Petit cadeau de fin d'année retrouvé au fond d'un vieux dossier, pour toutes celles (et ceux, qui sait?) qui ont eu la gentillesse de me lire, et qui me lisent encore. Merci du fond du cœur.
Lolaluna
-Merci. Joli costard.
-Merci.
Sirius et Lorinda s'étaient donné rendez-vous dans la salle commune, totalement désertée. Face à face et aussi mal à l'aise qu'on peut l'être, ils furent bientôt à court de banalités d'usage.
-Alors, tu... Tu veux toujours y aller? Lança Sirius avant de se fustiger mentalement: si Lorinda avait enfilé cette robe incroyablement étroite, ce n'était pas pour le plaisir de souffrir...
-Pourquoi? Pas toi?
Pourtant, il crut déceler de l'espoir dans la voix de la jeune femme.
-Hem... Je sais pas...?
Un sourire radieux illumina le visage de Lorinda.
-On va se promener alors?
Malgré lui, Sirius ressentit un profond soulagement. Ce bal ne lui disait rien qui vaille. Ce genre de rassemblement pouvait être drôle si il était accompagné de ses amis, or James s'y rendait avec Lily, et Peter avec Jade. Il lui semblait que toutes les bonnes choses avaient une fin...
-Va pour la promenade!
-Le sourire de Lorinda s'élargit.
-Attends moi un instant.
La jeune femme déguerpit dans l'escalier menant au dortoir. Resté seul, Sirius considéra son costume flambant neuf, avant de rejoindre lui aussi aussi son dortoir.
-Qu'est-ce que c'est que ça?
Sirius remonta fièrement le col de son blouson en cuir avant de déclarer avec un clin d'oeil appuyé:
-Le symbole de la liberté, baby!
-Oh, rien que ça...
-Chacun son truc, dit-il en désignant les pieds de la jeune femme, nouvellement chaussés de baskets en toile noire.
Tous deux descendirent les étages, bras-dessus, bras-dessous en riant bêtement comme deux gamins turbulents. Le hall grouillait d'élèves sur leur trente-et-un. Tout était joli, fêstif, coloré et abominablement convenu. Ça n'intéressait ni Sirius ni Lorinda. Arrivés au bas des marches, ils avisèrent Maëlle et Alexander en grande conversation, l'un et l'autre splendides. Remarquant Lorinda, Maëlle lui lança un regard furieux. La sorcière brune s'empara alors de la main de Sirius avant d'envoyer un baiser du bout des doigts à Alexander, et de détaler à toutes vitesses vers la sortie. C'est à peine s'ils entendirent Maëlle traiter Lorinda de « trainée » dans leur dos...
-Tu regrettes pas de pas ne pas passer la soirée avec le reste du boys band?
-On parle pas la bouche pleine.
Lorinda déglutit, avalant la demi-tablette de chocolat qu'elle mastiquait. Sirius lui sourit narquoisement.
-Et non, je ne regrette pas. Ta grande copine s'est définitivement accaparé James, et Jade a mis le grappin sur Peter. On dirait que les tigresses sont en chasse...
Lorinda haussa les sourcils.
-Fais pas cette tête.
-Je ne fais pas de tête particulière, je me demande juste ce que tes potes peuvent penser de moi!
Installés sur un ponton au bord du lac, les deux gryffondors dégustaient une caisse de sucreries subtilisée dans la grande salle.
-Ils ne diront rien, ne t'inquiète pas.
-Je sais, ce n'est pas leur style; A vrai dire, je devrais plus m'inquiéter à propos de mes « amies », vu leurs réactions ce matin...
En effet, le matin même à la table du petit-déjeuner, alors que Lily s'informait de la nuit de Lorinda, Remus avait stoïquement déclaré qu'elle avait « joué à la vilaine fille toute la nuit » dans sa chambre. Ce à quoi il avait ajouté devant les regards abasourdis de l'assistance: « pas avec moi, avec Sirius bien sûr. » Cette précision n'avait en rien changé l'atmosphère lourde provoquée par sa révélation. Avait suivi un règlement de comptes entre Remus et Sirius à voix basses, tandis que Lorinda, foudroyée du regard par ses camarades, souhaitait de toutes ses forces de se noyer au milieu de ses céréales. Oui, Remus avait deviné toute l'histoire dès qu'il avait passé la porte de l'appartement, non il n'était pas lycanthrope pour rien, et enfin oui, il avait du flair et pouvait aisément sentir lorsqu'un endroit avait été témoin d'un coït furieux! Surtout s'il s'agissait de sa chambre... Sirius en était resté coi.
