Personnages et situation de J.K. Rowling.

Traduction de la fic de testingt, Second Interview, publiée sur Occlumency (http:// occlumency. sycophanthex. com. /viewstory.php?sid5578). Puisque l'auteur a écrit une suite, je vous la livre à mon tour !

Ce chapitre contient des éléments essentiels du tome 7, contrairement au précédent.


Le second entretien

— Conduisez-vous toujours vos entretiens d'embauche dans des lieux publics ? demanda l'espion. Cela semble… peu sûr, d'une certaine manière.

Avec ostentation, il vérifia les protections de la confidentialité et du verrouillage de la pièce.

Dumbledore ignora à la fois la raillerie et l'insulte.

— Depuis un certain nombre d'années, maintenant. Le dernier candidat que j'ai autorisé à entrer sur le territoire de Poudlard me l'a fait regretter. Il demandait le même poste que vous, d'ailleurs. C'est-à-dire – je suppose que vous êtes à nouveau candidat au poste de Défense contre les Forces du Mal ? Je ne vois aucun autre prétexte pour justifier que vous me contactiez ouvertement afin de me rencontrer.

L'espion haussa les sourcils et eut un mouvement d'épaules en se jetant dans la chaise qui faisait face à Dumbledore.

— Il veut toujours placer un espion dans Poudlard, bien sûr.

Dumbledore le considéra un moment et décida de mettre certaines cartes sur la table.

— Hum… peut-être. Mais vous a-t-il informé qu'il avait lui-même maudit le poste ? Quand j'ai refusé sa propre candidature il y a vingt-six ans ?

Rogue baissa le regard vers ses mains, dans la réaction réflexe d'un Occlumens pensant de toutes ses forces : ne pas croiser ses yeux. Il était sans aucun doute en train de passer en revue le sort de ses sept professeurs. Au bout d'un moment, il murmura à ses poings :

— Voilà qui explique en grande partie le passé. Et qui pose des questions pour l'avenir. Soit il s'attend à n'avoir besoin d'un espion que pour une courte période ; soit il compte utiliser son – sa voix prit une inflexion sardonique – agent dans un autre rôle.

Rogue leva la tête et rencontra les yeux de Dumbledore.

— Franchement, la première hypothèse me semble douteuse. Nous n'en sommes pas encore là et n'y serons probablement pas tant que vous serez en vie.

— C'était aussi ma lecture de la situation, dit froidement Dumbledore. Dites-moi, Severus, sous quelle histoire vous couvrez-vous ? Est-ce que vous avez réussi à me dissimuler votre statut de Mangemort ou est-ce que vous m'avez convaincu que vous vous êtes réformé ?

— Seconde option. Vous m'avez refusé le travail l'année dernière en raison de vos soupçons, qui ont dus être confirmés par mes actions ultérieures. J'ai donc pensé que nous pourrions – ce serait fort rafraîchissant – coller à la vérité cette fois. J'ai une dette de vie envers Potter, ce qui m'a donné des remords à l'idée de jouer un rôle dans sa mort prochaine. J'ai passé la majorité du mois dernier à répéter cette histoire. Je suis certainement convaincant ?

Dumbledore jaugea du regard l'expression railleuse du jeune homme. Rogue était un Occlumens encore plus accompli que ce qu'il croyait, pour avoir réussi à flirter d'aussi près avec la vérité pendant un mois d'épreuve. Il lui faudrait s'en souvenir quand il aurait à traiter avec lui. Et il était assez intelligent pour s'être rendu compte qu'il avait livré cette information. Une évolution intéressante dans leurs relations.

Il relâcha son attention et répondit à haute voix :

— Me voici moi-même complètement convaincu. Cependant, je ne tiens pas à vous faire prendre le risque du poste en Défense ; contrairement à Voldemort, j'espère ne pas avoir à me passer de vous. Il me semble pourtant raisonnable de le laisser penser qu'il a eu ce qu'il veut principalement de vous en ce moment. Je propose donc de vous offrir le poste de Maître des Potions.

