Adolescences Tardives

Salut tout le monde ! J'avais dit que je ferai mieux, et j'y arrive à peu près. Un mois de transition, ça peut aller, non ? En tout cas je tiens vraiment à tou(te)s vous remercier pour vos reviews, ça me fait incroyablement plaisir de les recevoir et de les lire ! Très sincèrement je ne pensais pas que vous seriez encore autant ! A priori, j'ai répondu à toutes les reviews signées via feufeu, donc je ne mets ci-dessous que les réponses aux reviews non signées.

J'espère en tout cas que la suiiite – les révélations, les drames, tout ça tout ça – vous plaira :) Ça m'a fait drôlement plaisir de l'écrire en tout cas !

Je vous remets un petit résumé pour celles et ceux qui rattraperaient mon histoire en cours de route (surtout des celles, mais bon). Et à tout à l'heure dans les commentaires, j'adore papoter avec vous :D

Dans les épisodes précédents (voix grave) : Hermione, enquêtant sur la période des Grands Procès, tombe sur le cas de Lucius Malefoy. Une anomalie la trouble celui ci n'a jamais procédé à l'appel qu'il avait demandé et obtenu. S'ensuit une enquête au long cours qui la plonge dans les intrigues de la guerre et de l'après guerre, aux côtés de son amie Jane et d'un avocat, Willehm Ellery, et la rapproche plus que jamais de la famille Malefoy alors même que son propre mariage avec Ron périclite. Découvrant les manigances du Ministère d'après guerre et ses abus, les complots de l'époque, elle se lie de plus en plus avec Drago Malefoy, en le fréquentant dans un nouveau milieu. Une affection qui se mue en attirance, voir en sentiments, alors même qu'Hermione découvre que tous deux sont liés par un lien encore plus profond et indéfectible : une dette de sorcier. A présent, Hermione a les résultats de son enquête, et tout est sur le point d'éclater dans un nouveau procès : alors que Drago se confie à elle, Hermione surmonte ses hésitations et lui avoue enfin que c'est elle qui a mené les recherches sur sa famille.


Rar's :

Elisendre : Salut ! Oui, c'est fou, j'arrive encore à faire tenir (et à terminer peut être cette histoire). Je suis contente que malgré la coupure, la suite t'ait plu. Oui, en fait je facilite encore moins les choses dans les relations entre Hermione et Drago. Déjà que ça n'a jamais vraiment été simple... En tout cas j'espère que la suite te plaira ! Bisous

Pau : Salut ! Une nouvelle lectrice, waaaaah ! Je suis contente – ça fait tellement longtemps que je n'ai pas posté que ça me fait super plaisir ! Les 29 chapitres en une journée, sérieusement ? Chapeau ! Moi même je cale au bout de quelques uns quand j'essaie de me remettre les idées en tête – en même temps se relire soi même est autrement moins marrant. Du coup je comprends tes yeux qui brulent ! En tout cas je suis ravie que ça te plaise, et merci beaucoup pour tous tes gentils compliments. Pour l'avocat et la secrétaire, je ne promets rien – il y a tellement qui se trame et que je dois écrire que je dois voir si je peux vraiment leur arranger une scène ) Howitt est chouette, c'est vrai, quand à Blaise, je me suis prise d'un amour fou pour ce personnage à mesure que je l'écrivais - est ce normal ? Sans doute pas. Anyway, la suite est là, bonne lecture !


« Samson came to my bed
Told me that my hair was red
Told me I was beautiful and came into my bed
Oh I cut his hair myself one night
A pair of dull scissors in the yellow light
And he told me that I'd done alright
And kissed me 'til the mornin' light, the mornin' light
And he kissed me 'til the mornin' light

(…)

Oh, we couldn't bring the columns down
Yeah we couldn't destroy a single one
And history books forgot about us
And the bible didn't mention us, not even once

You are my sweetest downfall (…)» _ Regina Spektor, Samson


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Chapitre XXX

/ Le poison pesant de la trahison à pardonner fait ployer les âmes abandonnées /

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En ce lundi quinze avril de l'année deux mille treize, le réveil fut terriblement difficile pour plusieurs personnes. La première, Astoria Greengrass Malefoy, qui avait prévu de retrouver son ami Théodore Nott de bonne heure afin de partager un café matinal, eut ainsi la désagréable surprise de le voir arriver, la mine déconfite, tenant un exemplaire froissé de la « Gazette du Sorcier » à la main, exemplaire qui affichait en première page un photomontage éhonté montrant la famille de son époux. La photographie laissait ainsi voir les membres de la famille Malefoy, vêtus d'habits de bal, foulant aux pieds les tombes de personnes tuées au cours de la dernière guerre. La jeune femme, qui peinait encore à se remettre des dernières révélations de son mari quand à sa vie amoureuse, se retrouva fort ébranlée, au point qu'elle en oublia de se rendre à son laboratoire. C'était sans nul doute préférable, les journalistes avides de détail ayant sans doute prévu de l'y attendre pour obtenir une déclaration ou un commentaire. Narcissa Malefoy, elle, apprit la nouvelle de manière bien plus solitaire. Lisant la gazette au cours de son petit déjeuner, elle se trouva néanmoins bien aise de n'avoir personne à ses côtés pour être témoin de son profond désarroi. Pâle, les lèvres blanches et les oreilles bourdonnantes, elle crut un instant être prise d'un malaise passager. Puis, se pressant bien plus que d'habitude, elle se dépêcha alors de s'habiller pour transplaner au plus vite à la Clinique de Réhabilitation des Endétraqués Terminaux de Itching Nodbury. Pour Blaise Zabini, le réveil fut moins surprenant, quoi que guère moins amère. N'ayant cessé de retourner différentes idées dans son esprit durant la nuit entière, il était harassé et des cernes profondes comme des fosses ombraient ses yeux d'une couleur violacée. Après avoir lu sans grande surprise les nouvelles que sa chouette quotidienne venait de lui amener, il décida finalement de se rendre au Manoir Malefoy pour faire part à son meilleur ami de ses dernières conclusions. Pansy Parkinson, enfin, eut un réveil particulièrement glacial. Non contente que son mari soit parti de manière très matinale pour rejoindre Astoria, elle se retrouvait à ruminer les dernières nouvelles avec une certaine amertume, se sentant de plus en plus mise de côté à mesure que fusaient des révélations à propos desquelles elle n'avait jamais eu le moindre indice. Inquiète et énervée, elle se sentait plus irritée que jamais.

Au 24, Churchill Road à Birmingham, il n'y eut pas de réveil car il semblait que nul n'ait réussi à dormir au cours de la nuit qui s'était écoulée. En effet, une certaine phrase, toute anodine si on la prenait hors contexte, avait fait l'effet d'un Avada Kedavra. Lorsque Hermione, prenant son courage à deux mains, et s'armant de tout son amour pour l'homme qui lui faisait face, avait enfin réussi à se jeter à l'eau, elle n'avait nulle idée de ce qui allait ressortir de l'inévitable altercation. Elle savait que sa prise de parole tardive ouvrait la brèche pour la douleur et les larmes, l'amertume et la méfiance. La jeune femme sentait toute sa relation avec Malefoy, construite ou plutôt âprement reconstruite au cours de ces derniers mois, filer entre ses doigts à la manière de grains de sable. C'était comme se retrouver seul sur une route isolée, sans idée de ce qui allait arriver dans les minutes qui suivaientt. Ou bien était-ce encore l'effet qu'aurait pu ressentir une personne amnésique, mais cette fois ci de manière inversée. Quand l'amnésique avait tout un futur à construire à partir de bases fragiles, Hermione elle voyait son futur menacé d'être anéanti à cause d'un passé bien trop tangible. Inspirant profondément, regardant Malefoy droit dans les yeux, elle lui avait dit : « C'est moi qui suis derrière tout cela. Depuis le début. » Ces quelques mots, cette phrase qui avait mis moins de trois minuscules secondes à franchir le cap de ses lèvres, lui avait pris toute son énergie. Ces quelques mots contenaient en eux mêmes tout son avenir. La réception de ces mots, si simples, si communs, la terrorisait. Elle avait réussi à les prononcer, et elle avait attendu. Attendu encore, patiente, prête à tout subir. Les yeux plongés dans ces orbes de glace, elle avait désespérément attendu un signe, une crispation, un effondrement nerveux ou encore une colère vindicative. Mais rien n'était arrivé.

Malefoy, de cette manière si angoissante dont il détenait le secret, avait continué de la fixer, de manière placide. Il y avait bien une évolution, ce regard si expressif était passé instantanément da la douceur à la glace, à une froideur qui lui faisait presque mal jusqu'aux os. Il semblait ne pas savoir comment réagir, simplement la toiser, projeter par toute la force de son regard ce que les mots ne semblaient pas pouvoir soutenir. Insensiblement, il se renfermait, redevenait de pierre. Hermione décida alors de parler. De lui expliquer. Continuant de soutenir ce regard, car elle le lui devait, elle s'efforça d'expliquer sa démarche. De quelle manière, les questions que Rose avait posées à Scorpius l'avaient intriguée, et l'avaient aiguillée vers le dossier de Lucius Malefoy à l'occasion de l'opération de rangement des archives de son département. Comment l'incohérence du fichier avait attisé sa curiosité, et l'avait poussée, par jeu et pour se distraire, au début, à pousser plus loin les recherches. Elle tenta de lui montrer de quelle façon les révélations semblant toujours plus étonnantes, et les incohérences évidentes, elle s'était liée à deux partenaires de recherche, d'abord Jane Rosier puis Willehm Ellery. Comment elle s'était engagée à ne pas laisser tomber cette enquête en partageant ses découvertes avec Miranda Howitt, qui en contrepartie leur offrait des facilités administratives et des passe-droits pour procéder à ces recherches. Elle tenta de lui faire comprendre pourquoi et selon quel cheminement irrésistible une enquête au début anodine et impersonnelle était devenue beaucoup plus pour elle, pour Willehm également. Hermione mentionna enfin avec une pointe d'hésitation l'implication de Pansy Parkinson dans ses recherches, précisant néanmoins que l'amie de Drago n'avait jamais réellement été immergée dans le fond de l'affaire.

