Indomptable Samantha !

Résumé: Sam se fait enlever et joue les demoiselles en détresse… Enfin, ça reste Carter ! La notion de « détresse » se doit d'être nuancée… ;-)
Genre: Romance S/J, Aventure, Suspense, Humour…
Spoilers: Saison 7
Disclaimer : Les personnages et l'univers ne sont pas à moi mais à la MGM…

NB/ Les fans d'Angélique reconnaîtront le titre ! C'est entre le conte de fée, et les bouquins romanesques.
Merci à Helios et gjc597 pour leurs aides et un gros bisou à Aurélia !

Attention, cette fic contient des scènes osées et « violentes » susceptibles de choquer les plus jeunes. Déconseillé au moins de 15 ans.

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Sam plongea les mains dans la rivière et s'aspergea abondamment le visage. L'eau était fraîche et d'une transparence peu commune mais le contraire aurait été surprenant. Ils se trouvaient sur une planète n'ayant pas dépassé l'âge moyenâgeux, sans nulle technologie pouvant altérer la pureté de la nature environnante.

Dans un soupir de contentement, la jeune femme se redressa en s'étirant. Ils avaient parcouru de nombreux kilomètres avant d'arriver à un village. Après en avoir fait rapidement le tour et parlé aux habitants, ils en avaient conclu à l'unanimité, chose assez rare, que ce monde n'avait aucun intérêt pour eux. Finalement, ils avaient fait demi-tour mais s'étaient cependant arrêtés pour la nuit afin de se reposer de leur longue marche de la veille.

Sam se sentait légèrement courbaturée mais en avait l'habitude. Ce monde était beau, simple... la forêt environnante magnifique, le temps agréable... Pourquoi se plaindre ?

Elle détendit son dos avec application puis se tourna vers son arme et son gilet par balles à quelques mètres d'elle. Ce court instant de solitude lui avait fait du bien. Elle adorait ses amis mais s'occuper un peu d'elle lors de sa toilette matinale était un petit plaisir qu'elle affectionnait particulièrement.

Un craquement lui fit cependant dresser l'oreille, aux aguets. Elle eut à peine le temps de faire un pas en direction de son P90 que deux hommes, apparaissant de nulle part, lui bloquèrent le passage.
Sam se redressa aussitôt, scrutant le visage patibulaire des inconnus. Ceux-ci, sals et hirsutes, s'avançaient vers elle, un sourire mauvais sur les lèvres. Gardant son calme, la jeune femme se mit en position de combat avant de lancer un puissant :

- Mon Colonel !

Ce fut le coup d'envoi d'un rapide corps à corps. Manquant à la fois de technique et d'agilité, les deux agresseurs ne firent pas long feu et Sam se crut rapidement sortie d'affaire mais cinq autres hommes sortirent de buissons environnants. Elle ne s'était absolument pas doutée de leur présence.

- Mon Colonel !! s'écria-t-elle de nouveau, sentant qu'elle ne pourrait pas faire face, seule, à un tel nombre d'agresseurs.

Un nouveau combat eu lieu. Elle se défendit comme elle put et en envoya deux autres au tapis mais le chef de la bande finit par la frapper de son gourdin, l'assommant sans plus de cérémonie. La jeune femme s'effondra aussitôt au sol.

- Eh ben... D'où qu'elle sort pour savoir se battre comme ça ? grogna l'un des hommes, massant son visage douloureux. J'ai jamais vu ça.

Mais des bruits de pas précipités se firent brusquement entendre derrière eux, coupant court aux spéculations.

- Carter !! hurla une voix aux intonations inquiètes.
- Fichons le camp ! s'exclama le chef, en posant sans douceur la femme sur le dos de sa monture qu'un homme avait pris le soin d'avancer.

Et sans plus attendre, tous sautèrent à cheval.

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Lorsque Jack parvint sur les lieux du rapt, les agresseurs étaient déjà en train de fuir, leurs montures au galop. Il repéra aussitôt Carter allongée en travers sur l'un des chevaux et son sang se glaça dans ses veines. Lâchant son P90, il empoigna de suite son Beretta et chercha à viser l'homme qui maintenait son second près de lui mais finit par y renoncer. Compte tenu des soubresauts de l'animal, il risquait de la blesser, voir pire, aussi dirigea-t-il son arme sur un autre agresseur et tira. Comme prévu, l'homme fut touché à l'épaule et se tassa sur sa monture, prêt à tomber, mais l'un de ses compagnons l'agrippa aussitôt par le bras afin de le retenir.

