu toutes ces ignobles paroles et qu'il savait enfin ce que les gens pensaient réellement de lui, sa carrière était bien l'unique chose qu'il lui restait. Après le fiasco d'hier avec Kouga, et maintenant que j'ai filé une prune dans la tronche de cette conne, je n'ai plus tellement besoin de faire semblant d'être une jeune fille innocente, se dit Shuuichi, dont le sale caractère naturel revenait au galop.

Après ces très brefs instants de réflexions, il poussa un soupir blasé et dit sur un ton ferme, d'une voix claire et féminine :

Qu'est-ce que vous avez tous à tirer ces tronches ? Shuu ricana un peu, moqueuse. A voir vos têtes, vous ne vous y attendiez pas. Vous croyiez vraiment que j'étais le genre à me laisser insulter sans broncher ? Laissez-moi vous dire que vous vous êtes tous plantés en supposant dès le début que j'étais polie, douce et timide. J'ai juste essayé d'être gentille et vous en avez tiré vos propres conclusions.

Des murmures commencèrent à se répandre dans la classe tandis que Shuuichi sentit un nouveau sourire s'étirer sur ses lèvres. Il venait de comprendre qu'en réalité, il n'avait pas vraiment été lui-même ces deux derniers mois : changer d'identité n'avait jamais impliqué un changement de personnalité. Comment pouvaient-ils le détester alors que personne ici ne le connaissait vraiment ?

Se tournant vers Ayaka, il reprit :

Tu m'as accusé d'avoir séduit les garçons du bahut en jouant la sainte-Nitouche mais j'y peux rien si la nature m'a doté d'un charme extraordinaire ! Contrairement à toi, quoi ! Enfin, pour ce qui est de ma vie privée, je te prierais de ne plus t'en mêler. Qui je fréquente ou avec qui je m'envoie en l'air ne te concerne en rien. Maintenant, je ne saurais trop te conseiller de filer à l'infirmerie arranger ça, ajouta Shuu en désignant d'un geste vaste le visage dégoulinant et conjectionné de Usami. Je ne voudrais pas que tu m'éclabousses ; mes fringues coûtent bien trop cher pour que tu t'offres le luxe de me les rembourser.

La colère et la haine l'avait semblait-il emporté sur la douleur et Ayaka tremblait littéralement de rage lorsqu'elle siffla :

Tu vas me le payer cher, sale garce !

Ca ne fait jamais qu'une de plus, fit Shuu en haussant les épaules avec indifférence.

Elle repensa aux menaces similaires qu'avait proférées Kouga la veille. Ce genre de railleries d'école primaire lui glissait dessus comme de l'eau sur les plumes d'un canard. Sans plus faire grand cas des regards stupéfaits, outrés ou terrifiés des autres élèves, Shuuichi s'assit tranquillement sur sa chaise, attendant patiemment que le prof, de toute évidence en retard, daigne pointer le bout de son nez pour commencer le cours. Il n'en faudrait pas moins pour adoucir l'atmosphère pesante qui régnait dans la salle.

Ayaka était restée plantée là, à fixer sa rivale avec hargne. Levant vers elle un regard faussement étonné, comme si elle était surprise de la trouver encore ici, Shuu lui dit :

Bah alors quoi ? Tu veux ma photo ? Pourquoi tu restes là, comme deux ronds de flancs, à pisser le sang sur mes mocassins Gucci ?

Et c'est bien sûr ce moment précis que choisit leur prof pour faire son apparition.

Qu'est-ce que c'est que cet attroupement ? Usami-san ? Qu'avez-vous ?

L'hésitation sur le visage de l'interrogée fut lisible pour tous : elle ne savait pas quoi faire ? Devait-elle céder à la tentation de créer des problèmes à Shimizu et passer pour une cafardeuse ? Ou bien devait-elle garder sa langue et se laisser ronger de l'intérieur par la rage ? Le choix fut vite fait, faute de temps, et elle répondit :

J'ai trébuché et me suis pris une table dans la figure, je vais aller à l'infirmerie.

Faites donc. Délégué ? Accompagnez-la, s'il vous plait.