« J'ai retrouvé mes plus beaux recueils de poésie éparpillés sur le sol de la chambre. Tu ne croyais tout de même pas que ça allait resté impuni? » Une fois encore, Sirius n'avait rien répondu.
Et c'est ainsi que tout le reste de la journée, ni Lily ni Jade n'avaient adressé la parole à Lorinda, qui elle-même n'avait su que dire. Elle avait eut cependant droit à une multitude de regards désapprobateurs. La jeune femme ne pouvait pas vraiment leur en vouloir, elle savait que leurs réactions étaient dues à la profonde amitié qu'elles lui portaient, et que les deux sorcières étaient bien plus inquiètes qu'en colère.
-Tes copines sont des bêcheuses.
-Hey, je te permets pas!
-Et tu es une chieuse. Vous vous êtes bien trouvées, vous ne resterez pas longtemps fâchées, crois moi.
-Je suis abasourdie par ton esprit logique!
-Non, tu en es jalouse, ton esprit à toi fonctionne comme une machine à sous: sans aucune logique. Si on a les trois $, on a de la chance et c'est tout bon, mais si les trois signes sont différents c'est mort et bien mort, y'a pas à chercher!
-Et en plus tu fais des métaphores...
Sirius poussa un profond soupir et s'allongea sur le ponton, les mains derrière la nuque.
-Je ne me moque pas de toi, tu sais.
L'air détaché, Lorinda ouvrit un paquet de dragées surprises.
-Ah non? Ça serait bien la première fois.
-Non, c'est juste que j'essaye, j'essaye vraiment de te comprendre. Et peut-être même que finalement j'y parviens, mais toujours est-il que je ne suis pas d'accord. J'ai beaucoup pensé à ce matin. En fait j'ai fait que ça toute la journée. Et je veux vraiment être avec toi.
-Moi aussi.
Sirius eut un léger sursaut.
-C'est vrai?
-Oui, et je n'ai jamais dit le contraire! Mais ça ne peut pas marcher.
-Tu m'emmerdes Eagle.
Lorinda pouffa.
-Toi alors, tu m'en apprends de belles!
Sur ce, sans quitter son paquet de dragées, elle s'assit à califourchon sur Sirius, qui se retrouva ensevelit sous le nuage de tulles du jupon de la jeune femme.
-N'essaie pas de me tuer, dit -il en dégageant son visage.
-Moi? Jamais! Revenons à nos hypogriffes. Je crois que tout ce qu'il y avait à dire sur le sujet a été longuement étudié ce matin. Non?
-Moui...?
Lorinda enfourna une poignée de dragées dans sa bouche.
-Nous sommes d'accord, reprit-elle, pour dire que toi et moi on voudrait mais qu'on peut pas, parce que notre séjour à Poudlard touche à sa fin et que nous ne voulons pas larguer les amarres direction la vie sur un rafiot branlant, exact?
-J'aime quand tu me parles comme ça...
Autre poignée de dragées.
-Et ça car toi et moi nous sommes des gens intelligents, Sirius! N'est-ce pas? Et que nous avons assez de jugeotte pour comprendre que nous sommes bien jeunes et que nous avons toute notre vie d'individu à construire! Toujours d'accord?
-Je ne vois pas en quoi cela empêche de...
-Rafiot branlant, Sirius, rafiot branlant!
-Mais...
-Tsst!
-Attends...
-Tcht!
-Que...
-Taratata! Ça suffit, pas un mot, laisse moi terminer!
-Non, toi plus un mot! S'exclamma Sirius en se rasseyant, se retrouvant ainsi nez à nez avec la jeune femme.
