XX. Pas adieu… au revoir

- C'est la fin.

- La ferme.

- Ben quoi ? C'est vrai.

- Mais tais-toi ! insista Lily.

Lou se vexa aussitôt sans comprendre. Elle se détourna et fixa la porte avec insistance. Lily soupira et caressa Toad, assoupi sur ses genoux, ronronnant de plaisir. Elle avait l'horrible impression que le Poudlard Express roulait incroyablement vite, comme pour se moquer d'elle, comme pour accélérer le moment où ils devraient se quitter. Pour une fois qu'elle était vraiment malheureuse de quitter le château pour rentrer chez elle… Alexia, le front appuyé contre la fenêtre, ne disait rien. Elle n'était plus très bavarde, d'ailleurs, depuis sa dernière dispute avec Sirius, la veille du départ. Les autres avaient compris que ça l'avait blessée et évitaient soigneusement le sujet avec tact – sauf Lou, qui semblait délibérément dénuée de cette qualité. Elle ne cessait de la questionner sur ça.

La porte du compartiment que fixait toujours Lou s'ouvrit alors, la faisant sursauter. Les trois garçons rentrèrent, s'installant tranquillement ; James dégagea le chat d'une tape gentille – il siffla férocement et sortit dans le couloir –, força Lily à se lever, puis il s'assit à sa place en l'asseyant sur ses genoux. Remus se tassa entre Lou et Alexia, en face d'eux, et Sirius s'affala à côté de James en évitant le regard de la blonde. Celle-ci fixait toujours la fenêtre avec insistance, les sourcils froncés, trop concentrée pour paraître dégagée.

- Pas trop englouties par la mélancolie du dernier départ ? lança joyeusement James. Moi, ça va me manquer, tout ça. Je crois que je reviendrais, un jour.

- En tant qu'enseignant ? s'étonna Lily. Et tu leur apprendrait quoi ? Comment être un parfait petit hors-la-loi dès vos onze ans ? Génial !

- Mais non, mais je sais pas, j'ai toujours été plutôt doué en sortilèges… Et toi, Princesse, tu pourrais revenir ici pour les potions, non ? C'est ta matière préféré, à ce que je sache, hein ? T'es exceptionnellement forte.

- N'en rajoute pas, répliqua Lily en rosissant.

- Moi, si je reviens, j'enseignerais probablement la défense contre les forces du mal ! lâcha Remus d'une voix neutre.

- C'est cool ! s'écria Lou. On reviendra tous ici, dans quelques années ! Je choisis la métamorphose. J'ai toujours adoré ça. Et toi, Alex ? Tu pourrais faire l'arithmancie, non ? Et Sirius… Je sais pas, peut-être la divination ? Ou concierge ! Je te vois bien encourager les élèves à faire des conneries plutôt que de les punir ou les en dissuader…

- Ce serait tellement bien ! approuva Lily, rêveuse, dans un souffle. Comme si on pouvait continuer de vivre notre adolescence éternellement… Nos plus belles années à jamais. On serait toujours tous ensemble, on se quitterait pas…

- On favoriserait Gryffondor ! renchérit James. Je serais le directeur de la maison, moi ! Je commanderais tous ces lionceaux ! Et ce bon vieux Rogue… Je vois bien le Graisseux en directeur de Serpentard ! Y'a pas à tortiller, si t'es pas prof de potions, chérie, c'est lui qui le sera ! Et tous les élèves le détesteront, et nous serons les dieux incontestés de Poudlard, des légendes vivantes, nous, les Maraudeurs ! Qu'est-ce que t'en dis, Sir' ?

- Je sais pas.

James, coupé dans son élan, s'arrêta brusquement.

- Pardon ?

- Ben si tu veux, ouais, ça peut être cool.

- Je rêve où tu t'en fous ?

- Je m'en fous.

- Ok…

James se détourna de lui, vexé.

- Donc, je disais. On reviendra ici tous les cinq dans quelques années. Je serai marié à Lily – hein ma belle ? tu me refuseras pas ça – et Mumus aura épousé Lou.

- On dégotera un beau petit brun de dernière année pour Alex, ajouta Lily en souriant. Ce sera un vrai canon, et…

- Vous êtes tous les trois partis dans votre délire, c'est pathétique.