Sa voix se faisant de plus en plus faible à mesure qu'elle parlait et que Malefoy continuait dans son silence insoutenable à ne pas prononcer le moindre mot. Ayant tout dit sur ses recherches, elle aborda ses relations avec le jeune homme, tentant d'expliquer tant bien que mal comment celles-ci n'avaient jamais été un plan intéressé et calculateur de sa part. De quelle manière la fréquentation de Malefoy et les recherches au sujet de son père étaient au tout début deux éléments complètement déconnectés. Comment elle s'était mise à apprécier sa présence, mais ceci dans une dimension tout à fait différente, avec pour fond l'échec de son mariage et sa volonté de sortir de cet état de lassitude dans lequel elle se trouvait – mais il savait tout cela, bien évidemment. Elle s'évertua de montrer à quel point son histoire personnelle avec lui et son enquête étaient si éloignées au tout départ que lorsqu'ils en étaient venus à s'imbriquer, elle était tout bonnement déjà trop impliquée dans chacun des deux. Elle lui expliqua pourquoi elle était tombée amoureuse de lui, en dépit de tout cela, de l'enquête, de la conscience aigue de sa duplicité initiale qui ne cessait de harceler sa conscience. Et de la torture que cela avait été depuis.

- J'ai confié les résultats de l'enquête à Jane et à Willehm, j'étais incapable d'aller plus loin. Ma curiosité était satisfaite, c'était tout ce dont j'avais besoin. Cette affaire avait tellement hanté ma vie, durant de longs mois, que je ne pouvais m'en détacher. Pourtant, je ne pouvais aller plus loin. Je voulais tout te dire, avant que tu ne l'apprennes par quelqu'un d'autre… On peut dire que j'ai à moitié échoué dans ma tâche, puisque tu sais que l'histoire est rendue publique, mais que je suis tout de même celle qui t'apprend quelles ont été mes actions. Quelle a été ma faute.

Hermione reprit son souffle. Ses lèvres, sa gorge étaient sèches et la cuisaient. Tout son corps, sa peau, la tiraillait et la brûlait. Ses joues étaient en flammes, et pourtant elle n'aurait jamais pu se sentir plus démunie et glacée.

- Je sais que j'aurais du sacrifier ma curiosité aux sentiments que j'avais pour toi, dès le moment où ils ont commencé à obscurcir mon jugement. J'ai fait une erreur, j'ai été sotte de croire que je pouvais tout avoir.

Il lui restait encore une chose à avouer, une chose à admettre pour que les comptes soient clairs. Pour qu'elle n'ait plus aucun secret pour lui, et qu'il puisse juger. La juger. Apposer sa sentence. Toutefois, avant qu'elle n'ait eu le temps de reprendre la parole, la voix de Malefoy s'éleva dans la pièce à présent obscure.

- Et qu'est ce que tu attends de moi ?

La jeune femme demeura coite. Elle ne comprenait pas bien la question qui lui était posée. La nuit était à présent tombée et elle distinguait mal le visage de Malefoy dans la faible lumière qui continuait de se diffuser depuis son bureau. Elle ne parvenait pas à saisir son expression. Elle n'était pas certaine de le vouloir.

- Qu'attends-tu de moi à présent ? répéta-t-il. Dis-moi donc, Granger ?

L'usage de son patronyme la glaça. Il ne l'utilisait plus de la manière tendre et moqueuse à laquelle elle s'était habituée. C'était comme un plongeon en arrière, ou plutôt une chute brutale, douloureuse.

- Pourquoi est ce que tu me racontes tout cela ?

La voix du blond s'éleva légèrement. Point trop, il n'était pas du genre à partir dans des grands cris. Mais ce demi-ton en plus était du plus bel effet. Hermione se sentait effectivement dominée, figée. Elle était bien incapable de répondre quoi que ce soit, elle perdait tous ses moyens.

- Es-tu donc si bête ? Tu me trahis, soit. En dehors de cette nouvelle du plus haut intérêt à laquelle je dois encore réfléchir, car je peine à l'intégrer, tu confesses. En bout de parcours. Après t'être compromise avec moi. N'aurais-tu pu mentir ?

Malgré le dédain évident de la voix, cette question sonnait davantage comme un souhait avorté, l'espoir défait que la victime agite encore, à bout de force. Un regret.

- Tu dis que tu m'aimes, mais tu es dupe. Si tu m'aimais, tu voudrais rester avec moi et ne pas m'infliger la souffrance de cette trahison. Ta punition aurait été la connaissance de ta propre duplicité. Je dois donc en conclure que tu ne m'aimes pas, puisque tu as égoïstement préféré décharger ta conscience. Et ainsi je suis là, seul, blessé, humilié et trahi.

Hermione vit la silhouette se redresser contre les accoudoirs du sofa. Elle avait envie de s'effondrer en larmes. Elle n'avait pas entendu cette voix sifflante depuis trop longtemps. Elle pouvait presque sentir à nouveau la haine que Malefoy avait si longtemps éprouvée pour elle. La jeune femme se refusait de ressentir cela à nouveau. Ce dédain méprisant, cette hostilité originelle. Des cris, une colère rageuse, des claquements de portes, tout, plutôt que cette voix haineuse et implacable. Cette colère froide et sans émotions.

- Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi tu essaies encore de te justifier ? Est ce que ça te fait du bien ? Tu veux encore continuer, c'est ça, j'ai bien vu que tu n'en avais pas encore fini. Combien de temps vas tu encore me faire souffrir ?

- Drago je suis désolée, hoqueta Hermione, un sanglot lui étranglant la gorge. Je n'ai jamais voulu te trahir, je ne joue pas de double jeu. Je ne le fais plus, je ne t'utilise pas. Je ne l'ai jamais fait. Je ne savais pas comment m'en sortir, mais je t'aime et…

- Il fallait être honnête. Me poser la question directement. On avait décidé de repenser notre relation sur des bases nouvelles non ? Des bases saines. Apparemment, l'honnêteté n'était pas une vertu assez importante pour toi.

Hermione baissa la tête. Elle ne savait quoi répondre. C'était l'une des rares fois de sa vie où elle n'était plus capable de répliquer, de débattre, d'argumenter, avec logique et précision, jusqu'à amener son adversaire à admettre sa position. Elle sentait qu'elle était en train de perdre, de le perdre, mais elle n'avait pas le courage de se relever et de poursuivre le combat. Cette idée de perte la pétrifiait au lieu de la galvaniser. Elle sentait qu'elle n'en avait pas le droit, après tout, elle n'était pas une innocente. Si Malefoy n'avait pu se défendre lors de son procès, pourquoi en aurait elle davantage le droit que lui ? Elle ne le méritait pas. Pourtant elle voulait lui prouver qu'elle tenait à lui, mais il lui semblait que la moindre de ses paroles ne serait qu'une épine de plus. Sa voix devait à présent lui faire horreur. Pourtant, il fallait qu'elle finisse ce qu'elle avait commencé. C'était son devoir, n'est ce pas ? Qu'importait si il trouvait que c'était égoïste de sa part de se soulager la conscience, il fallait qu'il sache tout ce qu'il y avait à savoir si il devait un jour trouver la force de lui pardonner. Il fallait que plus aucun secret ne subsiste de son côté.

- Drago, tu m'as sauvé la vie, commença-t-elle, relevant bravement le regard pour fixer les yeux remplis d'amertume du jeune homme.

- J'ai bien l'impression que je me suis rendu un mauvais service, répliqua-t-il.

Sa voix était moins assurée, il perdait de sa confiance. Peut être la douleur commençait elle à sourdre. Peut-être ne parviendrait-il pas à se réfugier dans l'indifférence.

- Drago, reprit Hermione. En me sauvant la vie durant la guerre, tu as créé une dette de sorcier. C'est ton amie Selene qui me l'a dit, et je crois qu'elle est plutôt forte pour déceler ce genre de choses. J'ai une dette magique envers toi. Une dette à vie.

Elle avait tenté de dire la nouvelle de la manière la plus calme possible, parlant doucement pour ne pas brusquer les choses. Malefoy s'approcha d'elle. Elle pouvait le voir distinctement. Son visage était bien plus défait que ce qui lui avait paru jusqu'alors. Des plis amers tordaient sa bouche d'habitude si charmeuse, son regard était assombri par ses pupilles, démesurément dilatées.

- Une traitresse à vie, donc, murmura-t-il. Merlin, qu'est ce que je vais faire de toi ?