Sans broncher, Kouga s'exécuta et très vite le cours commença. Ce ne fut que lorsque plus personne ne lui prêtait attention que Shuuichi poussa un petit soupire. Dans l'ensemble, il avait assez bien géré, même s'il aurait préféré que les choses restent comme avant... Enfin, maintenant il ne porterait plus le masque de la fillette innocente et il s'en sentait soulagé. Et puis, les deux personnes les plus antipathiques du lycée venaient de quitter son champ de vision, que demander de plus ?

Akira fit discrètement glisser un petit papier plié à l'arrachée sur le coin de son bureau. Intrigué, le musicien lui adressa un regard inquisiteur. C'est par un sourire que son ami lui répondit avant de lui faire comprendre par une œillade insistante qu'il devait lire son mot.

Du coin de l'œil, Eiri remarqua le petit manège qui se jouait derrière lui et, dire qu'il ne l'appréciait guère aurait été un doux euphémisme. Il pouvait voir les petits doigts fins de Shuu déplier le mot donné par Serizawa et un sourire se dessiner sur sa jolie bouche pulpeuse à mesure qu'elle le lisait. Il put aisément lire sur ses lèvres tandis qu'elle le remerciait silencieusement en dissimulant le petit papier dans la poche de sa jupe. C'est avec une certaine colère qu'il serra les poings. Pourquoi ne pouvait-il exprimer ses sentiments comme il le désirait ? Pourquoi se refusait-elle à lui ? Lui avait-il vraiment fait tant de mal au début de leur relation - parodie d'amitié serait un terme plus exact - qu'elle ne pouvait accepter de lui donner sa chance ? Etait-il trop tard ?

Il fallait croire que oui. Sinon, elle n'aurait pas été aussi expéditive en refusant son ruban.

La matinée se déroula sans encombre mais pas sans murmures. La rumeur avait déjà fait le tour de l'établissement et désormais, tous savaient ce qui s'était passé entre Shimizu et Usami. Et surtout, tous avaient découvert la face cachée, ténébreuse et impressionnante, de la délicate Shuu-chan. En revanche, Maiko ne cacha pas sa joie lorsqu'elle vint trouver sa "cousine" à la sortie de sa classe pour la féliciter. Usami n'était guère appréciée chez les plus jeunes, aussi bien les filles qu'elle tyrannisait que les garçons qu'elle rabaissait. C'est la poêle qui se fout du chaudron ! s'était dit Shuuichi en entendant cela.

Ce fut donc bras dessus-dessous que le chanteur et sa frangine quittèrent les murs de Tôhoku.

Franchement, je suis bien contente que tu te sois lâchée, disait Maiko. Je me demandais combien de temps encore tu comptais tromper le monde sur ta personnalité.

Comment ça ?

C'est évident, non ?! Tu n'as jamais été une douce jeune fille, n'est-ce pas !

L'allusion lourde de sens de sa sœur laissa Shuuichi songeur. Le but de sa petite comédie ne s'arrêtait pas à faire une année de lycée incognito pour satisfaire ses caprices de stars. Non, il souhaitait aussi se faire des amis, des vrais, qui ne soient intéressés ni par sa célébrité, ni par son argent, mais pour ce qu'il était vraiment. Et cela impliquait qu'il reste lui-même malgré la jupe, les couettes et le maquillage. Dommage qu'il ne l'ait pas compris plus tôt.

Un coup de klaxon attira leur attention : un splendide coupé cabriolet Ferrari California rouge les attendait, avec à son bord la non moins explosive Kitazawa Yoshiki. Comme si son bolide écarlate dernier cri n'avait pas suffit aux Shindou pour la repérer de loin, la batteuse de Bad Luck leur adressa de grands signes, faisant rebondir son énorme poitrine double-D. Tous les regards étaient braqués sur elle, mais elle continuait néanmoins. Préférant mettre un terme le plus rapidement possible au bordel qu'était en train de créer l'ameutement de mâles en chaleur qui s'attroupaient autour de cette plantureuse et célèbre blonde et de sa voiture hors de prix, Maiko saisit son frère complètement abruti par la main et l'entraîna jusqu'à leur taxi du jour.

Une fois ses passagers à bord, Yoshiki fit vrombir le moteur, faisait peu de cas des dizaines de garçons qui encerclaient le véhicule, proposant leur numéro de téléphone ou réclamant un autographe. Et sans crier gare, elle démarra au quart de tour, se moquant complètement d'écraser un pied maladroit ou un innocent dans son sillage.