C'était la première fois qu'elle parlait depuis que les garçons étaient arrivés. Lily, James, Remus et Lou la fixèrent, intrigués. Sirius se contentait de l'ignorer royalement.

- Mais c'est bon, calme-toi ! répliqua Lou. On parle, c'est tout ! Désolé si tout le monde ne partage pas ton état de déprime inconditionnel à cause d'une dispute avec lui.

Elle désigna Sirius d'un signe de tête. Il lui balança un regard noir.

- Tous les quatre, précisa Remus. Je suis aussi parti dans leur délire, merci bien. Et tu n'es pas obligée d'être si désagréable.

Alexia ne répondit rien, se contentant de fixer la fenêtre. Un silence s'installa. Finalement, elle lâcha d'un ton tranchant :

- En tout cas, si vous revenez ici dans quelques années pour vous amuser tous ensemble à être profs, ce sera sans moi.

Sirius se leva et sortit du compartiment, prétextant dans un souffle qu'il avait besoin de prendre l'air dans le couloir. Quatre paires d'yeux réprobateurs se tournèrent vers la blonde.

- C'est pas bientôt fini, ton cinéma ? cracha Lily. C'est bon, vous vous êtes engueulés, ça va passer ! Tâche d'être un peu plus gentille, on t'a rien fait ! Alors si tu te borne à faire cette tête jusqu'à ce que ça se finisse, c'est ton choix ! Mais ne nous prend pas comme souffre-douleur de ta mauvaise humeur, c'est clair ?

- Je connais Sirius, reprit James. Il ne se décidera jamais à faire le premier pas pour s'excuser. Je ne sais pas qui a tort, qui a raison, il a refusé de me parler de la cause de votre dispute, mais sache que si tu ne fais rien, c'est pas prêt de s'arrêter.

- Il a raison, soupira Remus. C'est à toi d'aller t'excuser.

- C'est lui qui a tort, répliqua-t-elle simplement. C'est à lui de s'excuser.

Et elle se tut. Ils échangèrent un regard, puis Lou soupira et se blottit dans les bras de Remus.

- C'est promit, hein ? lança-t-elle. On se retrouve tous ici, bientôt, pour être profs. On se quittera plus jamais.

- Juré, acquiesça Lily.

Elle se tourna vers James.

- Je voulais combattre le mal, en fait… Tu sais, un truc genre Auror… Enfin, on verra.

- J'avais en tête des études de médicomage, répondit Lily en hochant la tête. Mais je préfère mille fois enseigner les potions à Poudlard avec vous plutôt que ça.

- Pareil, approuva Remus. Je ne serais pas chercheur ni alchimiste pour faire des découvertes révolutionnaires pour le monde des sorciers.

- Et je ne serai pas vendeuse à Honeyduke ! conclut Lou en souriant. On sera tous ensemble, et c'est tout ce qui compte, non ? Le principal, c'est juste de pas partir chacun de son côté et se revoir une fois tous les dix ans, quand on sera vieux et défraîchis, avec des gamins dans les pattes. Que ce soit toujours nous, les gamins. C'est ça qui compte.

Les trois autres l'approuvèrent en souriant. Alexia tressaillit, mais ils l'ignorèrent – quand elle aura fini de bouder, ça ira mieux.

- Il est quelle heure ? demanda soudain James.

- Pas loin de onze heures, répondit Remus.

- J'ai faim !

- Lou, tu as toujours faim.

- Ben ouais, et alors ?

- Alors rien, soupira Lily.


oOoOoOoOo


- Vous voulez quelque chose, les enfants ?

- Ouais, répondit James. On prendra un peu de tout. Allongez la monnaie.

- Prend aussi un ou deux trucs pour Sirius, ajouta Remus en lui tendant quelques Gallions.

Lou et Lily déposèrent également quelques pièces d'or dans la main tendue de James. Il donna le tout à la vieille dame qui poussait le chariot à friandise, et celle-ci lui laissa choisir ce qu'il voulait. Quand elle s'éloigna, il ferma la porte du compartiment et se rassit, déposant le délicieux butin sur la banquette, à côté de lui – là où il y avait le plus de place, étant donné que Lily était sur ses genoux et Sirius sorti. Lou s'empressa de s'y ruer, évidemment. Alexia ne bougea pas. Elle n'avait pas bougé depuis plus d'une heure, toujours collée contre la fenêtre, les yeux dans le vague. Remus la regarda, inquiet.