- Malefoy, je sais que j'ai sacrément saccagé nos chances de nous entendre, ainsi que le début de notre relation, mais je suis déterminée à faire tout ce qu'il faut pour…

- Tais-toi.

Il s'éloigna et attacha sa cape sur ses épaules. Il se tourna vers Hermione une dernière fois.

- Je vais rentrer chez moi et y réfléchir. Ce que tu as fait est méprisable. Pas l'enquête, je comprendrais bien la curiosité d'un Ellery, mais le double jeu que tu as joué avec moi dès l'instant même où nous avons renoué contact. Je ne sais pas si je peux te faire confiance, ni si je le veux.

Hermione accusa le coup. Elle avait l'impression de disparaître de l'intérieur, comme si un gouffre s'ouvrait dans son estomac et la réduisait à n'être que néant.

- Pour le moment j'ai besoin d'être seul. N'essaie pas de me joindre, et encore moins de venir me voir. C'est moi qui le ferai, si je le fais.

Il sembla hésiter à rajouter quelque chose, mais il demeura silencieux. Il semblait avoir désespérément besoin de se raccrocher à quelque chose, à quelqu'un. On le sentait sur le point de s'effondrer. Ce n'était pas visible, bien sûr, car il avait appris à se tenir en bon Malefoy, mais pour qui le connaissait, les failles qui le rongeaient étaient évidentes, et il menaçait de craquer complètement. Hermione avait envie de lui offrir ses bras, de le prendre contre elle et de le bercer jusqu'à ce qu'il s'endorme. Au lieu de cela, elle tenta de lui adresser la parole.

- D'accord. Fais comme tu veux, je respecterai ton choix. Je serai toujours là, je t'attendrai. Je t'aime, Drago Malefoy.

Avant la fin de sa phrase, il était parti, en transplanant, dans un craquement sec et impitoyable. Sans ajouter le moindre mot.

C'est pour cette raison que l'on ne peut pas à proprement parler de réveil le matin du quinze avril de l'an deux mille treize, au 24, Churchill Road. Hermione demeura immobile dans cette même chambre jusqu'aux aurores, veillant, guettant un signe qui ne venait pas, tendue et aux aguets, essayant à chaque instant de saisir un présage favorable. Sur le coup de dix heures, elle finit par s'endormir d'un sommeil lourd et sans rêves, épuisée nerveusement et physiquement. Le paiement de la dette colossale qu'elle avait amassée ne faisait que commencer.

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Godric's Hollow, le 18 avril 2013

Hermione,

Je ne sais pas si ce que je fais est très intelligent, mais il faut que je sache comment tu vas. C'est dans tous les journaux, je ne pouvais pas passer outre. Quelle histoire incroyable, je me demandais bien comment les Malefoy étaient parvenus à s'en sortir si facilement… Quoi qu'un tel accord ne m'étonne pas de leur part. Enfin, je ne t'écris pas pour partager mon opinion au sujet de cette famille, je sais que tu la connais, et que tu dois bien avoir d'autres soucis à l'esprit. Comment vas-tu avec toute cette affaire ? Tu dois être effondrée de savoir que Malefoy est finalement toujours aussi vil. En d'autres circonstances, cela me réjouirait presque, mais j'ai surtout peur de te voir souffrir. Tu avais l'air si confiante en lui.

Ecris moi en cas de besoin. N'hésite pas à débarquer chez nous, à n'importe quelle heure. Ginny me charge de te transmettre toute son affection. Elle te dit qu'elle pourra même me mettre à la porte si tu ne veux pas de ma présence – quelle délicate attention, je ne sais pas pourquoi je transmets tout cela aussi diligemment.

Je t'embrasse fort Monette,

Harry

PS : Tout le monde a bien reçu tes hiboux proposant de se réunir en raison de révélations que tu aurais à faire. Est ce toujours d'actualité ? En tout cas je peux me charger d'annuler à ta place, si les choses sont trop compliquées pour toi. Je pense à toi.

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Blaise observait d'un air circonspect ses deux amis. Il n'était pas certain que leur stratégie soit la meilleure, que ce soit du point de vue de la défense comme en ce qui concernait leurs évolutions personnelles respectives de ces derniers mois. Le jeune homme laissa échapper un rictus désabusé.

- Je ne saurai vous encourager dans votre décision…

- Blaise, ce n'est pas comme si on avait le choix, rétorqua Astoria, la voix sarcastique. Et l'on ne te demande pas exactement ta bénédiction. Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, l'opinion ne nous estime guère, peu importe ce que le Ministère a pu nous faire subir.

En disant cela, elle attrapa la main de Drago qui reposait sur l'accoudoir de son fauteuil. Elle jeta un regard vers son mari, cherchant du soutien. Le visage du blond était fermé, impénétrable. Ses traits, creusés par l'insomnie, émaciaient terriblement sa jeune figure. Il était tout bonnement devenu sinistre depuis que l'affaire avait éclatée. Il laissa échapper un profond soupir et tendit la main vers Blaise, paume vers le haut, en signe d'impuissance.

- Zabini, Astoria a raison. Nous risquons très gros, ce n'est donc pas le moment de jouer la carte du divorce. C'était déjà une action risquée dans notre milieu quand il n'y avait aucun scandale, mais à présent… Au contraire nous devons apparaître comme une famille unie. La thématique de la famille est cruciale si on veut pouvoir s'en sortir correctement. Sur ce point Ellery a vraiment construit une bonne défense, je peux lui accorder cela.

- Vous gardez donc Ellery ..?

Le ton du métis était hésitant. Ses yeux sombres oscillaient de l'un à l'autre comme pour surprendre une expression révélatrice. Les choix que faisaient ses amis lui semblaient trop paradoxaux pour être viables.

- Bien sûr qu'on le garde. Certes, il est responsable du « scandale de la décennie », comme le nomme la Gazette, mais il n'a jamais recherché à nous causer du tort. Il a été une victime lui aussi, et il était à l'époque des premiers procès un excellent avocat. En plus cette fois ci il est commis d'office, je ne vois pas pourquoi je me priverais, ironisa Drago.

- Et pour en revenir à notre décision, reprit Astoria, la carte de la famille devrait nous être très utile pour remporter une adhésion de la part des jurés. D'abords l'histoire du bébé, puis celle du père de Drago. Il y a beaucoup de logique de filiation, c'est un bon filon… Une stratégie qui est souvent payante.

Blaise secoua la tête, désabusé. Ces deux là étaient vraiment des têtes de bois. Ils ne semblaient donc pas lassés de tous ces mensonges ? Ne pouvaient ils se montrer tels qu'ils étaient à présent, tels qu'ils étaient devenus et tels qu'ils avaient appris à s'accepter ? Ils avaient pourtant tellement progressé ces derniers temps. Ce recul forcé était affligeant.

- Est ce que tu sais au moins combien de temps cela vous prendra, Asto ? Vous veniez juste de vous dépêtrer des conséquences de ce qui s'était passé justement il y a dix ans. Comment veux tu que je vous laisse vous plonger à nouveau dans ce bazar sans réagir ? Merlin, vous vous faites du mal.

- Je préfère cela à la prison, railla Drago.

- En plus Drago et moi nous nous entendons toujours très bien, ajouta Astoria. En tout cas tellement mieux depuis qu'entre nous deux tout sentiment romantique a disparu. Donc ça ne devrait pas trop poser de problèmes. Et pour Scorpius, ce sera mieux de nous voir unis, il est très perturbé par tout le battage médiatique qui entoure notre famille. Tu savais que des journalistes étaient parqués devant son école avant-hier ?

- Et vous êtes réellement prêts à paralyser vos vies pour cela ? Sérieusement, que risquez vous ? Drago, tes implications dans les affaires de Voldemort quand tu étais adolescent ne peuvent pas décemment êtres reprises. En plus tu as réellement montré ton indécision, et l'influence sous laquelle tu étais placé. Quand au meurtre de Yaxley… Qu'il aille au diable, il est impossible qu'ils construisent des accusations sérieuses là dessus.

Drago leva un sourcil, montrant son incrédulité. Il savait que le Ministère allait être prêt à tout pour leur imputer la faute et minimiser la leur. Ils allaient charger la balance et concentrer toute l'attention sur sa famille, la transformant en cas d'école de la nouvelle administration. Cela semblait ironique comme image, un Ministère pliant devant les chantages d'une famille éclopée, mais n'était-il pas infiniment plus facile de croire que c'était la famille Malefoy, corrompue et compromise de longue date, qui était la coupable, plutôt que ce Ministère qui avait incarné tant d'espoirs ?

- Sans compter, poursuivit Blaise, que tu as fait énormément de choses pour le monde sorcier jusqu'à présent. Souviens toi des accords de la LSA, du Ministre en personne qui venait te féliciter ! Tu étais quelqu'un à admirer. Ton image est devenue tellement détachée de ce que ton nom représentait après la guerre… Et toi Astoria, qui travaille dans ce laboratoire de recherches en potions, de manière indépendante. Un diplomate et une scientifique … Pas la peine de leur jouer la carte du couple marié, vous avez déjà de nombreux atouts.

- Et puis, ajouta Astoria en hésitant. Granger. Hermione Granger, je veux dire.