Le bruit fort reconnaissable d'une lance Jaffa se fit alors entendre. Le sauveteur, terrorisé par le frôlement d'une boule de feu, lâcha prise et l'homme blessé chuta de son cheval.

Jack s'élança aussitôt vers lui, Teal'c et Daniel sur ses talons. Arrivé à sa hauteur, il fit pourtant quelques mètres supplémentaires, le regard dirigé vers le bosquet derrière lequel la jeune femme venait de disparaître. Sa terreur se mua rapidement en fureur et il se retourna. Teal'c était accroupi à côté de l'homme et cherchait son pouls.

- Il est vivant ?
- Oui. Il va s'en sortir.

Faisant quelques pas pour les rejoindre, Jack prit la gourde accrochée à sa ceinture d'un geste brusque et aspergea abondamment le visage de l'agresseur. Lorsque celui-ci se mit à cracher en protestant, il l'attrapa par le col et le redressa brutalement.

- Où sont-ils partis ? s'exclama-t-il. Où l'emmènent-ils ?!

L'homme reprenant peu à peu ses esprits, grimaça avant de répliquer avec arrogance :

- Sais pas !

Malgré sa colère, Jack parvint à garder un semblant de calme et se contenta de le secouer sans ménagement, lui arrachant une nouvelle grimace de douleur. Il était touché à l'épaule et saignait abondamment.

- Réponds ou je te jure que tu vas le regretter…

Mais l'homme se contenta de le regarder avec haine, sans pour autant prononcer le moindre mot.
Furieux, Jack finit cependant par acquiescer et le relâcha brutalement. Puis il se releva et se tourna vers ses deux amis.

- Allez au campement récupérer nos affaires.

Devant la mine fermée d'O'Neill, Daniel hocha sagement la tête, prêt à partir mais marqua finalement un temps d'arrêt. Il se retourna et, interceptant le regard entendu de ses amis, Jackson ne mit pas longtemps à comprendre ce qui se tramait. Il ouvrit la bouche pour protester mais resongeant aux circonstances qui les avaient amené à cette alternative, il finit par acquiescer, et sans un regard vers l'homme à terre, prit la direction du campement en compagnie du Jaffa.

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Des voix lui parvinrent peu à peu tandis qu'une douleur lancinante dans son crâne s'imposait brutalement à elle. Les derniers évènements lui revinrent alors.

Elle s'était faite enlevée.

Les membres engourdis, Sam prit rapidement conscience de ses mains attachées derrière le dos mais se retint de vérifier la solidité des liens. Elle ne tenait pas à se faire remarquer, du moins, pour le moment. Serrant la mâchoire, se contraignant à ne pas gémir, elle garda les paupières closes et écouta attentivement les dires de ses ravisseurs.

- … Oui, elle est très belle. Tu as bien fait, Colin…
- Et encore, vous'avez pas vu ses yeux ! Ils sont bleus !
- Bleus ? Comment ça, bleus ?
- Comme j'vous l'dis ! Bleus ! Vous verrez par vous-même.

Un silence se fit, seulement interrompu par des pas se rapprochant d'elle. Sam resta immobile, le visage détendu.

- Elle est bizarrement vêtue. Un pantalon comme les hommes… Les cheveux courts…
- On patrouillait à la recherche de voyageurs perdus lorsqu'on l'a vue près de la rivière. Au début, de loin, on a cru qu'c'était un homme et pis… avec son habit près du corps… y avait pas de doutes…
- Mmm… On va pouvoir la vendre un bon prix. Et si elle a bien les yeux bleus… elle va nous rapporter une petite fortune !

Nouveau silence.

- Parle-moi des autres, reprit le chef.
- Z'étaient trois. Ils ont des armes bizarres et c'est une chance que seul Malik soit tombé… Mais normalement, ils'auraient jamais pu nous avoir. On était beaucoup trop loin…
- Etrange… Quoiqu'il en soit, Malik a intérêt de garder sa langue.
- Oh, il le sait… Vous'inquiétez pas.

Les pas s'éloignèrent.

