Chapitre 1 : Déchéance
Cinq ans. Cela faisait cinq ans que Voldemort n'était plus. Harry l'avait tué lors de sa septième année.
A la mort de son Directeur, le très noble Albus Dumbledore, il s'était lancé à la recherche des Horcruxes afin de pouvoir essayer de le détruire. Il avait été accompagné dans sa quête par Hermione et Ron, ses amis de toujours, et ensemble, ils avaient réussi à trouver et anéantir les fragments de l'âme maudite du Lord Noir.
L'attaque avait été soudaine et avait embrasé toute l'Angleterre. Dans tous les pays, on voyait des sorciers affronter des mangemorts, des loups-garous, des vampires, des détraqueurs et autres créatures des Ténèbres. Mais la bataille la plus sanglante avait eu lieu à Poudlard. Nombreux sont les êtres chers qui périrent : Bill et Fleur Wesley, la douce Ginny et son frère Charlie, Nymphodora Tonks et Remus Lupin, Minerva McGonnagall, Rubeus Hagrid, Alastor Maugrey, Neville Londubat, Luna Lovegood, les inséparables Dean Thomas et Seamus Finnigan, et tant d'autres encore.
Deux mots prononcés en même temps, deux éclairs verts, puis plus rien. Voldemort n'était plus. Harry était libre.
Le pays resta en deuil pendant un mois, pour honorer la mémoire de tous ceux qui avaient combattu et qui avaient choisi le Bien et renoncé à la Facilité. Puis on recommença à reconstruire. Soi-même et le reste, car personne ne peut sortir indemne d'une telle guerre, où le sang coule à cause de son manque de pureté. Quelque chose est brisé, pour toujours.
Les noms de Ron Weasley et de Hermione Granger deviennent célèbres, celui de Harry Potter devient légendaire. On l'admire, on le vénère, il devient un dieu vivant.
Avec le prix qui va avec ; celui de son âme.
Une petite pluie fine tombait en ce mois de novembre. Les gens se pressaient pour rentrer chez eux ou se mettre à l'abri dans le café du coin. Une jeune femme marchait, sans se presser. Elle aimait marcher sous la pluie ; cela lui rappelait son enfance, quand elle sortait dans le jardin et qu'elle tournoyait sur elle même la bouche ouverte pour capturer les gouttes d'eau.
Elle dégageait beaucoup d'élégance et de force. Mais aussi de la tristesse ; une tristesse si profonde qu'elle prenait le dessus sur le reste. Hermione continua à marcher jusqu'à l'appartement où elle vivait. Elle le partageait avec Harry, avec qui elle était en couple depuis trois ans. Elle aurait du être heureuse, mais elle ne l'était pas.
Car elle avait assisté à la lente descente aux enfers de ses deux meilleurs amis depuis cinq ans. Ils s'étaient peu à peu enfoncés dans la déchéance : le sexe, l'alcool, la drogue. Rien n'était jamais trop dangereux, du moment qu'ils vibraient. Harry était devenu une idole ; dans ce monde où tout s'achetait, il était le seul à qui on prêtait. Et quand ce n'était pas le cas, il prenait tout simplement. Il en était peu à peu venu à l'idée que tout lui était du, car après tout, sans lui Voldemort ne serait pas mort. Quand à Ron, il profitait de son statut de héros de la guerre et partageait tout avec Harry : les doses de cocaïne, les femmes, les pires plans. Hermione elle, ne s'était pas perdue. Malgré la mort de ses parents lors d'une attaque surprise des mangemorts durant l'été, malgré les horreurs qu'elle avait vu et enduré, malgré les Impardonnables qu'elle avait du utiliser. Elle était partie en France durant deux années, pour faire des études sur l'Histoire de l'art moldu et sorcier. Elle était revenue, ayant été nommée Conservatrice en Chef du musée sorcier de Londres, le plus important d'Europe, et c'est là qu'elle avait vu à quel point ils étaient tombés bas. Elle avait retrouvé Harry ivre au point de vomir, Ron sur le point de mourir d'une overdose. Elle avait tout essayé pour les sortir du gouffre : la douceur, la colère, les menaces, les claques, les larmes. Et même s'ils lui promettaient qu'ils allaient s'en sortir, ils finissaient par replonger. Car elle avait fini par comprendre que cette vie leur plaisait ; ils aimaient cette vie de débauche, de luxure, de paresse. Ils n'avaient pas besoin de faire quoi que ce soit, puisqu'ils avaient tout d'un simple claquement de doigt. Elle ne savait plus combien de fois ils s'étaient déchirés à cause de ça. Combien de fois elle était partie en claquant la porte, combien de fois ils étaient venus la chercher, en lui disant que s'ils la perdait elle ils ne pourrait pas se relever, combien de fois elle avait pardonné et était revenue. Cette période avait été terrible pour elle. Mais ce n'était rien comparé à l'enfer qu'elle avait commencé à vivre en étant avec Harry.