Ses joues pâles s'embrasèrent légèrement tandis qu'elle prononçait ce nom. Si émotionnellement elle n'avait pas de problème particulier à ce que Drago voit régulièrement la jeune femme, car elle avait constaté, soulagée, qu'elle n'éprouvait aucune forme concrète de jalousie, la situation n'en demeurait pas moins gênante. Elle n'avait encore jamais rencontré cette Hermione officiellement, et il lui était difficile d'en parler avec désinvolture, comme si Drago et elle n'avaient aucun passif. Elle sourit légèrement vers son mari, mais son visage était sombre. Elle s'inquiétait de son caractère particulièrement colérique, et de l'humeur maussade qui s'était emparée de lui depuis une semaine. Elle ignorait que la nouvelle du procès lui ferait autant d'effet.

- Blaise, tu m'as dit, que Drago, toi donc, avait sauvé la vie d'Hermione pendant la guerre, se hasarda-t-elle. Je ne sais pas si elle le sait, mais puisque vous avez finalement de bonnes relations, peut être pourrait-elle témoigner en ta faveur ? Ça a beaucoup de poids, la parole d'une personne aussi connue et respectée qu'Hermione Granger. Ce serait un symbole fort, et le Ministère ne saura jamais prévoir cela.

Le jeune homme ne répondit rien. Au bout de quelques instants, il se releva, la nuque raide, et sortit en trombe de la pièce. Astoria jeta un regard effaré vers Blaise.

- J'ai dit quelque chose de mal ?

- Ne t'en fais pas Asto. Tu as une très bonne idée, mais l'humeur de Drago est liée à quelque chose d'autre. Je vais aller lui parler, ok ?

La jeune femme acquiesça. Elle n'avait de toute façon aucune idée de ce qu'elle pourrait bien dire à Drago pour que celui-ci se calme, et Blaise était de toute évidence bien au courant de ce qu'il en retournait. Le métis lui frotta affectueusement la tête en sortant de la pièce, lui adressant un léger clin d'œil. Le manoir Malefoy était silencieux, mais il savait où il pourrait trouver Drago. Il traversa le hall d'entrée et dépassa la grande salle à manger de réception, puis monta plusieurs volées d'escaliers, avant de se retrouver devant la porte qui donnait accès au sommet de la tour est. Elle était mal close, et Blaise savait que les vieilles habitudes ne mourraient pas. Il poussa le battant vermoulu, monta la volée de marches et trouva l'héritier Malefoy accoudé à la balustrade médiévale crénelée, le regard perdu dans les arbres de son parc. Ses cheveux ébouriffés témoignaient d'un coup de colère solitaire qu'il avait pris soin d'emmener exploser au sommet de cette tour peu visitée. Blaise alla s'accouder aux côtés de son meilleur ami. En jetant un coup d'œil, il put voir que les yeux de celui-ci étaient rougis, le bleu pâle de ses iris ressortant de manière troublante, comme lessivé.

- Il va falloir que tu fasses quelque chose à ce sujet, dit-il sobrement.

- Je sais Blaise, je sais. Merlin, je lui en veux tellement. Cette sale petite peste, cette infâme…

- Ce qu'elle a fait est impardonnable, le coupa Blaise. Je sais que tu ne peux pas lui faire confiance, que tu ne sais plus ce qu'elle est, qui elle est.

- Je ne sais pas si elle m'a un jour véritablement apprécié, tu sais. Je ne sais plus rien. Par Salazar, je me suis mis à nu devant elle. J'ai tout abandonné, j'ai été patient, je l'ai traitée avec tous les égards possibles, je lui ai confié mes craintes. J'avais l'impression de ressusciter, de renaître dans son regard. Qu'est ce que cela fait donc de moi si rien de tout cela n'est vrai ?

- Un homme amoureux, tenta son ami.

Drago se repoussa de la balustrade, soufflant. Les articulations de ses doigts étaient violacées, comme s'il avait frappé un objet dans sa volonté de se défouler.

- Un homme amoureux, ricana-t-il. Ça ne me laisse donc pas grand chose.

- Tu sais Drago, si ça se trouve, tout cela procède effectivement de la grande confusion dans laquelle elle s'est retrouvée. Ça n'excuse pas ce qu'elle a fait, ne me fait pas dire ce que je ne dis pas, se reprit Blaise en voyant le regard courroucé de son ami. Mais cela veut au moins dire qu'elle a lutté, et que si elle te l'a avoué, c'est parce qu'elle éprouve réellement des sentiments à ton égard.

- Elle m'a dit qu'elle m'aimait alors même qu'elle avait compris que l'affaire venait d'être révélée. Elle avait mille occasions, mais ce n'est que ce jour-là qu'elle a dit ces mots que j'espérais tant. Quel crédit est ce que je peux y accorder ?

Blaise soupira. Il ne savait même plus dans quel camp il luttait. Il voulait voir son ami apaisé, mais avec le procès qui se profilait, cela semblait fort improbable. Il voulait au moins ne pas le voir malheureux… Il aurait espéré que son histoire avec Hermione Granger aurait été une force, Drago n'ayant jamais semblé plus épanoui que depuis qu'il fréquentait cette fille. Quand Blaise avait compris que Granger était celle qui était derrière l'enquête, il avait été sonné. Puis il s'était énervé. Il voulait courir immédiatement à la suite de Drago, transplaner dans la maison même de Granger, pour tout lui dire. Heureusement Selene l'avait raisonné. Elle lui avait dit de laisser une chance à Hermione de s'expliquer. Car tout ne pouvait pas être aussi noir, il y avait nécessairement des tensions qu'il ignorait. Et puis, avait-elle ajouté, quand elle les voyait réunis, le lien amoureux semblait autant de provenir de Drago que de Granger, il y avait donc bien une sincérité réelle du sentiment. De cela Blaise était certain. C'était pour cela, pour cette unique et vague raison, car il ne voulait pas voir Drago laisser échapper sa chance d'être heureux, qu'il voulait le pousser à reprendre contact avec la jeune femme. Il ne la défendait pas, tout ce qu'il faisait était pour son ami. Pour autant, il ne la détestait pas, et son action était finalement assez cohérente quand on connaissait son caractère. Une Granger curieuse et une Granger passionnée, tiraillée entre le devoir, la loi, les frissons de l'enquête et ses sentiments, ses liens de loyauté qui se démultipliaient. Il aurait juste espéré qu'elle parle plus tôt à Drago, qu'elle surmonte ses craintes au nom de la confiance et de son affection. Et puis il y avait cette histoire de dette. Drago en avait été assez ébranlé, il ne savait pas quoi en penser. Pour Blaise, il lui semblait que la souffrance du couple ne pourrait prendre fin que dans la réconciliation. Après tout, si ils étaient ainsi liés magiquement, toute séparation se devait d'être une souffrance.

- Tu devrais lui parler encore une fois.

- Je ne sais pas. Je dois y réfléchir. Je ne suis pas prêt pour l'instant, je ne suis pas capable de me tenir face à elle. En même temps j'ai un besoin immense de me retrouver près d'elle…

- Que vas-tu faire ? Sérieusement Malefoy, je sais que tu ne peux pas abandonner ainsi.

Le blond ne répondit pas. Il n'avait aucune idée de la marche à suivre. Granger lui avait brisé le cœur, mais en même temps il savait qu'elle était là à l'attendre. C'était lui qui lui avait demandé de ne pas le contacter, et elle avait jusqu'à présent scrupuleusement respecté son désir. Il n'avait aucune nouvelle d'elle, et dans cette absence envahissante, il sentait son aigreur s'évanouir, écrasée sous le poids d'un sentiment grandissant de manque. Il souffrait d'une perte qu'il pouvait réparer en quelques secondes. Ce qui le faisait souffrir, il était à même de l'abolir. Il lui suffisait de la contacter, de contacter Granger, Hermione, cette personne à laquelle chacune de ses pensées était dévolue. Il pouvait mettre un terme à la tristesse, reprendre des forces dans ce regard brun, profond et chaud. Affronter cette nouvelle adversité avec son soutien. Malgré sa trahison, il savait d'une certaine manière, comme instinctivement, que chacun des mots de la jeune femme avait été sincère. Hermione savait sans doute dissimuler, garder des secrets, mais elle semblait bien incapable de mentir frontalement, effrontément. Toutefois… Elle l'avait fait se sentir faible et sans défenses. Granger lui avait appris à s'abandonner comme il ne l'avait jamais réellement fait, pas même avec Astoria, ni même Narcissa, sa mère. Elle avait franchi ses défenses, une à une, et ce sans même vouloir le séduire, de part son caractère et sa personnalité, sa présence si lumineuse qui lui permettait d'entrevoir le meilleur en lui-même. Puis il apprenait qu'elle n'avait cessé de jouer un double jeu, un jeu de dupe. Il avait été dupé. Lui, le roi des manipulations, avait baissé son bouclier et se retrouvait à terre, attendant le coup de grâce. Il se retrouvait à terre alors même qu'une nouvelle bataille s'annonçait pour lui. Il l'avait aimé. Il en avait été affaibli. Drago tourna lentement le visage vers Blaise, son meilleur ami et alter ego. Il savait que le jeune homme était capable de suivre son cheminement de pensées. Pourtant, le métis insista :

- Ne te replie pas sur toi même Drago, ça ne va pas t'aider. Admets que tu as besoin d'elle.

- J'ai besoin d'elle, répondit mécaniquement le blond. Comme Astoria l'a dit, avoir Hermione Granger comme témoin clef à mon procès, pour attester de ma conduite partagée durant la guerre, est un atout.