- Bien… Lorsqu'elle sera réveillée, nous la changerons et direction le marché.
- Euh… M'sieur Nolan… Elle va pas s'laisser faire.
- Que veux-tu dire ?
- Ben… C'est qu'elle se bat bien…
- Elle sait se battre ?
- Ça pour sûr… On a du s'y prendre à plusieurs pour l'avoir…
- Intéressant… Mais cela ne change rien. On a le moyen de la rendre aussi docile qu'un nouveau né.
- Moi c'que j'en dis… Faut juste se méfier. C'est tout.

Sam profita de cet instant pour ouvrir les yeux. Elle en avait appris assez.

La jeune femme scruta rapidement les alentours. Elle se trouvait dans une sorte de grange hermétiquement close uniquement éclairée par des lanternes de ci de là donnant à l'atmosphère des lieux un aspect intime et cependant inquiétant. A peine avait-elle bougé ses jambes pour les détendre un peu que le bruit des chaînes qui les liaient attira l'attention des deux hommes. Sam regarda d'un œil mauvais ceux-ci s'avancer vers elle. Elle reconnut aussitôt le plus petit au visage ingrat comme étant l'un de ses agresseurs. Il se tenait dans une position servile à côté d'un homme de plus haute stature, à la mise simple et cependant immaculée. Comme celui-ci s'approchait d'un peu trop près, le dénommé Colin se permit d'intervenir.

- M'sieur… Faites attention.

Celui-ci ricana doucement et ne tint pas compte des recommandations de son sous-fifre. Tandis qu'il s'avançait encore, Sam se leva tant bien que mal compte tenu de ses chaînes. Nolan s'arrêta finalement devant elle, la dévisageant avec insistance et admiration.

- Incroyable… Je n'avais jamais vu de tels yeux…

La jeune femme n'en fut pas surprise. Lorsque SG1 avait parlé aux habitants du petit village qu'ils avaient trouvé, ceux-ci avaient semblé extrêmement surpris par Daniel et elle. Et en effet, après explications, ils avaient pu constater que les personnes présentes étaient tous bruns ou châtains, les yeux sombres, parfois tirant sur le vert mais jamais bleus.

- D'où venez-vous ? demanda-t-il alors.
- D'une autre planète, répondit-elle, désireuse de n'en venir aux menaces que s'ils ne se décidaient pas à la relâcher après ses explications. Mon équipe et moi sommes des explorateurs pacifiques, arrivés par la Porte des Etoiles.

L'homme haussa les sourcils mais ne sembla pas plus surpris que ça. En revanche, ce qui l'étonnait le plus était l'assurance avec laquelle la jeune femme s'exprimait. Ici, sans être maltraitées, les femmes n'étaient rien d'autres que quantité négligeable. Et cela, Carter l'avait très vite compris.

- Je vous demanderais donc de me relâcher, finit-elle en redressant la tête.

Mais Nolan ne sembla pas décidé. Il continuait de l'observer, un sourire calculateur sur les lèvres. A coup sûr, il essayait de deviner combien elle lui rapporterait, songea la jeune femme avec écoeurement.
Serrant les dents, elle changea donc de tactique.

Remarquant aussitôt la lueur meurtrière dans son regard, l'homme reprit ses esprits.

- Désolée, Belle Dame… Mais qui vous êtes et d'où vous venez m'importe peu en fait. Vous êtes un trésor que je vais m'empresser de vendre afin d'en tirer un prix substantiel.
- Je crois que c'est vous qui ne comprenez pas. Si vous me retenez contre ma volonté, mon monde sera rapidement mis au courant et entrera en guerre contre le votre, déclara-t-elle sèchement, bluffant sans vergogne. Vous n'aurez aucune chance contre nous. Vous êtes bien trop primitifs.

Elle cherchait à l'écraser par son assurance et sentit l'espace d'un instant le doute faire son chemin en lui, mais il finit par sourire de nouveau, haussant les épaules.

- Rien de tel qu'une petite guerre pour s'enrichir ! Mais déjà, rien que vous, très chère, vous allez me rapporter une petite fortune.
- Je n'accepterai jamais de jouer les esclaves, dit-elle, glaciale.

Il s'approcha alors un peu plus et caressa la joue de la jeune femme du bout des doigts. Elle se laissa faire, la mâchoire crispée.