— Slughorn prend sa retraite ?

Les yeux noirs s'agrandirent : le jeune homme se sentait suffisamment en sécurité pour montrer de la surprise à cette nouvelle.

— On peut l'en persuader. Il a perdu le contrôle de sa Maison : les choix faits par tant de ses protégés l'horrifient. Je voudrais que vous soyez aussi directeur de Serpentard.

Rogue prit son temps pour réfléchir. C'était nécessaire : l'estime de Dumbledore pour les bases de son intelligence monta d'un nouveau degré.

Cette fois, Rogue regarda ses mains pendant plusieurs minutes avant de relever le regard.

— Je trouve que je suis vraiment très jeune pour un tel poste. Et puis… mes propres choix… ne devraient pas vous donner pleine confiance sur ma capacité à bien guider les autres.

— Je n'attends pas que vous soyez un père pour eux, rassurez-vous. J'attends que vous exerciez un minimum de contrôle sur ceux que vous aurez en charge. Quant à les guider, on peut le faire tant par un mauvais exemple – un contrexemple – que par un bon.

Le jeune homme eut l'air d'avoir avalé quelque chose de particulièrement aigre.

— Je… ne m'attendais pas à voir ma loyauté, quelle que doive être l'opinion générale à ce sujet, rendue publique.

— Pas du tout. Mais vous savez qu'on murmura. Tout le monde connaîtra – comment dire ? – à la fois votre propre réputation à l'époque où vous étiez élève et la loyauté actuelle de nombre de vos anciens associés. Voldemort a imaginé plutôt bêtement que votre statut de sang-mêlé et votre apparente inactivité de ces derniers temps suffiraient à éloigner de vous les soupçons. Je suis persuadé que vous pouvez utiliser ces soupçons pour un établir un contrôle plus ferme sur votre Maison que celui qu'avait Horace. Et… veuillez m'excuser, Severus, de souligner ce point, mais je crois que vous pourriez utiliser aussi la douceur naturelle de votre caractère pour convaincre les indécis que les Mangemorts ne sont peut-être pas les plus charmants partenaires du monde.

Dumbledore vit les lèvres du garçon s'étirer de manière fort encourageante avant qu'il ne baissât le visage, ses cheveux noirs tombant en avant pour dissimuler son expression. Ainsi, le sens de l'humour de Rogue pouvait être dirigé contre lui. Un signe positif en somme, sinon complètement inattendu.

Rogue parla sans relever les yeux.

— Je pense, Dumbledore, que vous pouvez faire mieux que ça pour ma Maison.

Un signe encore plus positif.

Dumbledore ne s'autorisa aucun changement dans le visage ou la voix lorsqu'il répondit.

— Je pense, Severus, que vous pouvez faire pour votre Maison mieux que ce que vous croyez.

— Et quand il me demandera de les recruter ? murmura Rogue.

Ses mains étaient serrées l'une dans l'autre, à demi-cachées par ses manches. Peut-être les croyait-il complètement cachées.

— C'est un problème auquel vous devrez faire face quel que soit votre rôle à Poudlard. Comment avoir l'air d'obéir tout en échouant malheureusement dans la plupart des cas. Je tiens à signaler qu'il ne peut pas vraiment s'attendre à ce que vous recrutiez ouvertement juste sous mon nez plutôt proéminent. Et je garderai un œil inquisiteur sur vous – ma confiance en vous n'est pas totale, Severus, c'est pour cela que je vous refuse le poste de Défense. Mon inquiétude, bien sûr, est qu'une trop grande intimité avec les Forces du Mal puisse être une tentation de renouveler votre intérêt pour – hum – les apprendre plutôt que vous défendre contre elles. C'est ce que je ferai savoir au personnel de l'école et au conseil d'administration, lorsqu'ils me poseront la question, puisqu'ils la poseront ; et vous, à votre tour, vous le ferez savoir à Voldemort.

