CHAPITRE 1: Où Mélie apparaît

Tu ne te sens pas bien?

L'anxiété de la rentrée…

Robert Rogue observa sa fille d'un œil sceptique. Depuis qu'elle était entrée dans l'adolescence, elle avait toujours été du genre taciturne… Elle ne parlait pas beaucoup et quand elle le faisait c'était d'un ton monocorde et avec des phrases laconiques. Robert se refusait à en comprendre la raison… Oh bien sûr, au fond de lui, il le savait pertinemment, mais il se persuadait du contraire, que ce n'était qu'une crise passagère, ou des difficultés à Poudlard… Il avait des problèmes plus urgents à régler. Le Seigneur des Ténèbres n'était pas de ceux que l'on faisait patienter. Cependant, depuis le début des vacances, il sentait que cette attitude s'était accentuée. Au début, il n'y avait pas prêté garde, mais plus les jours passés, et plus il s'apercevait que Mélie ne semblait plus simplement renfermée mais aussi terrifiée. Oui, c'était exactement ce terme qu'il fallait utiliser pour décrire l'expression qui se lisait sur le visage de sa fille: terrifiée et apeurée aussi… Mais il ne dit rien, ne fit pas de commentaires… Il la laissa quitter la maison pour une nouvelle et dernière année scolaire, sans broncher… Il la regarda quitter la grande salle à manger du manoir, dans ses habits excentriques, qui lui tirèrent une grimace, mais une pointe d'affection se glissa dans son cœur. Il l'aimait… Mélie… mais elle n'était pas faite pour vivre dans une famille telle que la sienne… elle était trop faible… du moins en était-il persuadé…

Mélie transplana sur la voie 9 ¾ en avance, comme à son habitude, pour avoir le temps de s'emparer d'un compartiment vide avant que le train ne soit bondé d'élèves, excités comme des puces, qui crieraient dans tous les sens et en profiteraient pour se moquer d'elle au passage. La jeune fille haussa les épaules à cette pensée. Etait-ce vraiment important? Elle avait d'autres soucis dans sa vie pour éviter de se poser trop de questions sur le rejet qu'éprouvaient les autres étudiants à son sujet.

Mélie entra donc dans le train, sans un regard en arrière. Personne n'était venu lui dire au revoir… Après tout, elle était en septième année maintenant, plus besoin d'un parent, la larme à l'œil pour la voir partir. Cela n'avait d'ailleurs jamais été le cas, sa mère étant morte à sa naissance et son père étant trop occupé par ses propres affaires, repartait habituellement dès qu'il l'avait déposée sur le quai, après l'avoir embrassé du bout des lèvres. Elle n'était pas du genre à s'apitoyer sur son sort, et elle ne faisait pas grand cas de ce genre de détails. Elle savait que son père l'aimait, il le lui avait prouvé à une ou deux reprises et cela lui suffisait, il ne savait juste pas comment s'y prendre pour le lui montrer…

Elle trouva rapidement un compartiment vide… ou presque… Un jeune homme aux cheveux noirs graisseux lisait un livre assis sur la banquette, près de la fenêtre.

Séverus Rogue jeta un regard courroucé à la personne qui osait venir empiéter sur son territoire durement acquis et s'apprêtait à l'insulter vertement quand il reconnut sa cousine. Une épaisse chevelure noire retenue par une simple barrette qui laissait s'échapper des mèches folles, et cette traînée blanche comme neige, qu'elle portait depuis sa naissance sur ses cheveux. Un visage aux angles arrondis qui accueillait avec harmonie de grands yeux gris, un nez légèrement retroussé et une petite bouche dont les sourires lui étaient pour la plupart seuls destinés. L'image même de son père. Malgré son accoutrement: un anorak d'un vert criard bien trop large pour elle qui surmontait un pantalon rouge, lui aussi particulièrement ample et des bottes en caoutchouc au pied qui cachaient un corps maigrichon, elle gardait une certaine grâce. Une élégance et un charme naturel l'habitaient. Seul lui semblait cependant le voir… Aucun doute, c'était bien Mélie Rogue, la merveilleuse Mélie Rogue, sa cousine adorée. Il sourit instantanément. Elle s'avança et lui déposa un léger baiser sur la joue et lança:

Alors mon Sév, tu as passé de bonnes vacances?