- Vous n'avez pas le choix. Votre consentement m'importe peu. Nous possédons une drogue capable de vous faire perdre la mémoire et tout désir de rébellion.

A ces mots, Sam sentit la colère balayer le peu de calme qu'il lui restait. Elle ne supportait pas ce sentiment d'impuissance. De quel droit se permettait-il de disposer d'elle à sa guise ?

Parfaitement conscient de sa haine, Nolan eut donc la surprise de la voir sourire et, l'espace de quelques secondes, perdit ses réflexes… Ce fut juste le temps qu'il fallut à la jeune femme pour l'envoyer rouler à terre après lui avoir assené un violent coup de boule. Elle eut la satisfaction de le voir rugir de douleur, le nez en sang. Si elle n'avait pas eu les pieds et poings liés, elle aurait pu profiter de cet instant pour tenter de fuir. Il n'y avait que quatre hommes et avec un peu de chance, elle aurait pu tous les assommer. Mais elle était définitivement piégée. Elle espérait que les coups qui n'allaient certainement pas tarder lui permettraient d'éviter la vente. Le Colonel aurait ainsi plus de chance de la retrouver.

Mais alors que Colin et les deux gardes fonçaient droit sur elle, la voix impérieuse de Nolan retentit.

- Arrêtez ! grogna-t-il en se levant avec difficulté, tout en essuyant avec précaution son nez douloureux.

Son regard était devenu glacé, presque cruel.

- Je vois parfaitement où tu veux en venir, continua-t-il, passant au tutoiement et perdant toute courtoisie. Mais non… Je compte bien te vendre dès demain.

D'un geste de la main, il incita ses sous-fifres à se rapprocher d'elle.

- Tenez-là.

Les trois hommes s'avancèrent prudemment et elle les regarda approcher, sur ses gardes. Il ne lui suffisait que de quelques coups au visage…

- Ne vous avisez pas de me l'abîmer, répliqua alors Nolan pour ses sbires, semblant lire dans ses pensées.

Ils fondirent alors tous les trois sur elle. Sam tenta de se libérer mais que pouvait-elle faire ainsi attachée. Ils la mirent à genoux de force et leur chef s'avança, sortant de sa poche une petite fiole. Ils l'obligèrent à ouvrir la bouche et la jeune femme sentit bientôt un liquide âpre glisser dans sa gorge. Elle secoua désespérément la tête pour se libérer et recracher le produit, en vain. Sa dernière pensée consciente fut pour Jolinar… Elle espérait que les résidus du symbiote l'immuniseraient d'une façon ou d'une autre contre cette drogue.

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Lorsque Daniel et Teal'c rejoignirent Jack, celui-ci les attendait patiemment près de l'homme à terre. Jackson n'y jeta qu'un rapide coup d'œil mais put constater qu'il était en piteux état et il se détourna rapidement. Il y avait des choses chez Jack, des parties sombres dans son comportement qu'il n'aimait pas et qui le répugnaient même parfois… et cependant… le sourire encourageant qu'arborait son ami lui redonna espoir et balaya ses scrupules.

C'était Sam. C'était de la vie de Sam qu'il s'agissait.

Teal'c de son côté ne daigna même pas vérifier si l'homme à leurs pieds était encore vivant. O'Neill semblait avoir obtenu les informations nécessaires, c'est tout ce qui comptait.

- Qu'avez-vous appris ? commença-t-il, arrivé à sa hauteur.
- Ils l'ont enlevé pour la vendre… A première vue, les femmes aux yeux bleus ne courent pas les rues, ici.

Daniel acquiesça de suite.

- Oui, c'est ce qu'avaient sous-entendu les villageois.
- Quoiqu'il en soit, reprit Jack. Elle ne risque rien pour le moment. Elle devrait être bien traitée.
- Savez-vous où ils l'ont emmenée ? demanda Teal'c.
- Il m'a donné l'emplacement de leur QG mais on n'aura jamais le temps de s'y rendre avant le début de la vente… Il vaut mieux foncer directement jusqu'au marché. On va donc se séparer.
- Comment ça ? se récria de suite Daniel.

O'Neill leva les mains pour l'apaiser.