Dumbledore fit une pause pour laisser ses propos pénétrer dans l'esprit de Rogue, puis il s'adressa au visage abrité derrière les cheveux noirs.

— Severus, ai-je raison de croire que le Seigneur des Ténèbres torture ses partisans quand ils ne parviennent pas à exécuter ses ordres ?

Le garçon leva les yeux à ces mots. Sa pâle figure aurait pu être un masque.

— Il croit aux bienfaits de la motivation négative, oui.

— Est-ce que vous placer à la tête de Serpentard vous mettra en plus grand danger, dans ce cas ?

Le masque lui faisait face avec indifférence, mais les mains bougèrent puis se calmèrent d'elles-mêmes. Ainsi, le garçon avait été surpris que cette considération puisse peser auprès de Dumbledore. Il ne répondit pas.

Dumbledore sourit devant la confusion de Rogue.

— Je dois souligner que cette responsabilité supplémentaire s'accompagne d'une augmentation de salaire. Je suis certain que c'était une considération majeure et fondamentale dans votre demande d'un entretien d'embauche à Poudlard.

Un mouvement indéniable de ses lèvres en entendant cela, qui se transforma en rictus railleur.

— C'est la raison pour laquelle le niveau de mon salaire a été ma première question quand nous avons ouvert les négociations.

Les lèvres de Dumbledore s'étirèrent aussi.

— Vous n'avez toujours pas répondu à ma dernière question.

Le visage de Rogue avait gardé son aspect de masque. Sa voix était calme, sans inflexion. Ses yeux ne trahissaient aucune émotion.

— Comme vous l'avez souligné, c'est un problème auquel je devrai faire face quel que soit mon poste à Poudlard.

Cela le mettrait en plus grand danger, donc, mais il ne voulait pas qu'on en tînt compte. Était-ce un besoin de se punir lui-même ou un sens grandissant des responsabilités ? Le temps le dirait. Et la pratique, peut-être ; l'habitude est une seconde nature. Ce garçon en avait quelques unes à perdre, c'était certain. Ce garçon aime faire mal, lui avait dit Abelforth. Il a fait s'enfuir la dame dans un état de nerfs terrible en quelques minutes. Et il ne faisait plus mine de rien quand tu es entré.

Dumbledore devait-il laisser le garçon courir ce risque, étant donné qu'il était volontaire ? Si Rogue était brisé par la torture, beaucoup de leurs plans seraient révélés… Non. Il n'était pas nécessaire de prendre cela en compte. Dumbledore savait qu'on avait considéré que Rogue avait « échoué » dans ce rapport… très tronqué que le garçon avait fait à Voldemort le mois dernier. Celui que Dumbledore avait revu si soigneusement avec lui. Il n'aurait probablement pas à faire face à pire pour son manque de réussite dans le recrutement. D'autant plus que son « échec » dans ce domaine serait, hélas, partiel. Certains enfants s'engageraient quoi que pût faire quiconque ; l'influence de Jedusor sur cette Maison était déjà trop profonde.

Ce qui laissait le problème, bien sûr, à la conscience de Dumbledore : devait-il retirer son offre de direction de Maison pour améliorer la sécurité du garçon ?

Sa sécurité physique. Il regarda le visage dur et cireux. Il avait besoin d'un directeur solide pour Serpentard, si peu conventionnel, si dangereux même que le choix de Rogue pût sembler. Et Rogue avait besoin de protéger plus que la seule Lily. Un ventricule de dragon formait le cœur de sa baguette. Pour le mauvais côté : avarice, égoïsme, violence. Pour le bon… un instinct protecteur qui ne pouvait plus être brisé une fois éveillé. Les dragons étaient capables de mourir pour protéger leur trésor ; Lily Evans, apparemment, avait éveillé cet instinct chez Rogue. Le garçon étendrait-il ce sauvage désir de protéger à d'autres qu'elle ?

Sa décision prise, Dumbledore parla.