-A toi de m'écouter maintenant! Ce que ton raisonnement laisse de côté c'est l'instant présent, c'est... Carpe Diem!
-Carpe Diem... Hoho...
-Oui, parfaitement Eagle, Carpe Diem! On est trop jeune pour s'engager sérieusement, mais on l'est pas pour penser à la retraite, c'est ce que tu est en train de me dire!
-Non, pas...
-Si! Exactement, dit-il en pointant un doit accusateur sur sa poitrine, alors maintenant arrête de te trouver des excuses bidons, et avoue simplement que tu as la trouille!
Tous deux se considérèrent un instant, Sirius l'air bravache et Lorinda l'air pincé.
-Bon! Tu as fini?
-Je crois, oui.
-Dans ce cas, apprends que si tu m'avais laissé terminer, il y avait un « mais ».
-Un « mais »?
-Oui, un « mais »!
-Voyez-vous ça...
-Un « mais » qui résulte de tout ce qui m'a trotté dans la tête toute la journée.
-Je t'écoute.
-Voilà: considérant tout ce qui a été dit et souligné, à savoir notre intelligence et notre bon sens communs, je pense qu'il serait en effet idiot et stérile de laisser le temps passer entre nous.
-Lorinda resserra imperceptiblement ses cuisses autour du torse de Sirius.
-Je m'explique: toi et moi nous ne sommes pas fait comme tout le monde: nous sommes spéciaux.
-Tu n'es vraiment pas la bonne personne pour m'aider à réduire mes problèmes d'égocentrisme...
-Et donc, à personnes spéciales, relation spéciale. Je pense qu'il serait judicieux de nous... Mmmh... Disons « aimer », à notre manière, de l'inventer, de ne pas nous conformer aux normes, et de ne surtout pas nous imposer de bornes. Il faut nous créer, Black. A notre façon, et au fur et à mesure. C'est ainsi que, si tu le souhaites, je serai ravie de te voir cet été, cet automne, cet hiver et ainsi de suite, à la fréquence que nous jugerons bonne, sans jamais nous sacrifier, ni nous embarrasser de convenances ou d'idées toutes faites. Tout ceci, dans le but de voir si... ça marche. Alors?
-Je ne sais pas... Je ne suis pas sûr de comprendre. Est-ce que tu essayes de m'entortiller ou bien est-ce que tu refuses d'appeler un chat un chat?
-Ni l'un ni l'autre.
-Bien, alors explique moi ce que ta relation dite « spéciale » a de différent d'une relation dite « normale »?
-La liberté, Black, la liberté. Je te laisse l'occasion de voir si tu as toujours envie d'être avec moi en dehors des murs de Poudlard, je te laisse l'occasion de faire tes propres expériences, de te poser, de choisir, sans avoir à te soucier de moi! Et surtout, je t'offre mon amitié, inconditionnelle. S'il s'avère que toi et moi ça ne marche pas en dehors du monde merveilleux de Poudlard, dans la vraie vie, alors je ne serai pas là en tant qu'amante, mais en tant qu'amie. Je meurs de trouille quand je pense que je vais bientôt sortir d'ici, et pourtant l'idée m'excite tout autant! Je ne veux pas avoir à imposer, ni à toi ni à moi, le poids d'une relation dont on ignore si elle a un avenir ou pas. Et par là même, je lui laisse toutes ses chances de s'épanouir.
-Dans la pénombre, Sirius lui sourit.
-Oui, tu as dû y penser toute la journée...
Lorinda déchira un paquet de chocogrenouille du bout des dents.
-Tu n'as pas idée...
-Toujours est-il que je suis d'accord. Ce doit être mon jour de chance, je crois bien que je suis tombé sur les trois $...
Il parait qu'à dix-sept ans on est pas sérieux; Il parait que le premier amour est toujours le dernier. Une chose est sûre, vivre en pensant à demain est risqué. Et c'est peut-être là qu'est la plus grande leçon apprise par nos protagonistes. Peu importe le temps qu'il dure, peu importe s'il n'est pas sûr, si le bonheur vous tend une perche, saisissez la!