Alors, cette semaine de cours ? demanda-t-elle en rejoignant les grandes artères de la banlieue tokyoïte.

Bof, pas grand chose... marmonna Shuuichi, fatigué, qui ne demandait qu'à faire une bonne petite sieste.

Comment ça pas grand chose ?! s'indigna sa soeur. Et le coup de poing que tu as donné à Usami, ce matin ? Si on lui demandait, je ne pense pas qu'elle dirait de ça que c'était "pas grand chose" ! Tu lui as quand même pété le nez.

Oh ! C'est vrai ? s'enthousiasma aussitôt Yoshiki. Pourquoi ? Que s'est-il passé ?

Je crois que ça a commencé parce qu'elle venait de m'accuser d'être une sainte-Nitouche, expliqua Shuuichi.

Comment a-t-elle osé te dire ça ? Elle doit vraiment très mal te connaître cette fille.

Et c'est pas plus mal, je préfère qu'elle garde ses distances.

Mais y'a bien quelque chose qui l'a poussée à te balancer ça, non ? s'enquit son amie.

Shuuichi y réfléchit un instant. Avec toutes les horreurs qu'il s'était pris en pleine poire et les évènements assez violents qui s'en étaient suivis, il avait carrément oublié ce qui avait poussé Usami à se jeter sur lui telle une harpie comme elle l'avait fait. Tentant de se repasser la scène dans la tête comme on rembobinerait un film, une lueur de compréhension illumina ses pupilles violettes.

Elle m'a fait une crise parce que j'avais refusé les rubans de tous les garçons hier.

Quoi ?!!! Et tu n'en as pas accepté un seul ?!

Oh, tu ne vas pas t'y mettre toi aussi !

Même moi j'en ai accepté un, intervint Maiko.

Il n'en fallut pas plus pour briser totalement le masque déjà à moitié effrité de Shuuichi et dévoiler l'effroyablement possessif grand frère qu'il était vraiment.

Qui c'est le gogole qui as osé te donner un ruban ? Il est suicidaire ? Il a pas peur de mourir le p'tit gars ! Donne-moi son nom !

Et puis quoi encore ? Pour que t'aille le terroriser ? J'ai pas oublié la façon dont tu avais accueilli Yukito, mon petit ami au collège, quand il était venu me chercher pour m'emmener à la salle d'arcades pour notre premier rendez-vous, se défendit la jeune fille.

Treize ans c'est pas un âge pour sortir avec un garçon ! En plus il avait une tête de tueur, ce gamin. Sûrement un déséquilibré ou un névrosé.

Le seul qui soit névrosé ici, c'est toi, Shuuichi. Maintenant j'ai seize ans alors t'as intérêt à arrêter de te mêler de mes affaires !

Seize ans, ça aussi c'est trop jeune !

Alors c'est quoi le bon âge ? Vingt ans ? Trente ans ?

Non, quarante c'est très bien.

Ben voyons !

C'est bon, vous deux, on se calme, dit Yoshiki sur un ton maternel qu'elle prenait souvent en présence de Shuuichi. Maiko, je trouve ça formidable que tu ais trouvé un mec intéressant, ajouta-t-elle à l'attention de l'adolescente sur la banquette arrière.

Dis donc, Yosh ! T'as l'intention de me contredire à chaque fois que j'essaye d'avoir un peu d'autorité sur ma soeur ? gronda le chanteur, ce à quoi sa musicienne répondit en haussent les épaules.

Intéressant, c'est un bien grand mot. Disons juste qu'il est potable, répondit Maiko, ignorant l'intervention de son frère.

Oui, c'est sûr que de nos jours, on ne peut plus faire la fine bouche. Potable, c'est déjà bien. Voir même amplement suffisant, affirma Yoshiki. Oh lala ! Pourquoi ne fait-on plus d'hommes aussi beaux et vaillants que Minamoto Musashi ?

Minamoto Musashi ? Ne me dit pas que ce guerrier poilu est ton idéal masculin ! fit Shuuichi d'un air dégoûté.

Ne critique pas, nii-san, le réprimanda sa soeur. Minamoto était un vaillant guerrier. Il est le symbole même de l'honneur et du courage. Perso, je préfère quand même Hijikata Toshizou, le chef du Shinsengumi !

