Je ne m'appelle pas Rowling, ce qui explique que je publie sur internet sans but lucratif ce que m'inspire ses livres. Et ici, il n'y a vraiment rien de moi, puisqu'il ne s'agit que d'une traduction.
Aucun élément du tome 7 n'apparaît dans ce texte, mais il prend une saveur particulière à la lumière de certaines révélations finales...
Premier entretien
Traduction de la fic de testingt, First Interview, publiée sur Occlumency (http:// occlumency. sycophanthex. com. /viewstory.php?sid5578)
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Il n'avait aucune raison de se sentir nerveux. Ses références étaient vraiment tout à fait bonnes ; impressionnantes, en fait, comparées à celles de deux de ses propres professeurs. Ses seuls désavantages étaient son extrême jeunesse et quelques-unes de ses… associations passées. Mais il ne rencontrait plus ces gens depuis plusieurs années ; un sorcier connu pour offrir des secondes chances n'allait sûrement pas retenir contre lui de malheureuses amitiés de jeunesse ? On lui avait dit qu'au moins une personne âgée de vingt-et-un ans avait été engagée auparavant : c'était pour cette raison qu'on le mettait en avant à présent. C'était très inhabituel, mais pas sans précédent. Et il était doué pour paraître plus que son âge. Entre autres talents.
Il avait reçu un entraînement secret intensif : de Lucius, pour les bonnes manières ; d'un autre, pour mentir à un Legilimens.
Il n'avait aucune raison de se sentir aussi nerveux.
— Mais, lui avait dit Lucius, si tu es nerveux, rappelle-toi simplement ceci : le manque de confiance en soi peut être le bienvenu chez un homme aussi jeune. Uses-en.
C'était un drôle d'endroit pour un entretien d'embauche. Au moins, cela lui permettait d'en profiter pour boire, puisqu'il avait une demi-heure d'avance. En admettant… faisait-il confiance aux boissons du lieu et voulait-il affronter l'entretien avec une haleine sentant l'alcool ? Il pouvait commander de la Bièraubeurre, ce qui soulignerait sa jeunesse. Non. Une simple bière légère devrait être relativement innocente.
Il passa commande auprès du barman décrépit et s'assit à une table, face à l'entrée principale mais le dos tourné avec prudence vers la porte de l'arrière-salle. Il était parcouru de frissons, mais il espérait faire ainsi bonne impression quand Dumbledore entrerait. Il serait naturel de guetter l'arrivée de Dumbledore mais tourner le dos à une autre porte risquait de le faire passer pour un imbécile inattentif. Son sens de l'ouïe était suffisamment aigu pour qu'il pût entendre quiconque approcher. Il n'avait jamais fréquenté l'endroit comme élève. Il regarda autour de lui avec quelque intérêt ; cela aurait sûrement l'air naturel.
Quel bouge. Et peu de clients à cette heure ; cela lui convenait. Une femme qui était manifestement depuis un certain temps dans le bar croisa son regard ; Rogue fronça les sourcils et baissa les yeux.
Il les releva avec stupéfaction quand elle se laissa tomber en face de lui dans un tourbillon de bonhomie entraînée par l'alcool. Du sherry, diagnostiqua-t-il à l'odeur. La pauvreté, il la diagnostiqua par ses vêtements dépareillés et usagés ; ses lèvres se serrèrent de mépris tandis que les souvenirs l'envahissaient. D'après son apparence, elle avait quelques années de plus que lui, même si avec les piliers de bar, c'était difficile à dire.
Malgré son air peu avenant et ses sourcils froncés, elle lui parla avec une voix chargée d'émotion :
— Je sens, jeune homme, que vous êtes vous aussi en quête de la Sagesse.
Sa stupéfaction s'accentua, mêlée d'amusement. Il pourrait être divertissant de l'anéantir.
— Vous sentez ce genre de choses, n'est-ce pas ?
— Oh oui, j'ai l'Œil qui voit ce qui est invisible pour les autres.
Elle se redressa. Son Œil était certainement bien visible, extrêmement agrandi par ses lunettes.
— Je suis l'arrière-arrière-petite-fille de la grande prophétesse Cassandra Trelawney et mes propres talents sont si grands qu'on m'a proposé un poste dans la plus grande des écoles de sorcellerie.
Son sourire oscillait entre la fierté et la peur.
C'était ça, la concurrence ? Son irritation disparut dans un mélange d'intérêt et de morgue. Il aurait le poste, pour sûr.
— Vous… vous avez posé votre candidature pour un poste à Poudlard ? demanda-t-il pour en avoir la certitude.
