C'était un jour d'hiver, juste après les vacances de Noël. La brise fraîche de début janvier était calme et douce. Harry Potter, en sixième année, était assis sur le rebord de la fenêtre de son dortoir, à Poudlard. C'était un après-midi plutôt ensoleillé, et quelques élèves jouaient dans le parc. Harry soupira et laissa sa tête reposer contre la vitre par laquelle il observait les gens qui s'amusaient dans la neige. Il attendait Ron, qui était parti chercher quelque chose à manger aux cuisines. Il avait faim, malgré le copieux repas qu'il avait avalé quelques heures plus tôt.
Il porta plus particulièrement son attention sur un couple qui s'embrassait sur un banc, près du lac gelé. La fille était assise, penchée sur le garçon allongé dont la tête reposait sur ses genoux. En détachant ses lèvres du garçon et en se redressant, Harry remarqua que la fille arborait un sourire heureux. Curieusement, cela ne fit lui fit rien. Non, vraiment, Harry ne ressentit rien en voyant la fille se pencher encore une fois sur son petit ami pour l'embrasser de nouveau. Il aurait dû ressentir de l'envie. C'est vrai, depuis sa rupture avec Cho, il n'avait plus embrassé personne. Non pas que la liste d'attente soit courte, au contraire. Les filles qui voudraient embrasser le beau Survivant, avec ses cheveux noirs en bataille et ses magnifiques yeux émeraudes étaient très nombreuses. Mais Harry n'était vraiment pas tenté. Aucune de ces admiratrices ne lui plaisaient. Vraiment aucune…
- Hey, Harry ! Je suis revenu.
Harry détourna brusquement le regard en sursautant. Ron referma la porte du dortoir derrière lui en souriant, les bras chargés d'un immense plateau sur lequel étaient joliment disposée une quantité de nourriture impressionnante et variée. Ron se laissa tomber sur son lit, à côté du rebord de la fenêtre sur lequel Harry était assis, et commença à dévorer une énorme cuisse de poulet grillé. Harry le regarda sans rien dire quelques instants, puis reporta son attention sur la fenêtre. Le couple s'embrassait toujours amoureusement.
- Ca va ? s'inquiéta Ron entre deux bouchées, remarquant l'expression mélancolique que le visage de son ami avait pris. T'as l'air bizarre…
- Ouais, ouais, ça va… T'inquiète pas pour moi.
- Ok, fit Ron en mordant avec vigueur dans le poulet.
- Dis-moi… Hermione, tu l'aimes depuis quand, déjà ?
- Je te l'ai déjà dit ! répliqua Ron, le bout des oreilles devenant écarlate. Je le répéterai pas. J'aime pas trop parler de ça tu vois, ça me gêne un peu – interdiction de se marrer. Mais tout ce que je peux te dire, c'est que je l'aime tellement que tu peux même pas imaginer. Pourquoi ? Tu veux me faire concurrence ? ajouta-t-il, devenant soudainement suspicieux et froid.
- Non, non ! Ne t'inquiète surtout pas pour ça, Hermione, c'est comme une sœur pour moi… C'est pas qu'elle n'est pas belle, au contraire, mais je ressent rien pour elle… Juste de l'amitié.
- Ah, bon ! dit Ron, visiblement rassuré. Mais pourquoi tu me demandes ça ?
- Pour rien, pour rien… En fait, si. Tu ressens quoi quand tu la vois ?
- Ben… Je sais pas !! répondit Ron en virant au cramoisi, reposant sa cuisse de poulet pour être pleinement concentré dans la conversation. Les jambes qui tremblent, le cœur qui s'accélère… Ah oui, et parfois, je bafouille comme un abruti.
- Et c'est ça que je suis sensé ressentir quand je vois une fille qui me plaît ?
- Bah j'sais pas, p'têt qu'on est pas tous fait pareils mon vieux…
- D'accord… Merci.
- T'en prie ! dit Ron en s'attaquant cette fois à un morceau de tarte à la citrouille.
Le regard de Harry dévia une nouvelle fois vers la fenêtre. Il jeta un coup d'œil au banc près du lac. Le couple avait disparu. Harry le chercha des yeux, mais apparemment, ils étaient rentrés au château.