Du courage peut-être mais on l'a jamais rencontré, ce gonze. S'il faut, c'était un thon, fit remarquer le seul garçon présent.

Shuuichi a raison. Je devrais peut-être choisir quelqu'un de notre génération, comme Oguri Shun par exemple... marmonna Yoshiki, songeuse.

Voilà qui nous met tous d'accord : OguShun est un exemple parfait de ce que devrait être un homme. C'est-à-dire grand, beau, intelligent, avec un sourire à tomber, approuva Maiko.

Shuuichi traissaillit légèrement. Sans même y penser, il avait comparé ces caractéristiques qui faisaient de cet acteur adoré des Japonaises une véritable idole aux principales qualités d'un garçon qui occupait depuis peu et à temps plein son esprit. Yuki aussi est grand. Et beau. Comme un dieu grec, même. Et il est plutôt intelligent. Et son sourire... A la réflexion, je ne crois pas l'avoir vraiment vu sourire. En général, il se contente de cette espèce de sourire en coin, mais c'est pas mal non plus...

Le tirant de ses pensées, Yoshiki le questionna :

Y'a vraiment aucun garçon qui ait trouvé grâce à tes yeux ? Pas un seul auquel tu as eu envie de dire "D'accord, je veux bien de ton ruban" ?

N-Non, bien sûr que non ! s'empressa de dire Shuuichi, une légère rougeur aux joues.

Et Yuki alors ? demanda Maiko

Quoi Yuki ?

Tu lui as bien offert un cadeau pour son anniversaire, non ? insista-t-elle.

Et alors ?! De toute façon, je ne peux pas accepter de sortir avec un garçon !

Et pourquoi pas ? fit Yoshiki. Ca pourrait même crédibiliser ton rôle, une sorte d'alibi qui prouverait à tous que tu es une fille normale.

C'est vrai qu'aucune fille normale ne refuserait de sortir avec Yuki, mais --

Bah alors, quoi ? Si tu t'entends bien avec alors pourquoi pas ? S'il se montre trop entreprenant et met en péril ta couverture, plaide la virginité. Et s'il est vraiment trop lourd, tu le balances comme un vieux mouchoir.

Poussant un soupire las, Shuuichi expliqua :

Même s'il m'a effectivement offert un ruban blanc et que ça m'a fait de la peine de le refuser - je l'admets - on ne s'entend pas toujours très bien.

Ok, fais comme tu veux, personne ne t'oblige à rien. Mais réfléchis-y. Et puis qu'est-ce que tu risques à part tomber amoureux ? dit Yoshiki, sur le ton de la plaisanterie.

Pfff, comme si ça pouvait arriver. J'vais te dire moi, ce que je risque : il pourrait très bien découvrir le pot-aux-roses. Une fois la supercherie mise à jour, je te dis pas le scandale.

J'vois d'ici les gros titres ! "Shuuichi super star sur les bancs de l'école ! Jupette et loose socks, c'est dans un dortoir pour fille qu'il se cachait !" se moqua Maiko, hilare.

XXX XXX XXX

Un regard de tueur comme celui-ci, il n'en connaissait qu'un autre : le sien dans le miroir le matin après avoir été brutalement tiré de ses rêves par un réveil à la sonnerie désagréable... Mais une seule autre personne au monde était capable de le lui renvoyer avec la même exactitude que son miroir...

Miri Johanson.

Du haut de son ridicule mètre cinquante-huit qu'elle avait tenté de rallonger avec bottines à talons hauts, elle le fixait au travers de ses larges lunettes de soleil aux verres beige argenté made by Gucci, les bras croisés sur sa poitrine généreuse. Vêtue d'un pantalon de cuir marron, d'un chemisier de soie crème et ses longs cheveux blonds et bouclés relevés en une queue de cheval, elle affichait un air hautain qui lui allait comme un charme.

Qu'est-ce qui me vaut l'honneur de te voir ici, à l'aéroport ? Tu n'es pas celui qui était supposé venir me chercher, lâcha-t-elle.

C'est le vieux qui m'a dit que tu passais quelques jours au Japon, et il m'a demandé de t'emmener à Kyoto, répondit simplement Eiri.

Genre que tu vas faire l'aller-retour jusque dans le Kansai, sachant que ton paternel fera tout pour t'y retenir une fois que tu y seras... De toute façon, je suis là pour le boulot.