— Oui, Albus Dumbledore lui-même est profondément impressionné par mes capacités.
Les bracelets s'entrechoquèrent sur son bras tandis qu'elle levait son verre. Elle portait non pas un châle, mais trois ; tous étaient en train de glisser de ses bras. Cela faisait malheureusement voir un décolleté qui, dans son cas, eût mieux fait d'être moins plongeant. Ses clavicules gagnaient singulièrement peu à être exposées.
— Je suis sûr que vos capacités sont très impressionnantes. Il se trouve que je suis moi aussi candidat à ce poste. Quelle intéressante coïncidence : peut-être a-t-il l'intention de nous faire passer l'entretien ensemble.
Il lui fit un petit sourire dédaigneux par-dessus sa bière.
Son verre fit quelques éclaboussures quand elle laissa retomber sa main. Ses bracelets s'entrechoquèrent à nouveau. Elle balbutia :
— Vous ? Mais vous – vous êtes un jeune homme tellement, tellement terre-à-terre ! Intense, mais… aucune réceptivité aux, aux émanations. Il ne pourrait en aucune façon vous préférer à, à l'arrière-arrière-petite-fille…
Ses yeux imploraient le réconfort. Le pot aux mandragores était découvert : le pilier de bar se présentait elle-même comme voyante et avait déposé sa candidature en cette qualité.
Rogue décida de jouer avec elle un moment.
— Mais je croyais que vous aviez senti que j'étais moi aussi en quête de la sagesse ? C'est certainement cette – ah – réceptivité aux émanations que vous avez sentie en moi ?
Elle répondit d'une voix quelque peu stridente :
— Mais – ah – non pas ce dont vous étiez en quête mais ce dont vous aviez besoin – un guide, une influence spirituelle pour l'accomplir. La plupart des jeunes hommes ont besoin de l'influence spirituelle d'une femme !
Rogue décida de mettre fin au jeu : elle n'en valait pas la peine.
— Si votre talent prophétique est si grand, je m'étonne qu'il ne vous ait pas dit que j'étais candidat à un tout autre poste. Ou que la « sagesse » est bien la dernière chose dont je sois en quête ! Eh bien, après vous.
Elle cligna des yeux, son visage rougissant tandis que ses yeux agrandis se remplissaient de larmes.
Rogue continua d'une raillerie.
— Vous, une voyante ! Je pourrais tout aussi bien vous qualifier de beauté.
Il observa son rougissement d'humiliation avec satisfaction, la regarda se recouvrir en toute hâte de ses châles.
— Vous pousser vous-même en avant comme voyante… L'arrière-arrière-petite-fille de Cassandra Trelawney ! Tout à fait « arrière », en effet. Vous seriez incapable de prévoir le lever du soleil avec un almanach. Vous relevez d'un carnaval moldu, pour amuser les enfants. En admettant que vous puissiez être amusante, ce qui semble improbable.
Elle se recroquevilla et recula, incertaine. À présent, les larmes coulaient en abondance sur son visage.
— Et imposer votre compagnie à un homme plus jeune : pensiez-vous vraiment que vos charmes douteux pourraient m'intéresser plus que vos douteuses prétentions ? Peut-être pensiez-vous que j'étais, comme vous, suffisamment ivre pour ne pas m'en soucier ?
Son regard froid la balaya de haut en bas, s'attardant avec méchanceté sur sa poitrine couverte de babioles dans une parodie de concupiscence, et il se laissa prendre par un rire incontrôlable.
Il sourit à son dos quand elle s'enfuit de la pièce. Il s'aperçut que le barman avait assisté au spectacle : il leva un sourcil insolent en réponse à l'expression désapprobatrice du vieil homme. Eh bien, voilà qui avait été rafraîchissant. Il était bien plus détendu, à présent. Rogue prit une gorgée de bière et se réinstalla avec satisfaction.
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Rogue attendit d'y être invité pour s'asseoir. Ce faisant, il rajusta soigneusement sa robe vert foncé ; il ne pouvait rien faire pour se donner l'air plaisant, mais il savait qu'il était habillé de la manière la plus appropriée. La femme de Lucius avait choisi la robe pour lui : elle faisait un effet sobre, mature, mais, lui avait assuré Narcissa, pas exagéré. Il posa ses mains avec confiance et regarda le vieillard.
Les yeux noirs rencontrèrent franchement les yeux bleus.
— Monsieur le Directeur. Merci d'avoir bien voulu prendre en compte de ma candidature.
