NdA (28/10/2016) : Non, vous ne rêvez pas, une update pour les Jolies Choses ! Cette fanfiction existe depuis huit ans maintenant, ma vie a beaucoup changé entre temps, mes projets aussi, mais j'aime me souvenir de la période où j'écrivais ces vignettes – c'était là de beaux moments, toujours.

Bien que je ne réponde pas systématiquement, sachez que j'ai lu et me suis extasiée sur chacune de vos reviews : merci, immense merci à vous pour votre fidélité et vos encouragements ! J'ai eu une chance incroyable d'être lue par des personnes aussi passionnées et bienveillantes. Ce sont des bonheurs que je n'oublierai jamais.

A l'heure où la publication de « Harry Potter et l'enfant maudit » m'a brièvement replongée dans mes anciens amours, j'ai retrouvé cette petite chose dans mes archives – un complément du chapitre précédent. Ce n'est pas le meilleur des chapitres à mon sens, mais j'ai pensé que cela vous ferez peut-être plaisir de le découvrir.

Bonne lecture, et prenez soin de vous.

Lumi'


Silencium area


Il y eut la coupe levée par Oliver Wood, lourde et indécente comme une amphore pleine de vin – lui-même vacillait, comme chargé d'une ivresse inconnue. Le reste n'a été que longues tourbillonades, fanions jetés sur l'herbe, lentes descentes des foules grisées vers les champs peignés de nuit et de brume.

Le jour semble régner encore dans le stade, même après leurs retraits, illuminé dans chacune de ses tribunes comme les milliers de fenêtres d'un hôtel gigantesque. Une couche de déchet recouvre le sol, limon argileux que laissent les vagues à marée basse ; gobelets et prospectus scintillent doucement sous l'éclairage vide comme des coquillages brisés. Quelques rares âmes discutent encore, errance hébétée des hongrois en défaite, encore maquillés de rouge, de blanc et de vert, pulls oubliés sur les gradins, multiplettes fracturées.

Maintenant, le ciel blanchit de minute en minute, une ligne rougeoyante cisèle l'horizon.

Certains quartiers du camping sont encore soulevés de cris ; on perce les derniers fûts, on embrasse des inconnus, les femmes ont les cheveux collés par l'hydromel. D'autres quartiers sont silencieux ; des éclats lointains y sont comme les échos d'une autre dimension, tant les mères de famille, ulcérées, ont fait la leçon aux pochards qui braillaient près de leurs tentes, dérangeant le sommeil des petits.

Ces gens-ci dorment, les gencives brossées de menthol, ne supportant pas de se coucher après une heure du matin ; ceux-là s'en sont allés avec leur musique et leurs tonneaux, se réunissant sous les plus grands chapiteaux, autour des plus hauts feux de camps.

Le champ des rêves et des ombres, une odeur de lit chaud ; celui de la fête éclatante comme un foyer de flammes, dorée comme le ruisseau des boissons. Entre ces deux mondes qui se partagent le même lieu : de longues allées grises, ni calmes, ni bruyantes ; ni claires, ni sombres.

Sous l'aube précoce, Harry Potter hésite sur le pas de sa tente. C'est l'entre-deux, l'heure où tout se divise. Ginny n'est pas encore rentrée et il ignore s'il a encore trop de temps, ou pas assez.

Les pinceaux de Al traînent encore sur la table de jardin, imbibant le bois de couleurs délavées.

Harry traverse l'allée bruissante. Un, deux, trois, quatre. Ce n'était vraiment pas grand chose, quatre enjambées. Ça passe si vite, juste le temps de les compter, et personne n'a rien vu, personne n'aurait pu les égrener.

Il disparaît aussitôt sous l'auvent de la tente des Malfoy, pressé de choisir un camp.