Tant mieux alors. J'rentre chez moi.

Bah puisque t'es là, autant que tu m'emmènes chez NG. Mes chauffeurs sont à la bourre semble-t-il.

Pourquoi j'aurais envie de t'emmener jusque là-bas ? Pas envie de croiser Seguchi.

Un sourire retors se dessina sur les lèvres pulpeuses de sa cousine ; elle savait pertinemment comment négocier avec Eiri.

D'abord parce que ta Merco est plus classe que la fourgonnette de Sakano, et peut-être aussi parce que je te ferais une belle rallonge d'argent de poche !

Haussant un sourcil peu convaincu, Eiri finit par accepter.

Ok, mais t'es pas censée me montrer le bon exemple ? Me corrompre n'est pas une chose à faire pour une fille supposée être responsable comme toi.

On s'en fout, c'est le résultat qui compte. Tiens, porte ça, dit la jeune femme en lui montrant d'un vague geste du menton son large sac de sport.

C'est Mika qui va être contente d'entendre ça, se moqua-t-il froidement en passant le sac par-dessus son épaule. Putain, c'est lourd ton truc ! T'as mis quoi dedans ?

Oh, la ferme ! C'est juste mon ampli et quelques costumes dont j'aurais besoin - hors de question que je laisse ces incapables de TokyoTV m'habiller, je ne porte que mes propres vêtements, répliqua-t-elle sur un ton agacé en tirant sa valise à roulettes, l'étui de sa guitare à l'épaule. Au fait, tu devrais pas être en cours, toi ?

Ha-ha-ha-ha, mort de rire. On sait tous que t'es une petite maline qui a eu sa licence universitaire à l'âge de quinze ans, t'es pas obligée de nous le jeter à la face à la moindre occasion.

C'est bon, moi qui essayais de faire la conversation. J'ai dix-huit ans, comme toi... Tu te rends compte qu'on ne peut jamais avoir de véritables conversations toi et moi ?

Ca c'est parce que t'es une fille et moi un mec ; t'es ma cousine, pas ma conscience, j'te dois aucun compte, grinça Eiri qui marchait d'un pas rapide vers la sortie parking de l'aéroport de Narita.

Oh, allez quoi ! J'me souviens de quand on était petits, on passait notre temps à jouer ensemble, on s'entendait bien à l'époque ! lança la guitariste en trottinant derrière son cousin.

A l'époque, ouais, concéda le grand blond. Mais ça c'était avant que tu ne deviennes une riche héritière complètement obnubilée par sa carrière et la gestion de sa multinationale. Dès l'instant où tu t'es complètement laissé bouffer par ton job, t'es devenue une étrangère pour moi, ajouta-t-il avec une rigueur glaciale.

Sur le coup, Miri ne répondit rien. Ensemble ils arrivèrent à la splendide Mercédès noire du lycéen et tandis qu'il ouvrait le coffre pour y déposer les bagages, la jeune productrice se pencha par-dessus son épaule.

Quoi ?! s'exclama-t-il, énervé au possible de devoir servir cette américaine capricieuse.

Mais lorsqu'il tourna la tête vers elle, il fut surpris de sentir ses lèvres se poser sur sa joue. Elle était juste au-dessus de son épaule, et de toute évidence, elle avait calculé son coup.

T'es trop mimi, cousin ! J'aurais jamais cru que tu serais autant affecté par mon travail ! On dirait presque que tu t'inquiètes.

Rêve pas, espèce de tordue ! Allez, grimpe ! ordonna-t-il en claquant le coffre.

Il monta du côté conducteur alors que sa cousine s'installait à sa droite, sur le siège passager. Il démarra aussitôt les ceintures de sécurité attachées et s'engagea sur la route. Miri poussa un soupir soulagé :

J'suis trop contente ! Mon plan anti-émeute à marché ! Comme tout le monde sait que je ne vole qu'avec mon jet privé, j'ai pris les grandes lignes afin d'éviter toute rumeur de circuler au sujet de mon petit séjour ici. Ils ont dû me prendre pour une américaine de plus parce qu'à part le douanier, personne ne m'a reconnu.

Tant mieux pour toi.

Quoi, tu es encore vexé parce que je t'ai fait un bécot sur la joue ? Faut pas, c'était pas méchant tu sais.