- T'en fais pas, ça lui passera ! murmura Lou. Ca lui arrive de rester comme ça un moment et après, elle est douce comme de la soie.

- Si tu le dis… Ca fait un bout de temps que Sirius est parti, non ?

- Faudrait peut-être voir si il s'est pas perdu dans le couloir, acquiesça James en souriant. Qui se dévoue ?

Personne ne répondit.

- Je vois, bougonna-t-il en poussant doucement Lily pour se lever. J'ai pas le choix, visiblem…

- C'est bon, j'y vais.

Et, sans rien ajouter, Alexia se leva et disparut dans le couloir. James se rassit, un peu sonné.

- Euh… bon ! On fait quoi ?

- On mange ? proposa Lou en lui tendant des bonbons.

- Ou alors on parle ? suggéra Lily.

- Ou on lit ? renchérit Remus.

- Parlons de moi, s'exclama joyeusement James.

Lily leva les yeux au ciel. La porte du compartiment s'ouvrit et Sirius entra sans un mot. Il s'assit à côté de James, le plus près possible de la fenêtre, et jeta un coup d'œil surprit à la place face à lui en remarquant qu'Alexia avait disparu. Des miaulements retentirent. Lou baissa les yeux et sourit. Toad se frottait contre ses jambes, insistant. Elle le prit dans ses bras, grattant ses oreilles avec délice, répétant une dizaine de fois qu'il était incroyablement mignon.

- Mumus, tu me file une baguette réglisse, s'teuplait ?

Il sourit et coinça le bonbon entre ses dents. Puis elle lui lança un regard explicite. Son sourire s'élargit et il se pencha pour mordre l'autre extrémité.

- Eh ! se plaignit James. Vous êtes gentils, mais ça, c'est copyright !

- Oh nuit, belle nuit, sous le ciel d'Italie, on l'appelle la bella note…

Lily chantonnait à mi-voix, rêveuse. James se tourna brusquement vers elle.

- De quoi ?

- Rien. Un classique moldu qui me rappelle mon enfance.

Il resta un moment interdit, puis haussa les épaules.

- Un classique moldu ? Avec une baguette réglisse ?

- Non, c'était des spaghettis, si je me souviens bien.

Court silence, puis nouveau haussement d'épaules.

- N'empêche, c'est copyright ! répéta-t-il. On vous pique pas vos p'tits trucs…

- Ch'est normal, répliqua Lou. On en a pas !

La baguette réglisse diminuait. Elle l'engloutit pour de bon, impatiente, et ses lèvres rencontrèrent celles de Remus. James les dévisagea, vexé.

- C'est pas une raison, vous avez qu'à vous en trouver !

Aucun des deux ne répliquèrent, bien trop occupés pour ça. Toad, vexé d'être recalé au second plan, bondit sur les genoux de Lily. Elle sourit et le prit dans ses bras. Ce fut au tour de James d'être vexé.

- Dis toute de suite que tu préfère cette boule de poils à moi…

- Je préfère cette boule de poils à toi.

- Méchante !

- Je plaisante.

- Ah.

Il sourit, visiblement satisfait, puis se tourna vers Sirius.

- Alexia n'était pas partie à ta recherche ? s'étonna-t-il.

- J'ai du la croiser dans le couloir, admit-il. Je ne me suis pas arrêté. Elle non plus. Elle se dirigeait vers les toilettes…

- Oh non, lâchèrent Lily et Lou dans un même souffle. Merde.

- Quoi ? s'enquit Remus.

- La plupart du temps, quand elle ne va pas bien, elle s'enferme dans les toilettes les plus proches pour… pour se calmer. Et ça veut dire qu'elle est vraiment triste.

- Désolé, murmura Sirius. Je savais pas que ça allait lui faire autant de mal…

- De quoi tu parle ? s'énerva James en se tournant vers lui.

- La dispute dont elle vous a parlé. Juste une petite broutille, rien de grave, à ce que je croyais. L'autre soir, je parlais à Cassie Soap, vous savez, la jolie fille Serdaigle, elle était en même année que nous et plutôt bien foutue.

- La fille aux cheveux châtain qui a un petit frère à Gryffondor ? questionna James.

- Oui. On discutait dans un couloir et…

- Vous discutiez de quoi ? l'interrompit Lily.

- De… des études qu'on avait prévu de faire.