Oh oui, absolument géniales... J'ai eu le droit à deux mois de disputes incessantes, de cris, de pleurs; enfin je ne te raconte pas dans le détail, la routine…

Séverus ne prit pas la peine de la questionner sur ses propres vacances. Il savait très bien ce qu'elles avaient dues être et il était inutile de retourner le couteau dans la plaie. Mélie aborderait elle-même le sujet avec ironie, comme à son habitude, mais ce ne serait pas lui qui lancerait la conversation.

Ne t'inquiètes surtout pas pour moi, Voldynouchet est toujours en pleine forme, et j'ai trimé tout l'été, moi non plus, je ne vais pas tout te détailler…

Le jeune homme ne répondit pas, il n'y avait rien à dire. Il se demandait juste comment elle pouvait paraître aussi enjouée avec lui sur un tel sujet. Un bouclier?… Il détourna la conversation… Il ne voulait pas qu'elle continue, il ne voulait pas savoir…

Je me suis réconciliée avec Lily!

Ah bon? Mais elle sort avec James, l'un de tes pires ennemis, la cohabitation risque d'être ardue!

Séverus eut un rictus mauvais à la pensée des maraudeurs:

Je n'ai pas l'intention de m'en approcher. Tout le temps que je passerai avec Lily, ce sera loin de cette enflure, ne te fais pas de souci pour moi, je suis encore capable de me préserver!

Ça ne va pas lui plaire?

A qui?

Eh bien... A James, à qui d'autre voulais-tu que je fasse allusion? Te voir tourner autour de sa petite amie risque de lui faire voir rouge.

Je n'ai pas l'intention de la lui piquer et s'il craint pour la magie noire, je m'en suis éloignée. C'était la condition que mettait Lily à notre réconciliation.

Mélie se mit à rire:

Elle n'a vraiment rien compris, malgré son extrême intelligence.

Pour elle, la magie noire est tout simplement… noire, c'est le mal, c'est Voldemort, elle ne veut rien savoir d'autre.

Mais comment vas-tu te passer de ça, Sév… C'est si merveilleux, d'utiliser toute cette puissance, de la sentir posséder ton corps. Si on ne l'utilise pas à des fins mauvaises, c'est un talent incomparable que de la connaitre.

Et pour quoi l'utilises-tu alors?

Pour pleins de choses… Cet été, Tom m'a appris à maîtriser le feu. C'est génial, non? Bien plus savoureux que la magie blanche, je t'assure, qui permet d'ailleurs malgré tout ce que l'on peut dire, de faire des horreurs aussi.

Le Serpentard ne put s'empêcher de murmurer:

Alors c'est ça, il te paye, finalement, tu ne fais pas un si mauvais marché...

Malheureusement pour lui, elle l'entendit, et le gifla violemment:

Ne redis jamais ca! Tu ne sais pas ce que je vis, et si grâce à lui, en lui faisant croire que je l'aime sincèrement, je peux apprendre des choses, je pourrai ainsi peut-être un jour, détrôner le maître. En attendant, ne me juge pas, ne me juge surtout pas, car tu sais très bien que dans tous les cas je n'ai pas le choix.

Après cette sortie, le silence s'installa. Séverus ne savait que dire. Il se disputait rarement avec sa cousine et il savait qu'il était en faute. Il était juste jaloux, jaloux de son pouvoir. Elle était puissante, trop puissante. Elle lui faisait presque peur des fois. Mélie reprit:

Bon, j'ai été nommée préfète en chef, alors désolée, j'ai une réunion, je reviens dès que je peux.