La ferme ! lui sortit Yuki.

Si je ne te connaissais pas si bien, je dirais que tu es préoccupé par une fille. Mais vu que tu les prends puis les jettes comme de vieilles capotes, je m'étonne même que le cas de l'une d'entre elle te préoccupe autant...

J'peux te demander en quoi c'est tes oignons ?

J'essaie de te faire la conversation et de m'inquiéter de mon cousin schizophrène préféré.

Toi aussi tu es encore vexée que je t'aie dit que tu jouais les riches héritières ?

Dans l'art et la manière de relancer dans la tronche des gens leurs propres remarques, tu te poses là, y'a pas à dire ! bougonna Miri en s'enfonçant dans son siège.

Eiri ne répondit pas, préférant se concentrer sur la route. Via l'autoroute, le chemin de Narita jusqu'à Tokyo centre où se trouver le siège de NG durerait une bonne demi-heure. Un coup d'œil sur sa droite et il put voir que Miri gardait ses lunettes de soleil malgré les nuages qui pointaient à l'horizon. Ca ne devait pas être facile pour elle tout les jours de parcourir les rues tout en essayant de conserver un minimum d'anonymat, il pouvait au moins lui reconnaître ça.

Cette fille m'a jeté, voilà, lâcha-t-il de but en blanc.

Gnéééé ? fut la seule chose que Miri put prononcer sous le coup de la surprise.

Qui était cette fille capable de repousser les avances d'un tel garçon ? Bon, d'accord, nul doute que sa réputation de Don Juan peu courtois devait l'avoir précédé... Mais au-delà de ça, Eiri était l'un des garçons les plus désirables que Miri connaisse - et elle en connaissait des mecs !

Prenant le temps de réfléchir un peu aux paroles de son cousin, la musicienne put tirer quelques déductions : cette fille devait avoir un caractère fort, au moins autant que le sien pour tenir tête à Eiri de cette façon, puis elle devait avoir certaines valeurs morales qui l'empêchaient de céder trop facilement à la tentation et aux avances d'un garçon au physique si... attrayant. Peut-être était-ce précisément ce qui plaisait à Eiri ? Jamais une fille ne lui avait résisté, et cela devait titiller sa curiosité et sa fierté masculine. Peut-être aussi - et ça allait drôlement compliquer la situation - que son idiot de cousin avait fait quelque chose à cette fille qui puisse la rebuter. Si c'était le cas, les hostilités promettaient de durer...

Cette fille, elle te plait ? demanda-t-elle finalement.

Eiri ne répondit pas immédiatement.

Plus que toutes les autres réunies.

Qu'est-ce que tu es prêt à faire pour cette fille ?

Le lycéen ne manqua pas de remarquer le sérieux de sa cousine. Son air grave et concentré n'avait plus rien à voir avec celui de meurtrière qu'elle avait affiché à l'aéroport un peu plus tôt, celui-ci avait quelque chose de calculateur, mais aussi de chaleureux et protecteur : Miri comme elle était avant, à l'âge de douze ans, avant la mort soudaine de son père, avant de devoir retourner définitivement en Amérique, avant qu'elle n'ait à utiliser toute sa matière grise pour se défoncer au travail et obtenir un diplôme qui lui permettrait de gagner le respect de son conseil d'administration et de gérer sa boîte. N'importe qui se serait senti enseveli par tout ça, mais pas elle, elle trouvait encore le temps de faire de la musique. Elle menait sa double carrière de front, un peu comme Seguchi, mais en beaucoup plus jeune.

Et aujourd'hui, elle voulait prendre le temps de se rattraper auprès de sa famille.

Si je te disais que je suis prêt à tout pour elle, qu'est-ce que toi tu serais prête à faire pour moi ?

Hun hun... Et bien, je pourrais commencer par te prodiguer quelques conseils.

Un sourire assuré comme celui-ci, il n'en connaissait qu'un autre : le sien qui se reflétait dans les miroirs d'améthyste de Shimizu lorsqu'il tentait de la séduire en brisant le mur de glace qu'il avait lui même bâti entre eux le jour de leur rencontre... Mais une seule autre personne au monde était capable de le lui renvoyer avec la même exactitude...

Miri Johanson.