— J'ai été quelque peu surpris de la recevoir, Severus. L'enseignement est un métier qui demande non seulement de grandes connaissances, mais aussi une grande patience pour les transmettre. Et beaucoup de ceux qui le pratiquent sont surtout motivés par un fort désir de rendre service aux autres. Mes souvenirs de vous ne me laissent aucun doute quant à vos capacités et vos connaissances – mais j'avais l'impression que votre principal souci était de vous rendre service à vous-même et que vous manquiez à la fois d'intérêt et de patience envers autrui. Aussi, pourquoi donc auriez-vous le désir d'enseigner ?
Une entrée en matière directe et facile ; Rogue s'était exercé à répondre à une centaine de versions de cette question.
— Je reconnais que je pense surtout à me rendre service à moi-même, Monsieur. Je ne peux pas prétendre être motivé par la philanthropie. Pas plus que je ne m'attends, pour être franc, à choisir l'enseignement comme carrière de toute ma vie. Je pense que je peux accomplir le travail avec compétence et que les avantages personnels que je tirerais de plusieurs années d'expérience dans ce domaine seraient nombreux. Tout d'abord, mon poste actuel, bien que donnant beaucoup de responsabilités pour un sorcier de mon âge, n'offre pas de réelle occasion d'avancement ni de moyens aisés pour établir les relations qui faciliteraient les choses. Un poste à Poudlard me laisserait en bien meilleure posture pour tout avancement après mon départ. Et j'ai ... établi les mauvais contacts quand j'y étais dans ma jeunesse ; je pourrais mieux faire à présent et cela me serait avantageux.
« De plus, je pense que cette expérience peut être riche d'enseignements pour moi. Vous vous souvenez peut-être, Monsieur le Directeur, que mes talents en – comment dire ? – interaction de groupe sont assez limités. Apprendre comment communiquer au mieux avec les membres des autres Maisons me serait d'une grande utilité pour l'avenir. Je sais que j'ai les connaissances nécessaires pour le poste, mais il me faudra apprendre le meilleur moyen de les transmettre et cet apprentissage est un service que je me rends.
« En outre, je confesse que l'emploi du temps m'attire, Monsieur. Je comprends bien que mes responsabilités me laisseront beaucoup moins de temps libre pendant la période scolaire que mon poste actuel au Ministère, mais la perspective de périodes ininterrompues pendant les vacances fait plus que compenser : vous comprenez que la poursuite de recherches personnelles demande souvent plus que quelques heures dans la soirée.
« Enfin, je pense que cela me plairait – un nouveau défi plus difficile. »
À la surface de son esprit, là où Dumbledore pouvait facilement le lire s'il le voulait, Rogue plaça aussi l'espoir de donner tort à ses anciens détracteurs. Lucius l'avait entraîné sur ce point : il serait naturel de l'éprouver, cet espoir de pavoiser, mais suspect de l'admettre ouvertement.
Dumbledore le regardait à travers ses lunettes en demi-lune.
— Hum… D'après mes souvenirs, Severus, vous avez montré à l'école une certaine aptitude à donner des petits cours à vos camarades. Mais seulement les plus brillants : avec ceux qui étaient moins intelligents que vous-même, ce qui est hélas le cas de la majorité d'entre nous, vous aviez tendance à faire preuve d'une âpreté confinant à la brutalité. La dérision ou pire. Pensez-vous que votre tolérance envers ceux qui ne sont pas vos égaux pour l'intelligence et la puissance se soit améliorée avec l'âge ?
Rogue choisit ses mots avec soin. Son expérience en matière de – hum – petits cours avait peu de chances de lui rendre service à présent : il avait surtout appris des maléfices à ses camarades de Serpentard. Curieux que Dumbledore abordât cette question sur la tangente.
— J'étais plus jeune alors, et certainement… moins sage, Monsieur le Directeur. Je doute que j'enseignerais de la même façon aujourd'hui. Ou tout à fait les mêmes sujets.
Il avait répété cette dernière phrase avec Lucius ; il trouvait qu'elle sonnait bien. Il rencontra les yeux bleus avec candeur. Ils lui rendirent son regard avec ironie.
— Et à propos de vos collègues enseignants ? Pensez-vous que vous arriverez facilement à faire des concessions si l'un de vos collègues semble incompétent au regard de vos exigences élevées ?
— Je suis sûr, Monsieur, que vous n'engageriez que des gens extrêmement compétents.
Maintenant, les yeux bleus paraissaient amusés.
— C'était votre opinion quand vous étiez élève ?