- Ca ne va pas, Harry ?
- Si, si, tout va très bien, je te l'ai déjà dit. Bon, je m'ennuie, on va faire un tour au parc ?
- Ouais, s'tu veux… T'avais pas faim tout à l'heure ? T'as rien mangé.
- Hein ? Ah si.
Harry se leva et pris un paquet de Dragées Surprises de Bertie Crochue sur le plateau. Il se dirigea vers la porte du dortoir. Ron fourra le plus de nourriture possible dans ses poches et le suivit. Dans la salle commune des Gryffondor, il n'y avait presque personne. Tout le monde était sorti dehors pour profiter du soleil et de la neige. Seuls Seamus, Neville et Dean étaient restés. Neville, assis près de la cheminée dans laquelle un feu intense ronflait, était profondément concentré sur son devoir de sortilèges. Pas très loin de Neville, assis à une table, Seamus et Dean étaient plongés dans une partie d'échec où, visiblement, Dean était en train de gagner.
- Salut ! fit Seamus en levant les yeux vers eux. Vous faites une partie ? Celle-là est… Comment dire… Enfin bon, j'ai plus vraiment envie de continuer, ça fait une demi heure qu'on l'a commencée et elle est toujours pas fini. Pas très passionnante.
- Ouais, répliqua Ron d'un ton railleur en observant le jeu. C'est parce que t'es en train de te faire écraser. De toutes façons, on allait faire un tour au parc. Vous venez ?
- Non, il faut qu'on finisse cette partie ! répondit précipitamment Dean avant que Seamus, dont le visage s'était éclairé, puisse répondre. Désolé.
- Pas grave. Bon, à plus !
- Ouais, salut !
En passant devant Neville, Harry et Ron le saluèrent d'un grognement. Neville ne leva même pas les yeux de son devoir, trop occupé à se rappeler le nom d'un sort compliqué.
- Attends, j'ai oublié le mot de passe ! s'exclama soudain Ron en s'arrêtant devant le portrait. Ah, me souviens plus… Oh, si ! Mais bien sûr, c'est… Hahahahahahahahaha !!
- On peut savoir pourquoi tu te marre comme un idiot ? s'étonna Harry.
- Bien sûr que tu peux le savoir ! répliqua Ron. « Potatoes-Potter, La Patate-Qui-Se-Prend-Pour-Harry-Potter » ! ajouta-t-il à l'intention du portrait de la Grosse Dame.
Celle-ci les laissa passer en gloussant de rire à l'évocation du mot de passe ridicule. Harry, renfrogné, dévala les escaliers en courant. Ron, ricanant toujours, le suivit.
- Oh, soit pas vexé ! C'est la Grosse Dame elle-même qui l'a trouvé !! Elle avait l'air super fière quand elle l'a annoncé.
- Y'a pas de quoi ! répliqua Harry, la mine boudeuse. C'est vraiment pas marrant.
- Rooh, tu va pas faire la gueule non plus ? Tiens, attrape.
Instinctivement, Harry attrapa au vol la Chocogrenouille que Ron lui lançait, et l'ouvrit.
- Dumbledore !! C'est pas possible, c'est une manie ! C'est au moins le vingtième que j'ai.
Il fourra la grenouille en chocolat dans sa bouche, rangeant rageusement le paquet vide dans sa poche. Ils descendirent l'escalier en marchant plutôt vite. Ils mirent leur cape d'hiver et leurs gants, nouèrent leurs écharpes rouge et or autour de leur cou et sortirent dans le froid. La première chose que vit Harry, ce fut du blanc. Peu après, il compris que c'était une énorme boule de neige qui lui avait foncé dessus. Il essuya la matière blanche et froide d'un rapide geste de la main et se tourna vers le coupable. Le coupable en question se trouvait être son ennemi depuis plusieurs années. C'était un jeune homme assez grand, avec des cheveux blond platine et des yeux d'un gris d'acier. Il portait une longue cape d'hiver par dessus sa robe de sorcier et une écharpe vert et argent pendait à son cou. Il avait un air froid et distant, et un sourire méprisant s'affichait sur son visage lorsqu'il croisa le regard de Harry.