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Shuuichi n'avait même pas eu le temps de se changer avant d'arriver aux bureaux de NG. Pour sa défense, il ne pouvait pas se déshabiller dans le cabriolet décapoté de Yoshiki, au risque de passer pour un exhibitionniste. Aussi arborait-il toujours sa tignasse fuchsia et son uniforme de lycéenne en pénétrant l'imposant building de son producteur.

Maiko avait été déposée à Shibuya sur le chemin puisqu'elle devait y rejoindre leur mère pour faire quelques emplettes entre filles. Le chanteur et sa batteuse se retrouvaient donc seuls dans l'ascenseur qui les conduisait à l'étage où se trouvaient les studios réservés au groupe star de la société, j'ai nommé Bad Luck.

Putain, on crève de chaud dans cet immeuble, bougonna le garçon dont les attitudes masculines avaient refait surface. Faudrait dire à la maintenance de baisser un peu le chauffage, on se croirait en plein été.

C'est sûr, mon maquillage va couler avec cette chaleur, approuva la blonde platine aux contours si sexys.

Lorsqu'ils arrivèrent enfin à leur étage, les deux transformistes - ou plutôt le transformiste et la transsexuelle - le DING de l'ascenseur se fit entendre et les portes s'ouvrirent sur eux. C'est un Sakano hystérique et au bord de l'apoplexie qui leur apparut. Derrière lui, Suguru avait l'air blasé et à deux doigts de la surchauffe.

Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda aussitôt Yoshiki, inquiète.

Nous avons perdu la patronne ! se lamenta leur délégué de production, avant de s'effondrer tout net, face contre sol.

Les larmes qu'il déversait ne tardèrent pas à former une large flaque autour de lui et il sembla même se dissoudre dedans tel un cachet d'aspirine effervescent.

C'est de votre faute, vous vous êtes planté en notant l'heure d'arrivée de son vol et on est arrivés avec trois quart d'heure de retard, l'accusa le claviériste en se massant les tempes. Vu le retard qu'on avait, on a directement appelé le service de sécurité de l'aéroport pour qu'ils la retrouvent et la mettent dans un taxi mais ils ne l'ont pas trouvée, expliqua-t-il ensuite à l'attention de ses deux collègues.

Eh bien, elle va être contente la patronne en arrivant ! constata Yoshiki avec une belle note d'ironie.

Bah, c'est bon. C'est pas une touriste. Miri va arriver en taxi ou un truc comme ça. Elle est pas du genre à rester comme deux ronds de flan dans ce genre de cas, assura Shuuichi en balayant les craintes de tous d'un simple revers de main.

Ma-Mais-Mais-Mais-Mais elle va me tuer ! La patronne va me découper en petits morceaux après m'avoir longuement torturé pour finir par me jeter aux crocodiles, pleura Sakano.

Quels crocodiles ? demanda le chanteur, dubitatif.

Ceux qu'elle va acheter pour l'occasion !!! s'écria l'homme en costume, le visage ravagé par les larmes.

Mais non, elle n'est pas si tordue que ça... fit le leader de Bad Luck avant de prendre le temps de réflexion. Enfin je crois pas... se corrigea-t-il, avec l'acquiescement de Fujisaki et Kitazawa, pour le plus grand désarroi de son producteur.

Un nouveau DING retentit et le second ascenseur ouvrit ses portes sur Miri Johanson. Le visage de Shuuichi s'illumina lorsqu'il vit la jeune femme et il se précipita vers elle, prêt à la tacler pour la saluer comme à son habitude.

Shuu-chan ! l'appela l'américaine, visiblement heureuse de le revoir.

Miri !!! s'écria-t-il, enthousiaste.

Mais il se stoppa net dans son élan. Derrière elle se tenait une autre tête qu'il connaissait bien. Plus besoin de se demander comment elle est arrivée ici, voilà son chauffeur.

Y-Y-Yuki ?!

Shimizu ? s'étonna son camarade de classe.

Shimizu ? répéta Miri, perdue.

Oh non, pas ça... J'suis grillé ?

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Nda : (1) Le Kansai est le nom de la région qui englobe Kyoto et Osaka, en bref, tout le bassin de l'ancien Yamato.

Lexique :

Sempai : Etudiant plus âgé, un ainé, quelqu'un de plus expérimenté dans notre cercle d'étude. Sempai est un titre respectueux attribué en gage de reconnaissance d'une certaine supériorité.