- Il faut simplement prévenir le SGC de ce qui se passe ici. La vente aura lieu demain. Je fonce direct là-bas afin de repérer les lieux et pendant ce temps, vous retournez à la Porte afin de contacter Hammond. Vous lui expliquerez tout et lui direz de nous re-contacter régulièrement tous les jours en ouvrant un vortex à… 10.00, poursuivit Jack en regardant sa montre. Nous le tiendrons ainsi au courant de l'évolution et pourrons demander des renforts en cas de problème.

Les deux hommes acquiescèrent, rassurés de voir qu'il avait déjà tout prévu.

O'Neill prit ensuite le sac que Teal'c lui tendait avec quelques affaires de survie puis, après leur avoir rapidement expliqués le lieu de la vente, les trois hommes se séparèrent. Mais à peine avait-il fait quelques pas que Jack se retournait en les hélant :

- Eh, Daniel! Demandez au Doc de vous fournir des lentilles marrons et une autre paire pour Carter… On ne sait jamais. Autant passer inaperçus.
- Très bien, acquiesça Jackson.

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Tout était sombre, inquiétant et surtout inconnu. Tout. Absolument tout. Le lieu où elle se trouvait. Les gens qui l'observaient avec un mélange d'assurance et d'antipathie. Et même « elle ». La femme qu'elle était supposée être.

Deux gardes l'aidèrent à se redresser et elle se laissa faire, ne sachant trop pourquoi l'instant d'avant elle était allongée par terre. Ils la mirent à genoux sans douceur et elle posa un regard égaré sur l'homme lui faisant face. Celui-ci avait le visage blessé, le regard étincelant, et la dominait de toute sa taille.

- Tu te nommes Ilta, commença-t-il sans préambule. Tu es mon esclave et tu me dois obéissance. Demain je vais te vendre. En attendant, mets ces vêtements.

Il ponctua ces derniers mots en lui lançant des habits qu'elle attrapa instinctivement au vol mais elle grimaça à ce simple geste. Sa tête était douloureuse et, jetant un coup d'œil à ses poignets, elle y découvrit des marques bleutées, signe qu'elle avait été attachée. Elle prit cependant les vêtements docilement mais leva de nouveau les yeux.

- Ne me regarde pas ! Une esclave ne doit jamais croiser le regard de son maître.

A ces mots, la jeune femme tiqua.

Devait-elle accepter l'autorité de cet homme ? Etait-elle vraiment une esclave ? Etait-ce dans sa nature d'être soumise ? Si oui, pourquoi avait-elle ces picotements au ventre, cette flamme de rébellion au fond du cœur qui lui donnait l'envie de se lever et de faire face à cette domination forcée ?

Non… Non, elle détestait cela. Le fait d'être à genoux, le fait de devoir obéir à cet homme la révulsait. Sa façon de la regarder, de la considérer comme quantité négligeable lui était insupportable. Elle n'était pas une esclave. On la trompait. On lui mentait.

Mais qui était-elle ? D'où venait-elle ?

Elle ne savait même pas où elle se trouvait. Que pouvait-elle faire si ce n'était obéir et voir venir les choses… ?

Gardant la tête humblement baissée, elle regarda les quatre hommes s'éloigner d'elle afin de la laisser se changer. Elle reporta son attention sur les vêtements qu'elle tenait dans ses mains et jeta un œil à ceux qu'elle portait. Un pantalon kaki, un haut noir à manches courtes. Des chaussures noires à lacets. Rien à voir avec les habits de ses geôliers faits de toiles grossières, ni même ceux qu'on lui ordonnait de porter au tissu fin et peu pratiques.

Dans un soupir, la jeune femme se releva et commença à se changer, se cachant le mieux possible des regards indiscrets des quatre hommes.

Tout en s'apprêtant, son esprit sembla s'égarer un instant. Des flashs, des images lui parvinrent, lui faisant battre le cœur plus vite. Des sentiments également… des sentiments très forts pour un homme. Des yeux. Des yeux d'un bleu si pâles qu'ils semblaient la transpercer… si pâles…et si bleus… A moins que… En fait, non… Pas bleus mais bruns, chauds et tendres.

Serrant les dents, plus perdue encore, elle tenta de chasser ces images trop brumeuses pour l'aider. Peut-être qu'avec le temps, tout deviendrait plus clair.