- Sirius, tu n'as jamais su mentir ! soupira James.

- Elle m'a dit qu'elle me trouvait canon, c'est tout, t'es content ? répliqua sèchement Sirius.

- Ecoute, la quasi-totalité des filles de ce château te trouve canon, ce n'est pas un scoop…

- Je sais, Jamesie. C'est pour ça que ça m'étonne que ça ai blessé Alexia à ce point… J'ai juste répondu qu'elle était plutôt jolie aussi, dans son genre. Elle m'a sourit et elle a essayé de m'embrasser… Ca m'a fait bizarre.

- Qu'une fille essaie de t'embrasser ? rétorqua Lou. Bof. Ca doit être une habitude pourtant, chez toi, non ?

- C'est pas ça. J'ai juste eu envie de le faire, moi aussi. Ca me fait bizarre de sortir sérieusement avec quelqu'un en me disant que celle-là, je pourrais pas la lâcher quand je voudrais. En me disant que c'était une sorte de… je sais pas. Comme si j'étais attaché. Et c'était moi qui m'étais attaché tout seul, parce qu'elle n'avait rien fait, Alexia, c'était pas sa faute, c'est moi qui suis… tombé amoureux. Elle n'était pas coupable. Ca m'a tué, j'y ai pensé longtemps, c'était plus possible, c'est pas du tout dans mes habitude de me lier à quelqu'un comme ça… J'ai eu envie d'essayer, juste un peu, de faire quelque chose d'interdit, d'irresponsable… Ca, au moins, j'ai l'habitude. Être irresponsable. Elle était juste à quelques centimètres et… Alexia a déboulé devant moi. Elle commençait à dire qu'elle me cherchait depuis un moment quand elle a vu Cassie qui commençait déjà à se coller contre moi. Elle s'est stoppée brutalement et elle est repartie en courant.

Il fit une pause. Constatant que personne ne parlait, il poursuivit.

- Cassie m'a regardé bizarrement. Elle m'a demandé si je connaissait « cette fille ». J'ai répondu que oui. Que c'était ma petite amie. Que je l'aimais. Elle a sourit et m'a dit « D'accord. On en était où, déjà ? » Elle s'est approché tranquillement. J'en avais plus du tout envie. Elle me dégoûtait. Aucun sentiment, aucune personnalité, aucun respect. Elle ne comprenait pas, elle n'avait rien comprit… Je l'ai planté là et j'ai couru après Alexia. Quand je suis arrivé à la salle commune, elle était pas là. Voilà, c'est tout…

Il se tut. Lou le dévisageait, une once de pitié dans le regard. Remus fixait la fenêtre pensivement. Lily, toujours assise sur les genoux de James, échangeait un regard inquiet avec lui. Indécise, elle soupira.

- Ecoute, ce n'est rien ! dit-elle. Tu sais ce que tu vas faire ? Ouvre grand tes oreilles, Black. Tu vas te lever et tu va aller gentiment lui expliquer tout ça – dans les moindres détails. Le problème que ça pose à Sirius Black d'être amoureux et d'avoir le besoin incessant d'aller voir ailleurs. Tu vas lui dire que tu regrettes, et la supplier de te pardonner. Tu lâcheras un ou deux compliment pour l'adoucir. Tu lui diras à quel point tu t'en fous, de Soap. Tu sera honnête et sincère. Enfin, quand elle sera sur le point de céder, de craquer, tu lui diras à quel point tu l'aime et tu refuse de la perdre, en évitant impérativement de baisser les yeux ou détourner le regard. Alors, elle te sautera au cou, et tu sauras qu'elle t'a pardonné. Tu l'embrassera, tu lui prendra la main, tu lui dira que ça n'arrivera plus mais qu'il faut qu'elle comprenne que ce n'est pas une habitude, pour toi, d'aimer quelqu'un comme ça. Enfin, tu la raccompagneras ici et tu t'assoira à côté d'elle en passant ton bras autour de son épaule. Si tout cela ne marche pas, tu l'oublie définitivement. Est-ce clair ?

Sirius déglutit difficilement, s'efforçant de sourire.

- Euh… oui.

- Tu t'en crois capable ?

- Ben… ouais. J'espère.

- Tu espère ou tu es sûr, Black ? coupa Lily en le dévisageant froidement.

- J'en suis sûr ! rectifia Sirius, un peu plus assuré.