— Dans ce cas, vous acceptez les deux postes, Severus ? Et nous réfléchirons tous les deux au problème du compte-rendu de vos efforts moins qu'extraordinaires pour le recrutement ?

Rogue fit un bref signe de tête pour acquiescer.

— J'ai pris la liberté d'apporter un contrat prérempli, en prévision de votre acceptation. Je vous suggère de le lire à un moment donné : vous ne voudriez pas trahir une absence totale de familiarité avec les termes que nous avons négociés aujourd'hui. Cela pourrait se révéler embarrassant.

Un autre mouvement léger sur ses lèvres. Vraiment, il pourrait finir par apprécier ce garçon. Dumbledore entreprit de sortir les papiers. Déjà signés, en ce qui le concernait : il avait anticipé presque tout de cet entretien.

— Monsieur le Directeur.

Dumbledore leva les yeux de la sacoche dans laquelle il farfouillait, amusé par l'emploi soudain de son titre.

— Il y a un autre problème auquel nous devons penser. S'il veut utiliser son agent pour ce qui semble… évident, je ne peux pas le faire.

L'amusement disparut. Dumbledore prit note des yeux vides, des mains serrées. De fait, ils devaient penser à ce problème. Il accorda toute son attention à son nouvel enseignant.

— Vous ne pouvez pas, Severus ? En quel sens ?

Rogue renifla vaguement.

— Les deux, selon toute probabilité. Pour le premier, je n'entretiens aucune illusion sur ma capacité à vous vaincre. Pour le second… vous êtes… son meilleur espoir.

Severus détourna le regard par réflexe.

Dumbledore n'avait pas besoin de voir pour savoir ce qui remplissait les yeux de son Occlumens. La peine. L'amour. La terreur. Et un espoir qui n'attendait rien pour lui-même.

Rogue n'avait pas fait de fausses proclamations de loyauté envers lui, remarqua Dumbledore. Ou alors, il n'avait pas pensé à partir sur cette ligne. Il pencha la tête, examinant le garçon. Son probable assassin, qui refusait poliment ce rôle.

— Permettez-moi de souligner, Severus, que c'est un problème auquel je fais face, moi, dans tous les cas. De mon point de vue, si vous êtes affecté à cette tâche, ça rendra les choses plus faciles. Je comprends bien que votre opinion est différente, naturellement. Quand il donnera l'ordre, nous étudierons la situation et déterminerons ce qu'il conviendra de faire.

Le garçon haussa les épaules. Ses yeux noirs et morts croisèrent à nouveau ceux de Dumbledore. Toute autre émotion que la peine avait été remisée.

— Mais dans tous les cas, vous devez me considérer comme… un employé temporaire. Je ne survivrai ni à un refus ni à un échec. Alors pourquoi ne pas m'utiliser pour votre… poste temporaire, après tout ?

Dumbledore fit très attention à ses mots, tenant le regard noir avec le sien.

— Votre plus grande carence intellectuelle quand vous étiez élève, Severus, était votre tendance à envisager systématiquement le pire en tout. Un pessimisme confinant au désespoir. Une grande faiblesse, à sa façon, de même que l'optimisme aveugle, le refus d'accepter les problèmes. Vous, vous avez tendance à refuser d'accepter les solutions. Vous donner le poste en Défense, en raison de la malédiction, serait nous enfermer dans un intervalle de moins d'un an avant la crise que vous craignez. J'espère vous garder sous ma protection, et continuer à vous utiliser, pour bien plus longtemps que ça. Il peut se passer beaucoup de choses et l'on peut en accomplir beaucoup, entretemps. Si l'on s'autorise à espérer.

Les yeux noirs rencontrèrent les siens sans marquer de compréhension, ni de confiance. Mais de l'obéissance. Cela suffirait, pour commencer.

Dumbledore tendit à nouveau les papiers.

— Monsieur le Directeur, souffla Rogue et il signa leur contrat en quelques parcimonieux coups de plume.


Alors ? Qu'avez-vous à déclarer?