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Jack suivit avec précaution le chemin que lui avait indiqué le dénommé Malik. Lorsqu'il parvint aux abords d'un village, il le contourna afin de rejoindre l'entrée du marché. Caché dans les fourrés, il se saisit de sa jumelle et observa les lieux.

La bâtisse était lourde, imposante et l'entrée soigneusement protégée. Un monde fou s'agglutinait devant les gardes et dans un grognement contrarié, O'Neill constata que tous étaient scrupuleusement fouillés avant d'être autorisés à pénétrer dans l'enceinte du marché.

Rangeant sa jumelle, il se redressa et s'éloigna. Quelques minutes auparavant, il était passé à proximité d'une maison où étaient étendus quelques vêtements en train de sécher et notamment une longue robe de bure. C'était tout à fait ce qu'il lui fallait.

Après l'avoir subtilisé le plus discrètement possible, il retira cependant son gilet par balle avant de la passer par dessus son treillis. Il se rapprocha ensuite du marché et choisit avec soin un endroit facilement reconnaissable pour cacher ses affaires et notamment ses armes. Il prit cependant le temps d'enlever les chargeurs et de mettre les crans de sûreté afin d'éviter tout accident si jamais des personnes venaient à les trouver. Ceci fait, il finit par sortir de sa cachette et se mélangea aux habitants du village.

Avançant avec précaution, il parvint devant les gardes et attendit son tour. L'homme qui se chargea de lui semblait passablement endormi et il le fouilla rapidement à travers le tissu de sa robe. Finalement, satisfait de ne rien trouver, il s'écarta et l'incita d'un geste à entrer dans la salle des ventes.

L'odeur de fauve qui y régnait le prit aussitôt à la gorge. Il grimaça pour la forme et suivit docilement la file des nouveaux arrivants. Une grande estrade dominait la pièce et servait à la présentation des esclaves.

Levant la tête, Jack découvrit à l'opposé et cependant en hauteur, trois petits box aménagés pour recevoir les hôtes d'honneur. Deux d'entre eux étaient déjà occupés par des hommes richement vêtus. Pour le reste, la foule était constituée de personnes extrêmement différentes, mais tous, absolument tous étaient des hommes.

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Ilta, puisque tel était son nom aux dires de son maître Nolan, marchait près de celui-ci, la tête baissée. Ils venaient d'arriver au marché et entrèrent par la porte de derrière, à l'instar de tous les vendeurs munis de leurs biens. Les gardes les laissèrent passer, non sans détailler avec avidité la jeune femme.

Ilta sera courageusement les dents, sentant leurs regards peser lourdement sur elle. Mais ne devait-elle pas s'y habituer ? Après tout, la vente serait bien pire.

Lorsque l'homme chargé de les escorter s'arrêta devant une lourde porte métallique, Nolan laissa échapper un grondement mécontent.

- Je refuse qu'elle soit enfermée avec les autres ! Il y a souvent des rixes et je ne veux pas qu'on l'abîme !
- Désolé, M'sieur mais ce sont les ordres. Si vous'êtes pas content…

Ilta observa son maître du coin de l'œil. Il semblait avoir le plus grand mal à ne pas sauter à la gorge du garde.

- Très bien, finit-il par maugréer cependant avant de sortir quelques pièces de sa poche. Je compte sur vous pour qu'il ne lui arrive rien. Est-ce que c'est clair ?

L'homme prit aussitôt l'argent qu'il fit disparaître sans attendre dans sa poche et inclina la tête en souriant.

- Pour sûr ! Elle ne risque rien !

Sans plus attendre, il ouvrit et entra dans la cellule, un lourd gourdin dans la main.

- Le premier qui touche à celle-là, s'exclama-t-il en la désignant, j'le tue !

Et sans un mot de plus, on la poussa à l'intérieur de la pièce et la porte se referma bruyamment derrière elle.

Le ventre noué d'appréhension, Ilta fit quelques pas, sentant de nouveau peser sur elle le regard des occupants. Il y avait environ une dizaine de personnes, des femmes en majorité. Elles étaient toutes la tête baissée, le visage défait et son cœur se serra devant ce dramatique et pathétique spectacle.

Trois d'entre elles devaient se connaître car elles formaient le seul groupe de l'assemblée. Quant au reste, ils étaient tous loin les uns des autres, cherchant à s'isoler dans un coin afin de ne pas attirer l'attention sur eux.