- Alors, c'est bon la neige, Potter ? ricana Drago Malfoy.
- Malfoy ! cracha Harry en s'avançant vers lui.
Aussitôt, Crabbe et Goyle se placèrent devant Drago en faisant rouler leurs biceps d'un air menaçant. Harry recula d'un pas.
- Toujours ces gorilles pour te protéger, hein ? lança-t-il en jetant un bref coup d'œil aux deux gardes du corps de Drago. T'es pas capable de te défendre tout seul ?
- Tu peux parler, toi ! répliqua Drago. Toujours entouré de la belette et de la Sang-de-Bourbe. Tiens, au fait, où est-elle ? Encore à la bibliothèque, à se fourrer le nez dans les bouquins, comme une parfaite petite Miss-Je-Sais-Tout ?
Ron fit un pas en avant, ses yeux lançant des éclairs.
- Eh ben, qu'est-ce qu'il y a, Weasley ? fit Drago d'un ton méprisant. Oh, mais c'est qu'il la défendrait, la petite Sang-de-Bourbe ! Hein, la belette ? Tu l'aimes, hein ? Oh mais oui, c'est qu'il l'aime la sang impur ! T'as pas honte ? Déjà que t'es un traître à ton sang, faut que tu tombe amoureux d'une tâche ?
Ron s'avança vers Drago, le teint écarlate, la fureur se reflétant sur son visage. Il s'apprêtait à le frapper quand Harry retint son poing en l'air. Ron, furieux, se débattit pour essayer de défigurer Drago par tous les moyens possibles, mais Harry ne le lâcha pas.
- Laisse, je m'en occupe ! lui murmura-t-il.
Il s'approcha de Drago, mais Crabbe et Goyle lui barrèrent la route.
- Laissez, je m'en occupe ! leur lança Drago.
Les deux gorilles s'écartèrent. Harry s'avança vers Drago de façon à ce que son visage se trouve assez près du sien pour troubler le Serpentard. De là où il était, Harry pouvait sentir l'haleine fraîche qui sentait la menthe de son ennemi. Il respira un instant cette odeur et fixa les yeux d'acier de Drago. Celui-ci soutint son regard, ne laissant aucune gêne paraître. Il semblait même légèrement amusé de la situation.
- Et maintenant, tu vas faire quoi, Potter ? demanda Drago.
Harry se prit dans la figure une nouvelle jetée d'odeur de menthe. Il s'approcha encore un peu plus et remarqua que Drago portait un parfum. Un parfum qui, sans savoir pourquoi, enivra Harry et lui fit tourner la tête. Le Gryffondor ferma un instant les yeux pour mieux savourer cette merveilleuse odeur, puis les rouvrit. Drago le regardait toujours, mais il semblait un peu moins sûr de lui.
- Ce que je vais faire ? répliqua Harry en s'avançant encore un peu. Tu ne devines pas ?
Maintenant, Drago était carrément mal à l'aise. Une pointe de gêne passa dans ses yeux lorsque Harry lui lança un sourire provocateur.
- Eh bien, reprit le brun, je vais m'avancer encore, comme ça. Et puis après, je vais poser mon front contre le tien, comme ça. Et ensuite…
Au fur et à mesure qu'il parlait, il faisait ce qu'il disait. Drago était complètement désarmé, et son regard n'était plus du tout méprisant. Ron, Crabbe et Goyle observaient la scène, ahuris, ainsi que les quelques élèves aux alentours qui s'étaient retourner pour voir ce qui se passait.
- Ensuite, poursuivit Harry en élargissant son sourire, je vais poser mes lèvres contre les tiennes et t'embrasser, comme ça.
Sur ces mots, il fit ce qu'il avait dit. Ses lèvres se posèrent contre celles du Serpentard qui avait ouvert grand les yeux, et il l'embrassa tendrement. Harry, qui avait lui aussi gardé les yeux ouverts, paraissait profondément amusé de la réaction de Drago. Il avait pensé qu'il serait plus sûr de lui et qu'il aurait répliqué, mais non. Drago restait immobile, pétrifié, tandis que Harry l'embrassait un peu plus fougueusement qu'avant. Tous les spectateurs de la scène, également pétrifiés sur place, restaient bouche bée devant ce spectacle. Au bout de quelques secondes, Drago, retrouvant ses esprits, repoussa brutalement Harry et s'éloigna.