- Tu veux la récupérer ?

- Ouais.

- Elle compte pour toi ?

- Ouais.

- Tu l'aimes ?

- Ouais.

- Alors par les plus grands moments de débauche de Merlin, Black, qu'est-ce que tu fous encore ici ?! s'emporta Lily, exaspérée.

Sans prendre le temps de répondre, il se rua dans le couloir, sous le regard appréciateur de ses amis.

- Je crois qu'il a comprit la leçon, sourit la rousse. Bon, où est-ce qu'on en était, toi et moi ? ajouta-t-elle en se tournant vers James.

- Ca me fait plaisir que tu pose la question, chérie, parce que je n'osais pas…

- Oh ! « Chérie » ? D'où tu sors ça, Potter ? Tu crois vraiment que je vais accepter de me faire appeler comme ça ? Contente-toi de Lily. Juste Lily. Pour une fois dans ta vie, s'il te plaît…

- Hum… Il va falloir me convaincre. Défends-toi. Où sont tes arguments ?

- J'en ai plusieurs qui risqueraient de te faire craquer à coup sûr, Potter…

- Trouvez-vous une chambre, siffla Lou. Quelle indécence…

Ils éclatèrent d'un même rire, léger et joyeux, puis partirent dans une discussion animée sur tout et n'importe quoi. Une demi-heure environ s'était écoulée quand Alexia ouvrit la porte du compartiment, souriante malgré ses yeux rougis, signe qui ne trompait pas. Derrière elle, Sirius s'amusait avec une mèche de ses cheveux, distraitement. Comme Lily l'avait conseillé – ou plutôt ordonné –, il s'assit à côté d'elle, enroulant son bras autour de l'épaule de la blonde. Elle grogna de satisfaction et se blottit contre son torse. Il paraissait ravi. Le silence qui s'était installé à leur entré s'évapora en des gloussements, des rires étouffés. Puis la conversation reprit. Sirius s'y mêla avec entrain et Alexia caressait Toad qui avait bondit des genoux de Lily pour se rouler en boule contre elle. Elle fixait rêveusement la fenêtre embrumée par le temps extérieur.

Un peu plus tard, elle se joignit à la conversation. Ils parlèrent longtemps, rirent… James avait fini par sortir un jeu de Bataille Explosive et tous riaient en voyant Remus, boudeur, le visage noirci. De temps en temps, l'un d'eux enfournait un bonbon dans sa bouche, et ils continuaient de parler, de rire, inlassablement. Oubliant qu'il ne leur restait que quelques heures et qu'ensuite, il leur faudrait quitter le Poudlard Express, descendre sur le quai de la gare, retourner à King's Cross… Oubliant qu'ils ne reverraient pas Poudlard avant longtemps et qu'ils n'y retourneraient plus jamais en tant qu'élèves. Oubliant – pour les garçons - momentanément leurs moments au bord du lac, sous un arbre, Remus lisant, James jouant avec un Vif d'Or « emprunté », Sirius commentant les filles qui riaient un peu plus loin et Peter s'étouffant à moitié avec des sucreries. Eux qui resteraient à jamais dans l'histoire de Poudlard comme meilleure bande que l'école eut jamais connu, sous le nom des Maraudeurs. Oubliant – pour les filles – leurs fous rires, leurs plus beaux moments dans le château, tous ces souvenirs…

Oubliant que la fin approchait. Faisant perdurer ce moment le plus longtemps possible. Refusant de penser au futur, à ce qui pourrait arriver, à ce qui allait arriver. A ce qui devait arriver. Rêvant leur vie comme jamais. Profitant de leurs derniers instants d'insouciance, d'adolescence. Il leur semblait que le train d'un rouge éclatant si familier roulait de plus en plus vite, se moquant délibérément d'eux, pour raccourcir cet instant de pur bonheur. Ce n'était qu'une illusion, créée par leur crainte de se séparer, que tout finisse. Les meilleures choses ont une fin et ils redoutaient celle-ci. Pourtant, sous le soleil d'été qui illuminait le paysage alentour, elle arrivait, s'approchant à grands pas.

Ignorant tout ça, ils riaient, imperturbables. Juste six adolescents, peut-être simplement six âmes d'enfants, assis dans un compartiment du Poudlard Express. Repoussant le moment des adieux. Non, pas des adieux. Plutôt des au revoir.