- Ce n'est pas ce que je voulais dire, tu le sais, soupira Blaise. Arrête de faire l'idiot.

- Blaise, gronda son ami en le fixant de son regard clair.

Le jeune Zabini soupira. Drago ne semblait désormais capable que de prendre des décisions extrêmes, soit couper tous les ponts avec la jeune femme, soit lui faire regretter son erreur en l'accablant.

- Ce que je veux dire c'est que tu dois d'abord régler les problèmes personnels que tu peux avoir avec elle. Tu ne peux ni l'ignorer, ni chercher à la contrôler. Merlin, tu es un homme intelligent, je le sais que tu te rends compte que cette fille te fait du bien. Prends du recul, réfléchis à cette histoire en la considérant d'un point de vue extérieur. De mon point de vue, admit Blaise.

- Je ne pensais pas t'entendre un jour la défendre. Quoi qu'il en soit, elle a une dette envers moi. Elle le sait elle même. Cela devrait suffire à la convaincre de témoigner. Je vais donc devoir la recontacter. Alors, tu es satisfait ?

La voix de Drago s'était faite sifflante.

- Ne deviens pas cruel, Drago. Crois le ou non, cela ne t'a jamais ressemblé.

- Et je ressemblerais à quoi selon toi ?

Un pli amer tordait les lèvres fines du blond. Son dernier rempart semblait résider dans son obstination à repousser la moindre compassion.

- Tu ressemblerais à l'homme qui est parti de la pièce lorsque Astoria a proposé de faire intervenir Granger. Tu es cet homme là.

Détournant le regard, Blaise se plongea dans le spectacle du parc verdoyant de la propriété Malefoy. Les sourcils froncés, il sentit avec surprise une déception insoupçonnée l'envahir, alors qu'à ses côtés, le souffle court, son meilleur ami demeurait coi.

oOo

Département de Justice Magique, le 21 avril 2013

Harry, Harry, Harry,

Je ne sais pas comment m'y prendre pour t'écrire. Tu as raison sur un point, je suis désespérée. Par contre tout ce que tu écris sur les Malefoy ne saurait être plus éloigné de la réalité. Harry, je crois que j'ai vraiment merdé. J'ai fait quelque chose d'affreux. Je me hais tellement que je ne sais même pas de quelle manière je parviens encore à tenir debout sans me jeter contre un mur, à être éveillée sans me frapper le visage. J'aurais besoin de ton épaule, c'est la seule solution, transitoire, qui me semble être la bonne. Celle de Ginny aussi, si elle veut. De toute façon, c'est tout ce que je peux faire dans ma position.

Tu me manques,

Hermione

PS : concernant ladite réunion… Je suis dans l'incertitude la plus totale quand à sa capacité à se tenir, c'est un fait. Mais je me dois également de parler. Je ne sais pas, que me conseilles-tu ?

oOo

Harry Potter parcourait des yeux un énième journal traitant du cas Malefoy. Depuis que la nouvelle avait été diffusée par le Gazette du Sorcier, l'affaire avait pris une dimension virale, accaparant tous les médias sorciers, devenant le thème récurrent de toutes les discussions, occultant même les débats autour de l'élection imminente du nouveau Ministre de la Magie. La campagne avait d'ailleurs été mise de fait en retrait, l'administration se devant de faire front à une opinion certes partagée, mais généralement très remontée contre les cachotteries qu'elle avait pu opérer. Même si le Ministre en place n'était pas directement responsable, il était déjà un personnage fort de l'administration du temps des procès. Il était indubitable qu'il avait du être un acteur passif de ce scandale.

- Eh bien, cette affaire te passionne mon vieux !

Le brun releva la tête en direction de la voix étouffée par un bâillement de son beau-frère, qui venait d'apparaître dans la cuisine. Harry lui sourit et replia les journaux afin de lui laisser la place de s'installer pour petit déjeuner.

- Ne me dis pas que ça ne t'intrigue pas Ron.

- Ah mais si bien sûr ! Mais tu sembles lire tout ce qui concerne le sujet avec un systématisme maladif…

- Je ne m'en étais pas rendu compte, rit légèrement Harry. Oui, sans doute. Ça me touche aussi un peu.

- Parce que c'est l'administration que nous avons participé à établir ?

- En partie oui.

- J'y ai pensé moi aussi… C'est vrai que ça retourne l'estomac de savoir toutes les déviances qu'ils se permettaient au nom d'un plus grand bien. L'idée que ces satanés détraqueurs régissaient encore Azkaban me fait froid dans le dos.

- A qui le dis-tu ? Tu sais bien à quel point je suis friand de ces créatures.

Ronald se repoussa dans sa chaise, prenant sa tasse de thé à deux mains. Il avait les yeux fermés, comme si il réfléchissait.

- L'affaire Malefoy n'est à mon avis qu'un exemple de ce qu'ils ont pu faire. Je suis certain qu'il y a d'autres affaires viciées qui laisseraient apparaître d'autres malversations, d'autres passe-droits illégitimes et illégaux.

Harry se releva et fit une pile des différents journaux. Les calant sous son bras, il alla dans le salon les poser dans une corbeille, puis revint trouver son meilleur ami. Celui-ci n'avait toujours pas bougé.

- Ça va Ron ?

- Oui. Je me disais juste qu'il fallait absolument que Kingsley remporte cette élection. C'est, depuis Dumbledore, l'homme le plus intègre que je connaisse. Si je veux l'aider, je dois revenir dans les services Britanniques.

- Ta décision est prise, alors ?

- Je n'ai pas bien le choix. La France est agréable, et la famille de Fleurk fort sympathique, mais… J'aime trop la maison. Tu sais bien que c'est ma faiblesse, sourit à moitié le rouquin.

- Une faiblesse ou une force, c'est à voir. Tu es toujours tenté de t'y réfugier dès que les choses sont un peu hors de contrôle, mais au moins tu sais que ce refuge est là.

Ron hocha la tête, visiblement pas tout à fait convaincu. Ce manque de courage jusqu'au-boutiste l'avait toujours un peu complexé, surtout lorsqu'il se comparait avec Harry ou Hermione durant la guerre. Bien entendu, ceux-ci avaient moins à perdre Harry n'avait plus personne, mais Hermione n'avait pas hésité à rayer tout souvenir de son existence dans la mémoire de ses parents afin de pouvoir s'engager totalement pour la cause qu'elle voulait défendre. Lui, il avait tout à perdre. Il avait toujours tout à perdre, d'ailleurs. Mais il n'avait pas pu se réfugier dans sa famille cette fois, puisque c'est d'elle qu'émanait en partie le problème. Hermione… Il était temps de mûrir et de faire face. De toute façon il n'était plus libre de ses gestes, il se devait de mesurer les conséquences de ses actes la pensée de ses enfants le lui rappelait constamment.

- Tu penses qu'Hermione voudra de moi ?

- Ron…

Harry soupira, l'air soucieux.

- C'est elle qui a coupé les ponts, tu te souviens ? Elle voudra toujours de ton amitié, elle en a même besoin. Mais n'espère pas plus, ce serait cruel pour tout le monde.

- Je sais, je sais… Elle m'a même parlé de l'éventualité d'introduire de nouvelles personnes dans le cercle familial l'autre jour, je ne devrais même pas y penser.

- Elle l'a fait ?

Le brun était surpris. Il avait essayé de parler avec Hermione en tête-à-tête au cours des derniers jours mais les derniers évènements l'accaparaient totalement. Elle passait de longues journées au Département de Justice Magique, et le soir venu, elle restait avec Rose et Hugo.

- Oui. Elle a peut-être voulu me prévenir, m'habituer à l'idée avant de véritablement m'y soumettre… Je comprends et apprécie son geste, je devrais même lui en être reconnaissant, mais tout ce que je ressens c'est de l'amertume.

- Ça passera…

- Qu'est ce que tu en sais ? Tu es presque depuis toujours avec Ginny.

- L'amertume. Je connais un peu. Ça demeure assez passager.

- Si tu le dis. Sais-tu de quoi elle voulait nous parler quand elle nous a envoyé un hibou l'autre jour ?

Harry détourna le regard. Ron grimaça. C'était évident que son meilleur ami savait. Ginny aussi d'ailleurs, il avait tenté d'aborder le sujet avec elle et sa petite sœur avait évité le sujet avec gêne. Les joues du rouquin arboraient des taches rosées, preuve de son agacement.

- Je te le dirai si je savais exactement, dit Harry, la voix basse. Mais je ne sais pas trop où en sont les choses. En plus avec le procès qui vient d'éclater, je crains qu'Hermione n'ait ni le temps ni la tête à se charger de cela.

- Pourquoi donc ?

- Oh, c'est vrai que tu l'ignores. Même si son nom n'est pas mentionné, elle est à l'origine de l'enquête qui a révélé ce qui est arrivé à Lucius Malefoy. C'est sur cela qu'elle travaillait ces derniers mois.

- Incroyable… En même temps ça tombe sous le sens, qui d'autre qu'elle aurait pu dénicher une chose pareille ?

- Oui qui d'autre, sourit Harry.

- Mais pourquoi n'est elle pas officiellement en charge du dossier ? Cette chouette d'Howitt va en tirer tout le prestige ! s'insurgea Ron.