Sa septième année. Le crétin en Défense contre les Forces du Mal qu'il avait envoyé à Sainte-Mangouste en avril. Rogue rougit et parla d'un ton pincé.
— Comme j'en ai fait la remarque à l'instant, Monsieur le Directeur, j'étais ... moins sage, il y a quelques années.
Trois, pour être précis.
— Donc, vous pouvez m'assurer que vous traiteriez vos collègues ou éventuels collègues avec les égards et la considération qui leur seraient dus, même si vous ne… respectiez... pas personnellement leur compétence ?
— Je peux vous en assurer, Monsieur.
Rogue hocha la tête avec décision.
Le vieux sorcier inclina la sienne et son regard rencontra celui de Rogue pour l'éprouver. Rogue le soutint, projetant une calme déférence, de l'assurance et du manque de confiance en soi mêlé d'espoir. Dumbledore prit un air rêveur.
— Vous semblez plutôt sincère. C'est une bonne chose à savoir.
Il se leva soudain.
— Je ne crois pas avoir besoin de prendre encore sur votre précieux temps. Merci de l'intérêt que vous nous portez, mais je crains que vous satisfaisiez pas notre demande.
Le froid saisit Rogue. Que pouvait-il avoir dit de mal en si peu de temps ? Il balbutia :
— Est-ce que c'est ma jeunesse ? Est-ce que ça vaudrait la peine de représenter ma candidature dans un an ou deux ?
La voix qui lui répondit était pleine d'une courtoise inflexible.
— Cela dépendrait beaucoup de la façon dont vous aurez mûri. Merci pour votre temps. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, j'ai d'autres affaires à traiter.
Le vieil homme s'envola dans un tourbillon de ses robes prune et argent. La partie de l'esprit de Rogue qui notait toujours les effets utiles à adopter remarqua le tourbillon. Le reste était figé de panique.
Il avait échoué.
Le Seigneur des Ténèbres l'avait préparé à cette tâche, et il avait échoué. Il était possible, étant donnée la façon dont il avait été tenu éloigné de la gamme normale des activités, que le Seigneur des Ténèbres ne lui ait attribué de valeur que pour ce rôle. Auquel cas il pouvait être mort dans l'heure. Ou bien, selon le degré de colère du Seigneur des Ténèbres, il pourrait punir Rogue lui-même ou l'utiliser pour tester de nouvelles potions ou de nouveaux maléfices. La punition la meilleure, la plus légère qu'il pouvait attendre serait d'être livré aux jeunes recrues pour pratiquer leur Doloris.
Sa punition ne serait pas plus légère pour être plus tardive ; il savait que le Seigneur des Ténèbres attendait un rapport rapide. Mais il était trop secoué pour transplaner sans risque. Sa propre sueur le faisait frissonner ; il resta assis à trembler sur sa chaise.
Dumbledore avait dit qu'il avait d'autres affaires à traiter. S'agissait-il seulement de l'entretien avec le pilier de bar ou y avait-il quelque chose de louche en route ? Le choix de ce bouge pour mener les entretiens suggérait certainement cette dernière hypothèse. S'il glanait une information intéressante, sa punition pourrait être adoucie. La pâleur de Rogue diminua et il réussit, avec difficulté, à mettre fin à son tremblement. Il reprit ses esprits et sortit en douce, jetant un vieux sortilège de Serpentard pour détourner l'attention.
Rogue se déplaçait sans bruit le long du couloir, s'arrêtant à chaque trou de serrure pour écouter. Au troisième, il entendit un murmure ; à sa grande déception, c'était la voix du pilier de bar, pleine d'anxiété et de désir de plaire. Rogue s'effondra contre la porte dans un nouvel accès de désespoir.
Alors, une voix ne ressemblant à rien de ce qu'il avait entendu de sa vie, dure et autoritaire, lui parvint depuis la chambre de la bonimenteuse.
— Celui qui a le pouvoir de vaincre le Seigneur des Ténèbres approche...
Merde alors ! Le pilier de bar était-elle capable de faire une prophétie authentique ? « Vaincre le Seigneur des Ténèbres » ? S'il interceptait une véritable prédiction concernant le Seigneur des Ténèbres, il serait récompensé au-delà de ses rêves ! Il se colla au trou de serrure, se tendit pour être sûr de chaque mot ; la moindre tournure de phrase pouvait être cruciale.
— Il naîtra de ceux qui l'ont par trois fois défié, il sera né lorsque mourra le septième mois...
Une main rude l'attrapa et le claqua contre le mur d'en face. Le vieux barman était moins décrépit qu'il n'en avait l'air.