Il songea alors que sa cousine avait paru différente, il n'aurait su mettre un mot sur le sentiment qui avait semblé l'habiter, mais quelque chose n'allait pas, c'était certain.

Elle quitta le compartiment, ayant auparavant repris son masque de fille inexpressive, qui ne semblait pas vivre sur la même planète que ses camarades. Mélie souffrait, et si ça, même Séverus ne pouvait le comprendre, alors il n'y avait plus d'espoir. Même avec lui, elle devait maintenant se forcer à sourire et à rire. Elle ne voulait pas de cette situation, elle voulait vivre, comme une adolescente de son âge, mais elle ne pouvait pas, et plus les jours passés, plus elle se barricadait sous sa carapace. Les autres élèves se moquaient d'elle: à cause de son habillement, de son absence constante de réaction. Ils l'appelaient Méli-mélo, riaient quand elle passait devant eux mais le reste du temps elle n'existait pas… sauf pour son cousin, mais si même lui se mettait à la critiquer?

Mélie pénétra dans un grand compartiment surchargé où tous les préfets de Poudlard, nouveaux comme anciens étaient rassemblés. Une fois qu'elle se fut installée, une jolie rousse de Gryffondor lui fit un grand sourire et prit la parole:

Bien, maintenant que nous sommes au complet, nous allons pouvoir commencer. Etant une des nouvelles Préfète en chef, le professeur McGonagal m'a demandé de présider cette réunion…

Lily expliqua pendant plusieurs minutes les devoirs mais aussi les droits des préfets. Mélie ne l'écouta que d'une oreille distraite, elle savait déjà tout ça. Elle se contenta de repérer les nouveaux préfets de Serpentard, pour au moins être au courant de ce détail, puis retourna dans ses pensées lugubres. Elle revint à la surface quand Lily s'adressa directement à elle. Elle s'aperçut alors qu'il ne restait plus sur les banquettes que les préfets en chef:

Mélie, je suppose que tu sais que nous avons des appartements particuliers, que nous allons partagés tous les quatre.

La jeune fille hocha la tête, souriant intérieurement. Cette sang-de-bourbe était bien la seule à l'appeler par son prénom avec Séverus. Quand ce n'était pas un sobriquet, c'était par son nom de famille que les gens l'interpellaient. Mélie avait beau avoir été envoyée à la maison de Serpentard, elle ne partageait pas les idées douteuses de ses camarades comme quoi les Sang-Purs seraient supérieurs aux autres. Elle savait bien que ces allégations étaient infondées. Et ce n'était que par dérision qu'elle se permettait d'employer des expressions telles que sang-de-bourbe ou traître à son sang. Petite, elle avait dévoré tous les livres que contenaient la bibliothèque de son père, et ceux qu'elle avait lus concernant les races ne l'avaient guère convaincue. Son père s'en étant aperçu, il lui avait apprit l'Occlumancie car elle passait beaucoup de temps auprès de Voldemort. L'esprit de conservation ayant probablement fait son effet, elle maîtrisait à présent parfaitement cet art et personne ne pouvait percer ses pensées contre son gré…Voldemort pas plus que les autres. Les quelques fois où il s'y était essayé, elle lui avait envoyé de fausses images et il n'y avait vu que du feu. Il était donc persuadé qu'elle était sa créature et que rien ne lui faisait plus plaisir qu'être à ses côtés, Mélie négligeant de rétablir la vérité…

Et c'était ça que ne pouvait comprendre Séverus, il essayait de se persuader que s'il savait qu'elle ne l'aimait pas, il se contenterait de l'éloigner d'elle, mais la jeune fille savait pertinemment que ce ne serait pas le cas. Elle se flattait de connaître Tom Jédusor mieux que personne et il n'était pas du genre à admettre aussi facilement l'échec… Un jour elle le détruirait, oh oui, elle le réduirait en cendre... Cette pourriture lui avait volé son innocence…