- Je crois qu'elle s'est désistée au dernier moment. Je crois comprendre ce qui la motive. Son nom est trop porteur de connotations en lien avec la guerre. Hermione Granger attaquant le Ministère ? Ou même associant son nom dans un procès qui aurait pour objet la famille Malefoy ? Ça biaiserait l'audience, les jurés seraient influencés. Tu connais Hermione, elle est trop maline pour redevenir le jouet de l'opinion.

Ron acquiesça, semblant se contenter de cette explication. Harry relâcha doucement sa respiration, son cœur battant légèrement trop vite. Il sentait ses oreilles le brûler. Elles devaient être rouges, il espérait que Ron ne l'avait pas remarqué. Il fallait vraiment qu'Hermione se dépêche de tout avouer, il ne supporterait pas la situation bien longtemps encore. Garder son secret était une chose, sous réserve qu'elle en parle ainsi qu'elle l'avait promis. Mais avec Ronald qui comptait revenir en Angleterre, il se refusait de lui mentir continuellement. Il était trop odieux d'imaginer qu'il privilégiait la loyauté envers Drago Malefoy à la vérité due à son meilleur ami.

oOo

Manoir Zabini, le 23 avril 2013,

Drago,

Deux choses, car l'on se verra demain. Tout d'abord je te souhaite bien du courage pour la première séance de demain matin, à toi comme à Astoria. Bien entendu, Selene et moi serons dans l'assistance – tu n'imagineras pas à quel point j'ai du me battre pour obtenir une place, ils sont très stricts sur les admissions. Encore heureux que je sois un témoin. Pansy n'a pas obtenu de siège en revanche, elle se propose de garder Nero et Scorpius – je pense qu'on peut lui faire confiance ? Elle ne raffole certes pas des gamins, mais il semblerait que ta version miniature soit à même d'atteindre son cœur de pierre. À propos de Pansy, tu devrais lui écrire, et même mieux, la voir, si tu en as le temps. Même si elle ne le montre pas, elle est retournée. Et même si elle se réfugie derrière sa colère, elle t'aime tant Drago. Elle te pardonnerait tout pour peu que tu lui fasses un peu confiance. Elle se sent exclue. Bien entendu elle a fait, contre sa volonté et sa connaissance, partie de l'enquête à ton sujet. Crois moi bien qu'elle en ressent la plus vive des culpabilités. Tu ne devrais pas lui en vouloir. Et je suis peut-être un ami fantastique, mais je crois que tu auras aussi besoin de son amitié à elle avec ce que tu vas traverser.

Le second point que je vais aborder est plus ou moins lié à ton procès. Traite moi de harceleur, mais je dois savoir ce que tu as décidé de faire avec Granger. D'après ce que m'a dit Astoria, tu sembles à présent t'opposer à l'idée de la faire témoigner. Crains-tu donc tant de te retrouver face à elle ? Elle peut te sauver et elle veut te sauver. Un peu de nerfs, débloque donc un peu la situation. En plus, je suis peut-être l'un des seuls à présent à connaître ta relation avec la demoiselle tout en connaissant son implication dans l'enquête, mais si quelqu'un d'autre venait à le découvrir, il faut te parer à toute éventualité. Je ne défends pas tant Granger que je m'inquiète pour toi. Et donc je ne t'encouragerais jamais à la retrouver si je n'avais la certitude que cela ne saurait te nuire – ou du moins que cela te nuirait moins que la solitude.

C'est la dernière fois que je t'envoie une lettre si emplie de lyrisme, alors s'il te plait, descend de ta tour d'ivoire et agit. Toi qui déplorait d'être pieds et poings liés par le Ministère pendant toutes ces années, à ronger ton frein, qu'attends-tu ? Montre moi un peu de ce sang Black, Malefoy !

Blaise

PS : Narcissa m'a dit pour ton père. Vas-tu lui rendre visite ? Je peux y aller moi aussi si tu veux. N'hésite pas à me le demander, je suis là pour ça.

oOo

Jenny quitta la salle d'audience dès l'instant où le juge annonça qu'il levait la séance. Elle s'éclipsa discrètement, par une porte réservée au personnel, avant que quiconque ne puisse la surprendre. Ce procès si sensationnel se tenait en huis clos, et peu de personnes pouvaient y assister. Les journalistes, bannis, assaillaient la grande porte d'entrée. La jeune fille avait la chance de pouvoir y assister, en tant que participante à la constitution du dossier. Heureusement pour elle, Miranda Howitt avait appuyé de son autorité sa demande de présence. Willehm s'en était relativement bien sorti aujourd'hui, elle pouvait se rendre compte, vu son aisance oratoire, du véritable talent de l'avocat. Derrière la timidité certaine qu'elle avait su apprivoiser depuis qu'elle le connaissait se trouvait un homme véritablement possédé lorsqu'il parlait à la barre, maîtrisant son droit et argumentant avec emphase. La session de la journée avait traité, avec une insistance quelque peu lassante, des faits imputés à Drago Malefoy à l'occasion de l'assassinat d'Albus Dumbledore. Lorsque son tour était venu de prendre la parole, le jeune homme avait été superbe. Toutefois les juges semblaient particulièrement revêches, sans doute à cause du fait que la famille Malefoy était parvenue à passer entre les filets du très vénérable et très ancien Mangenmagot. Leur meilleur espoir résidait dans le jury, c'était ce que Willehm lui avait dit. La jeune femme ne pouvait s'empêcher de se sentir inquiète. Une issue de procès qui reposait sur les sentiments et la séduction lui semblait par trop incertaine et partiale.

Elle grimpa une série d'escaliers, et parvint enfin, essoufflée, devant les ascenseurs du Ministère. La jeune femme s'engouffra dans le premier venu, et une poignée de minutes plus tard, Jenny débarquait dans le bureau d'Hermione, au Département de Justice Magique. En effet, même si le procès l'intéressait à titre personnel, et même si elle était impliquée indirectement dans l'affaire, si elle assistait systématiquement à toutes les sessions c'était afin d'être un relais pour son amie. Sitôt la porte franchie, elle vit la brunette relever vivement la tête, la nuque raide et les sourcils plissés.

- Alors, comment cela s'est il passé, demanda Hermione, anxieuse, dès l'instant où son amie se fut assise face à elle.

- Je ne suis pas sûre, le bilan est assez mitigé. Ils sont encore revenus sur ces vieilles accusations à propos du meurtre de Dumbledore, ça commence à me raser. Je ne sais pas ce qu'ils essaient de prouver.

- Ils essaient surtout d'éviter de s'occuper de ce qui est crucial, c'est à dire l'après guerre. Merlin, ce n'est pas la reconstitution des Grands Procès que l'on joue là. Il s'agit de montrer les abus de ce gouvernement fraichement constitué dans l'effervescence de la victoire, et qui a pu agir impunément, sans qu'aucun contrôle lui soit apposé. C'est là le vrai sujet, qu'ils n'aillent pas nous embêter avec ces vieilleries.

- Tu m'en diras tant…

Hermione s'affaissa sur son bureau, la tête entre les mains. Cernée, maigrie et pâle, elle n'était plus que l'ombre d'elle même. Bien incapable de travailler, elle faisait acte de présence au bureau dans le seul but de se sentir proche du cœur des évènements. Et artificiellement de Malefoy. Elle n'avait eu aucune nouvelle de sa part, mais elle ne saurait l'en blâmer. Elle même ne se pardonnait pas ses actes.

- Bon Monette, si cela peut te rassurer, souviens toi qu'ils sont quand même entre les mains d'un excellent avocat. Notre Ellery assure, j'aimerais que tu puisses voir ça.

La jeune femme sourit légèrement à cette remarque. Willehm avait été remarquable. Elle avait eu l'occasion de lui parler à plusieurs reprises au cours des éprouvantes journées qui s'étaient déroulées depuis la révélation du scandale. Le jeune homme s'était montré très compréhensif, et semblait prendre à cœur la défense des Malefoy. Il avait eu sa revanche, prouvant sa compétence, et il désirait que les Malefoy obtiennent la leur.

- Oui, il a toute ma confiance tu sais.

- Bien sûr, et il le sait aussi… À ce propos, il y a quelque chose que je pense que tu devrais savoir…

Hermione releva la tête, intriguée. Jane tordait sa lèvre inférieure, comme indécise. Elle semblait ignorer de quelle manière faire son annonce.

- Allez Jenny, avoue tout, l'encouragea-t-elle.

- Il semblerait, d'après ce qu'il m'a dit, que les Malefoy auraient l'intention de faire appel à toi pour leur défense…

La jeune femme demeura coite, les sourcils légèrement surélevés.

- À ce que j'ai compris, tu devrais témoigner de la manière dont Malefoy t'a permis d'avoir la vie sauve au cours de la guerre. Je crois, grimaça-t-elle, qu'ils auraient parlé à Willehm d'une certaine dette de sorcier…

- Ah.

- En tout cas tu seras sans doute convoquée pour témoigner. En plus ta renommée devrait sacrément les aider.

- J'irai témoigner, naturellement, murmura Hermione. Comment pourrais-je refuser ? C'est ridicule de penser à me rappeler cette dette, je ferai tout ce qui est nécessaire…

Jenny l'observa avec une moue pensive. Son amie semblait complètement écrasée sous le poids de la culpabilité, et se comportait en chien aux aguets, guettant la meilleure occasion de se faire pardonner. La jeune fille s'appuya légèrement sur le bureau, et tapota la tête bouclée d'Hermione, qui était toujours avachie sur le plateau.