La salle était sombre, sale et froide. Le plafond était bas et les murs faits de pierres apparentes. Un véritable cachot moyenâgeux. L'endroit n'avait rien de rassurant… Mais l'homme à quelques mètres d'elle qui s'agitait de plus en plus en gémissant n'avait, lui non plus, rien de rassurant. La trentaine passée, de grande taille, ses cheveux sals tombaient lourdement sur son visage exsangue. Sa tête dodelinait de gauche à droite et son regard perçant restait fixé sur l'une des jeunes femmes assise seule dans un coin de la pièce. Il ne lui fallut que deux secondes pour faire les quelques pas qui les séparaient et d'un geste brusque, il s'abattit sur elle. Les cris paniqués de sa victime retentirent aussitôt et Ilta s'élança de suite vers la porte en tambourinant violemment dessus.

- Quelqu'un vite !! s'écria-t-elle à l'intention du garde.

Celui-ci ouvrit aussitôt le volet de séparation afin de jeter un œil à l'intérieur de la pièce.

- Quoi ?
- Une jeune femme est en train de se faire agresser !

Elle se poussa aussitôt pour permettre à l'homme d'observer la scène mais, imperturbable, il se contenta de grogner avant de refermer la fenêtre.

- C'est pas mes affaires !

Interloquée, Ilta resta sans voix un instant puis se retourna tandis que les cris de la pauvre fille résonnait dans la salle close. Le bruit d'un tissu qu'on déchire lui fit dresser les cheveux sur la tête et d'un geste tremblant, elle se tourna vers les autres occupants de la pièce. Ils avaient tous la tête basse, trop effrayés pour réagir.

Et elle ? Que pouvait-elle faire, seule, face à ce fou ?

- Il faut l'aider ! s'exclama-t-elle alors. A plusieurs, on peut facilement en arriver à bout !

Personne ne réagit.
Les cris se transformèrent bientôt en larmes.

- Au secours !!! sanglota la jeune femme tout en continuant de se défendre, bien que ses forces s'amenuisaient.

Alors, prise d'une soudaine impulsion, Ilta s'élança sur l'homme et l'attrapa par les cheveux afin de le repousser loin de sa victime. Un hurlement de rage s'échappa de la bouche de l'agresseur et, l'espace d'un instant, ils se firent face. Lui, le visage convulsé par la colère, elle, terrorisée à l'idée des représailles.

Paralysée, son esprit se figea mais curieusement son corps prit le relais de lui-même. Lorsque l'homme se jeta sur elle, le poing en avant, Ilta évita le coup en glissant sur sa droite, noua ses doigts et abattit violemment ses deux mains liées sur le dos de son adversaire déséquilibré par son esquive. Il s'effondra lourdement au sol, laissant la jeune femme dans une perplexité totale.

L'homme ne mit cependant que quelques secondes à se relever pour lui faire de nouveau face. Se sentant brusquement plus sûre d'elle, Ilta se prépara à la seconde attaque qui ne se fit pas attendre. D'un geste souple, elle bloqua le bras lancé de son adversaire sous son aisselle et le frappa violemment au visage. Puis le libérant, elle le saisit aux épaules et l'incita à faire une rencontre plus que douloureuse avec son genou. L'homme s'effondra aussitôt, inerte.

Légèrement essoufflée, Ilta se redressa et parcourut la salle du regard. Tous l'observaient, le même ahurissement au fond des yeux et, il fallait bien l'admettre, elle-même n'en pensait pas moins.

Elle se tourna vers la jeune femme à terre, qui rajustait sa robe d'une main tremblante, des larmes plein les yeux. Elle voulut s'approcher d'elle mais la pauvre fille sursauta violemment en s'écartant.
Dans un soupir, Ilta s'arrêta.

Ce n'était pas la reconnaissance qui l'étouffait. Enfin… elle devait avoir eu la peur de sa vie… Elle était peut être tout simplement en état de choc.

Un grincement assourdissant se fit brusquement entendre, signe que la porte s'ouvrait, et Nolan pénétra dans la pièce.

- Allez, la vente va com…

Mais il se tut tandis que son regard accrochait l'homme à terre puis le sang qui maculait à certains endroits les vêtements d'Ilta. Dans un rugissement, il fit demi-tour et revint en poussant brutalement le garde dans la pièce.