Un torse s'imprime contre le sien, la respiration avivée par l'impatience. Il pousse un hoquet confus, ses doigts trouvent la douceur des cheveux, ses lèvres la brûlure humide de la bouche. Il expire :

- J'avais tellement envie de toi, dans cette loge… Tout le match, tout ce foutu…

- Chuuut…

Draco Malfoy le serre fort, presque avec convulsion. Bridant soudain leurs deux agitations, il lui bâillonne les lèvres de ses doigts et l'entraîne silencieusement vers une porte entrebâillée qu'il écarte pour lui montrer.

Jetés tout habillés sur le couvre-lit d'un grand baldaquin, Al et Scorpius, repus de fête, se sont endormis tournés l'un vers l'autre dans une position identique ; main sous le menton, genoux un peu pliés ; gémeaux brun et blond. L'aube perce la toile de la chambre orientée plein ouest, les baignant tout entier d'une auréole rougeâtre, les faisant paraître sombres sur les premiers rayons.

Harry demeure muet, bizarrement chaviré par cette vision. Le rouge brouille les contours, uniformise ; si la date était perdue, s'il n'était certain d'avoir quarante ans, ce pourrait être eux deux étendus en miroir sur ce lit.

Draco le tire par le bras. L'entraîne dans sa chambre à lui, sa chambre d'Est, où tout est encore gris. Il verrouille, pose les sortilèges, ses longs souffles anti-bruits, qui cachent et modèrent :

- Silencium area.

Ils font l'amour. Harry a totalement perdu la notion du temps. Il ouvre les yeux : le soleil a changé de place et se réfracte sur leur peau.

Il reste longtemps allongé sur le ventre, nu, un pied dansant dans l'air, les doigts de Draco traçant des runes sur ses reins humectés de soleil.

- Tu ne me diras rien, n'est-ce pas ? Tu refuses de me dire où tu veux m'emmener en vacances…

- Surprise, surprise, susurre Draco.

Leurs fils dorment dans la chambre d'Ouest.

Sous la tente du Cognard Éclatant, - rangées de bureaux, box d'esclaves, plumes brisées, encriers vides, notes volantes comme des oiseaux épuisés - Ginny souffle doucement sur sa tasse de café noir.

- Rentre te reposer Gin, lui dit son rédacteur, c'est bouclé, tout est déjà parti chez l'imprimeur.

Elle sourit en coin, avale une gorgée du breuvage.

- Ça te dérange si je reste un peu ici ? C'est tellement paisible quand tout le monde est parti.

L'esprit affûté par la boisson et le travail, elle songe, elle déballe les photographies prises par sa mémoire. La loge ministérielle. Elle regarde chaque femme, chaque robe. Le creux d'un col, la teinte d'un rouge, le tintement d'un bracelet. Elle sort une liste de sa poche, la déplie, une plume dans sa main droite, elle étale des noms comme un procureur dresserait la liste des suspects.

Elle regarde son mari, qui ne regarde aucune femme. Il discute avec Malfoy – costume de lin clair, affalé dans son siège avec la nonchalance d'un seigneur. Harry aux pommettes rouges, tics nerveux, impatience. Malfoy devait lui peser sur les nerfs. Harry ne se retourne pas une seule fois, ni vers Pénélope Deauclair, ni vers Ursula Maurtok, ni vers Erin Poley, ni vers – elle a tellement honte de le penser – Hermione Weasley.

Elle songe, sa putain n'était pas dans cette loge.

Plus tard, elle revient au camping au moment où Harry vient de rentrer. Il semble attendre sur le pas de la tente, les yeux scrutant l'allée, l'air d'avoir chaud. Elle dit :

- Tu m'attendais ?

Il sourit, et ment, lui dit bien sûr.

Avant de s'étendre toute habillée sur son lit, elle froisse la liste et la réduit en une poudre fine – ses recherches ne mènent à rien et elle arrive parfois à considérer l'aventure de son mari comme un caprice d'enfant, comme si Harry s'était déniché un vice spécialement pour lui cacher encore une partie de lui-même.

La caféine lui électrise l'esprit et l'empêche de sombrer malgré ses paupières douloureuses. Elle entend Harry prendre une douche et son ventre se tord.


A suivre...