- Hauts les cœurs, tu vas le revoir ton Drago. En tout cas il sera bien obligé de te recontacter.

- Tu m'excuses si je préfèrerais qu'il le fasse pour d'autres raisons, grogna Hermione.

- En te voyant il se rendra compte qu'il n'est pas possible que tu aies voulu lui faire du mal. Il me semble tout de même clairvoyant comme garçon.

- Jenny, s'il te plait, ne me donne pas d'espoirs. Je me sens déjà suffisamment mal pour ne pas souffrir en plus d'être déçue.

Jenny caressa légèrement ses boucles brunes.

- Tu sais Hermione, je suis désolée. Je suis très peinée de ce qu'il se passe en ce moment pour toi, et également pour la famille Malefoy. Et je sais que c'est de ma faute…

- Jane, ne dis pas ça. Ce n'est pas de ta faute, il était trop tard pour reculer une fois que nous savions la vérité. C'était un devoir moral. La faute, c'est que je n'aurais jamais du me laisser aller à emmêler ces deux histoires.

- Non, la faute c'est que j'aurai du te dire de laisser tomber dès que j'ai soupçonné l'ombre d'un sentiment de ta part pour Malefoy, rétorqua Jenny. Et cela remonte à il y a un moment, crois moi.

Hermione ouvrit la bouche pour répondre, mais son amie lui fit signe de se taire. Elles savaient toutes les deux très bien qu'il n'y avait aucun moyen pour que l'histoire se transforme, pour revenir en arrière, et de toute façon, sans ces différents aspects et développements imprévus, elles n'auraient sans doute jamais pu parvenir à ces conclusions. L'avenir, en revanche, était le lieu où tout pouvait encore changer, car mouvant, instable, il était une bien meilleure préoccupation que les erreurs du passé.

oOo

Drago Malefoy tentait de rassembler tout son courage pour appuyer sur la sonnette de cette demeure de banlieue anglaise. Il avait l'esprit embrumé, et ne se souvenait pas de quelle manière il s'était retrouvé devant cette petite porte de bois laqué noir, en ce dimanche du vingt-quatre avril. Il savait qu'il en avait besoin, qu'il avait agi plus par instinct que par raisonnement. Se forçant la main, il vit son doigt appuyer sur le petit bouton gris métallique de la sonnette. Il attendit quelques instants, laissant l'écho de la sonnerie s'estomper, avant d'entendre quelqu'un déverrouiller l'entrée.

- Drago ! Qu'est ce que …

Face à lui, Hermione Granger, en habit du dimanche et un mug de thé à la main, le regardait d'un air incrédule. Elle posa maladroitement sa tasse sur la commode de l'entrée, renversant un peu de sa boisson sur le meuble, et s'écarta pour le laisser entrer. Sans s'en rendre compte vraiment, il franchit ce seuil de porte tant redouté, remarquant que c'était bien la première fois qu'il se rendait dans cette maison en franchissant le pas de la porte d'entrée officielle. Hermione, tremblante, referma le battant, et s'appuya contre le mur derrière elle, tapissé de fleurs bleu pâle, s'en servant comme d'un soutien. Drago défit lentement la boucle de sa cape et la suspendit sur son bras. Lentement il se tourna vers la jeune femme, mais il se sentait toujours incapable de prononcer le moindre mot.

- Hum, Malefoy, se força Hermione. Je suis tellement contente de te voir… Je pensais que tu m'écrirais, ou quelque chose de ce genre. Tu ne semblais pas vraiment avoir envie de me revoir… Physiquement.

- Je ne peux pas te promettre que ce sentiment a changé, répondit Drago.

Sa voix était éraillée.

- Je suis venu te voir parce que j'ai besoin de toi, en fait.

- Laisse moi deviner, le témoignage ?

Le jeune homme lui adressa un regard surpris. Ce détail avait déserté sa pensée, mais cela était effectivement un point qu'il avait jusqu'à présent rechigné de régler.

- Non, ce n'est pas cela, Hermione. Enfin, nous en reparlerons, mais ce n'est pas pour ça que je viens te voir aujourd'hui.

- Qu'y a-t-il ?

- Est ce que tu es prise aujourd'hui ?

- Non, je viens juste de déposer les enfants chez leurs cousins …

- Il faut que tu voies quelque chose Granger.

Hermione acquiesça. Elle n'était pas en position de refuser. Malefoy n'était pas chaleureux avec elle, mais il était venu la voir sans reproches, sans envie de querelle. C'était déjà un début, en quelque sorte. Elle n'était pas certaine que la placidité de son compagnon lui plaise vraiment, il semblait relativement indifférent. Mais un Malefoy est un excellent dissimulateur, se surprit-elle à espérer. Elle alla chercher sa cape, et rejoignit le jeune homme dans le couloir. Il y eut un instant de flottement, tout deux semblant également indécis. Soudain, Malefoy tendit sa main. Hermione eut un air surpris, avant de comprendre qu'il souhaitait seulement pouvoir la guider durant le transplanage. Se maudissant intérieurement, elle attrapa cette main tendue, leurs doigts se mêlant maladroitement. Elle put sentir son cœur battre fortement et le pouls de sa paume accélérer.

Une fraction de secondes plus tard, il atterrissaient avec un bruit sec dans un parc joliment arboré. Le temps n'était pas franchement ensoleillé, mais les immenses cumulonimbus qui se jouaient de l'astre du jour donnait à l'endroit un air très pittoresque. Une femme en uniforme azur, les cheveux rassemblés sous une petite toque carrée ornée d'une broche représentant une chouette perchée, s'approcha d'eux.

- Bienvenue Mr. Malefoy. Nous étions sûrs que vous viendriez.

Elle regarda avec curiosité Hermione mais ne pipa mot, et s'éloigna dans la petite allée sablée, ses talons créant un léger crissement. Hermione regarda plus attentivement autour d'elle le parc, verdoyant et vallonné, était très aménagé. De nombreux petits bâtiments de pierre blanche pouvaient être entrevus au détour d'un bosquet et des bancs étaient régulièrement disposés le long des allées. Un peu plus loin, au haut d'une butte, un grand bâtiment de plein pied surplombait le tout. Il était d'une blancheur éclatante, et son architecture rappelait celle des années trente. Hermione demanda alors :

- Drago, où sommes nous ?

- Nous sommes à la Clinique de Réhabilitation des Endétraqués Terminaux de Itching Nodbury, répondit sobrement le blond.

Hermione inspira profondément. Un bruit sourd résonnait dans ses oreilles, alors que plusieurs pensées surgissaient en désordre dans son esprit. C'était comme si une tempête soufflait contre ses tympans.

- Nous allons voir ton père n'est ce pas ? Pour combien de temps en a-t-il encore ?

Drago déglutit difficilement, sa pomma d'Adam roulant au travers de la peau fine de son cou. On pouvait voir que son visage impassible était traversé de crispations nerveuses, qui semblaient indiquer son véritable état d'esprit.

- Quelques jours, ou bien seulement quelques heures. Je ne sais pas quel est le meilleur des cas.

Hermione resserra sa prise sur la main de Drago, qu'elle n'avait pas lâchée. Sentant la pression, le jeune homme s'éloigna d'un pas en laissant échapper la sienne. Hermione le regarda d'un air contrit, blessé, qui l'émut plus qu'il ne l'aurait voulu. Lui même s'était senti presque mieux à la sensation de cette petite main tiède dans la sienne. Il aurait voulu être capable de lui en vouloir plus, d'être plus fort et impassible.

- Drago, demanda Hermione, pourquoi voulais tu que je vienne ? Dis moi.

Le jeune homme ne répondit pas, et se mit à marcher le long de l'allée. Hermione le suivit à quelques distances, lui emboîtant discrètement le pas. Elle ne savait pas s'il désirait réellement qu'elle le suive, mais c'était bien lui qui l'avait emmenée en ce lieu. Les arbres verts regorgeaient de cris d'oiseaux qui paradaient en cette saison des amours, et de tendres fleurs blanches et rosées perlaient sur les branches timidement ornées. L'atmosphère n'était que douceur, et pourtant l'endroit était absolument glaçant. S'enfonçant dans un petit bois, le couple poursuivit sa route sur l'allée qui se transformait en sentier, marchant sur un sol de terre constellé de taches lumineuses qui filtraient entre les branches. Drago s'arrêta devant une petite cabane de bois, un bungalow de toute évidence fait pour l'habitation individuelle.

- On a voulu qu'il soit tranquille, et puis c'était plus commode qu'il ne se mêle pas aux autres patients. Il n'est jamais vraiment tout seul, il y a toujours du personnel, mais c'est mieux que le bâtiment principal.

Un grincement bref brisa le silence. Levant les yeux vers l'origine du bruit, Hermione accorda plus d'attention à la terrasse surélevée qui bordait l'avant du cabanon. Abritée sous un toit de planches, la plateforme soutenait différents fauteuils en osiers, et une balancelle de bois de rose, agrémentée de coussins de lin blanc. Sur l'un des fauteuils, un homme qui semblait être un vieillard était recroquevillé. Hermione retint une exclamation. Drago monta les quelques marches, et s'assit sur le fauteuil d'à côté, d'un air presque nonchalant. Ou plutôt d'un air intrinsèquement indigné.