— Que diable crois-tu faire à écouter aux portes, mon gaillard ?
Rogue tremblait dans un mélange délirant d'exaltation, de triomphe et de terreur. Même interrompu, ce qu'il avait entendu lui vaudrait largement le pardon du Seigneur des Ténèbres. Et qu'est-ce que le vieil amateur de chèvres pouvait bien lui faire à présent ? Ni le tuer ni le soumettre au Doloris, il en était sûr.
Le secouer par la peau du cou comme un chien.
Rogue se débattit en vain contre les bras secs du vieillard. Quand celui-ci le claqua de nouveau contre le mur et leva sa baguette, cependant, Rogue était mieux préparé.
— Oubliettes !
Rogue bloqua le sort avec facilité et éclata de rire à la face du vieil homme.
Le barman ouvrit la porte en la faisant claquer et le saisit à nouveau par le col pour le jeter dans la pièce.
— Dumbledore, rugit-il, cette… cette espèce d'ordure vous écoutait !
Rogue se releva, riant encore. Il fixa fermement une pensée au sommet de sa conscience :Lui pouvait retrouver les souvenirs effacés par un sortilège d'Oubli.
Tout haut, il susurra :
— Vas-tu me tuer, le vieux ?
Connaître les faiblesses de ses ennemis. Il avait reçu un entraînement à ce sujet.
Les yeux bleus le transpercèrent ; Rogue chancela sous la force de l'esprit qui luttait contre le sien. Ses pensées s'éparpillèrent comme dans un ouragan. Sans baguette et sans un mot – rien d'étonnant à ce que le Seigneur des Ténèbres le craigne ! Cette pensée se forma difficilement dans la tempête d'images et d'émotions. Une image trembla sous le poids de la peur de Rogue : un sorcier dont les pensées avait été arrachées de force. Brisé et privé d'esprit. Ce serait le sort de Rogue, être brisé comme une noix, si le vieillard le soumettait à l'Oubliette. Et pour rien du tout, sauf voir Rogue puni ; la prophétie serait extraite comme le cœur d'une noix. Le seul moyen de la garder secrète était de le tuer.
Lorsque Rogue put voir à nouveau, le directeur se tenait debout, arrêté, ayant l'air soudain beaucoup plus âgé. Là où un autre aurait pu s'effondrer, lui se redressait dans la défaite. Il ne dit rien mais secoua la tête pour retenir le barman quand ce dernier leva sa baguette.
Rogue rajusta ses vêtements avec ostentation. Il ne regarda pas le barman, dont la lourde poigne était suspendue à proximité de la main de Rogue qui tenait la baguette. Ses propres mains tremblaient encore, mais sa voix sortit avec un ton doucereux.
— Je me suis simplement… trompé de chemin. Je cherchais les toilettes avant de partir. Je vous assure que je n'avais nullement l'intention de m'immiscer dans une quelconque conversation privée.
Le pilier de bar avait l'air un peu ahuri. Elle leva le nez et renifla.
— Écouter aux portes ? Que c'est mal élevé ! Sans aucun doute, Monsieur, vous espériez des tuyaux pour votre propre entretien. Je doute qu'un jeune homme si agressif puisse plaire à monsieur le directeur. Une compétence sans vantardise et des manières sans prétention font une bien meilleure impression, vous savez.
Sa hauteur était légèrement gâchée par le fait que l'excès de boisson la faisait vaciller.
Les yeux de Rogue s'agrandirent et il réprima difficilement son rire. Elle ne se doutait de rien. Elle ne savait pas ce qu'elle avait dit ni même qu'elle l'avait dit. Elle ne savait pas qu'elle n'était pas un pur charlatan. Oh, c'était grandiose.
Rogue lui sourit tendrement : elle venait juste de sauver sa vie. Il regarda derrière elle vers Dumbledore et son sourire s'élargit de triomphe. Il savait que le vieillard ne pourrait agir.
Les yeux bleus étaient durs comme le diamant. Les yeux noirs dansaient avec hilarité tandis que Rogue se rendait compte qu'il avait gagné. Tout gagné. Sa position auprès du Seigneur des Ténèbres, auparavant ... bancale ... serait inattaquable désormais. Et Dumbledore – handicapé comme il l'était par la morale et par la loi – ne pouvait même pas dénoncer publiquement Rogue comme Mangemort. Il l'avait appris par Légilimencie illégale – inadmissible dans tout témoignage officiel.
Rogue adressa sa dernière insolence au directeur avec un grand sourire.
— Eh bien, je m'en vais à présent.