- Tu va pas bien, non ? s'écria-t-il, tremblant. T'es gay ou quoi ?
- Nan, c'était juste pour voir comment tu réagissais ! répondit Harry, se retenant à grand peine de rire. Allez, Malfoy, avoue que ça t'a plu ! En fait, j'imaginais que tu serais moins déstabilisé que ça. J'embrasse si bien ? Oh, avoue, de qui de nous deux est le plus gay ?
Drago, perdant complètement ses moyens devant le sourire amusé de Harry, tourna les talons et s'éloigna en courant. Crabbe et Goyle partirent à sa suite. La foule qui avait observé la scène se dispersa peu à peu et tout le monde se mit à chuchoter et à discuter sur ce qui venait de se passer. Harry éclata de rire et se tourna vers Ron qui était toujours immobile.
- Ron ? fit Harry, entre deux éclats de rire. Hey, Ron ! Ca va ? T'as l'air… Comment dire… Choqué ?
- Choqué ? s'écria Ron d'une voix suraiguë. Choqué ? Nan mais t'es malade ! Tu viens d'embrasser Malfoy ! J'ai jamais été aussi traumatisé de ma vie !
- Oh, allez, ressaisis-toi mon vieux ! répliqua Harry, toujours plié de rire. C'était pour lui faire une blague ! Y'a qui ça qui le traumatise vraiment ! Un sort, c'est pas original, il aurait pu répondre. Mais l'embrasser ! Ah, ça, ça l'a vraiment cloué sur place ! Il l'a bien fermé, le Malfoy ! Ca lui apprendra à vous insulter. Crétin. Bon, tu viens, on continue notre petit tour dans le parc ? Oh, allez, fais pas cette tête ! Je t'assure, je suis pas gay !! Et non, je vais pas essayer de t'embrasser, n'ai pas peur. Allez, bouge-toi un peu !! Reste pas planté là, t'as l'air idiot.
Ron resta un instant sans voix, puis éclata brusquement de rire. Il se roulait par terre en se tenant les côtes tellement il riait.
- T'as embrassé Malfoy !! s'exclama-t-il, toujours par terre, secoué de hoquets. Nan mais t'as vu sa tête ? C'était trop tordant, on aurait du prendre une photo ! C'était incroyable, unique !
Harry esquissa un sourire en voyant son meilleur ami commençant à hurler carrément de rire, se roulant toujours par terre, secoué de hoquets incontrôlables. Harry dût l'aider à se relever, tellement il riait. Finalement, il jugea préférable de retourner dans la salle commune, vu l'était de Ron. En entrant dans le hall, le roux riait toujours autant, et dans l'escalier, pareil. Arrivés au 7e étage, Harry lança le mot de passe à la Grosse Dame. Mais, cette fois, le ridicule de ce mot de passe ne le vexa pas. Au contraire. Il sourit largement, et Ron, perdant totalement le contrôle de lui-même, se roula de nouveau par terre dans la salle commune, hurlant de rire comme un fou, sans se préoccuper des regards choqués et inquiets de Dean, Seamus et Neville. Harry leur dit qu'il leur raconterait tout plus tard, et emmena Ron à grand peine dans le dortoir pour qu'il calme son fou rire ailleurs. Harry sourit de nouveau en voyant que Ron, devenu écarlate, pleurait de rire. Aussitôt dans le dortoir, le roux se jeta sur son lit et étouffa ses éclats de rire dans son oreiller. Harry retourna s'asseoir contre le rebord de la fenêtre et, regardant le parc à travers la vitre, vit que le couple n'avait toujours pas repris sa place. Soudain, il eut l'image fugitive de lui et Drago en train de s'embrasser sur ce banc, dans le parc. Bien que cette vision disparut de temps d'un éclair, Harry frissonna et appuya son front contre la vitre froide, le cerveau bouillonnant de pensées. Toutes dirigées vers la même personne. Drago.