- Bonjour Père, dit il doucement.

Il jeta un coup d'œil vers Hermione. Elle comprit qu'elle était attendue et monta à son tour les quelques marches. Elle s'assit prudemment sur un fauteuil, dévisageant malgré elle le vieil homme. Cela pouvait sembler paradoxal, car seulement dix ans avaient passé depuis la dernière fois qu'elle l'avait vu, et il ne devait guère atteindre que la soixantaine. Pourtant l'homme semblait avoir perdu, avec son âme, toute sa superbe physique. Amaigri, replié sur lui même, il semblait chercher un peu de chaleur dans un monde peuplé d'ombres. Ses cheveux d'argents, toujours longs, étaient attachés avec soin, sans doute par une infirmière. Pourtant, cette chevelure se faisait plus diffuse et éparse, s'enchevêtrant et s'entremêlant malgré l'attention qui leur était apportée. Des mèches retombaient sur le visage de l'infirme, accentuant son aspect défait. Ce visage était vraiment ce qui était le plus frappant, il semblait constitué de milliers de ridules qui s'entrecroisaient en crevasses jusqu'à former une mosaïque sur ce visage auparavant si lisse. La peau fine et blafarde, sur ce visage aux traits pourtant fins, semblait pendre comme si elle allait bientôt se détacher. Le pli amer de la bouche était celui de l'inaction, et les lèvres blanches semblaient avoir perdu toute morgue. Les yeux enfin, si clairs et perçants, étaient voilés d'une fine cataracte. Lucius Malefoy, le superbe, n'était plus que l'ombre d'un souvenir lointain. Hermione se racla la gorge, nerveuse et consciente que tout ce qu'elle pourrait faire serait teinté de maladresse.

- Bonjour Mr. Malefoy.

Sans surprise, il ne réagit pas à la présence face à lui, et aux côtés de son fils, de la petite Sang de Bourbe honnie et méprisée.

- Ceux qui ont subi le Baiser du Détraqueur, dit soudainement Drago, brisant le silence profond du bois, ont une espérance de vie de cinq ans en moyenne. Le fait que l'on ait pu faire tenir mon père dix années relève de l'exploit, mais c'est surtout du à nos moyens et aux soins que l'on a pu lui accorder. Quoi que j'ignore si s'occuper autant de lui n'était pas une erreur. Il mérite le repos.

- Et… Il va mourir durant le procès ?

- De toute évidence. Mais au moins sa présence physique permet de montrer que nous ne mentons pas au sujet de l'usage de Détraqueurs.

Hermione acquiesça. Elle ne savait pas vraiment quoi dire. Elle était touchée que Malefoy l'ait amenée ici, auprès de son père. Elle savait l'importance de ce geste, peu importe si il lui pardonnait ou non. Ce n'était même pas un geste de confiance, c'était plutôt un acte de foi. Pourquoi aurait-il foi en elle ? La jeune femme compris que c'était à elle de lui montrer qu'il avait raison, de lui prouver qu'elle pouvait être digne de cette foi, de cet acte gratuit. Qu'elle pouvait honorer sa dette. Mue par une impulsion, elle tendit la main et saisit celle de Lucius Malefoy. Ses doigts décharnés étaient glacés, comme s'il était déjà mort depuis un moment. Pourtant on pouvait voir sa poitrine se soulever régulièrement.

- Mr Malefoy, vous devez être surpris de me voir, commença-t-elle, s'efforçant de planter son regard dans les yeux blancs. Vous devez même être assez agacé, en plus il est tout à fait scandaleux qu'une sang de bourbe vous tienne la main. Je ne peux être d'accord avec vous sur ce point, et j'aurais aimé que vous puissiez me connaître pour revenir de votre opinion erronée. Je ne cherche pas à vous montrer que je suis quelqu'un de bien. Je suis quelqu'un de normal, et en ce sens je vous suis semblable. Je fais des erreurs, je me trompe, je trahis parfois malgré moi certaines personnes de confiance…

Elle jeta un regard vers Drago. Il ne la regardait pas, mais semblait concentré sur le visage de son père.

- Et comme vous, je suis capable d'aimer, et de tout faire passer en priorité par amour. J'ai eu l'occasion de rencontrer votre épouse, Narcissa. Elle s'est montrée très accueillante, et ceci me montre qu'éventuellement l'être le plus déterminé est capable de revenir sur son jugement lorsque des preuves ou des exemples contradictoire lui sont apportés. J'aurais espéré qu'il puisse un jour en être de même pour vous, et je pense savoir que je n'aurais alors pas été la seule à être contente de cette évolution. J'aimerais pouvoir dire que vous êtes un homme capable de cela. Bien entendu, je ne le saurai jamais.

Hermione inspira profondément. Ces doigts glacés la perturbaient, il lui semblait qu'elle ne pouvait sentir de pouls.

- Je sais que vous avez fait des erreurs vous aussi. Je sais que votre fils en a fait, et moi, dernièrement, j'en ai également commis. J'ai fait l'erreur stupide de manquer d'honnêteté envers l'une des personnes auxquelles je tiens le plus. Et cette personne s'en retrouve aujourd'hui blessée et mise dans une mauvaise situation, par ma faute. Cette personne, Mr. Malefoy, c'est votre fils, Drago. Il faut que vous le sachiez, si un reliquat d'âme demeure encore en vous. Il faut que vous le sachiez car je veux vous assurer que ce n'est pas une passade. En dépit de mes erreurs, j'espère bien demeurer à ses côtés jusqu'au bout, à tenter de me faire pardonner, à le soutenir, à le consoler, et à l'aimer. Je n'ai aucun droit d'exiger autant de choses je le sais. Je suis fautive. Mais votre rôle fut pendant vingt ans de protéger votre fils. Ces dix dernières années il s'est retrouvé démuni de protections, et sa vie n'a pas été facile. Pour preuve, j'en suis venue moi, Hermione Granger, à le blesser. C'est pour cela que je veux m'engager, devant vous, à demeurer auprès de lui. Peu importe la place qu'il me concèdera, je vous fais le serment, à vous son père, de le protéger.

La jeune femme reprit son souffle. Le visage de Lucius était toujours impavide, sans émotion, sans même la moindre sensation puisqu'il ne semblait ni entendre sa voix, ni sentir sa main.

- J'ai de la chance que vous ne puissiez refuser mon serment, mais j'espère que, où que vous soyez réellement, vous pourriez envisager de m'accorder une chance.

Elle relâcha la main, qui retomba, inerte, sur le genou de l'infirme. Hermione ramena sa main contre son ventre, voulant chasser le froid atroce qui glaçait ses phalanges. Elle pouvait sentir son sang pulser dans ses oreilles, et sa tête tourna légèrement. La forêt semblait s'être assourdie, les oiseaux perdant de leur entrain à chanter. Hermione regarda à nouveau Drago. Il continuait de contempler son père avec sérieux. Son beau visage avait retrouvé son masque et ne donnait aucune indication sur ce qu'il se passait dans son esprit. Une légère brise faisait voleter ses cheveux blonds au dessus de sa tête, effleurant délicatement son visage. Finalement il tourna gravement la tête vers Hermione.

- Ça y est… Il est mort.

La jeune femme sursauta. Elle observa Lucius. Effectivement, son buste ne se soulevait plus. Pourtant il était toujours assis de la même manière, sans qu'aucun autre détail n'ait changé. Assis recroquevillé sur ce siège, il n'était plus qu'une carcasse. Lucius était parti comme un esprit, son dernier fragment d'âme finissant de se consumer dans sa prison de chair.

- Je suis désolée, Drago.

- Ne le sois pas, il le fallait. J'ai fait mon deuil il y a dix ans.

Hermione le regarda à nouveau. Il la fixait intensément de ses yeux céruléens, et elle se sentit amoindrie sous ce regard. Pourtant, aucune colère, aucun mépris, ne l'habitaient. L'impression qu'ils diffusaient semblait en fait plus proche d'une certaine fascination.

- Tu m'as demandé pourquoi je t'ai fait venir ici Hermione. C'est simple, nous sommes liés, et le seul moyen pour moi de parvenir à affronter certaines épreuves est de t'avoir auprès de moi.

- C'est donc ma dette qui te motive, murmura Hermione.

Le jeune homme tordit la bouche.

- La dette aide, certes, mais à mon corps défendant, c'est toi et toi seule qui est la cause de ta présence. Je ne sais pas si je peux te faire confiance, mais je sais que j'ai besoin de toi à mes côtés. C'est ce que je t'accorde. À toi de me montrer que tu es prête à tout réparer.

oOo

Voilà, c'est fini pour aujourd'hui ! J'espère que vous avez apprécié ce chapitre, qui est tout de même assez costaud (en longueur et évènements, enfin je trouve) :) La dernière scène a été tellement difficile à écrire, d'autant que ça faisait longtemps que je savais que je devrais le faire, c'est terrible. Je pense que vous avez aussi eu droit à un joli panorama de personnages (et d'introspection, un peu la marque de fabrique de cette histoire dites donc), et ça m'a fait plaisir de « les écrire » à nouveau :)

Donc à la prochaine (pas trop lointaine espérons) pour le chapitre XXXI, et à tout à l'heure pour les courageux qui commenteront ! Et merci de me lire (cœur cœur tout ça) )

Olivia alias Stellmaria