Elle l'avait toujours aimé, dès l'instant où elle avait croisé son regard dans le train, en première année. Le jour où il lui avait dit « je t'aime » pour la première fois avait été le plus beau de sa vie. Elle avait cru en mourir de bonheur. Car elle l'aimait plus que tout. Elle l'aimait comme on ne peut aimer qu'une fois. D'un amour qui vous consume et qui peut transcender votre vie… Ou la détruire. Elle avait naïvement pensé que leur amour lui permettrait de ramener Harry sur le droit chemin. Mais elle avait appris à ses dépens que non.
Car Harry n'avait en rien changé ses habitudes en sortant avec la jeune femme ; il continuait à rentrer chez eux complètement ivre à 5h00 du matin, à sniffer sa drogue en plein milieu du salon avec ses amis alors que sa filleule Espérance était dans la chambre d'à côté. Mais le pire était probablement de le trouver dans les toilettes en train de sauter une autre femme, alors qu'ils étaient les invités d'honneurs d'une soirée.
La première fois qu'il l'avait trompée, Hermione était partie sans avoir l'intention de revenir. Mais il l'avait retrouvée ; il était tombé à genoux et l'avait suppliée de lui pardonner en pleurant contre elle. Elle avait cédé et était revenue. Mais il avait recommencé une autre fois, et une autre fois et une autre fois. A chaque fois ils se disputaient jusqu'à se hurler dessus et se frapper. A chaque fois il la meurtrissait un peu plus. A chaque fois il demandait pardon, parce qu'elle était la seule, parce que sans elle il n'était plus rien, parce qu'ils s'aimaient trop et que sans l'autre ils mourraient. Du moins au début. Car à force de la voir toujours revenir et encaisser, il avait fini par croire qu'il avait le pouvoir. A la manière du bourreau avec sa victime. Si elle acceptait, alors pourquoi se priver. Il était peu à peu devenu distant, froid, dur. Mais tout cela disparaissait quand ils faisaient l'amour ensemble. C'est dans ces moments que Hermione comprenait pourquoi elle restait, pourquoi elle acceptait. Dans ces instants hors du temps, ils se donnaient totalement à l'autre, jusqu'à ne plus faire qu'un, corps et âme ; Harry n'était plus l'être orgueilleux et supérieur qu'il était devenu quand il la tenait dans ses bras ; il l'aimait avec fougue, tendresse, passion, douceur, abandon. Il lui donnait ce qu'il avait et ce qu'il était de mieux. C'était si unique et intense que quand elle s'endormait enlacée à lui, elle pensait que tout changerait à son réveil. Mais ce n'était pas le cas, jamais.
Elle se sentait faible parce qu'elle était prisonnière d'un amour qui la brisait, sale à cause des humiliations de Harry et de ce qu'il était devenu, seule car Ron n'intervenait jamais pour l'aider, n'était plus là pour la consoler et ne s'intéressait plus qu'a lui. Mais surtout elle se sentait triste… tant de gens avaient combattu, tant de gens étaient morts et au final….ça.
Hermione pénétra dans son immeuble et prit l'ascenseur pour aller au dernier étage. Elle se dirigea vers son appartement. Elle réagit à peine à la quarantaine de personnes endormies qui s'y trouvaient, aux bouteilles d'alcool un peu partout, à la coke sur la table.
Elle était partie quelques jours à l'étranger pour donner une conférence sur les sorts guerriers du XVI siècle, et il semblait que Harry en avait profité pour prendre du bon temps. Elle posa sa valise et se dirigea vers sa chambre. Et quand elle ouvrit la porte, elle se figea net : Harry était en train de baiser farouchement sa dernière conquête. Hermione resta paralysée quelques minutes. Puis elle se recula doucement en tirant la porte et se précipita dans la salle de bain. Elle avait à peine refermé la porte qu'elle vomissait le peu qu'elle avait mangé au petit déjeuner. Elle vomit jusqu'à avoir mal au ventre, et ne parvint à s'arrêter que lorsqu'elle n'avait plus rien que de la bile à recracher. Elle resta un moment la tête dans la cuvette, pour tenter de reprendre sa respiration. Elle se leva finalement et se dirigea vers le lavabo. Elle se regarda dans le miroir : elle était en larmes. Elle ouvrit les robinets et s'aspergea le visage.
Elle avait l'impression que l'on venait de lui jeter un Doloris. A chaque fois qu'elle voyait Harry la tromper, ou qu'elle le découvrait, elle avait envie de mourir. De mourir et de tuer : la femme, lui, elle. Mais aujourd'hui, c'était pire que tout ; jamais Harry n'avait couché avec une autre femme dans leur lit.