- Vous pouvez m'expliquer ça ? rugit-il en la désignant.

A la fois incrédule et effrayé, l'homme balbutia quelques phrases incompréhensives mais Nolan n'en tint pas compte et s'approcha de son esclave. Ilta redressa la tête tandis que son maître cherchait la moindre trace de coups et blessures sur son visage, en vain. Il prit cependant ses mains et les observa. Les phalanges de celle de droite semblaient légèrement irritées mais la peau était plus épaisse à cet endroit, à l'instar des hommes habitués à donner des coups. Il plissa des yeux et leva la tête vers elle.

- C'est toi qui a battu cet homme.
- Oui.

Il l'observa encore un instant puis se détourna.

- Je vais te chercher des vêtements propres. La vente commence.

Et sans un mot, il sortit, laissant la jeune femme songeuse. Il ne semblait pas la connaître si bien que cela, finalement. Etrange, puisqu'elle était censée lui appartenir. De plus, comment expliquer qu'elle soit parvenue à mettre à terre un homme plus fort qu'elle, et ce, sans la moindre difficulté ?

Elle tenta de fouiller dans son esprit à la recherche du moindre souvenir… sans résultat. C'était d'une frustration insupportable ! Cherchant à se calmer, elle essaya de rassembler tout ce qu'elle avait appris sur elle depuis quelques heures, depuis qu'elle s'était réveillée.

Lorsqu'elle avait repris conscience, elle était vêtue d'un pantalon, comme un homme et, passant une main dans ses cheveux courts, une idée lui traversa brusquement l'esprit.

Un pantalon, les cheveux courts… capable de battre un homme à mains nues… Mais oui ! Elle avait été élevée comme un homme ! Elle se faisait, peut-être même d'ordinaire, passer pour une homme ! Nolan l'aurait découvert et aurait choisi de la vendre… afin de se faire de l'argent, ou pour une autre raison…
Enfin, peu importait. Ce qu'elle venait de découvrir était une piste à suivre.

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Jack attendait depuis quelques minutes déjà lorsque des coups résonnèrent dans la salle bondée. Le silence se fit peu à peu et un homme apparut sur la scène.

- Bonjour et bienvenus. Pour la première vente, voici une femme de trente cinq ans…

A peine venait-il de prononcer ces mots que la dite femme apparut. Jack haussa aussitôt les sourcils, surpris. Trente cinq ans ? Elle semblait en avoir quinze de plus. Ses traits étaient tirés, son regard fatigué et son corps avait perdu la fraîcheur de la jeunesse. S'attendant à des protestations de la part des hommes l'entourant, il fut surpris par leur silence.

Les années ne se comptabilisaient peut être pas de la même façon que sur Terre… A moins que la dureté de la vie dans ce monde faisait que les gens vieillissaient prématurément. Un peu comme chez eux, quelques siècles auparavant.

D'un œil morne, Jack reporta son attention sur la pauvre femme qui semblait plus perdue qu'autre chose et regardait la foule d'un œil apeuré. Bientôt le claquement d'un maillet se fit entendre et la vente prit fin, adjugé à un homme de forte corpulence à quelques pas de lui.

Tout cela écœurait O'Neill au plus haut point.

Les ventes se succédèrent ainsi, assombrissant un peu plus son moral à chaque fois. Des bruits commençaient à courir parmi les acheteurs. Un certain Nolan possédait soi-disant « un morceau de premier choix ». L'excitation augmentait et Jack devait à présent jouer des coudes pour se faire respecter.
Enfin, le grand moment arriva.

Carter n'étant toujours passée, O'Neill en déduisit facilement qu'elle était celle que tous attendaient. Songeant à la façon humiliante dont les autres victimes de cette vente avaient été traitées, il imaginait mal la jeune femme se laisser faire sans sourciller. Il allait devoir la tempérer mais pour cela… encore fallait-il qu'elle le voit parmi cette foule.

Dans un soupir, il commença la longue et périlleuse avancée vers l'estrade. Au bout de quelques secondes, distribuant les coups le plus discrètement possible, il arriva enfin à destination. Ce fut ce moment que choisit le maître de cérémonie pour annoncer la dernière vente de la journée… le clou du spectacle.

Et elle apparut… enfin.

A SUIVRE…