Et là, une barrière céda en elle; il venait de détruire la seule raison qui la poussait à rester. En couchant avec cette putain, dans LEUR lit, ce lit où ils vivaient leurs seuls réels moments de bonheur, ces moments qui lui donnaient l'espoir de ne pas s'effondrer, il lui avait donné la force.
C'était fini.
Hermione se regarda à nouveau dans le miroir. Toute trace de chagrin, de douleur, de souffrance avait disparu. Elle sentait comme un torrent de lave se répandre dans ses veines ; elle se sentait revivre.
Elle sortit de la salle de bain, droite, fière, la tête haute. Elle se dirigea dans la chambre à coucher et ouvrit violemment la porte. Harry se stoppa net et tourna la tête. Elle se dirigea vers lui et l'envoya valdinguer contre un mur d'un signe de la main. Elle empoigna alors la petite dinde blonde qu'il sautait par les cheveux, et la tira hors de la chambre sous ses hurlements et le regard halluciné de son compagnon, qui ne tarda pas à les suivre. Elle la traîna jusqu'au salon qui fut réveillé par les beuglements hystériques et la mit dehors, sans se préoccuper de sa nudité. Elle parcourut le salon des yeux et ils tombèrent sur Ron qui la regardait comme si elle était folle.
« Cela fait bien trop longtemps que je vous tolère. Vous allez sortir de ma maison et tout de suite » dit-elle d'une voix qui en fit beaucoup frémir.
Mais voyant que personne ne réagissait et que certains la regardaient même avec dédain ou pitié, elle laissa sa magie s'exprimer et renonça à la brider. Elle leva un bras en direction de dehors, et ses yeux devinrent noirs. La maison s'assombrit à l'image du temps de dehors qui s'était subitement détérioré et une tempête titanesque se déchaîna entre les murs. La pluie tomba avec violence, le tonnerre gronda, des éclairs zébrèrent le plafond. Les parasites se mirent à crier, terrifiés par la sauvagerie du phénomène. Ils se levèrent et se précipitèrent vers la porte.
Hermione avait l'impression de renaître. Cette tempête symbolisait l'état intérieur dans lequel elle était ; les éléments qui se déchaînaient représentaient sa colère, sa rancune, sa souffrance.
Harry et Ron n'en revenaient pas : jamais ils n'avaient vu Hermione dans un tel état de rage. A part peut-être le jour du combat final. Ils essayèrent bien d'arrêter la tempête, mais en furent incapables ; c'était de la magie à l'état brut qui s'exprimait, et Hermione avait toujours été bien plus douée qu'eux.
La sorcière se calma peu à peu, et la pluie cessa de tomber, à l'intérieur comme à l'extérieur. Le soleil pénétra dans la maison, montrant un appartement entièrement dévasté. Mais elle s'en fichait ; elle se sentait purifiée. Comme si l'eau l'avait lavée du mal qui la rongeait. Elle se sentait bien. Elle était très belle ; ses longs cheveux mouillés cascadaient dans son dos, ses vêtements lui collaient au corps et son visage était apaisé.
Elle se tourna alors vers Harry et Ron et plongea son regard brûlant dans le leur. Elle s'approcha du brun et lui mit une gifle retentissante.
« Tu me donnes envie de vomir Harry » lui cracha t'elle à la figure.
Il écarquilla les yeux devant l'agressivité de son ton. Jamais Hermione ne lui avait parlé ainsi, même dans leur pire dispute.
« C'est fini » dit –elle encore.
Elle le regarda pour qu'il comprenne qu'elle ne plaisantait pas, ainsi que Ron, car elle parlait aussi pour lui et tourna les talons.
« Si tu franchis le pas de cette porte, saches que tu ne reviendras pas » lança alors Harry.
Hermione le regarda et il crut voir de l'hésitation dans son regard, alors que c'était de l'incrédulité : il croyait qu'elle faisait une de ses crises ! Elle continua son chemin, mais il reprit la parole :
« Saches qu'on ne tourne pas le dos à Harry Potter sans en payer le prix. Réfléchis bien Hermione. Je suis prêt à te pardonner, alors fait le bon choix »
Hermione s'arrêta à nouveau. Pas d'hésitation, de doute ou de peur. Mais d'horreur. Ses mots, ses mots dans sa bouche à lui…
Elle se retourna et le regarda comme si elle le voyait pour la premières fois. Harry vit de l'horreur dans le regard qu'elle posa sur lui, et il sentit quelque chose remuer en lui. Il sentit la peur, la peur de la perdre pour de bon.
« Je n'aurais jamais cru voir le jour où tu ressemblerais à Voldemort » dit-elle d'une voix éteinte.
Et elle partit.
Ils ne le savaient pas encore, mais ce jour de novembre fut le dernier où Ronald Weasley et Harry Potter virent Hermione Granger vivante…..